8 mai 2008 4 08 /05 /mai /2008 15:59

setif.jpg« Si les peuples sont heureux sous la forme de leur gouvernement, ils le garderont. S’ils sont malheureux, ce ne seront ni vos opinions, ni les miennes, ce sera l’impossibilité de souffrir davantage et plus longtemps qui les déterminera à le changer, mouvement salutaire que l’oppresseur appellera révolte.» Diderot : Histoire des deux Indes.

Cette citation peut s’appliquer parfaitement au cauchemar qu’a vécu le peuple algérien, le 8 mai 1945. Ainsi, à la réclamation de vivre librement dans son pays, les Algériens ont eu droit à une répression aveugle. Finalement le droit à l’asservissement, acquis par la force, a été conservé.  C’est ainsi que la célébration de cette journée a deux significations, que l’on soit Français ou Algériens. Si pour les premiers, il s’agissait d’une indépendance retrouvée après une occupation nazie très pénible, les seconds s’inclinent devant la mémoire des leurs pour avoir demandé la même liberté. Toutefois, le contexte de l’époque, notamment la défaite du fascisme et du nazisme, n’avait-il pas  aidé les Algériens à croire aux principes théoriques, claironnés dans le monde, des peuples dits « civilisés » ? En effet, les Algériens étaient naïfs de croire en la charte de l’Atlantique, du 14 août 1941, qui proclamait : « le droit pour chaque peuple de choisir la forme du gouvernement sous lequel il doit vivre. » Ils ont simplement oublié que la démocratie occidentale n’avait de valeur que s’il s’agissait de leurs semblables. La conférence de San Francisco, ayant défini les contours de l’organisation des nations unies (ONU) n’a-t-elle pas soutenu, elle aussi, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? En tout cas, s’il y avait une telle velléité sur le papier ; sur le terrain, les colonisés étaient obligés d’affronter à mains nues l’arsenal de guerre de l’occupant pour acclamer sa soif de vivre sans carcans.

Cependant, pour anticiper toute manœuvre des alliés, les ultras de l’Algérie française ont imaginé un scénario idéal pour mater toute revendication. Selon Yves Benot, auteur des massacres coloniaux : « en avril 1945, le préfet d’Alger, Périllier, crée des incidents à Reibell où est assigné à résidence Messali Hadj, et en prend prétexte pour faire déporter le dirigeant nationaliste, le 23 avril, d’abord dans le sud, à El Goléa, puis en AEF (Afrique de l’Est Française).» la cause était probablement la consécration de Messali, un mois plus tôt, chef incontesté du mouvement nationaliste par les AML( les Amis du Manifeste et de la Liberté). Cette organisation regroupait par ailleurs tous les partis nationalistes. Ainsi, à la nouvelle de la déportation de Messali à Brazaville, le 30 avril 1945, les militants du PPA (Parti du Peuple Algérien), alors clandestin, ont décidé d’organiser une manifestation pour le lendemain. Les  mots d’ordre inscrits sur pancartes étaient : «  Libérez Messali ! », « Algérie libre et indépendante ». Slogans séditieux pour les autorités coloniales pouvant entraîner la mort sur le champ. Profitant de la journée mondiale du travail, les nationalistes ont voulu, d’après l’historienne Annie Rey Goldzeiguer : « démontrer aux autorités et à l’étranger que la population musulmane affermit sa volonté de poursuivre la lutte contre la domination de l’impérialisme français.»

Cependant, le 1er mai n’a été préparé que dans les principales villes du pays. Les militants nationalistes ont beau essayer d’informer le maximum de sections du parti, le temps imparti n’était pas suffisant. Fidèles à leur politique de répression, les autorités coloniales ont réuni leur arsenal de guerre pour dissuader les Algériens de marcher. A Alger, dés le matin, un imposant barrage policier a été dressé pour juguler la procession des manifestants. Et dés l’apparition du drapeau algérien, la police n’a pas hésité à déclencher les hostilités. Dans une enquête menée par Henri Alleg sur cette journée, il a conclu : « il y avait eu quatre mort et sept autres qui ne survivront que quelques jours à leur blessure. » toujours à Alger, la répression n’était pas le seul apanage des policiers. L’auteur de : « aux origines du mouvement national », Annie Rey Goldzeiguer a noté à juste titre que : « les Européens des abords de la rue d’Isly ont non seulement barricadé leur balcon, mais des coups de feu ont été tirés sur les manifestants. » l’autre ville à avoir connu le cauchemar ce jour-là était Oran. L’intervention de la police a provoqué une bagarre énorme. Bilan de la journée : un mort et plusieurs blessés du coté des manifestants. En revanche, dans d’autres localités où ont eu lieu des manifestations, la dispersion n’a pas entrainé de graves incidents. A Sétif, la marche s’est terminée dans le calme. A Guelma, la marche était silencieuse.

Par ailleurs, au lendemain des événements d’Alger et d’Oran, un bilan d’évaluation s’imposait aux nationalistes. La décision qui s’était dégagée : ne pas baisser les bras face à la politique répressive coloniale. Mais face à une autorité réactionnaire, la situation ne pouvait connaitre autre chose qu’enlisement et pourrissement.  Cette détermination des nationalistes n’était-elle pas une occasion aux autorités coloniales d’empêcher la restructuration du parti nationaliste, interdit depuis 1939? La réponse est oui car le parti, même clandestin, continuait de mobiliser le peuple à chacun de ses appels.  C’est ainsi que toute la première semaine de mai, des arrestations des nationalistes s’étaient effectuées à un rythme effréné. Le rouleau compresseur colonial a pu ainsi démanteler quelques organisations locales, notamment à Alger et à Oran. Résultat des courses : pas de manifestation des nationalistes dans ces deux grandes villes.

En revanche, là où c’était possible, les Algériens ont répondu favorablement, bien que le risque ait été énorme, à l’appel des AML, dont le PPA est fortement représenté.  Bien que la répression se soit déplacée dans le constantinois, d’autres localités ont connu l’intervention musclée des autorités coloniales. Dans le  Constantinois, A.R.Goldzeiguer a résumé la journée comme suit : « au matin du 8 mai, Sétif est le théâtre de violents affrontements. Le soir des heurts seront enregistrés à Guelma et Bône (Annaba).» A Sétif, les organisateurs ont tenu à ce que la manifestation ait lieu dans le calme. Aucune arme n’a été tolérée. La manifestation avait deux objectifs : célébrer la fin du nazisme en déposant une gerbe au monument aux morts et prouver aux autorités que l’Algérie aussi avait vocation à être libre. Ils ont choisi pour seule arme leur drapeau. Mais là aussi, comme au 1er mai, les policiers dégainaient leurs revolvers dés l’apparition du drapeau algérien.

A Guelma, la tâche a été accomplie par le sous-préfet Achiary. Ce dernier n’a pas hésité à tirer sur le porte drapeau après qu’il a été interpellé par un militant socialiste du nom de Fauqueux : « alors, monsieur le sous-préfet est ce qu’il y a ici la France ? » selon Jean Louis Planche, auteur du  (8 mai 1945 : un massacre annoncé) : « comme sous un coup de fouet, Achiary saisit son revolver dont il s’est armé, entre dans la foule droit sur le porte drapeau et tire. Son escorte ouvre le feu sur le cortège qui s’enfuit, découvrant dans son reflux le corps du jeune Boumaza.»

Par ailleurs, dans deux villes, l’intervention des maires a évité la catastrophe. Il s’agissait des villes de Khenchella et Bourdj-Bou-Arreridj. D’après Y. Benot : « maire et administrateur veillent à éviter l’intervention policière.» En revanche, à Blida les ingrédients étaient réunis pour qu’un carnage ait lieu, mais des Anglais et des Américains étaient présents dans la manifestation portant eux-mêmes les drapeaux de leurs pays. Pour Y. Benot : « il devenait difficile d’ouvrir le feu…. Néanmoins, le porte drapeau a, ici aussi, été tué. »

Pour conclure sur cette semaine meurtrière, on peut affirmer que la responsabilité des autorités coloniales a été totale. Le refus d’obéir aux injonctions policières pour jeter leur drapeau était la part de responsabilité des manifestants dans les événements du 1er et 8 mai. En tout cas, l’éventualité de jeter son drapeau paraissait impossible comme le soutenait un manifestant du 8 mai 1945 : « le drapeau étant sacré, il est impossible de le remiser une fois sorti. » Mais, pour qu’une émeute se déclenche, le meilleur moyen n’est-il pas de saisir les banderoles, les pancartes aux manifestants ? En tout cas, le nombre de victime, ce jour-là,  nous renseigne aisément sur les responsables du massacre. Pour Y. Benot : « aucun policier à Sétif non plus qu’à Guelma, n’a été blessé par balle. »

Quant à la répression qui a suivi cette révolte(en France, on l’appelait le droit à l’insurrection contre l’oppresseur, le plus sacré des devoir disait la Fayette en juillet 1789, cité par Y. Bneot), les autorités ont mobilisé l’aviation, la marine, les gendarmes, la milice civile, les sénégalais, etc. pour venir à bout d’une guerre imaginaire selon la citation latine : « Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant.» traduction : « où ils font un désert, ils disent qu’ils ont donné la paix. »

Sources :

Yves Benot : les massacres coloniaux,

Annie Rey Goldeziguer : aux origines du mouvement national,

Jean louis Planche : 8 mai 1945, le massacre annoncé.

                                 Par Ait Benali Boubekeur. 8 mai 2008

23 mars 2008 7 23 /03 /mars /2008 16:46

cruaLe comité révolutionnaire pour l’unité et l’action (CRUA) a eu, certes, une courte existence mais l’immense œuvre qu’il a réalisée restera indéfiniment indélébile dans la mémoire algérienne. Né de la scission du parti nationaliste, le MTLD (mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), il a tenu à ressouder, dans le premier temps, les rangs du parti avant de s’engager dans une perspective d’action armée en vue de soustraire le pays du giron colonial. Bien que certains membres du comité central aient accompagné ce comité dans le seul but de contrarier Messali, président du parti, il n’en reste pas moins que les partisans de la voie neutraliste ont su gérer, avec intelligence, cette période cruciale en l’orientant dans le sens de rassembler toutes les forces vives de la nation.

La crise de leadership au sein du parti a failli emporter le dernier espoir d’émancipation du peuple algérien du joug colonial. Car le MTLD, principal parti nationaliste, était le seul qui pouvait bousculer l’ordre établi par la puissance coloniale. En se trouvant devant l’inéluctable séparation entre le président et les membres du comité central, un groupe d’activistes a opté pour la solution qu’attendait la base depuis les événements de Sétif et Guelma en 1945 : le passage à l’action armée.

Quels étaient alors les moments forts allant de la scission au passage à l’action en passant par la naissance du CRUA, le 23 mars 1954 ? La crise au sommet du parti a connu son point de non retour lorsque la direction du parti avait appelé, le 10 décembre 1953, pour la tenue d’un congrès national algérien. Cette proposition, pour rappel, avait été rejetée lors du congrès tenu six mois plus tôt. Messali, en résidence surveillée à Niort, avait décidé alors d’utiliser tous les pouvoirs en sa possession pour que la direction ne réussisse pas dans cette entreprise. En estimant que le comité central se lançait dans une voie de réformisme, le président avait décidé de porter le débat dans la rue pour que l’opinion sache l’orientation déviationniste, selon lui, du comité central.

Ces divergences étaient-elles surmontables? Les historiens qui ont étudié la question ont estimé que le différend concernait la ligne directrice du parti. Du coup, toute réconciliation n’aurait été qu’éphémère. L’historien algérien, Mohamed Harbi, dans son livre « aux origines du FLN », a expliqué que les divergences remontaient au second congrès du MTLD d’avril 1953. Il a retenu notamment quatre points :

1) La recherche d’appuis extérieurs

2) La politique électorale

3) L’unité nord-africaine

4) La politique des alliances en Algérie

Cette situation a engendré deux tendances qui n’étaient pas prêtes à céder sur leurs positions de principe. L’un des animateurs de la troisième voie dite neutraliste, Ahmed Mahsas, a constaté que : « les risques de la division se sont aggravées plus que jamais. Nous sommes toujours en présence de deux parties hostiles ».

C’est à ce moment-là, il y a cinquante quatre ans, un certain 23 mars, que naissait le CRUA. La réunion s’est déroulée dans une école coranique Al Rachad. Elle a regroupé quatre militants : Boudiaf, Ben Boulaid, Dekhli et Bouchebouba. Toutefois, si les deux premiers avaient fait partie de l’organisation paramilitaire du MTLD, l’OS, les deux derniers étaient des politiques proches des centralistes. Le comité s’est fixé pour objectif la réunification du parti et son orientation vers l’action armée à court terme. Selon Gilbert Meynier : « pour Boudiaf, l’objectif était de convoquer un congrès unitaire où toutes les tendances seraient représentées, y compris les anciens de l’OS, écartés depuis 1951 et interdit de congrès en 1953, de refuser de reconnaître la délégation provisoire messaliste…. ».

Cependant, si les centralistes étaient bien représentés, l’autre tendance en conflit ne voyait qu’un parti pris flagrant contre elle. En effet, Messali ne voyait dans les membres du CRUA que l’ombre des centralistes et à leur tète Hocine Lahouel, membre influent du comité central. En effet, pourvu que Messali n’ait pas le dernier mot, les centralistes, il faut le dire, étaient prêts à jouer toutes les cartes. D’ailleurs, dés le premier numéro du patriote, bulletin du CRUA, le parti pris contre Messali était clairement affiché. La raison à cela selon Harbi était que : « Le financement du bulletin et son impression sont assurés par une somme de deux cent mille francs (2000 NF) avancés par le comité central ».

