22 octobre 2020 4 22 /10 /octobre /2020 19:51

Le lâche assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire et de géographie, est un acte barbare où son auteur ne pouvait se prévaloir de l’appartenance à la civilisation humaine. Ainsi, au-delà de sa nationalité, de son « appartenance religieuse », ce qui caractérise son acte –comme le sont tous les attentats terroristes –, c’est l’absence de tout humanisme. En effet, pour achever une personne de cette façon, l’auteur de l’acte terroriste a dû rompre tous les liens avec la communauté humaine.

Cela dit, cette présentation ne doit pas absoudre le courant politico-religieux qui sert de catalyseur. Définissant cette idéologie, Tahar Khelfoune, professeur de droit à l’université de Lyon, écrit ; « L’islamisme est une idéologie de contrôle politique, social et de censure de la pensée pour ne laisser libre cours qu’à l’ordre religieux afin d’asservir les sociétés. » Quoi qu’il en soit, tant que ce courant de pensée reste dans le cadre humain, les dégâts sont moins importants. Ce qui n’est pas le cas le vendredi 16 octobre 2020 quand Samuel Paty a été sauvagement assassiné.

Il est donc évident que Samuel Paty a été victime de la déviation de cette idéologie. Car, même si le travail de l’enseignant pouvait être contesté –en plus, il n’a accompli que son devoir en toute liberté –, il n’appartiendrait pas à un être humain, normalement constitué, de juger de mettre fin à vie de la personne mise en cause. Sans être un spécialiste des religions, il n’y a aucune religion qui octroie aux individus le droit d’ôter la vie pour des différends idéologiques, politiques ou autres.

Toutefois, malgré la responsabilité des courants idéologiques, ces monstres n’attendent nullement un mandat pour agir. D’ailleurs, si les religions pouvaient choisir leurs représentants, ces monstres seraient les derniers sur la liste. Malheureusement, ce sont ces personnes qui occupent l’espace.

Néanmoins, même si le cas de Samuel Paty est douloureux, la plupart de leurs victimes sont avant tout musulmanes. Et quand ces dernières ne le sont pas directement atteintes dans leur chair, elles sont pointées du doigt. Dans la plupart des émissions après chaque attentat, les commentateurs estiment que les musulmans ne dénoncent pas assez les attentats. Pour eux, les condamnations individuelles ne suffisent pas. Or, pour la plupart, ils mènent une vie discrète. Et surtout, ils ne cherchent à être représentés par personne. Et encore moins par les égorgeurs.

Mais, admettons que les musulmans doivent faire quelque chose collectivement. Quel sera l’émetteur de l’appel ? Dans une République comme celle de la France, la seule autorité à qui il faut répondre, ce sont les lois de la République. C’est peut-être à cause de ça qu’il n’y a pas de réaction communautaire. Sinon, individuellement, le cœur est avec toutes les victimes de ces barbares sans foi ni loi.     

  

18 octobre 2020 7 18 /10 /octobre /2020 19:38

Dans une contribution mêlant l’expérience historique et les défis du moment, Sadek Hadjeres donne une leçon magistrale aux usurpateurs du pouvoir. Pour lui, les issabates ne sévissent pas depuis les 20 dernières années. Profitant de la faiblesse d’un peuple exsangue par sept ans et demi d’une guerre impitoyable, un pouvoir militaire s’est imposé contre sa volonté. Peu à peu, et de déviation en déviation, le régime s’est transformé en une mafia coupée de tout lien avec le peuple.

Bien que l’équipe dirigeante actuelle parle d’une nouvelle Algérie, dans la réalité, elle n’est que la suite des équipes précédentes. D’ailleurs, dans l’équipe actuelle, plus de 90% ont servi aveuglément Bouteflika. En tout cas, leur point commun à tous est l’exploitation de l’histoire en vue de se maintenir ad vitam ad aeternam au pouvoir.