Les soupçons qui pesaient sur Dekhli et Bouchebouba étaient avérés exacts lorsque les deux tendances, centralistes et messalistes, préparaient séparément leurs congrès pour l’été 1954. Dekhli et Bouchebouba ont soutenu nettement le point de vue du comité central au sein du CRUA, alors que Boudiaf et Ben Boulaid, les deux autres membres, ont estimé inutile la convocation du congrès centraliste. Ils ont proposé la préparation de l’insurrection immédiate afin que la lutte réunisse tout le peuple autour de cet idéal. Mais la tergiversation des centralistes a conduit le groupe à se scinder. Ceux qu’on appelait les activistes du CRUA ont convoqué, le 25 juin 1954, à l’insu des deux autres membres, une réunion à laquelle ont participé vingt-deux militants de l’organisation spéciale. C’était le fameux groupe des 22. Ce jour-là la discussion était orientée dans le sens de réunir les conditions pour défier un système colonial injuste qui a trop duré. La décision d’affronter la puissance coloniale n’a rencontré aucune opposition parmi les présents. Ils ont, pour ce faire, créé un conseil collégial contenant cinq membre : Boudiaf, Ben Boulaid, Bitat, Ben M’hidi et Didouche. Leur mission était de réunir les conditions pour qu’une action armée soit déclenchée dans un temps relativement court.

Cependant, le conseil de la révolution a pris définitivement la place du CRUA après la tenue de la conférence des cadres, de la tendance centraliste, le 1 juillet à Alger. Cette conférence a scellé la division entre centralistes et activistes. Au reproche de Zoubir Bouadjadj, membre des 22, à l’encontre des centralistes les accusant de trahir le CRUA, Bouchebouba a répondu : « le CRUA n’existe plus. Nous l’avons formé pour éviter la scission, nous avons échoué : le CRUA doit disparaître ». En outre, lorsque les 13-15 juillet, Messali a convoqué, à Hornu, en Belgique, le congrès de la rupture qui a prononcé la dissolution du comité central et l’exclusion des ses principaux responsables, le conseil de la révolution ne pouvait dorénavant compter que sur ses forces.

Il ne restait, par conséquent, au conseil de la révolution qu’à convaincre les Kabyles de se joindre à eux pour se lancer véritablement dans l’action armée. La rencontre entre Ben Boulaid pour le groupe des 22 et Krim Belkacem et Amar Ouamrane pour la “ fédération du MTLD“ de Kabylie, a eu lieu au café maure, El Arich, à Alger. Dans « les fils de la toussaint », Yves Courrière a raconté cette entrevue avec plus de précision : « Ben Boulaid est très étonné de voir Krim et Ouamrane l’approuver. La Kabylie est prête à se joindre à vous, dit Krim Belkacem, mais tu connais notre sympathie pour le vieux Messali ». En somme, fin août, Krim et Ouamrane se sont ralliés aux 22 et Krim a été désigné pour être le sixième membre du conseil de la révolution. C’était le « comité des six », lequel a été rejoint par les membres de la délégation extérieur du MTLD composée de Ben Bella, Khider et Ait Ahmed. Ce nouveau groupe, dit des neuf, a rédigé un appel à tous les Algériens les exhortant de rejoindre le nouveau parti, le FLN, dont le seul but était la libération nationale.

Pour conclure, l’intransigeance de chaque partie à imposer sa perception de ce que devait être la conduite du mouvement national a rendu l’union chimérique. En revanche, le point positif, s’il en est un, était que chaque militant, étant libéré de la discipline partisane, pouvait décider, en son âme et conscience, du chemin à suivre. Ce dernier a bien entendu choisi le plus raisonnable et le plus bénéfique pour l’avenir de ses enfants. Pour Harbi : « la base ne pensait qu’à l’action. Pour cette raison, toute entreprise qui pourrait rompre avec le byzantinisme où s’enfonçait les discours avait des chances de succès ». Finalement, malgré la division tant douloureuse des politiques algériens au sein du principal parti nationalistes, l’histoire ne retiendra que l’immense œuvre de ses meilleurs fils : la libération du pays. D’ailleurs, un proverbe ne dit-il pas que : « A quelque chose malheur est bon ».

                                     Par Ait Benali Boubekeur, 23 mars 2008

Sources :

1) Yves Courrière : les fils de la toussaint.

2) Mohamed Harbi : aux origines du FLN.

3) Gilbert Meynier : histoire intérieure du FLN.

28 novembre 2007 3 28 /11 /novembre /2007 11:00

cb3-vote-algerie.jpgLe code communal ayant régi les premières assemblées locales a été adopté le mois de janvier 1967, soit cinq ans après l'indépendance du pays. Il faut dire que les luttes intestines pour le contrôle des institutions ont handicapé le pays pendant un temps relativement important. Ainsi, dans le journal officiel du 18 janvier, le conseil de la révolution, dirigé par feu Boumediene, avait justifié les motifs de la dite loi en mentionnant que « la commune est la cellule de base de la nation ». Mais, pourquoi attendre cinq ans pour qu'une loi définissant le socle du pays soit votée ? Dans le texte publié dans le JO, aucune raison na été avancée pour expliquer ce retard. En revanche, selon Ahmed Rouadjia, auteur de « Grandeur et décadence de l'Etat algérien », il y avait une espèce de dichotomie entre lidéologie incarnée par le conseil et sa pratique. Il note d'ailleurs à ce propos qu « au lendemain de l'accession de l'Algérie à l'indépendance, les collectivités locales fonctionnaient selon des règles héritées du régime colonial et que, jusqu'à ce jour, les communes restent régies par une série de textes confus pris par l'ancienne puissance occupante, avec le seul souci d'étendre et d'organiser la colonisation ». Malgré ce retard, les premières élections municipales de l'Algérie indépendante, où l'empreinte du conseil de la révolution était latente, ont eu lieu enfin en février 1967 et mai 1969. Il a été exigé notamment des candidats un engagement indéfectible au service de la révolution socialiste. C'est à partir de la troisième élection locale de février 1971, d'après A. Rouadjia, que le conseil de la révolution a abandonné son rôle, de désignation des candidats, au profit du parti qui, lui-même, se battait pèle mêle pour l'attachement sans vergogne de l'Algérie au régime socialiste. Par ailleurs, jusqu'à avril 1990, le code communal n'a pas connu aucune fluctuation. Pendant ce temps-là, les élections se suivaient et se ressemblaient. Après l'ouverture démocratique de 1988, survenu au forceps, un nouveau code communal a vu le jour. A vrai dire celui-ci a reconduit peu ou prou les mêmes dispositions. La nouveauté, et elle est de taille, se situe au niveau de l'autorité du wali. Ce dernier a vu ses prérogatives plus affirmées que par le passé. En cas de litige avec l'assemblée communale, le wali peut trancher le différend sans qu'il tienne compte de l'avis de celui qui a été élu dans sa localité. La nouvelle donne a effectivement bousculé les habitudes en Algérie. On rentre désormais dans une phase d'intrigues et de pièges. A partir de ce moment-là le parti unique n'était et n'est plus le seul parti en lice lors des joutes électorales. Du coup, les autorités ont mis en place un ensemble de barrières pour s'assurer le contrôle pérenne du pouvoir à tous les échelons. Elles n'ont pas négligé non plus le risque de voir les islamistes devenir maitres des collectivités locales. Ainsi, le renforcement des pouvoirs du walis sur les communes est interprété par certains observateurs comme étant un piège tendu à l'opposition en général et aux islamistes du FIS en particulier. Ces derniers étaient les premiers à réagir. Une marche a été organisée par ceux-ci exhortant les autorités à leur débloquer de l'argent nécessaire pour tenir leurs promesses électorales. En tout cas c'était leur mot dordre. Toutefois, depuis l'interruption du processus électoral de décembre 1991, les maires se sont aperçus (excepté sans doute les élus de la coalition) de la perte non négligeable de leur pouvoir au bénéfice de la fonction exécutive. Désormais, l'article 92 fait du wali « un représentant de l'Etat » et « délégué du gouvernement au niveau de la wilaya ». Bien que la loi ait laissé des miettes aux élus, en cas de litige, le dernier mot revient toujours au wali. La loi de Zerhouni ne rétablit pas l'équilibre si ce n'est d'accorder plus de pouvoirs aux secrétaires généraux des assemblées communales. Pour conclure, il va de soi que les élections du 29 novembre prochain ne s'inscriront que dans la continuité. Certes, le citoyen est appelé à choisir ses représentants, mais personne n'est dupe pour considérer que le pouvoir réel sorte des urnes.

Par Boubekeur Ait Benali, 28 novembre 2007

23 septembre 2007 7 23 /09 /septembre /2007 15:31


lennemi-intime-patrick-rotman-300x300La chaîne publique française, France 3, a consacré les soirées du 9 et 16 septembre 2007, aprés le Soir3, à la diffusion du film: « les ennemis intimes ». Il s’agit de l’œuvre de l’historien et réalisateur, Patrick Rotman, relatant les violences dans la guerre d’Algérie.
Les germes de la guerre remontent selon l’historien aux événements de Sétif et Guelma. Plusieurs historiens considèrent, en effet, que 1945 a été le signal avant coureur. Et pourtant, il n’y avait pas une animosité particulière des Algériens ce jour-là si on se réfère à la déclaration du président des Amis du Manifeste et de la Liberté qui s’apprêtait à exprimer le soulagement de la population algérienne suite à la capitulation des nazis. Le texte commence par: « Le rassemblement des AML, qui groupe tous les Musulmans sans distinction d’opinion, fidèle interprète des masses musulmanes, s’associe, en ce jour solennel de la victoire et de la démocratie, à la joie et à la fierté des armées alliées et des peuples libres.»
En revanche, au même moment, à Sétif, les Algériens tombaient comme des lapins sous les balles des policiers. C’est J.L Planche qui explique nettement ce que c’était passé ce jour-là. Il écrit à juste titre: « tout dérape quand un inspecteur tire, tue le porte drapeau et deux coups de feu en soutien partent du café de France ».
Les Algériens ayant participé à la libération de la France ont trouvé leurs proches massacrés, à leur retour au pays. Ils ont beau agir avec loyauté, au retour ils étaient reçus par la sentence du général Duval, commandant la zone constantinoise: « je vous ai apporté la paix pour dix ans ».
 
Contrairement à la prédiction du général, les Algériens ont commencé à s’engager davantage dans le mouvement national. Désormais, l’espoir d’un changement émanant des français devenait chimérique. L’écrivain éminent, Kateb Yacine, en parlant des événements de Sétif disait: « Là se cimenta mon nationalisme. J’avais seize ans ».
Toutefois, il faut attendre plus de deux ans pour que renaisse un infime espoir d’émancipation des Algériens. Mais malgré la velléité de Paris de lancer quelques réformes anodines afin que l’algérien sorte de la mouise, les grands colons ont tout fait pour les saborder.
Ainsi, le pays noir, Georges Apap, admet qu’à l’époque, l’égalité entre les deux communautés était loin d’être effective. Il s’explique en disant : « J’ai constaté que le statut de 47 n’a pas pu entrer en application à cause de l’opposition des Français d’Algérie. Ça, c’est des choses qu’il faut dire ». Pour que le lecteur ne se perde pas, le statut de 47, est une loi, en fait, sur le statut de l’Algérie votée en 1947, au palais Bourbon. Dans son article 2, par exemple, il est écrit: « L’égalité effective est proclamée entre les citoyens français ». Bien que la loi n’ait pas été complète, il faut dire que s’elle avait été appliquée, il y aurait eu 63194 Français musulmans qui auraient bénéficié de cette généreuse loi. La nuance de loi concerne ceux qui ne voulaient pas abandonner leur statut personnel. Ceux-ci étaient, bien sur, des sujets régis par les différents codes.
 
Cependant, même si le statut ne remettait pas en cause l’occupation de l’Algérie, il n’en demeure pas moins que ce statut qui avait créé l’assemblée algérienne était unanimement condamné par les colons, selon Mohamed Harbi. Dans une lettre ouverte, poursuit-il, adressée à Yves Chataigneau, publiée par l’Écho d’Alger, dirigé par Alain de Serigny, celle-ci se résumait à la phrase suivante: « allez-vous-en ». Allusion au gouverneur chataigneau.
Par ailleurs, pour entériner le statut de 1947, des élections ont été programmées pour le 4 et 11 avril 1948. Sous la houlette du gouverneur socialiste Naegelen,le nouveau gouverneur, les urnes étaient outrageusement bourrées, commente P.rotman. Le futur président du conseil, Guy Mollet, disait alors: « il est évident que ce qui est sorti des urnes, ce n’est pas ce qui y avait été mis ». En outre, Il y avait pire que ce que pensait Guy Mollet. Dans les grandes villes comme Blida, Cherchell, ce sont des urnes déjà pleines, écrit Y.Courrière, que l’on apporte au matin du 4 avril. A Ain El Hammam, l’administration n’avait pas jugé opportun de convoquer les électeurs.
 