Cela dit, si les anciens chefs de l’État pouvaient se prévaloir d’une participation à la guerre d’Algérie –membre de l’EMG, Bouteflika n’a mis les pieds en Algérie qu’en 1962 pour la prise du pouvoir –, il n’en est pas de même de Tebboune. Pour créer un lien avec la révolution de novembre 1954, il convoque le corps électoral pour le 1er novembre 2020. Pour Sadek Hadjeres, c’est une conspiration ourdie « afin de travestir grossièrement le premier novembre officiel. »

En tout état de cause, ce spectacle serait destiné, selon Sadek Hadjeres, à satisfaire les appétits des prédateurs internationaux. Pour étayer cette thèse, il cite la double visite des responsables de l’armée américaine et « le forcing des autorités françaises. » La visite de Jean Yves Le Drain est intervenue après la publication de sa sublime contribution. Il ne s’agit donc pas d’un oubli. Leur but est clair : entrainer l’ANP dans les conflits impérialistes.

Jusque-là, les différentes équipes dirigeantes pouvaient agir sans risquer la moindre contestation. Cela dit, par devoir d’honnêteté, aucun d’eux n’a osé exposer la vie des soldats algériens à des dangers extérieurs. Or, depuis le 22 février 2019, la donne politique a changé. Les Algériens veulent se soustraire d’une dictature qui place les intérêts occultes au-dessus des intérêts de la nation.

Malheureusement, en ne tenant pas compte de l’avis des citoyens, le régime persévère dans ses errements. En faisant abstraction des  doléances du peuple, il renvoie l’espoir du changement aux calendes grecques. En attendant, le peuple algérien résiste comme il peut. Malgré un relâchement dû à la répression féroce, la flamme est toujours maintenue. En plus, les raisons de la colère sont toujours là. « Qui acceptera de sacrifier la vie de nos djounoud, de leurs officiers, patriotes et intègres pour complaire aux puissances impérialistes », s’interroge Sadek Hadjeres. Il appartient au hirak de répondre à cette interrogation.

Enfin, il va de soi que le risque majeur pour la nation est de se retirer du champ politique. De son côté, si le régime croit une seconde que le peuple est le détenteur de la souveraineté, il devra sauter tous les verrous pour que tout le monde puisse s’exprimer. Car, la souveraineté ne se limite pas à donner le droit de vote, mais c’est d’être à l’écoute des préoccupations du peuple algérien.  

   

4 octobre 2020 7 04 /10 /octobre /2020 18:12

Les anniversaires des événements d’octobre 1988 se succèdent sans que la situation politique ne change. Sans mauvaise foi ni reniement d’une semi-ouverture, force est reconnaître que la situation politique actuelle est pire que celle des années précédant les événements d’octobre 1988. En tout cas, le régime du parti unique était, à la limite, moins hypocrite. En privatisant l’Algérie, le régime sous Boumediene ou sous Chadli assumait pleinement l’exclusion du peuple. L’article 120 de la constitution de 1976 jusqu’à 1989 définissait le statut du citoyen, selon le prisme du pouvoir. Ainsi, toute participation à la vie politique du pays était subordonnée à l’appartenance au FLN postindépendance.

Toutefois, après avoir payé un prix de sang, le peuple algérien avait le droit au « pluralisme politique ». Dans le fond, cette concession n’était que tactique. L’éviction du gouvernement réformateur en juin 1991 annonçait la couleur. À vrai dire, le haut commandement militaire ne voulait pas perdre la main sur le processus politique, et ce, bien qu’il se soit retiré des instances dirigeantes du FLN en mars 1989. Enfin, la victoire du FIS en décembre 1991 a été exploitée par les décideurs en vue de refermer définitivement la parenthèse démocratique. Du coup, à partir de cette date, le processus politique est contrôlé loin de tout droit de regard du peuple algérien.

Malheureusement, en agissant de la sorte, les décideurs condamnent le pays à vivre dans le sous-développement. Car, tous les systèmes autoritaires ne font que détruire leurs pays. À titre d’exemple, la généralisation de la corruption ne peut s’expliquer que par la domination du régime. Malgré les richesses naturelles et le potentiel humain du pays, le régime a mené le pays à l’abattoir. Pire encore, sans le sursaut populaire de février 2019, le régime persistait dans son entêtement. Il n’a retiré la candidature de la honte de Bouteflika que près de 2 mois après le spectacle désolant de la coupole, tenu le 9 février 2019.

Enfin, même si le régime finit par admettre le constat d’échec, il ne veut pas aller vers une rupture avec l’ancien régime, telle qu’elle est réclamée par le peuple algérien. En imposant une solution unilatérale en décembre 2019, le régime condamne le pays à vivre sous le même régime défaillant. Pour illustrer ce propos, il suffit de rappeler la vénération du cadre. Sous Bouteflika, les responsables du FLN sont allés jusqu’à offrir un cheval à son portrait. Sous Tebboune, l’habitude ne disparait pas. C’est le cas, à Oran, le 3 octobre 2020, où le nouveau patron du FLN exhibe un cadre de Tebboune. Comme dit le proverbe : « on chasse le naturel, il revient vite au galop ». Pour ces raisons, faut-il attendre 20 ans pour sortir désespérément dans la rue ? Le peuple algérien est désormais averti. La solution est entre ses mains. De son silence ou de son engagement dépend l’avenir du pays. Qu’il fasse le bon choix.   

  

 

1 octobre 2020 4 01 /10 /octobre /2020 19:58

57 ans après la fondation du FFS, le climat politique reste vicié. En effet, l’éclatement de la crise politique en février 2019 ressemble, à quelques exceptions prés, à la révolte de 1963 qui a donné naissance au FFS. La différence principale, c’est qu’au sortir de la pénible guerre de prés de 8 ans, la jeunesse algérienne n’avait pas la force nécessaire de poursuivre le combat pour les institutions. Inversement –et c’est quand même paradoxal –, le potentiel politique était plus important dans les années 1960. En fait, le mouvement national a formé une génération en or. Des hommes, comme Hocine Aït Ahmed, ne tombent pas du ciel. D’ailleurs, le plus grand tort de la dictature, c’était d’empêcher cette génération de transmettre à grande échelle son savoir.

Pour revenir au contexte de l’époque, la crise politique provoquée par l’armée des frontières s’est achevée par une sorte de normalisation. Le peuple algérien a accepté sa défaite en agitant le drapeau blanc. Quant aux résistants, bien qu’une petite partie ait refusé de participer au processus politique sous la dictature, les plus raisonnables ont décidé de donner la chance à la jeune nation en formation. Leur condition était le respect des institutions. À ce titre, l’élection de l’Assemblée nationale constituante, le 20 septembre 1962, était porteuse d’un certain espoir.

Ainsi, bien que les vainqueurs de la crise de l’été 1962 aient une majorité écrasante à l’Assemblée, les députés menaient à bien leur mission et débattaient librement de la nouvelle constitution. Les interventions de Hocine Aït Ahmed illustraient cet intérêt pour doter le pays d’une constitution à la hauteur des sacrifices des meilleurs fils de l’Algérie. Hélas, le régime ne se contentait pas de la majorité parlementaire, mais il voulait humilier le peuple algérien en élaborant la constitution en dehors de l’Assemblée du peuple.

Depuis cette date, à chaque événement politique, le régime ne rate aucune occasion d’humilier le peuple. La dernière en date est celle qui consiste à reconduire un homme cliniquement mort à la tête de l’État pour un cinquième mandat. Toutefois, contrairement à 1963 où la révolte venait essentiellement des militants, en 2019, c’est quasiment tout le peuple qui se dresse contre ce régime défaillant. De même, l’avantage du hirak, c’est aussi sa capacité à rassembler tous les courants politiques. Malgré quelques tentatives des éradicateurs –la dictature a aussi réussi à pervertir la société en créant des courants racistes –, le hirak demeure attaché à son identité : tolérance, pacifisme et rassemblement.

Quant aux militants du FFS, leur engagement est total au sein du hirak. D’ailleurs, si Hocine Aït Ahmed était de ce monde, il soutiendrait sans condition ce mouvement, lui qui insistait depuis le recouvrement de l’indépendance à ce que le peuple se prenne en charge. Ce hirak répond donc à la principale mission historique du FFS consistant à combattre la dictature. Hélas, la disparition du chef charismatique du FFS a quelque peu désorienté le parti. Ainsi, à la question : peut-on être un élu national après le 22 février 2019 ? Les avis divergent. Seul un chef, comme Hocine Aït Ahmed, pourrait trancher cette question en faisant consensus. Cela dit, on sait tous qu’être militant du FFS, c’est être au service des causes. La cause du hirak l’est amplement.      