Le paroxysme a été atteint avec l’arrestation de 36 des 59 candidats du parti nationaliste.
Quelle alternative restait-elle aux militants nationalistes face à une politique menée contre eux et leur peuple? Cet état est résumé par Harbi: « le nationalisme algérien se trouve dans une impasse: l’administration coloniale jugule ses progrès par la violence ».
Lorsque la guerre éclate en 1954, ses principaux dirigeants avaient à leur actif plusieurs années de militantisme, mais aussi une conviction que ce combat politique ne mènerait jamais au recouvrement de la liberté. Pour que cet objectif soit atteint, plusieurs moyens d’actions ont été mis en œuvre. Ainsi, dans la déclaration du 1 novembre 1954, dans la partie consacrée aux moyens de lutte, il a été clairement mentionné: « afin d’éviter les fausses interprétations et les faux-fuyants, pour prouver notre désir réel de paix, limiter les pertes en vies humaines et les effusions de sang, nous avançons une plate-forme honorable de discussion aux autorités françaises si ces dernières sont animées de bonne foi … ».
A paris, c’était Mendès France, président du conseil, qui a donné le premier le là: « qu’on n’attende de nous aucun ménagement à l’égard de la sédition, aucun compromis avec elle.». Le ministre de l’intérieur de l’époque, François Mitterrand, ne disait-il pas que: « la seule négociation c’est la guerre ».
C’est en suivant leurs politiques que le militaires français rentraient en sein. Leur effectif passait alors de 80000 au début de la guerre à plus de 400000 à la fin des combats. L’historien, P.Rotman, a recueilli plusieurs témoignages de ces acteurs de l’une des tragédies du vingtième siècle. Connaissant le dossier sous toutes ses formes, l’historien n’hésite pas à poser les questions qui permettent de restituer le puzzle.
 
Le plus marqué, des militaires interviewés, par la guerre est le capitaine pierre-Alban Thomas, ancien résistant, qui relate sans hypocrisie ni langue de bois son passage en Algérie. Selon ce soldat: « le plus souvent, les fellagas, passent au travers du filet. Les fellahs, eux, écopent. Car pour s’attaquer au FLN, les forces de l’ordre doivent s’en prendre à la population qu’elles sont censées protéger des rebelles. Dés le début, l’armée est prise dans une contradiction qui ne cessera de s’approfondir: comment pacifier et maintenir l’ordre en même temps! ». Jean Denis Bennet abonde dans le même sens en parlant des rapports entre les militaires français et la population algérienne: « pour essayer de tuer un ou deux rebelles, l’armée massacrait tout un village.»
Bien que le film ne tienne compte que d’un point de vue français, notamment des militaires, la remise en cause de la stratégie, par certains d’entre eux, corrobore l’idée que la guerre était monstrueuse et inhumaine. Le capitaine Thomas raconte comment le colonel Bigeard avait monté une opération dans son secteur. Il disait ceci: « lui, il a monté une opération sans tenir compte de nous. Il avait abattu 24 fellagas, disait-il, dans ses communiqués. En fait, nous avons su que ce n’était pas 24 fellagas, mais 24 fellahs, c’est-à-dire 24 paysans ».
 
Certains responsables pensaient qu’en utilisant la manière forte ils pourraient éloigner la population de ses représentants. Le capitaine Thomas ne voit pas les choses sous cet angle. Au contraire, il conclut que: « plus la répression est forte, et plus le FLN recrute ».
L’autre témoin n’est autre que l’inhumain Aussaresses. Lorsque P.Rotman lui pose la question sur les victimes algériennes d’El Halia, il répond: « J’ai fait aligner les prisonniers, aussi bien les fellagas que les ouvriers musulmans qui les avaient aidés. J’ai passé les ordres moi-même. J’étais indifférent: il fallait les tuer, c’est tout, et je l’ai fait ».
L’autre sujet évoqué par l’historien est les exécutions brutales infligées aux personnes qui allaient aux champs, aux forets, cultiver leurs lopins de terre. Jacques Zéo, qui a devancé sa classe en venant en Algérie à l’âge de 18 ans, relate que: « Sur le terrain, il n’y a pas de problème. Vous avez dix sept suspects. Vous n’êtes pas équipé pour torturer. Et ceux qui ne sont pas endurcis vont parler avec deux coups de bâton, deux coups de poing, un coup de pied. Les autres, c’est tout simple: « Tu parles?- Non. » Pan! T’es mort. « A toi, maintenant. » A dégager. Il y a deux morts, trois morts. Le quatrième parle. »
 
Le deuxième cas horrible raconté par cette même personne remonte à la fin 1956. A son retour d’une permission après un an de combat, il a retrouvé sa compagnie sur le point d’aller châtier les villages des Ouadhias. La raison avancée par Zéo était l’attentat perpétré contre l’officier des affaires indigènes de la région. Il raconte: « pendant 15 jours, les gens ont pu donner libre cours à tous leurs instincts. J’ai vu un gars dire à l’Arabe -j’allais dire bougnoul!- ou au Kabyle du moins: mets les mains derrière le dos. Le Kabyle a mis les mains derrière le dos. Le soldats avait une pierre, il lui a écrasé la tête contre le mur ». En revenant sur le sujet maint fois, le soldat Zéo se lâche pour dire, in fine, que: « le gars du caillou dont je vous ai parlé, c’était moi ».
 
Pour conclure, il va de soi qu’il est impossible de citer tous les témoignages. En revanche, quoi que l’on puisse épiloguer sur cet événement douloureux, la réalité est que si les Algériens n’avaient pas pris leurs responsabilités, le statut quo aurait eu de belles années devant lui.
                                Par Ait Benali Boubekeur 19 septembre 2007

20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 17:35

congredelasoumam.jpgLa guerre d’Algérie a été régie pendant plus vingt mois sur la base d’un seul document, en l’occurrence la déclaration du 1 novembre 1954. Et pourtant il ne s’agissait ni d’une omission ni d’une négligence de la part des initiateurs de la lutte armée. En effet, une réunion a été prévue pour le début janvier 1955 afin qu’il soit fait le point sur l’avancement de la lutte. Mais la terrible répression de l’armée française et l’absence sur le sol national du coordinateur des cinq régions, Mohamed Boudiaf, parti au Caire pour rejoindre la délégation extérieure, ont rendu la tenue de cette réunion délicate.

Par ailleurs, depuis la sortie de Abane de prison en janvier 1955 (arrêté, en 1950, en se rendant à Annaba pour remplacer Boulahrouf à la tête de la fédération du MTLD), celui-ci s’est attelé, en compagnie de Ben M’hidi, à doter la révolution algérienne d’une direction politique homogène. Ils ont commencé par contacter tous les responsables nationalistes susceptibles de renforcer le front. Pour ce faire, un congrès a été décidé en commun avec les chefs des zones. Dés le mois de mars, des émissaires étaient allés sonder les colonels de chacune des cinq zones. Le congrès, du coup, a été préalablement programmé pour le 30 juillet 1956 en zone deux (future Wilaya2), région des Bibans. Mais suite à un accrochage survenu le 22 juillet opposant la délégation algéroise avec une compagnie de l’armée française, les responsables du front ont dû changer le lieu de la conférence. Ceci était dicté par la perte du mulet qui avait transporté la paperasse inhérente aux travaux du congrès. Selon Y Courrière, cette monture volée aux goumiers avait regagné la caserne de Tazmalt. Lorsque la délégation venant d’Alger s’était aperçue que les français n’ignoraient pas la tenue imminente d’une conférence en zone deux, il a été aussitôt décidé de changer le lieu de la rencontre. Le choix s’est porté sur Ifri, au pied du Djurdjura, où la région était tenue par 1500 soldats de l’ALN.

Le 2 août, les délégués de la zone du Constantinois ont fait jonction avec leurs camarades de la zone trois, quatre et cinq. La zone cinq a été représentée par Ben M’hidi et au même temps superviseur avec Abane du texte de la plate-forme. La zone une ne pouvait pas malheureusement être présente après la mort de son chef charismatique Ben Boulaid, tué avec onze de ses cadres. Il aurait été piégé par les militaires français en abandonnant un poste prés de son PC.

Les responsables des cinq zones étant acquis à la cause, car c’étaient eux les premiers baroudeurs, il fallait désormais sceller l’alliance avec les autres partis – l’UDMA de Ferhat Abbas et les Oulémas avaient dissous leurs organisations quelques mois auparavant - prêts à accompagner le peuple dans sa lutte pour le recouvrement de son indépendance. Ainsi, la victoire politique des dirigeants du Front a été sans conteste l’unification des différentes tendances du mouvement national. Ce qui n’était pas anodin vu la difficulté à ce moment-là. Car, jusqu’au milieu de l’année 1955, certains partis pensaient encore que la solution à la crise algérienne pouvait être trouvée par des changements progressifs de la mentalité des colons. Selon M. Harbi : « C’est le truquage des élections cantonales d’avril 1955 qui tire Abbas de ses rêveries et le convainc, qu’incapable de faire accepter des changements par les Européens, le gouverneur Jacques Soustelle manipule les Algériens dans le but d’isoler le FLN ». L’autre tendance considérée nationaliste mais qui refusait de s’impliquer directement dans le conflit était l’association des Oulémas. Les positions de ses responsables n’engageaient pas, avant 1956, l’association qui se définissait comme apolitique. Selon M.Harbi : « la position des Oulémas a été la plus lente à se dessiner. Le 1 novembre, cheikh Bachir El Ibrahimi, sollicité par Ben Bella, au Caire, pour appeler les Algériens à se lancer dans la lutte armée refuse catégoriquement ». Quant aux autres tendances, jalouses de leur autonomie, elles ne voulaient pas sacrifier leurs partis pour l’intérêt national. Bien que certains communistes aient rejoint le front, notamment les Algériens, la position qui prédominait au sein du parti communiste algérien était la création d’un maquis à part : les combattants de la libération.

Désormais, le congrès pouvait commencer, ce dimanche 20 août 1956, avec toutes les forces vives de la nation, mais avec des absents de taille. Il s’agit bien entendu de la délégation extérieure. Bien que Abane ait affirmé, aux délégués, avoir envoyé des invitations aux frères se trouvant au Caire, le colonel Zighout aurait été sceptique quant à l’acceptation des résolutions qui seraient adoptées par les congressistes. Selon Y.Courrière, le chef constantinois expliquait sans détour que : « si l’extérieur n’est pas là, on contestera le congrès et notre réunion ne servira à rien ».

La nécessité impérieuse de doter la révolution d’une stratégie commune était une condition sine qua non pour la réussite de la révolution. Elle ne pouvait pas attendre, par conséquent, encore plus longtemps. Car l’armée qui se trouvait en face d’eux n’était pas n’importe laquelle. Il s’agissait de l’une des plus grandes armées au monde. Pour ce faire, il ne s’agissait pas simplement de réunir au sein du front les politiques, mais aussi d’unifier le commandement des forces armées sur le sol national. C’était l’objectif principal fixé par initiateurs du congrès. Avant même que le document ait été adopté, M.Harbi note à juste titre, que le maquis était homogène au seul échelon de la zone. Il écrit à ce propos : « il était possible d’avoir six politiques différents, six stratégies différentes et aussi six peuples différents comme il existait six wilayas différents ».

Sur le plan international, la France ne cessait pas de claironner, à chaque sortie médiatique de ses responsables, que les « événements d’Algérie » étaient le fait de quelques bandits ne représentant nullement la population. Le FLN a répondu, par l’organisation d’un grand événement politique au cœur du pays, que la révolution n’était pas le fait d'égarés de la société, mais un mouvement coordonné, ayant une direction politique et cherchant à recouvrer son indépendance. Le peuple algérien n’était pas disposé à rester assujetti indéfiniment à un autre peuple, aussi civilisé soit-il.

En revanche, sur le plan interne, le syndrome de l’infiltration a paralysé en partie l’activité politique. Le cloisonnement des cellules corroborait l’étanchéité de l’organisation, histoire de juguler tout mouchardage. Il y avait également la méfiance à l’égard des hommes politiques du passé (dirigeants politiques d'avant le 1 novembre 1954). En n’ayant pas su dépasser leurs querelles depuis la création du mouvement national, ces derniers ne jouissaient guère de la confiance des hommes forts du moment. Le FLN, selon M.Harbi, « se présente comme le dépassement des partis, de leurs conflits et leurs atermoiements et joue fortement du mythe de la rupture ». Ainsi les maquisards de la première heure ont réussi à contrôler les politiques ralliés grâce à leur mainmise sur l’appareil militaire, l’ALN. Et la présence de Ben Khedda et Dahleb au premier CCE (comité de coordination et d’exécution) et de Ferhat Abbas au second ne démentent pas le témoignage de Harbi. Au cours des débats à la Soummam, le colonel Ouamrane avait dit tout haut ce que les autres colonels pensaient tout bas. Il expliquait sa vision sans ambages en disant : « pas de vieux mouillés dans la politique. Pas de Abbas, de Ben Khedda et autres centralistes ». Il a fallu tout le talent de Ben M’hidi, d’après Y.Courrière, pour convaincre le colonel en invoquant la recherche par les français d’une troisième force. Il ajoutait alors : « A aucun moment, nous ne devons laisser se constituer une troisième force, une tendance qui pourrait négocier avec la France en dehors du FLN ».

Ainsi, dans le programme adopté le 5 septembre, deux principes essentiels ne faisaient pas l’unanimité des dirigeants. Il s’agit en premier lieu de la suprématie de l’intérieur sur l’extérieur. Ce principe, par ailleurs, allait de pair avec l’installation de la direction de la révolution à l’intérieur du pays. Il a été aussi décidé la co-direction de la révolution. A vrai dire, une concession faite à la délégation extérieure. Mais le principe qui pouvait être la colonne vertébrale de la république, qu’aucune bourrasque ne pouvait ébranler, était la primauté du politique sur le militaire. D’ailleurs pour Abane, l’action politique et militaire était un tout. Les combattants de l’intérieur devaient diriger la révolution mais céder le pas à la politique, selon ses propres mots.