28 septembre 2020 1 28 /09 /septembre /2020 20:19

C’est plutôt le titre qui conviendrait à la contribution récente de Mouloud Hamrouche. Avant d’esquisser une solution globale à la crise algérienne, l’ancien chef du gouvernement réformateur situe d’emblée les enjeux de la crise. Pour ce faire, il s’interroge sur les causes qui perpétuent la crise, alors que notre pays possède tous les atouts –notamment son expérience historique – pour s’en sortir. Dans le fond, pour paraphraser Arnaud Montebourg, le plus grand défaut de l’Algérie, c’est son régime.

D’ailleurs, avant d’évoquer la constitution, il définit les éléments qui permettent à toute société de retrouver sa cohésion. Il s’agit en priorité de son espace. « Il est le bien commun de tous et de chacun. Pour nourrir son lien charnel avec l’espace, le peuple affirme son droit inaliénable et assume son propre récit national, sa propre mémoire et sa propre identité. Il se donne les moyens institutionnels, politiques et sécuritaires pour ordonnancer la vie de la communauté nationale, organiser et sécuriser le territoire. Pour cela, il proclame sa souveraineté, clame sa détermination à choisir librement l’idéal qui le guide, la loi qui le gouverne, à élire ses dirigeants et à les contrôler », définit-il les étapes nécessaires à la formation de la nation.

Hélas, depuis le recouvrement de l’indépendance, ces étapes sont zappées, voire supprimées, par un régime n’éprouvant aucun respect pour son peuple. Bien que le mouvement national ait balisé le terrain, le prolongement de la guerre a fait émerger des personnes qui n’avaient pas l’esprit des fondateurs du mouvement national. Leur prise de pouvoir par la force a conduit le pays à vau-l’eau. Résultat des courses : 58 ans après l’indépendance, le peuple algérien est toujours à la quête de sa souveraineté, usurpée par les hommes forts du régime.

Du coup, depuis l’indépendance, la relation entre le peuple, les dirigeants et les institutions est réduite à des manœuvres en vue de contrôler les rênes du pouvoir. Les différentes constitutions ne sont qu’un bail que le régime renouvelle à sa convenance. Ainsi, la volonté de l’homme fort du moment se confond avec le sort de tout le pays. Est-ce que les Algériens ont, par exemple, choisi le socialisme spécifique dans les années 1970 ? La réponse est non. Ce choix était celui d’un régime ou plutôt d’un seul homme, Houari Boumediene.

De la même manière, l’abrogation de l’article 74 en 2008 a été voulue par un seul homme pour satisfaire son égo démesuré. Faut-il rappeler que tous ceux qui sont aujourd’hui à la tête de l’État ont soutenu ce coup de force. En grande partie, ce passage en force contre la seule mesure positive de la constitution de 1996 a contribué à l’amplification de la crise politique, dont le summum a été atteint en février 2019 quand les mêmes soutiens ont voulu reconduire un homme cliniquement mort à la tête de l’État.

C’est la raison qui a poussé principalement les Algériens à sortir massivement dans la rue, en bravant la peur, pour refuser cette énième humiliation. Et pourtant, en 2019, il y avait bien une constitution et des institutions en place. Mais, comme le dit bien Mouloud Hamrouche, cela ne suffit pas. En l’absence de contre-pouvoirs, de l’éthique, de probité, on peut mettre en place la meilleure constitution du monde, le pays demeurera mal géré. Et si le régime feint d’ignorer cette réalité, la crise politique viendra cycliquement le lui rappeler. Malheureusement, le régime n’est pas prêt à tirer les enseignements de son échec. Au-delà de la responsabilité des personnes, c’est sa nature qui est en cause, car c’est elle qui génère ces dérives.

     

30 août 2020 7 30 /08 /août /2020 09:16

En remettant en cause le droit syndical, Issad Rebrab révèle l’image négative du libéralisme sauvage en Algérie. Bien que le groupe Cevital ait été présenté comme le modèle économique à encourager, il n’en reste pas moins que cela se fait au détriment de l’ouvrier. En d’autres termes, son principal dirigeant n’a rien à serrer de la situation de l’ouvrier ni de l’avis du Code du travail.