Mais, à ce moment de la lutte, pouvait-on subodorer les colonels de vouloir accaparer, à eux seuls, le pouvoir ? Il est difficile de le dire car la contestation venait d’abord des civils assurant la représentation de la révolution à l’extérieur. Le premier à réagir était Ben Bella. Il rejetait la plate-forme dans le fond et dans la forme estimant que « à la base de la révolution existe un contrat entre neuf hommes ». A signaler au passage que Abane ne faisait pas partie de ce groupe. D’après M.Harbi, des chefs historiques se trouvant à extérieur, seul Ait Ahmed a soutenu ouvertement le congrès. Sa seule réserve concernait, ajoute-t-il, la nomination de L.Debaghine à la tête de la direction extérieure du front. Et ce soutien n’était pas passé sous silence. Selon Harbi, M.Boudiaf a signifié à Ait Ahmed que son soutien relevait de la solidarité régionale car Abane était de la même zone que lui.

Pour conclure, la recherche d’un modus vivendi à l’intérieur du pays pour ne pas mécontenter les colonels et la concession de co-direction accordée à la délégation extérieure avait affaibli considérablement la direction politique du front. Les deux principes chers à Abane et Ben M’hidi ont duré à peine une année. En effet, lors du CNRA (conseil national de la révolution algérienne) réuni au Caire, le 26 août 1957, les deux principes ont été réécrits. Ils ont donné ceci : La non différence entre l’intérieur et l’extérieur et la non distinction entre militaire et politique. C’était la ligne de conduite de la révolution algérienne jusqu’aux accords d’Evian. En définitive, comme par le passé, écrit Harbi, le FLN n’a pas d’existence propre en dehors de l’ALN. Les noyaux armés ont existé préalablement à toute organisation politique.

Ait Benali Boubekeur.

Sources : Mohamed Harbi : Le FLN, mirage et réalité, Yves Courrière : le temps des leopards.

Boubekeur Ait Benali, 20 août 2007

5 juillet 2007 4 05 /07 /juillet /2007 16:52

oran1962Le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) a décidé de célébrer la fin du joug colonial, dans tout le territoire algérien, le 5 juillet 1962. Cette date a été choisie effectivement de façon symbolique pour boucler 132 ans de domination française. Et pourtant le vote s'est déroulé le 1er juillet 1962 où la participation a été remarquablement élevée. En effet, pour sortir définitivement du giron colonial, les Algériens ont voté oui à 91,23% par rapport aux inscrits et 99,72% par rapport aux votants. Le général De Gaulle a reconnu officiellement l'indépendance de l'Algérie le 3 juillet. Le 5 juillet, comme prévu, la fête s'est déroulée dans l'allégresse partout en Algérie hormis la ville d'Oran. Ce qui a terni, en effet, cette journée c'étaient les événements survenus à Oran où l'organisation de l'armée secrète (OAS) a décidé de marquer cette journée par une ultime fusillade, sans doute de trop. Par conséquent les Oranais ont assisté à une journée cauchemardesque contrairement à leurs concitoyens qui ont manifesté leur exaltation pour la fin de l'occupation dans l'hilarité, et ce, à travers les quatre coins du pays.  Pour apporter quelques éléments pouvant aider à comprendre ce qui s'est passé ce jour-là, un bref retour en arrière est primordial. En effet, plusieurs hypothèses ont été avancées par les historiens des deux rives de la Méditerranée pour illustrer cette affaire. Celle qui semble correspondre au contexte de l'époque est celle de B.Stora, car elle résume l'état d'esprit des pieds-noirs à la veille de l'indépendance algérienne, il écrit à ce propos : « il semble impensable à la majorité de la population européenne de quitter leur pays natal, de concevoir une indépendance sous l'égide du FLN «. L'OAS n'a pas lésiné sur les moyens, aidée en cela par les pieds-noirs, pour parvenir à ses objectifs, notamment le regroupement de la population européenne dans une plate forme territoriale. L'idée en tout cas n'était pas née ex nihilo mais lors de la conférence de presse du général de Gaulle du 11 avril 1961 où la partition a été évoquée. Selon Xavier Yacono : « pour la première fois, de Gaulle élevait, de façon ferme, la menace de regroupement des populations qui resteraient fidèle à la France «.  La majorité des pieds-noirs avait par ailleurs la détermination inébranlable de livrer le combat jusqu'à l'ultime moment pour sauver l'Algérie française, notamment dans les grandes métropoles telles que Alger et plus spécifiquement Oran.  La violence des ultras avait franchi maintes fois le rubican lors des derniers mois de la présence française a été sans doute déterminante lors de la célébration de l'indépendance. L'historienne Michèle Villanueva n'essaye-t-elle pas d'expliquer l'événement en disant : « le 5 juillet ne serait-il pas le contrecoup des mois terribles que la population algérienne venait de vivre ? ».  Cependant, depuis les accords du cessez-le-feu, l'OAS n'a pas cessé de perpétrer des attentats dans le but de rééditer le basculement de l'armée française en sa faveur comme ce fut le cas le 13 mai 1958. A cet effet, la ville d'Oran a été considérée, par les ultras, la plus à même de relever ce défi. La raison invoquée était qu'Oran, par le nombre d'habitants français majoritaires dans la ville, il était plus facile d'atteindre l'objectif consistant à retourner le rapport de forces en leur faveur dans un délai succinct. Le général commandant la région oranaise, Joseph Katz, estime que l'OAS par sa politique de terre brûlée, ses assassinats, aurait pu déclencher une riposte des Algériens, obligeant les troupes françaises à intervenir pour protéger les Européens, et empêchant la mise en application sur le terrain du cessez-le-feu. Bien que le général Katz soit considéré l'ennemi numéro un des pieds-noirs, il n'en demeure pas moins qu'il était le plus dur dans le combat qui l'opposait aux Algériens, au début de la révolution, avant qu'il soit rappelé en France en 1958 pour ne pas avoir soutenu les événements du 13 mai. Il a expliqué dans son livre le plan qu'il avait mis en place, en 1957, pour en finir rapidement avec la rébellion algérienne le plus tôt possible. Il a proposé ensuite au général Salan (chef des armées à ce moment-là) d'étendre ce plan anti-guérilla pour, dit-il, écraser ceux qui voulaient bouter les Français d'Algérie. En revanche, dans ses fonctions du maintien de l'ordre à Oran face aux éléments de l'OAS, il a toujours recommandé à ses officiers de mener leur mission d'une façon diamétralement opposée à celle qu'ils avaient déjà employées jusque-là. Il l'avoue implicitement quand il écrit : « si nous faisions ce qui nous est imputé, l'ordre serait rétabli en 48 heures à Oran. N'ayant pas en face de nous des ennemis, mais des Français trompés et abusés, nous ne pouvons, nous ne voulons régler les problèmes par la force des armes ».  Cependant, à partir du cessez-le-feu, et profitant de l'étau desserré, les quartiers européens étaient difficilement contrôlables par l'armée française qui ne voulait pas verser le sang français. De l'autre côté, l'ALN ne trouvait aucun mal à contrôler les siens suivant l'engagement d'arrêt des combats qu'elle a signé. Cette situation a créé un climat de violence inouïe des ultras. Du coup, les Algériens vivaient continûment sous l'épée de Damoclès des exactions de ceux-là.  Le responsable de la sécurité de la ville, le général Katz, admet que les bévues des ultras allaient crescendo du cessez-le-feu jusqu'à l'indépendance de l'Algérie. Il affirme que : « d'innocentes victimes continuent à tomber dans la proportion d'un Européen pour cent Arabes ; parmi les victimes nombre de femmes et d'enfants «. Néanmoins, ce chiffre n'est apparemment pas partagé par d'autres historiens à l'instar de B.Stora qui affirme qu'au mois de mai, à Oran, « quotidiennement, de 10 à 50 Algériens sont abattus par l' OAS. Certains musulmans quittent Oran pour rejoindre leurs familles dans les villages ou villes n'ayant pas une forte population européenne «. Quant à ceux qui étaient contraints de rester, la violence à laquelle ils étaient exposés n'épargnait ni femme, ni enfant. En parlant des Algériennes qui servaient dans les familles françaises comme Fatmas, le général Katz , confirme que celles qui osaient se rendre dans les quartiers européens le payaient de leur vie. Ainsi, ajoute-t-il « nombre d'entre elles n'en reviennent plus. On trouve leurs cadavres allongés au bord des trottoirs «. Le 15 mai, le chiffre de 15 femmes abattues a été enregistré pour la seule ville d'Oran.  Dans la dernière ligne droite pour parvenir à l'indépendance, le FLN a essayé tant bien que mal de retenir les Algériens qui voulaient venger les leurs. La difficulté était immense car il s'agissait de convaincre les gens de supporter les violences quotidiennes des ultras.  En fait, à des obus de mortier qui tombaient sur les quartiers algériens, où pour la seule journée du 26 mai, l'OAS a causé plus de 30 morts et une centaine de blessés, le FLN a organisé, selon Jean Monneret, des rapts en fonction d'un objectif simple : combattre l'OAS. D'ailleurs, le proverbe français ne dit-il pas que : « tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se brise ».  Quant à d'autres bévues commises par d'autres Algériens, à vrai dire ceux que l'on nomme les maquisards de la vingt cinquième heure, le Général Katz l'explique comme suit : « Depuis le cessez-le-feu 126 FSNA(français de souche nord- africaine) ont déserté leurs unités en emportant armes et bagages. Ce qui est plus grave, c'est qu'ils ne rejoignent pas tous l'ALN et beaucoup vont grossir les bandes incontrôlables qui se livrent à des exactions de toutes sortes ».  Au fur et à mesure que la date du référendum approchait, et que les chances du basculement de l'armée en faveur de l'OAS s'amenuisaient, les ultras n'avaient qu'une chose en tête : casser l'économie algérienne. Au cours des différentes émissions radio pirates de l'OAS, la consigne de tout détruire était maintes fois donnée : « s'il faut quitter l'Algérie on la laissera dans l'état où les premiers colons l'ont trouvée en 1830 ». Jusqu' à la fin du mois de juin la destruction de toutes les infrastructures a été poursuivie avec le plus grand acharnement. En fait, tout ce qui est nécessaire et vital pour le pays : bâtiments et édifices publics, installations industrielles et portuaires et réseaux de communication.  Le 22 juin, par exemple, c'était au tour du palais de justice que les commandos OAS ont remis le feu après qu'il a résisté aux flammes la première fois. Dans la soirée c'était l'Hôtel de ville qui a été la proie des flammes. Même la bibliothèque n'a pas échappé au feu. La journée du 24 juin a battu tous les records selon le général Katz : « De tous les quartiers jaillissent des panaches de fumée et des flammes, prélude à l'explosion des réservoirs de mazout du port qui, le lendemain, plongera la ville dans une semi-obscurité ».  Enfin, malgré le calme relatif observé les deux derniers jours du mois de juin suite à la création d'un comité de réconciliation, personne ne croyait, en son for intérieur, à un apaisement définitif de la situation vécue les mois précédents. C'est ainsi que le capitaine de l'ALN, Djelloul Nemmiche dit Bakhti a interdit, le 2 juillet, toute manifestation dans le centre ville avant le 5 juillet afin que les conditions soient réunies et que la fête se déroule sans anicroche.  Dès les premières heures de la matinée du 5 juillet, les Algériens se sont donnés rendez-vous pour manifester dans l'allégresse l'indépendance durement acquise. Aux environs de midi, des coups de feu sont tirés sur des Algériens qui voulaient hisser le drapeau algérien à la place d'armes. Cette fusillade a été sans doute celle de trop car la riposte ne s'est pas fait attendre non plus. Le bilan de la journée est lourd en vie humaine. En effet, pour brève qu'ait été la riposte( environ 30 minutes d'après le général Katz) à laquelle a participé des ATO (auxiliaires temporaires occasionnels) et même des civils algériens, le nombre de morts était tout de même important. Il y avait 25 morts parmi les Français (46 selon Fouad Soufi) et plus de 80 Algériens. Ainsi la colonisation s'est achevée comme elle avait commencé en 1830, c'est-à-dire dans le sang.
Sources: Joseph Katz: «Honneur d'un général». Xavier Yacono: «De Gaulle et le FLN».Fouad Soufi: «La guerre d'Algérie dans la mémoire et l'imaginaire».Le Nouvel Observateur: février-mars 2002.

Ecrit par : Ait Benali Boubekeur
Source : www.lequotidien-oran.com
 
8 mai 2007 2 08 /05 /mai /2007 17:09

8-mai-1945-ALGERIE-copie-1-1-.jpgBoubekeur Ait Benali , 30 mai 2007

Le 8 mai 1945, dans tous les pays vainqueurs du nazisme, la joie était indescriptible et incommensurable. En effet, la capitulation avait scellé la fin d’un cauchemar ayant duré plus de cinq longues années. L’information sur la chute de Berlin, la signature de Reims, la fin des combats s’était propagée telle une traînée de poudre. Et pourtant, l’Algérie ce jour-là s’engouffrait dans un précipice. Les autorités coloniales avaient demandé la célébration de la victoire alliée sur tout le territoire, terre française selon eux, aux couleurs de la France et de ses alliés, mais avaient, en même temps, interdit aux autres de déployer leur emblème. L’historien français Jean-Louis Planche pose alors la question : « Mais sera-t-il possible, un jour pareil, d’exalter la passion nationaliste des uns et de refréner celle des autres ? ».