Cela dit, son attitude peut varier selon le pays où il se trouve. Si en France, par exemple, où il a sauvé une entreprise, il se plie à la réglementation, il n’en est pas de même, en Algérie, où les salariés de la filiale Numilog sont licenciés par voie postale et en enfreignant le droit des salariés. Dans le document en question, le motif de licenciement reste vague.

Pire encore, le groupe Numilog n’a même pas pris la peine d’attendre la décision de la justice, une justice pourtant au service des longs bras. Est-ce que Rebrab est à son premier abus. Sans vouloir refaire l’histoire, c’est toute sa fortune qui est acquise dans des conditions floues. L’ancien premier ministre, Belaid Abdeslam, ne cessait de le dire de son vivant sans qu’aucune déclaration ne remette en cause ses allégations.

Et pourtant, des citoyens ont cru à sa bonne foi. Après son arrestation en 2019, une vague de soutien s’est manifestée. Dans une petite cafétéria havraise où les gens de la région se rencontrent, j’ai été quasiment le seul à dire qu’il ne méritait pas une telle solidarité. À la limite, j’ai été de ceux qui condamnaient une justice revancharde. Car, après la chute de son clan, il était prévisible que des règlements de comptes suivent.

Hélas, cet élan de solidarité envers un homme injuste ne se manifeste pas quand il s’agit de défendre ses victimes. Préfèrent-ils le monde de la finance aux valeurs de solidarité ancestrales ? C’est à eux de clarifier leur position. Pour les détracteurs du libéralisme sauvage, le choix a été fait depuis des lustres. Toutefois, il ne faudrait pas confondre le libéralisme à la Rebrab et le libéralisme qui se pratique en Europe. Il y a des empires économiques –c'est le cas de Bouygues en France –où les droits des salariés sont respectés et garantis.

En Algérie, le combat doit être tous azimuts. Tout d’abord contre le régime qui fabrique ces monstres. Car, ce qui se produit chez Numilog ne pourrait pas arriver si la justice était libre. D’ailleurs, faut-il attendre quelque chose de la justice ? Si elle rétablit les ouvriers de Numilog dans leurs droits, ce sera son premier exploit. Mais, comme l’ont dit Moad Bouchouareb et ensuite Tebboune, le peuple algérien peut encore rêver.

 

23 août 2020 7 23 /08 /août /2020 15:28

Depuis le début du hirak, les résolutions de la Soummam paraissent incontournables en vue d’ériger la nouvelle République. C’est ce qui explique sans doute l’afflux des militants du hirak à Ifri Ouzellaguen. Parmi ces militants, plusieurs figures sont connues pour avoir payé cher leur engagement. On peut citer les anciens détenus d’opinion, à savoir Lakhdar Bouregaa, Karim Tabbou, Samir Belarbi, Fodil Boumala, Samira Messouci, etc.

Que signifie cet afflux vers cette partie chère à l’Algérie? Ce lieu représente un grand symbole, en l’occurrence la réalisation de l’unité nationale. En effet, ce fut à la Soummam que le document incluant toutes les formations algériennes dans le combat libérateur a été adopté. Mais, il rappelle aussi que le non-respect des résolutions de la Soummam a conduit le pays à la dérive autoritaire. Cela dit, il faut avoir l’honnêteté de dire que ces résolutions ont été piétinées par une partie de ceux-là mêmes qui les avaient élaborées.

En tout cas, les Algériens, surtout après le 22 février 2019, ont compris que l’absence de garde-fous menait forcément aux mêmes crises politiques. C’est pourquoi l’élection de Tebboune dans les conditions contestables, selon les observateurs, ne résout rien. Ne dit-on pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Ainsi, bien que le discours officiel fasse place au respect des libertés, à la moindre contestation citoyenne, le réflexe autoritaire, hérité du système mis en place en 1962, reprend le dessus. C’est la raison pour laquelle les citoyens se sont donné rendez-vous au lieu du congrès de la Soummam pour renouveler  le serment de rompre avec le système, responsable de tous les malheurs de l’Algérie.

Toutefois, il faut concéder que les pesanteurs ne viennent pas seulement du régime. Ainsi, cette célébration est entachée par des réactions indignes de quelques individus se prenant pour les ayatollahs de la morale en Kabylie. Bien que Samir Belarbi n’ait pas besoin d’aucune autorisation –il est partout chez lui en Algérie – de se rendre à Ifri, certains extrémistes lui reprochent de prendre une photo avec des « femmes kabyles ».

Cependant, la meilleure réponse vient de la principale concernée. Il s’agit de l’avocate Nassima Rezazgui. « Je suis Algérienne fière de l’être. Je suis Kabyle fière de l’être. Mon éducation, mes valeurs et mon honneur sont intouchables. Je suis libre et majeure pour me prendre en photo avec qui je veux », écrit-elle sur sa page facebook. Pour qui comprend en peu de mots, il n’y a rien à rajouter à cette réponse magistrale.

Enfin, il va de soi que la victoire du hirak va permettre certes de remettre le pays sur les rails. En s’appuyant sur des valeurs universelles, les institutions seront contrôlées par la volonté populaire. Hélas, la révolution du sourire ne résoudra pas tout. Les problèmes relatifs au comportement et au racisme nécessiteront une autre révolution. Et il y a vraiment du pain sur la planche.   

21 août 2020 5 21 /08 /août /2020 19:20

Les masques sont désormais tombés à Paris. En effet, depuis le 16 août 2020, les perturbateurs des rassemblements de la place de la République rejoignent leur famille politique de cœur, en l’occurrence le MAK. Du coup, à la même heure que le rassemblement de la place de la République, ils se sont donné rendez-vous, dimanche dernier, à Stalingrad pour parler de leurs sujets de prédilection.

Cela dit, le propos ici n’est pas de condamner des militants –quelle que soit leur cause –de manifester. Toutes les causes sont défendables et chaque individu, sur cette planète, a le droit d’exprimer son opinion. Mais, est-ce que toutes les causes sont défendables par tout le monde et en même temps ? La réponse est non. Ainsi, à partir du moment où le projet du hirak et le projet du MAK sont antinomiques, on n’a pas le droit d’exploiter une cause pour en hisser une autre.

 En tout cas, la position du MAK a été exprimée, dès le début du hirak, par Ferhat Mehenni. Dans une vidéo, il a appelé des partisans à jeter les drapeaux des chouhadas à la poubelle. De leur côté, les citoyens de la région de Kabylie ont répondu de la plus belle des manières en brandissant le plus grand drapeau jamais hissé dans les manifestations du hirak. De même, en agissant avec intelligence et un civisme exceptionnel, les militants du hirak renvoyaient systématiquement les militants de Ferhat Mehenni dans leurs rassemblements en Kabylie.

Hélas, si en Algérie la marge de manœuvre était restreinte, il n’en est pas de même en Europe. En plus, le scénario, qui a été préparé fin juin 2020 à la place de la République, pouvait séduire les nostalgiques du coup d’État de janvier 1992. Alors que le mouvement Rachad a joué un rôle honorable depuis février 2019, les infiltrés voulaient présenter à l’opinion ses militants comme de vulgaires terroristes. Malgré les explications des membres de Rachad, ces infiltrés exigeaient leur exclusion du hirak et la rédaction d’une charte interdisant leur mouvement.

Bien que ces revendications sentent d’emblée le piège, les militants du hirak ont gardé leur sang-froid. Et pour cause ! Quand un peuple est en quête de sa liberté, il n’accepte pas d’être détourné de son objectif. En tout cas, si le régime, avec tous ses moyens répressifs et également de coercition, n’a pas réussi à faire éclater le hirak, ce ne sont pas les quelques extrémistes qui y parviendraient. Cela dit, leur nuisance peut freiner le mouvement. C’est la raison pour laquelle les militants du hirak, en Algérie ou à l’étranger, doivent doubler de vigilance.