Pour répondre à cette question, il faut essayer de comprendre comment la politique coloniale avait évolué jusqu’à cette période précise. Eh bien, les recherches menées ont montré que les colonialistes exerçaient une domination sans vergogne sur les Algériens arabo-bérberes. Durant toute la période coloniale ceux-là exigeaient de ceux-ci une soumission sans réserves. Pour les colonialistes la seule conduite possible était celle décrite par l’historienne Annie Rey Goldzeiguer en parlant de contact entre le colon et l’Algérien : « le contact, le colon l’a nécessairement, car il ne peut se passer de la main d’œuvre. Il vit de et par les Algériens dont il partage de façon inégalitaire le sol ». Néanmoins, pour élucider ce qui s’était passé en 1945, il est important qu’il y ait au moins, selon moi, trois parties à décrire. En effet, pour comprendre le parcours des Algériens et des colonialistes depuis la défaite française de 1940 jusqu’aux massacres de Sétif et Guelma, posons la question de savoir comment a été d’abord accueillie la nouvelle de la défaite de part et d’autre ? Pendant les cinq années qui ont suivi la défaite, beaucoup de choses avaient évidemment bougé notamment l’évolution des positions sur la guerre et sur l’avenir de l’Algérie. Le 8 mai n’était-il pas la conséquence du non rapprochement des visions des uns et des autres ? Et quelle a été la réaction du régime colonial au lendemain de la manifestation ?

En effet, après la défaite française, les Français d’Algérie trouvaient en Pétain le chef qui allait leur rendre le peu d’espace perdu lors du simulacre de réformes du front populaire. Pour eux, la défaite n’était que celle de la troisième république qui avait perdu du terrain face à la gauche, leur ennemie jurée. Partant, cette défaite était par ricochet leur victoire. Louis Bertrand a résumé le sentiment général des Français d’Algérie : « Nous Français somme chez nous en Algérie. Nous nous sommes rendus maîtres du pays par la force. Nous avons pu organiser le pays et cette organisation affirme encore l’idée de supériorité du vainqueur sur le vaincu, du civilisé sur l’homme inférieur. Nous sommes les légitimes propriétaires du pays ».

Quant aux Algériens, cette défaite avait scindé le courant nationaliste indépendantiste en deux. Le courant majoritaire représenté par Messali selon lequel un soutien au nazisme aurait conduit à une autre forme de domination. Donc pas de compromis avec Hitler. Et un autre groupe de jeunes militants du PPA, en créant le comité d’action révolutionnaire nord-africaine (CANRA) dirigé par Belkacem Radjef et Mohamed Taleb, avait demandé aux Allemands de les former. Non que Messali ait refusé de collaborer mais avait sommé les membres du CANRA de démissionner du parti.

Désormais, la situation provoquée par l’occupation de la France avait laissé les colonialistes davantage maîtres du pays. Dans une note remise au Maréchal Pétain, au retour d’une tournée en Afrique du nord, l’Amiral Darlan avait écrit : « L’indigène de l’Algérie surtout est misérable. Cela éclate à l’œil nu quand on parcourt les rues d’Alger ». Cette situation était due à l’accélération des exportations de nourriture en direction de la France et pour l’entretien de l’armée allemande. Comparant le niveau de vie des habitants d’Algérie, A.R. Goldzeiguer précise : « la comparaison avec l’aisance des colons et la nourriture de leurs troupeaux alimente la colère générale. Les jeunes, surtout, comprennent que pour échapper à la faim et à la misère, ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes et ils vont écouter les discours des jeunes militants qui parlent de luttes politiques et veulent se libérer du joug colonial. ». Par ailleurs, à partir de 1942, une infime minorité des Français d’Algérie avait commencé à suivre le combat auquel appelait le général de Gaulle. En réponse à cette invitation, le journal Echo d’Oran de septembre 1942 se permettait même l’insulte : « quant à vous, monsieur de Gaulle, qui traînez dans la honte et dans le sang les lambeaux d’un uniforme français, vous êtes un misérable, un traître et un assassin ». Quant aux Algériens, la position était péremptoire. Avant qu’une quelconque mobilisation soit décrétée et sachant, par ailleurs, que l’indigène n’était utilisé, par le passé, que pour se servir de chair à canon, un message avait été signé par Ferhat Abbas et par quelques notables, le 22 décembre 1942. Il avait été remis aux autorités et aux alliés en demandant : « avant que les musulmans d’Algérie ne consentent aux sacrifices que l’entrée en guerre annonce, ces derniers demandent qu’ils soient assurés de se battre pour leur propre affranchissement politique et ne restent pas privés des droits et des libertés essentielles dont jouissent les autres habitants de ce pays ».

Ainsi, la mobilisation du début 1943 avait eu un écho favorable auprès des Algériens : 173000 hommes dont 87500 engagés avait constitué leur apport à l’effort de guerre. En revanche, moins d’un an après cet élan, la nomination du général Catroux avait mis fin à l’espoir d’une émancipation réelle. Pour A.R Goldzeiguer, l’internement des chefs aurait permis, pensait-il (Catroux), de stopper toute velléité des militants à demander des réformes. Il s’agissait, à l’époque, des réformes qui n’allaient pas au delà de l’égalité comme l’a écrit Belaid Abdeslam dans son livre, le hasard et l’histoire : « ce n’était pas toujours facile, parce que, pour le milieu intellectuel de l’époque, parler de l’indépendance de l’Algérie était quelque chose de déraisonnable : il fallait être un fou pour parler de cela ».

Pour toute réponse, le CFLN (le Comité Français pour la Libération Nationale), organisme dirigeant la France combattante, avait proposé quelques réformes, mais de Gaulle avait fermé la porte, d’après goldzeiguer, à toute idée d’indépendance ou même d’autonomie des colonies et avait rejeté toute possibilité d’évoluer hors du bloc de l’empire. En effet, la réforme du 7 mars 1944 avait permis l’octroi du statut de citoyen à quelque 60000 "indigènes". Il y avait en outre le partage des Algériens en deux collèges. Le premier comportait les Français auquel il intégrait les musulmans de droit français. Le second réunissait une masse qui deviendra, en 1962, le peuple algérien indépendant. Par ailleurs, une semaine après avoir pris connaissance de ces réformes, le mouvement des Amis du Manifeste et de la Liberté était créé. Le mouvement s’était fixé comme objectif de rassembler tous les Algériens. Pari réussi puisque en un temps record le mouvement avait enregistré plus de 500000 adhérents. Dans son congrès du 2au 4 mars 1945, les trois tendances du mouvement du mouvement y participaient, à savoir le PPA, les ulémas et les partisans de Ferhat Abbas. La résolution adoptée était la suivante : « le bureau regrette que le manifeste et son additif établis par tous les élus et représentants musulmans à la demande des pouvoirs publics,le 23 juin 1943, ait été repoussé et n’ait provoqué que la réforme électorale du 7 mars 1944 ».

Le mois de mai avait été le plus grand malheur que l’Algérie ait connu jusqu’alors. A vrai dire, les massacres avaient commencé bien avant le 8. Car avant de fêter l’armistice, les Algériens voulaient comme à l’accoutumée célébrer la fête du travail. Lors des différents défilés, sur tout le territoire national, un mot d’ordre revenait tel un leitmotiv : libérer les prisonniers politiques. Les slogans dénonçaient également la déportation de Messali à Brazaville. A Sétif le cortège était estimé à prés de 5000 personnes, chiffre cité par le commissaire divisionnaire M. Bergé. D’après le même rapport la dispersion s’était faite dans le calme. A Guelma, le comité des AML avait demandé de s’intégrer dans le cortège de la CGT, mais les dirigeants syndicaux, d’après J.L Planche, avaient refusé nettement. Ainsi à Guelma la marche avait revêtu un autre cachet : Les responsables avaient demandé aux indigènes de marcher silencieusement. Il faut noter qu’à Sétif et Guelma, il n’y avait aucun incident à déplorer.

En revanche les manifestants d’Alger et d’Oran avaient payé une lourde facture en exaltant leur joie. En effet, à Alger, les forces de police avait établi des barrages et tiraient sur les manifestants dés l’apparition du drapeau algérien. Lors d’une enquête menée par Henri Alleg : « il y avait eu quatre morts et sept autres qui ne survivront que quelques jours à leur blessure ». Ce même jour un autre fait a été relevé par A.R Goldzeiguer : « les Européens des abords de la rue d’Isly ont non seulement barricadé leurs balcons, mais des coups de feu ont été tirés sur les manifestants ». À Oran également, l’intervention de la police avait provoqué une bagarre qui s’était terminée par un mort et plusieurs blessés du coté des manifestants.

Pendant toute la semaine des rencontres avaient lieu, du coté des nationalistes, pour évaluer la situation provoquée par la répression d’Alger et d’Oran. En effet, le 8 mai 1945, Beaucoup de comités AML, selon J.L Planche, avaient renoncé à manifester en Oranie et dans l’Algérois pour éviter sans doute à leurs coreligionnaires les accrochages sanglants du 1 mai. En plus de cela, le complot dit Gazagne, du nom du secrétaire général du gouvernement général, avait éliminé à Alger et à Oran les cadres dirigeants et les militants les plus solides des AML et du PPA. Par contre, à Sétif et à Guelma où, le 1 mai ayant été sans incidents, la proposition d’organiser un défilé n’avait suscité aucune méfiance. Ainsi, à Guelma et à Sétif les gens allaient à la marche sans douter qu’un cauchemar les attendait.

A Sétif, le 8 mai, à 8 heures du matin, environs 2000 personnes étaient rassemblées devant la mosquée de la gare. Profitant du jour du marché hebdomadaire, les organisateurs avaient rappelé aux paysans venus des villages de déposer tout ce qui pouvait être une arme (coteau, hache, faux...). Derrière les drapeaux des alliés, les jeunes scouts étaient au premier rang suivis des porteurs de la gerbe de fleurs, et les militants suivaient juste derrière pour éviter tout débordement de la masse paysanne. A la vue d’un drapeau algérien, d’après le général Tubert, celui-ci avait été déployé en cours de route, les policiers avaient jailli du barrage et avaient attaqué la foule pour s’emparer du drapeau. Un militant avait expliqué que le drapeau étant sacré, il est impossible de le remiser une fois sorti. Selon J.L Planche : « c’est à ce moment que tout dérape quand un inspecteur tire, tue le porte drapeau et deux coups de feu en soutien partent du café de France. Dans la panique provoquée par les premiers coups de feu, à d’autres fenêtres des Européens tirent à leur tour sur la foule ». Bien que la panique ait gagné l’ensemble des manifestants, un militant avait sonné le clairon pour que la gerbe de fleurs soit déposée. Cela se passait à 10 heures du matin. Le car de la gendarmerie ayant eu du retard était arrivé et s’était dirigé en direction des manifestants fauchant les présents, écrit A.R. Goldzeiguer.

A Guelma, à 16 heures, un rassemblement s’était organisé hors de la ville. Les militants AML attendaient, en fait, les instructions venant de Annaba. A 17 heures le cortège s’était ébranlé avec les pancartes célébrant la victoire des alliés ainsi que leurs drapeaux entourant l’algérien. Arrivé à l’actuelle rue du 8 mai, le cortège avait été arrêté par le sous préfet Achiary. Pour Boucif Mekhaled, il ne restait plus que 500 mètres pour atteindre le monument aux morts. Le sous préfet, Achiary -futur chef de l’OAS créé à Madrid en 1961 -, hors de lui avait intimé l’ordre de jeter les pancartes, drapeaux et banderoles. Un socialiste nommé Fauqueux avait râlé auprès du sous préfet : « alors, monsieur le sous préfet est ce qu’il y a ici la France ou pas ? ». selon J.L Planche : « comme sous un coup de fouet, Achiary saisit le revolver dont il s’est armé, entre dans la foule droit sur le porte drapeau et tire. Son escorte ouvre le feu sur le cortège qui s’enfuit, découvrant dans son reflux le corps du jeune Boumaza ».

Cependant, suite aux assassinats à Sétif et à Guelma, des groupes d’Algériens avaient, dans leur repli, tué des Européens qui n’étaient pas forcément les plus hostiles à leur émancipation. La réponse française à la colère des indigène ne s’était, en tout cas, pas fait attendre en mobilisant les forces de police, de gendarmerie, des miliciens et des militaires.

Déjà le 9 mai, à Sétif, 35 Algériens ont été abattus parce qu’ils ne savaient pas qu’un couvre feu avait été établi. Le rapport du commissaire divisionnaire, M. Bergé, expliquait que chaque mouvement jugé suspect provoquait le tir. Dans une enquête effectuée par M. Esplass le 15 mai sur la localité de Sétif disait : « les musulmans ne peuvent circuler sauf s’ils portent un brassard blanc délivré par les autorités et justifications d’un emploi dans un service public. »

Le 9 mai, à Guelma, la milice dirigée par Achiary avait tenu sa première séance au cours de laquelle l’adjoint Garrivet proposait : « Nous allons étudier la liste des personnes à juger. Commençons par nos anciens élèves ». Selon A.R Goldzeiguer : « la perquisition au local des AML a permis de saisir les listes nominatives des responsables et militants, tous suspects, qui seront incarcérés, souvent torturés, et exécutés par fournée ».