Enfin, il va de soi que le jeu de ces infiltrés est habile. Combien de fois leur chef de file a parlé en arabe pour tromper l’opinion. Heureusement, à l’ère d’internet et des réseaux sociaux, il est difficile de cacher son jeu. Ainsi, en 2012, Abane Meziane a été arrêté à l’aéroport d’Alger après son retour de Tunisie où il a participé, en tant que représentant du MAK, à une rencontre sur les droits de l’Homme. Finalement, même en participant au hirak, il n’a pas coupé les ponts avec le MAK. Le soutien de Ferhat Mehenni après l’affaire de république, sa participation à une émission TV web du Mak et le rassemblement du 16 août 2020 le discréditent définitivement.           

 

19 août 2020 3 19 /08 /août /2020 19:28

Malgré les 64 ans qui nous séparent du congrès de la Soummam, les détracteurs ne cessent de proliférer. Si, en 1962, l’équipe victorieuse de la crise de l’été de la même année était impliquée directement dans la crise –Ben Bella était l’adversaire le plus acharné du congrès de la Soummam –, après l’indépendance, ce sont le régime et toute sa clientèle qui rejettent les résolutions de la Soummam. C’est le cas notamment après la révolution du sourire. Ainsi, quand la rue algérienne voulait réhabiliter le congrès de la Soummam, les soutiens du régime ont inventé le slogan la badissia-novembria. Ce qui est historiquement un non-sens.

Toutefois, pour mieux comprendre l’esprit du congrès de la Soummam, il faudrait  rappeler le contexte. Bien que la déclaration du 1er novembre 1954 soit d’une importance capitale, il n’en reste pas moins que les rédacteurs se sont contentés des principes généraux. C’est le cas quand il propose la négociation. Sur quels critères fallait-il désigner les négociateurs ? Qui allait les valider ? C’est la raison pour laquelle les initiateurs de l’action armée ont programmé une réunion d’évaluation –et éventuellement d’élaborer d’autres documents – courant janvier 1955.

Or, la situation du front ne permettait pas d’organiser une telle rencontre nationale. D’où son renvoi sine die. En tout cas, après l’effet de surprise, les autorités coloniales ont déployé leur arsenal militaire coupant les liaisons entre les wilayas historiques. Dans une rencontre avec les militants de la fédération du FLN au Maroc, en février 1960, Lakhdar Ben Tobbal a avoué qu’avant le congrès de la Soummam, « chaque wilaya vivait renfermée sur elle-même et volait de ses propres ailes. »  Quant à l’organisation nationale, elle était à peu près la suivante : en mars 1955, 3 chefs historiques intérieurs sur 5 ont été neutralisés. Au début de l’année 1956, le 4eme a quitté le territoire en vue d’acheter les armes. À partir du 22 octobre 1956, seuls 2 chefs historiques sur 9 étaient en libertés. Enfin, après mars 1957, il ne restait que Krim Belkacem sur le terrain.

Face à cette hémorragie, la révolution devait-elle démissionner ? Dans la déclaration du 1er novembre 1954, les rédacteurs faisaient du FLN un front de tous les Algériens et non la propriété d’un groupe détenant une quelconque autorité morale. « Le Front de libération nationale est le ton front, sa victoire est la tienne », lit-on dans la fameuse proclamation. Dans ce cas, qui est-ce qui pourrait empêcher d’autres Algériens de prendre en charge la révolution même si ils ne faisaient pas partie du groupe des neuf. Mais, dans le cas où ils ne voulaient que d’autres Algériens qu’eux organisent la révolution, pourquoi les détracteurs de l’époque n’ont rien fait pour tenir la réunion programmée en janvier 1955 ? Plus grave encore, pourquoi ne voulaient-ils pas revenir à l’intérieur pour organiser sur place la révolution ? À moins que ces difficultés ne soient pas leurs préoccupations.

Enfin, que les détracteurs le veuillent ou non, le congrès de la Soummam a donné le sens à la révolution algérienne. En définissant le cadre de la négociation, le congrès de la Soummam a évité une implosion certaine. Ainsi, malgré l’acharnement des membres de l’état-major général à saborder la négociation –certains voulaient une victoire militaire, mais ils n’ont jamais mis les pieds en Algérie de 1954 à 1962 –, le conseil national de la révolution algérienne, issu du congrès de la Soummam, a mis fin au conflit en adoptant les accords d’Evian à plus de 4/5eme des membres. À vrai dire, moins trois voix des membres de l’état-major général.