D’ailleurs, dans un article signé Guy Pervillé, professeur à l’université de Toulouse (dans un de ses livres il a essayé de prouver que les harkis étaient six fois supérieurs au nombre de combattants en omettant de dire que la majorité des Algériens était pour le FLN), reconnaît que la répression des manifestations était féroce. Il admet la conclusion de Marcel Reggui selon laquelle le sous préfet Achiary et le préfet de Constantine avaient fait disparaître les cadavres des victimes dans des fours à chaux. En effet, à Héliopolis -village baptisé par le général Bedeau au début de la conquête estimant qu’il fallait renvoyer les Algériens pour faire installer les colons-, le 21 mai, la gendarmerie avait décidé de nettoyer la ville de Guelma avant l’arrivée du ministre de l’intérieur de l’époque, Adrien Tixier. J.L planche explique la manœuvre du sous préfet Achiary : « avec l’avenue de l’été, la chaleur monte. Faute de les avoir tous enterrés assez profond ou brûlés, trop de cadavres ont été jetés dans un fossé, à peine recouverts d’une pelletée de terre. Les débris humains sont transportés par camion. Le transport est effectué avec l’aide de la gendarmerie de Guelma pendant la nuit. Les restes des 500 musulmans ont été amenés au lieu dit (fontaine chaude) et brûlés dans un four à chaux avec des branches d’oliviers. Le four appartient à monsieur Lepori ».

Pendant six semaines les autorités coloniales avaient utilisé tous les moyens pour aller au bout d’une résistance inexistante. Le 11 mai, trois B26 avaient intervenu à la bombe et à la mitrailleuse pour, croyait-on, dégager la ville. Selon A.R goldzeiguer, le général Weiss, chef de la cinquième région aérienne, avait ordonné le 13 mai le bombardement des rassemblements des indigènes sur les routes et à proximité des villages. L’aviation, disait-il(Weiss), avait aidé à déloger les rebelles des positions qu’ils occupaient dans des régions inaccessibles. La marine non plus n’était pas restée à l’écart. En effet, dés le 10 mai, les fusiliers avaient débarqué dans la région de Cap Aokas. Au crépuscule, les tirs répétés résonnaient jusqu’à Alger.

Par ailleurs, pour justifier cette intervention musclée, les autorités coloniales avaient essayé d’imputer la responsabilité des massacres aux AML et au PPA qui voulaient préparer une insurrection. Mais, après la saignée du complot Gazagne consistant à arrêter les vrais responsables du PPA, ce parti pouvait-il lancer un mot d’ordre alors que son encadrement était paralysé et son président déporté au Congo ? Quant aux AML, le matin même du 8 mai, son président et son secrétaire général, Ferhat Abbas, s’étaient rendus au siège du gouvernement général pour féliciter les autorités de la victoire des alliés. Autre fait à signaler : le seul haut responsable PPA en liberté était Debaghine. Plus tard, dans une réunion du bureau clandestin, Debaghine a justifié sa non implication aux événements : « comment aurais-je pu prendre la responsabilité d’une insurrection alors que je venais d’envoyer mon père et ma femme à Sétif où ils se trouvaient le 8 mai ». Pour prouver que les événements du 8 mai étaient un complot ourdi par le secrétaire du gouvernement général, A.R Goldzeiguer se demande dans son livre pourquoi, à l’intérieur du quadrilatère (Béjaia, Constantine, Annaba, Souk Ahras), la région située entre Sétif et Guelma, n’a-t-elle pas connue une flambée de violence des deux points chauds ? Elle répond : « l’émeute n’a pas gagné ces villes et centres pourtant très politisés, tenus en main par les AML et surtout par le PPA ». Les rapports ultérieurs ont même disculpé les responsables du PPA en disant que ces derniers avaient joué un rôle modérateur et avaient évité des affrontements à Constantine par exemple.

Pour conclure, on peut retenir que les événements de Sétif et Guelma étaient un résultat de l’accumulation des causes remontant jusqu’à la conquête et à la domination effrénée des colons. De façon générale, la colonisation en Algérie a été régie par la violence et les responsables n’incarnaient nullement la dimension de la civilisation française. En 1884 déjà, le rapport de Jules ferry était nettement clair : « il est difficile de faire entendre au colon européen qu’il existe d’autres droits que les siens en pays arabe, et que l’indigène n’est pas taillable et corvéable à merci. Si la violence n’est pas dans les actes, elle est dans le langage et dans les sentiments. On sent qu’il gronde encore au fond des cœurs un flot mal apaisé de rancune, de dédain et de crainte ».

Autre point que le régime colonial avait négligé était flagrant. En effet, malgré les efforts fournis par les Algériens, lors des deux guerres mondiales, pour que la France ait pu garder son rang de puissance mondiale, les Français d’Algérie voyaient dans toutes les réformes un danger qui les guettait. D’ailleurs, en commentant les réformes du mois de mars 1944, un professeur de droit à la faculté d’Alger expliquait à ses étudiants : « ce n’est pas l’Islam qui est venu à la citoyenneté française, c’est elle qui s’est pliée jusqu’à lui ». Enfin, bien que les causes politiques n’aient pas été considérées plus tard comme fondées, les chantres du coloniasme se rabattaient alors sur les causes économiques. Or à Sétif, par exemple, la zone sud, plus sèche n’avait pas trop bougé. Par contre la zone nord, bien arrosée et riche, la révolte s’était répandue telle une traînée de poudre. La meilleure explication a été donnée par A.R Goldzeiguer : « il est remarquable que le mouvement insurrectionnel n’ait pas gagné des régions aussi sensibles que le sud Constantinois, le sud algérois, le littoral. Le soulèvement du 8 mai est un moindre mal, car il est une fausse manœuvre. Il aurait été autrement tragique si le PPA y avait participé ». Le seul succès colonial c’est que cette fois-ci le sang pur ait abreuvé leurs sillons.

Sources :
Annie Rey- Goldzeiguer:aux origines du mouvement national,

Jean Louis planche : 8 mai 1945, un massacre annoncé,

Boucif Mekhaled : chroniques d'un massacre,

Marcel Reggui :les massacres de Guelma Revue “Histoire” avril 2007.

18 mars 2007 7 18 /03 /mars /2007 10:41

96602291accords-d-evian-jpg.jpgPar Aït Benali Boubekeur 18 mars 2007

Dans la déclaration de la proclamation du FLN diffusée le 1er novembre 1954, dans la partie consacrée aux moyens de lutte, a été implicitement mentionné: «afin d'éviter les fausses interprétations et les faux-fuyants, pour prouver notre

désir réel de paix, limiter les pertes en vies humaines et les effusions de sang, nous avançons une plateforme honorable de discussion aux autorités françaises si ces dernières sont animées de bonne foi et reconnaissent, une fois pour toutes, aux peuples qu'elles subjuguent le droit de disposer d'eux-mêmes».

A travers cette déclaration, le parti nationaliste savait pertinemment, que seul un dialogue sincère pouvait déboucher sur une solution équitable qui aurait permis à tous les natifs d'Algérie de vivre dans une parfaite symbiose, et au régime colonial de revoir sa copie basée sur la domination.

Ainsi, le combat auquel appelait le FLN n'était qu'un moyen pour ramener les responsables français à négocier une paix sans qu'aucune partie ne soit humiliée. En effet, les rencontres entre les deux parties avaient commencé en 1955 et elles ont eu lieu, plus souvent, en catimini pour ne pas démoraliser les troupes pour les uns, et pour ne pas paraître comme un bradeur de l'empire pour les autres.

Deux périodes, en tout cas, ont caractérisé le déroulement de ces contacts : l'une, début 1955 - fin 1956 où il y avait eu de nombreux changements à la tête du conseil français car le régime de la quatrième république ne faisait pas assez de poids par rapport aux lobbies d'Alger, et l'autre, fin 1959 - début 1962, correspondant au retour du général De Gaulle au pouvoir. Entre ces deux périodes, il y avait eu une étape très douloureuse correspondant à l'interruption des contacts, notamment du côté français pour privilégier l'action militaire. La plupart des victimes, d'après les archives, étaient enregistrées pendant cette période-là. En effet, dès le 1er mars 1955, le commandant Monteil, après avoir eu l'aval du gouverneur général, avait demandé à Ben Khedda alors en prison ce qu'il aurait fallu faire pour que le dialogue soit établi. Ben Khedda, n'ayant pas encore rejoint le FLN, avait proposé que trois mesures au moins soient prises dans l'immédiat : « D'abord, que le gouverneur donne un indice concret de désir sincère d'appliquer le statut de 1947 en organisant, par exemple, des élections libres. Ensuite, qu'il décide quelques libérations significatives. Enfin, que l'on donne l'exemple d'un esprit nouveau dans les rapports entre l'administration et les Algériens ». Du côté algérien, c'est Ferhat Abbas qui avait suggéré aux responsables du front de lui laisser une dernière chance pour rétablir la paix et ce, avant de dissoudre son parti, l'UDMA : « laissez-moi faire une dernière tentative pour essayer d'arrêter cette guerre qui va être catastrophique pour tout le monde car la victoire ne sera pas facile ». A cette époque cruciale, à Paris, les hauts responsables avaient fait clairement entendre à Abbas que la simple idée de négociation aurait suffi à mettre le feu aux poudres. A vrai dire, personne n'y était favorable du gouverneur (Soustelle) au président du conseil (Edgar Faure) en passant par Mitterrand (ministre de l'intérieur), qui, depuis le 1er novembre 1954, disait à qui voulait l'entendre : « la seule négociation, c'est la guerre ». A des formules paternalistes de certains libéraux conjuguées à la ferme détermination des responsables d'anéantir l'insurrection, les contacts avaient cessé totalement sine die. Cette position avait basculé les Algériens les plus réticents, et le FLN tenait pour tièdes ou traîtres ceux qui envisageaient autre chose que la poursuite de la lutte armée.

Après l'investiture du président du conseil, Guy Mollet, des contacts avaient été ménagés par l'intermédiaire des Egyptiens en mars 1956. En effet, lors d'un voyage du ministre des Affaires étrangères français, Christian Pineau, en Asie, celui-ci s'était arrêté au Caire pour y rencontrer le président Nasser. Il lui avait proposé l'ouverture des pourparlers secrets avec le FLN. La délégation extérieure installée au Caire, composée de Khidder, Aït Ahmed, Ben Bella et Debaghine, avait désigné le premier pour rencontrer son homologue français Joseph Begarra, membre du comité directeur du SFIO.

Pour la France, il s'agissait seulement d'accorder une autonomie de gestion pour l'Algérie, la libération des détenus politiques, garanties aux éléments de l'ALN et ce, suivant une triptyque chronologique : « cessez-le-feu, élection, négociation ». Khidder avait rappelé alors : « les interlocuteurs algériens ne devaient être que ceux désignés par le FLN, lequel n'accepterait de négocier avec la France que si le principe d'un Etat algérien jouissant de tous les attributs de la souveraineté était accepté ». Toutefois, pour tester le poids de son interlocuteur, Khidder avait demandé si la délégation extérieure pouvait se rendre en Algérie pour recueillir l'aval du maquis. Et là, les délégués français commençaient à éluder la question car ils n'étaient ni mandaté à discuter de ce sujet, ni en mesure de garantir la sécurité des chefs algériens. Malgré ce point d'achoppement, les contacts avaient repris le repris le 26 juillet 1956, en Yougoslavie, après l'intervention du président Tito. Face à Pierre Commin, secrétaire général du SFIO, la délégation extérieure avait mandaté Ahmed francis et M'hamed Yazid. Le seul point sur lequel les délégués tombaient d'accord était sur l'ouverture de discussions préliminaires, secrètes et directes entre les représentants du gouvernement français et le FLN. Par ailleurs, un autre rendez-vous avait été programmé en Italie le 17 août 1956. La délégation française, conduite par Commin, avait alors expliqué sa position : « conformément au principe inclus dans le préambule de la constitution française, l'Algérie sera dotée d'une large autonomie de gestion limitée à des compétences définies et comportant un exécutif et un législatif ».

La définition des compétences communes - c'est-à-dire française - étaient: les Européens, les affaires étrangères, la défense, les questions économiques et financières. La délégation algérienne conduite par Khidder et comprenant Kiouane et Yazid avait répondu de façon péremptoire : « avant toute discussion sur le fond, la condition sine qua none exigée par le peuple algérien en guerre pour la libération est la proclamation de l'indépendance ». La dernière rencontre de la première phase des négociations s'était déroulée à Belgrade, le 22 septembre 1956. Le préalable de l'indépendance mis en avant par la délégation algérienne avait mis fin à une série de contacts secrets sous le gouvernement de Guy Mollet. L'étape intermédiaire entre les deux phases des négociations correspondait à la lutte sans merci. En effet, après le rapt aérien des chefs historiques de la délégation extérieure, en route vers une conférence maghrébine, avait signifié un triomphe des maximalistes des deux camps. D'un côté, la joie du comité de la wilaya 2 (Constantinois) à la nouvelle de l'arraisonnement de l'avion d'Air Atlas signifiait pour longtemps l'enterrement de toute idée de compromis. De l'autre côté, les milieux militaires et colonialistes français gagnaient pour l'heure la partie en ce que toute négociation avait été dès lors suspendue.

Le rapt aérien des chefs historiques avait permis, également, d'épargner l'éclatement du FLN suite au refus de Ben Bella et Boudiaf de reconnaître les décisions du congrès de la Soummam définissant, à la fois, la doctrine et la stratégie à adopter en énonçant la politique et les orientations de la révolution algérienne. Ben Bella avait fustigé la dérive laïciste qui remettait en cause le caractère non islamique des futures institutions politiques du pays. Pendant plus de deux ans, la France avait misé sur la seule action militaire en essayant de casser l'organisation politico-militaire du FLN. Des dérapages et des abus avaient été le lot quotidien des Algériens, notamment des populations civiles. En effet, la bataille d'Alger avait été l'un des grands crimes contre l'humanité que l'histoire coloniale ait connue. En parlant de la dérive des paras, Yves Courrière, l'a résumée ainsi : « Pour les paras un type qui claque sous la torture, il faut le faire disparaître. Ainsi, au 10ème DP, au 1er RPC, à la villa Sesini, on applique le même procédé. En outre, ces officiers obtiennent des renseignements beaucoup plus rapidement que ceux des autres unités. Les officiers font tous les soirs leur tournée. Avec des camions bâchés ils récupèrent dans tous les centres d'interrogatoire ceux dont le cour a flanché ou ceux qui ne valent pas mieux. Et on embarque tout le monde, cadavres ou demi-morts, jusqu'à une fosse - elle deviendra un charnier - à une trentaine de kilomètres d'Alger, entre Zéralda et Koléa. Sur le bord de la fosse les militaires liquident au pistolet ou au poignard les demi-cadavres. La mer est également bien pratique. Des hélicoptères vont au large se débarrasser des cadavres importuns. On les balance dans le vide, un parpaing aux pieds. Il y en aura 4000 civils pendant la bataille d'Alger ». Les offensives du plan Challe avaient exsangue les maquis de l'intérieur et avaient engendré une terreur chez les civils qui n'avaient d'autres choix que de quitter le pays pour une destination quelconque - le Maroc et la Tunisie étaient les plus préférés -. Il y avait eu, au total, plus de deux millions de déplacés. Bien que l'intérieur ait subi un quadrillage militaire suivi d'une répression inouïe, c'était l'organisation extérieure qui avait été la plus ébranlée avec l'affaire Lamouri (tentative des officiers de la wilaya 1 et de la base de l'Est pour renverser le GPRA, pour éliminer Krim Belkacem et Mahmoud Chérif. Ce dernier, colonel, venant de l'UDMA, nommé à la tête des Aurès n'était pas apprécié par ses subalternes), l'affaire Amira (ancien du PPA de Sétif, ami intime de Lamine Debaghine, Amira avait été scandalisé par la nomination de Ferhat Abbas à la tête du GPRA. Convoqué par les services de Boussouf et interrogé après une fouille minutieuse de sa chambre, Amira était retrouvé sans vie, quelques heures plus tard, devant le siège du GPRA au Caire. Cette affaire avait provoqué la démission du ministre des Affaires étrangères, Debaghine), le déménagement du GPRA du Caire sur Tunis et la paralysie croissante du gouvernement provisoire - 6 mois environ - à laquelle le recours aux dix colonels avait paru être une issue à la survie du GPRA. Toutefois, malgré le retour du général au pouvoir, la stratégie militaire avait été maintenue et privilégiée car, le retour du général aux affaires s'était accompli sous l'impulsion des ultras et des militaires qui pensaient, vaille que vaille, garder l'Algérie française. Le premier appel du général, depuis son retour au pouvoir, datait du 28 septembre 1959. Il s'adressait à tous les combattants algériens que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du pays : « j'ai parlé de la paix des braves. Qu'est-ce à dire ? Simplement ceci : que ceux qui ont ouvert le feu le cessent, et qu'ils retournent sans humiliation à leur famille et à leur travail ». Décidément, la fin de la guerre ne pouvait pas être conclue si rapidement bien que le général ait été le farouche défenseur de la souveraineté de son pays après l'occupation allemande de 1940. Malgré la rigidité de la position française, le FLN avait décidé, juste après la formation de son gouvernement, d'abandonner le préalable de l'indépendance. Bien que la solution n'ait pas pu être conclue en dehors d'une discussion avec le GPRA, le général s'était toujours opposé à la représentativité exclusive du gouvernement provisoire sur le peuple algérien. Il avait essayé de dégager une troisième force modérée, disait-il, qui aurait servi de faire valoir à sa politique algérienne. A ce moment-là, en tout cas, la solution militaire était apparue comme un emplâtre sur une jambe de bois. Ainsi, deux ans après le retour du général, une délégation algérienne, composée de Ahmed Boumendjel et Seddik Ben Yahia, avait rencontré les représentants du général le 26 juin 1960, à Melun. La délégation française était composée du colonel Mathon, Roger Moris et le général Gastines. Pour le gouverneur de l'Algérie à cette époque-là, Paul Delouvrier disait : « d'ailleurs, le président de la république n'avait rien fait pour que ces entretiens aboutissent. Il voulait aller de l'avant mais pas trop vite. Le choix du négociateur principal, Roger Moris, dont les opinions Algérie française étaient connues de tous, et les consignes draconiennes qu'il lui avait données, auguraient mal du résultat des conversations ». Il a fallu attendre le 20 février 1961 pour qu'une autre rencontre ait lieu. En effet, George Pompidou accompagné de Bruno de Leusse et Claude Chayet avaient rencontré, dans le plus grand secret, Boumendjel et Boulharouf dans une petite ville de Lucerne. Trois thèmes essentiels ne pouvaient pas faire l'objet d'aucun consensus minimum des deux parties : le Sahara, la trêve et la base de Mers El-Kébir. Le seul point positif était la décision d'ouvrir des négociations officielles à Evian. En effet, les deux délégations s'étaient retrouvées à Evian, comme convenu, du 20 mai 1961 au 13 juin 1961. A la treizième rencontre, le chef de la délégation française, Louis Joxe, revenant de paris, après une suspension de 48 heures, avait procédé en ouverture de séance à un constat d'échec. Pour la délégation algérienne, la réaction avait été exprimée par Rédha Malek, porte-parole de la délégation, au cours d'une conférence de presse : « cette Algérie nouvelle que propose la France est un monstre et un fantôme. Le FLN ne peut accepter un Etat algérien amputé des quatre cinquième de son territoire dominé par certaines enclaves militaires et miné de l'intérieur par la cristallisation d'une partie de la population autour d'intérêts coloniaux révolus ». Un mois plus tard, le 20 juillet 1961, les deux délégations s'étaient retrouvées à Lugrin. La question du Sahara avait été le frein à tout avancement des pourparlers. Le chef de la délégation française avait alors fini par avouer à la délégation algérienne : « Si vous voulez la fin du conflit, il faudrait vous contenter d'une Algérie indépendante réduite à sa partie Nord. Le Sahara ferait ensuite l'objet de discussion entre la France et les riverains ». Après une semaine de discussion, les pourparlers étaient suspendus à l'initiative de la délégation algérienne. Bien que les positions aient été éloignées, les contacts secrets étaient maintenus. Pendant quatre mois de dialogue, les deux délégations sont arrivées à la dernière étape programmée aux Rousses dans le Jura, du 12 février 1962 au 20 février 1962. La délégation algérienne, conduite par Krim Belkacem, a rencontré son homologue française conduite par Joxe. Dans cette rencontre, il s'agissait de rapprocher le plus possible les positions des deux délégations sur tous les points litigieux cités précédemment. Autre fait nouveau, le général De Gaulle avait fixé une condition à sa délégation avant de partir : aboutir à un accord coûte que coûte. Le 11 février, lorsque des divergences ont à nouveau surgi, le général a téléphoné à Joxe en lui disant : « l'essentiel est d'aboutir à un accord comportant le cessez-le-feu puis l'autodétermination, du moment que cet accord n'entraîne pas des bouleversements soudains dans les conditions actuelles relatives aux intérêts matériels et politiques des Européens, aux conditions pratiques dans lesquelles s'opère sur place l'exploitation du pétrole et celle du gaz ». Le document ratifié à Evian, lors de l'ultime rencontre du 7 mars 1962 au 18 mars 1962, a permis de mettre fin à une guerre qui a duré sept ans, trois mois et dix-huit jours. Il est stipulé que l'Algérie sera un Etat souverain à l'intérieur et à l'extérieur après le référendum. L'Etat algérien se donnera, librement, ses propres institutions et choisira le régime politique et social qu'il jugera conforme à ses intérêts. Le 18 mars, en début d'après-midi, les trois négociateurs français ont apposé leur signature auprès de celle de Krim Belkacem. Pour les autres plénipotentiaires algériens, la signature - seule - de Krim suffit au nom de tout le peuple algérien.

Le cessez-le-feu est décidé pour le lendemain à midi. Il va de soi, pour conclure, que malgré l'existence de plusieurs phases de négociations pendant la guerre, l'action militaire a été menée de façon ininterrompue et, des fois, de manière à raccourcir la période des pourparlers. Le rapt de l'avion des historiques est à ce titre explicite. Pendant la première phase, la politique française a été dictée par des lobbies colonialistes d'Alger. Ils ont réussi à obtenir les pouvoirs spéciaux permettant au général Salan de conjuguer les pouvoirs civil et militaire. Avec le retour du général De Gaulle, l'autorité civile a été rétablie, mais les lobbies avaient assez de poids pour juguler tout processus menant à la négociation. Il a fallu plus de deux ans au général De Gaulle pour imposer sa volonté de dialoguer avec les chefs du FLN suivant une stratégie propre à lui. Pendant ce temps-là le peuple algérien avait su attendre avec détermination le moment de s'affranchir du joug colonial. Bien qu'il y ait eu d'énormes tensions entre les dirigeants algériens sur la conduite de la guerre, à Evian, la solidarité et la cohérence des diplomates ont permis de gagner la bataille politique. En effet, l'Algérie avait réussi, en 1954, à poser le problème en portant les armes et à l'emporter, en 1962, grâce à la détermination du peuple soutenant jusqu'au bout ses diplomates. Sources : Gilbert Meynier: histoire interne du FLN, Rédha Malek: l'Algérie à Evian, Yves Courrière : les fils de la toussaint et le temps des léopards. Revue du monde musulman et la méditerranée : l'Algérie incertaine.

17 février 2007 6 17 /02 /février /2007 12:33

 

BOUSSOUF.JPGIl y a 49 ans, Abane a été assassiné par ses pairs. Les idées qu’il a véhiculées ont été très mal comprises du fait qu’il était en avance, sur le plan intellectuel, sur sa génération. Au lieu d'exploiter cet avantage positivement pour mener à bien la guerre, ses frères de combat ont vu en lui un danger dont il faut se débarrasser au plus vite.

La déclaration de Ferhat Abbas au Caire, en 1957, pour sa première entrée officielle sur la scène internationale au nom du FLN était : « Nous avons pris les armes pour obtenir la souveraineté et l’indépendance complète pour l’Algérie une et indivisible ». Cette volonté a été affichée dés le départ par tous les combattants ayant créé ou rejoint le FLN. Là où le bas blesse c’est quand ce slogan a été exploité de façon abusive par les militaires pour éliminer les personnes qui ne partageaient pas leur point de vue quant à la conduite de la révolution.

Toujours est il que lorsque tout le monde était à l’intérieur du pays, les assassinats étaient moins fréquents car les frontistes ne pensaient qu’à échapper au rouleau compresseur des paras dirigé par Massu. En effet, au printemps 1957, la répression a été telle que les membres du CCE (Comité de coordination et d’exécution), issu du congrès de la Soummam, ne songeaient qu’à fuir le pays pour sauver la direction du front. Bien que la décision ait été prise à l’unanimité, les membres avaient des points de vue différents sur le transfert momentané ou définitif du CCE. Pour Abane, les replis sur Tunis ou le Caire n’étaient que provisoires. Le principe Soummamien de la supériorité de l’Intérieur sur l’Extérieur faisait partie d’une vraie ligne politique, puisée dans l’histoire des mouvements de libération dont ses innombrables lectures l’avaient rendu familier, estime, pour sa part, Mohamed Harbi.

Par ailleurs, pour rejoindre Tunis les quatre survivants (Ben Mhidi étant arrêté la veille par les paras) ont décidé de se scinder en deux groupes. Krim et Ben Khedda ont emprunté la voie orientale via la Kabylie et Abane et Dahleb la voie occidentale. Arrivé au Maroc Abane s’est mis en colère en découvrant, d’une part, que la Wilaya 5 était hors de combat et, d’autre part, que les chefs se conduisaient comme des Sultans. En effet, d’après Harbi : «Boussouf a besoin de terreur pour imposer le monopole du pouvoir, susciter la délation, semer la méfiance qui décourage la critique, l’organisation et la révolte. En un mot contrôler tout ». Du coup, Abane a estimé primordial de remettre la révolution sur rail pour assurer sa victoire. Il reproche notamment à Boussouf de n’être pas au combat au milieu de ses hommes et il exige surtout la dégradation de Boumediene devenu commandant à 25 ans sans fait d’arme à son actif.

Arrivé à Tunis, Abane n’a rien caché de ce qu’il avait vu au Maroc. Cette intransigeance a poussé le comité de la Wilaya 5 à demander des explications à leurs camarades sur le comportement de Abane. Celui-ci a-t-il eu tort de critiquer ses pairs? Dans une organisation démocratique il est tout à fait normal qu’un dialogue soit instauré. Dans une révolution cependant, le consensus est recommandé pour ne pas engendrer des dissensions au sein de celle-ci. Mais ce que Abane a reproché au comité de la W5 était son manquement au devoir révolutionnaire. En l'occurrence, si un tort pouvait lui être reproché c'était celui de vouloir organiser la révolution à la hauteur du combat enclenché. En effet, sans Abane et Ben Mhidi la révolution n’aurait jamais eu une organisation définissant toutes les étapes jusqu’à la victoire finale.