Sur le plan politique, l’esprit de la Soummam a permis de réaliser le projet que toute nation en conflit voudrait faire : le rassemblement de toutes les forces vives de la nation. Cela dit, s’il fallait rajouter une ligne à cette plateforme, ce serait la suivante : à l’indépendance, tous les mouvements reprendraient leur autonomie. Car, cette faille a laissé la porte ouverte aux malintentionnés de faire du mouvement de libération un moyen d’instaurer leur abjecte dictature. Sinon, pour le reste, l’histoire retient que le congrès de la Soummam n’est pas en contradiction avec la proclamation du 1er novembre 1954. Cela se passe uniquement dans la tête des détracteurs du congrès de la Soummam.          

12 août 2020 3 12 /08 /août /2020 19:39

Avant même l’avènement de l’état-major général, en janvier 1960, la situation politique était déjà catastrophique. Ce groupe d’officiers, installé aux frontières, que présidait Houari Boumediene, n’a fait que précipiter la révolution, dans le premier temps, et le pays, ensuite, dans un précipice. Et pourtant, en 1954, il n’y avait rien qui présageait une telle issue.

Bien que le FLN historique soit issu de la scission du parti indépendantiste, en l’occurrence le PPA-MTLD, il n’en reste pas moins que les fondamentaux du parti ont été préservés. D’ailleurs, dès le début, le slogan principal du front était : « la révolution par le peuple et pour le peuple. » Ce qui voulait dire que les institutions, même pendant la guerre, ne pouvaient être que démocratiques. Sinon, il était difficile d’associer le peuple à un tel projet.

Ainsi, malgré un début difficile, à partir de 1956, et notamment après le congrès de la Soummam, il était question de consulter le peuple dans tous les cas où la situation le permettait. C’est le cas lors de la constitution des Assemblées du peuple, composées de 5 membres. Lors des débats entre les congressistes à la Soummam, Ben Mhidi a défendu ce principe avec abnégation. Il voulait « des candidatures libres avec multiplicité de listes, sans limitations d’aucune sorte. Pour lui, un responsable loyalement élu serait forcément plus engagé qu’un responsable nommé ; une élection vraie serait une marque de confiance dans le peuple », écrit Gilbert Meynier dans « histoire intérieure du FLN 1954-1962 ».

Hélas, la militarisation de la révolution a détruit peu à peu ce noble projet. L’arrestation de Larbi Ben Mhidi en février 1957 et son lâche assassinat en mars de la même année a considérablement affaibli le comité exécutif de la révolution. De même, en perdant son allié de taille, Abane Ramdane ne pouvait rien faire face à l’alliance des colonels. Sa résistance a fini par l’emporter. Il a été assassiné à Tétouane, par ses propres frères d’armes, en décembre 1957.

Cette gestion de la révolution par la violence a ouvert la voie à d’autres opportunistes. Installés aux frontières, ces officiers, sans passé militant, n’attendaient que le moment opportun pour s’emparer des rênes du pouvoir. Ainsi, à partir de 1961, l’état-major général échappait au contrôle du gouvernement provisoire. Géré par les anciens militants du PPA-MTLD, de l’UDMA et des Oulémas, le GPRA a tu ces différends en pensant qu’à l’indépendance, la parole serait revenue au peuple.

Malheureusement, l’histoire ne leur a pas donné raison. Car, pour l’état-major général, le pouvoir n’était pas une question de légitimité, mais il se mesurait au seul rapport de force. Comme le dit si bien Gilbert Meynier, « rien d’étonnant, finalement, à ce que ce fût l’état-major général qui se fût opposé au pouvoir civil du GPRA en 1961-1962 et en eût finalement triomphé par la force et dans le sang à l’été 1962. »

Du coup, ce pouvoir, qui s’est installé sans la volonté du peuple –on est même tenté de dire contre sa volonté – n’a jamais voulu aller vers un État, propriété de tous les Algériens. Enfin, entre une résistance mitigée et parfois un silence incompréhensible, le peuple algérien est toujours en quête d’un État à construire. Pour ce faire, il y a une condition : rompre avec le régime instauré en 1962.    

 

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