Avant le congrès de la Soummam, il y avait, d’après les historiens, six régions avec des stratégies différentes et il fallait le génie de Abane pour que la révolution reprenne son unité. Il a estimé que seul le rassemblement pourrait aider les Algériens à vaincre l’une des armées les mieux organisées au monde. Toutefois, en apprenant le mécontentement du groupe de Boussouf, il a tout de suite essayé de mettre les choses au clair en affirmant que : « l’action politique et militaire est un tout. Les combattants de l’intérieur doivent diriger la révolution mais céder le pas à la politique ».Un argument qui ne pouvait plaire aux militaires.

Le 26 août 1957, au Caire, les militaires ont décidé de constituer un bloc au tour de Krim Belkacem pour contrer l’action de Abane. Il faut reconnaître que sans une coalition, aucun militaire ne pouvait développer une analyse sur la conduite de la guerre comme pouvait le faire Abane. D’ailleurs, Krim voulait opposer son prestige de maquisard à la puissance intellectuelle d’Abane pour peser sur les débats, estime Yves Courrière. Pour isoler Abane, Krim a repris le reproche de Ben Bella à l’encontre des centralistes du CCE. Il a affirmé que ces derniers n’arrêtaient pas de manigancer pour éliminer les hommes de l’ALN. Cette analyse n’a évidemment aucun fondement. En revanche, elle a un but sous-jacent l’accaparement du CCE par les militaires.

Krim, en tout cas, voulait 2 ou 3 politiques face à 5 militaires pour diriger la révolution. C’est ainsi que le CNRA (sorte de parlement) du Caire a donné la majorité aux colonels au nombre de 5 sur 9. L’isolement de Abane s’est confirmé avec la constitution d’un comité permanent chargé des affaires courantes où il se trouvait seul face à quatre colonels. Ce manège, Abane l’avait compris bien avant le remaniement des instances de direction. Son inquiétude s’est confirmée quand il a été décidé de lui confier la rédaction du Moujahid. Les témoins de l’époque sont d’accord sur le fait que ce qui avait mis Abane hors de lui était le renoncement aux principes de la primauté du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur.

Sachant que les militaires voulaient l’éliminer, Abane a tenté dans un premier temps tous les remèdes afin d’amener les colonels à la raison. Mais ces derniers, par la voix de Krim, ont décidé d’envenimer davantage la crise. D’ailleurs, Krim, pour marquer la rupture, a apostrophé Abane en ces termes : « Nous ne tolérons pas qu’une décision prise démocratiquement par le CNRA soit critiquée par l’un de nous ». A ce moment-là, la décision d’éliminer ce dernier n’avait pas encore été prise, mais Abane a décidé, dans l’intérêt de la révolution, de pousser les militaires dans leur dernier retranchement. A la dernière réunion d’Abane au sein du CCE il n’a pas hésité à sermonner les militaires en leur disant « Vous ne pensez plus combat mais pouvoir. Vous êtes devenus ces révolutionnaires de palace que nous critiquions tant quand on était à l’intérieur. Quand on faisait vraiment la révolution. Moi j’en ai assez. Je vais regagner le maquis et à ces hommes que vous prétendez représenter, sur lesquels vous vous appuyez sans cesse pour faire régner votre dictature au nom des combattants, je raconterai ce qui se passe à Tunis et ailleurs ».

Pour les militaires, Abane avait franchi le Rubicon, mais la liquidation physique était-elle la meilleure solution pour avancer ? Toutefois, les chefs d’accusation retenus contre Abane n’ont aucun rapport avec le motif de la liquidation. Il a été accusé de faire d’El Moujahid sa propriété privée et d’utiliser l’UGTA à son profit personnel. Selon Gilbert Meynier, il a eu un conflit avec Ben Tobbal qui voulait lire avant publication les articles du journal. Quant à Krim, il a affirmé que Abane avait contacté un officier de la Wilaya 1 pour renverser le CCE. L’officier en question est le commandant Hadj Ali. Une fois encore les historiens sont d’accord que cet argument est non fondé dans la mesure où celui-ci n’était pas un homme de terrain : il avait été chargé du ravitaillement de la W1 aux frontières en 1956. Il ne disposait donc pas de troupes susceptibles de renverser le CCE. Mais si ces reproches étaient vrais, pourquoi les colonels ont-ils créé un tribunal de ‘salut public’ pour le condamner sans qu’il ait la possibilité de se défendre. Une chose est sûre, estime Khalfa Mammeri, c’est que « le condamné, puisqu’il faut l’appeler ainsi, n’a pas été ni présent, ni entendu, ni défendu, et plus grave ni averti de la sentence qui s’est abattue sur lui ». Pour Ferhat Abbas « les colonels se sont comportés comme les héritiers des Beni Hilal pour qui la légitimité se fonde sur la raison du plus fort. En somme, la raison de sa mise à mort était que les militaires connaissaient trop bien le sens de l’organisation, le charisme et la capacité de Abane à pouvoir rallier autour de lui toutes les forces vives pour le laisser agir.

A l'examen de tous les éléments cités plus haut, la décision de séquestrer Abane était indirectement une condamnation à mort dés lors qu'il avait été décidé de le remettre entre les mains de Boussouf. D'après Khalfa Mammeri, Krim a été partisan de la liquidation, ainsi qu'Ouamrane, et évidemment Boussouf. Cette condamnation ajoute-t-il, d'après plusieurs versions concordantes, le commandant Amirouche se serait déjà proposé de l'exécuter séance tenante lors du congrès de la Soummam, et Mohamedi Said se serait, au CNRA du Caire, proposé si personne ne le faisait. Une chose est par ailleurs certaine: Boussouf a pu tuer Abane parce que Krim avait lâché celui-ci. Pour lancer un dernier avertissement, les colonels ont, par la même occasion, exécuté Hadj Ali la veille de l'assassinat de Abane. « L'Algérie est-il un pays qui n'a pas de chance? » Cette interrogation était de Ferhat Abbas. Il a ajouté plus loin «En effet, ses enfants se jalousent, manquent d'esprit de discipline et de solidarité. Ils se plaisent dans l'intrigue. Ils oublient l'essentiel pour le futile. Quelle liberté, quelle légalité pouvons attendre de telles mœurs » Il est évident qu'Abane n'avait pas de chance face au groupe de colonels. Il ne pouvait pas mener un combat contre le régime colonial tout en étant dans la ligne de mire de ses collègues. Il va sans dire que Boussouf et consorts ont rendu un précieux service à l'armée française. Etant certain que son action est dirigée dans le sens de la libération de la patrie, Abane a été entraîné dans un piège par le seul fait qu'il ne se doutait pas que ses pairs, qui partagent de surcroît le même idéal, puissent le liquider. En revanche, la veille de son départ pour le Maroc, Abane a confié à son ami et confident Gaid Mouloud «Je vais prendre un pistolet chez Boukadoum( représentant du FLN) à Madrid et si le 27, le28 ou le 29 [décembre 1957] tu ne reçois pas par un télégramme où je te dirai:"je vais bien", tu devras alors aviser le Docteur Lamine Debaghine ».

Sans entrer dans les détails de l’exécution qui sont très douloureux, on peut dire que les assassins ont agi de façon médiévale. Plus douloureuse est la seconde mort de Abane en voulant la cacher dans le premier temps avant de l'édulcorer par la suite. En effet c'est Krim qui a fini par avouer à Ferhat Abbas, le 19/02/1958: «Abane est mort, je prends la responsabilité de sa mort. En mon âme et conscience, il était un danger pour notre mouvement. Je n'en regrette rien ». Quant au journal El Moudjahid, celui-ci a rendu un grand hommage en titrant dans le numéro du 24 au 29 mai 1958 « Abane Ramdane est mort au champs d'honneur ». Le journal ajoute encore que celui-ci est mort sur le sol national des suites de graves blessures reçus au cours d'un accrochage entre une compagnie de l'Armée de Libération Nationale chargée de sa protection et un groupe motorisé de l'Armée française. C'est de cette manière en tout cas que le journal est devenu définitivement un support des militaires. Ainsi Ben Tobbal est arrivé à ses fins.

Malgré tous les mensonges et les manigances qui ont suivi cet assassinat, le sang de Abane a été un frein à la carrière des colonels. La preuve c'est qu'à l'été 1962, ils ont été mis à la touche et d'autres ont connu les mêmes souffrances que celles infligées à Abane.

Ait Benali Boubekeur 14 février 2007

1 novembre 2006 3 01 /11 /novembre /2006 12:11

congo19051622-pjf.jpgL’action héroïque du 1er Novembre 1954 représente une date référence marquant la volonté ferme de s’affranchir du carcan colonial, mais aussi une conséquence de l’exploitation abusive de la force étrangère. Au-delà des sacrifices que cette entreprise avait nécessités, la justesse de son idéal reste et restera un argument solide pour juguler toute oppression des peuples. Les raisons ayant poussé «les fils de la Toussaint», comme les appelait Yves Courrière, sont diverses et en même temps variées. Bien que le rouleau compresseur colonial, à ce moment, ait réfuté le terme de «guerre», les moudjahidine avaient une chose en tête: en découdre avec le système abhorré qui déniait toute liberté, toute expression remettant en cause ses abus et toute organisation de la majorité ou peu s’en faut des Algériens, pouvant conduire à l’émancipation de l’indigène. La première cible dans le collimateur du dominateur était le reniement de l’identité nationale en s’attaquant à la personnalité des aborigènes; ensuite, il y avait les spoliations sous différentes formes pour plonger les paysans dans la mouise totale; et enfin la privation des enfants du droit à l’instruction. Ces éléments ont constitué un argumentaire assez fort pour booster les paysans à rejoindre leurs concitoyens en guerre contre la puissance coloniale. En tout cas, il apparaissait, à l’époque, qu’il n’y avait aucune autre alternative pour le recouvrement de l’indépendance que le passage à la lutte armée. Après avoir pris Alger, les militaires français n’avaient pas hésité à user de tous les procédés les plus humiliants à l’encontre des Algériens. Quelque temps avaient suffi pour claironner l’Algérie « terre française ». Mais la réalité concordait-elle avec ces allégations mensongères des oppresseurs ? Il faut signaler que les neuf dixièmes de la population étaient algériens pendant toute la période coloniale. Cette population, pour des raisons à la fois historiques et religieuses, ne voulait pas qu’on fasse d’elle des sujets subalternes à la botte de la métropole. De l’autre côté, les Français n’étaient pas non plus enclins à accorder ne serait-ce que les droits les plus élémentaires. Cela explique que même lorsqu’on parle réforme - quelle réforme peut-il y avoir dans la loi du plus fort -, l’indigène ne bénéficie d’aucun avantage. Le premier à avoir pensé à l’intégration de quelques Algériens était Clémenceau, qui, une fois arrivé à la présidence du conseil, avait essayé d’apporter d’infimes changements aux codes antérieurs régissant les indigènes. Ainsi, les Algériens pouvaient devenir citoyens français dans les dispositions définies par l’administration coloniale et qui étaient: 1) être âgé d’au moins 25 ans, 2) être monogame ou célibataire, 3) avoir servi dans les armées de terre ou de mer et produire un certificat de bonne conduite, 4) être propriétaire d’un bien rural ou d’un immeuble urbain, 5) être titulaire d’une décoration française ou d’une distinction honorifique accordée par le gouvernement français. Il est mentionné en bas du document que les mesures disciplinaires prises en vertu du code de l’indigénat permettent d’exclure du corps électoral tous ceux qui auront enfreint les réglementations administratives ou qui auront déplu à l’administrateur. Ces mesures ne tendaient pas assurément à faire de l’Algérien un citoyen français jouissant de tous les droits octroyés par la constitution française. Pourquoi, dans ce cas, vouloir faire de l’Algérie une terre française si les propriétaires légitimes des terres ancestrales ne l’étaient pas ? L’idéologie coloniale a toujours fonctionné sur une base militaro-économique, sur le mensonge, la violence et le sentiment de la supériorité d’une culture, d’un pays plus fort sur d’autres, sur la prétention d’aligner le reste du monde sur ces propres valeurs, écrivait Guy Richard à propos de la colonisation. Quant aux colons, leurs mots quand il s’agissait de parler du statut de l’indigène étaient nets et précis. Bien que des députés de l’extrême gauche, en 1887, aient déposé une motion accordant la naturalisation systématique de tous les Algériens auxquels on laisserait leur statut personnel, la presse algérienne, qui était entre les mains des colons, avait fini par avouer ses raisons: « Nous autres algériens, nous ne pouvons pas admettre que les indigènes soient des français comme nous ». Le colonialisme avait montré un visage monstrueux en procédant de diverses manières pour faire de l’indigène un éternel indigent. En effet, deux mondes ambivalents avaient existé pendant toute la période d’occupation: celui des Français était, bien entendu, moderne et développé et l’autre était traditionnel. En plus des moyens matériels offerts aux colons arrivés en Algérie, ils possédaient environs deux millions d’hectares des meilleures terres. La moyenne par propriétaire était estimée à environ 120 hectares. Quant aux aborigènes, la moyenne n’avait jamais dépassé les 10 hectares par propriétaire. Toutefois, malgré l’écart de richesse qui séparait les deux mondes, par ailleurs vivant sur le même sol, les Algériens contribuaient à alimenter l’essentiel des budgets. En 1914, plus de 60% des impôts directs avaient été versés par les Algériens. La question qui taraude l’esprit est indubitablement de savoir comment, en un temps relativement court, les Français avaient-ils pu posséder autant de terre ? Le plus illustre ministre qu’ait connu la France, M. Jules Ferry, avait reconnu devant le Sénat le 6 mars 1891: « Après la chute de l’Empire, depuis 1871 et jusqu’en 1883, c’est assurément dans le sens de la colonisation française qu’on a administré et gouverné l’Algérie. C’était essentiellement la colonisation par la dépossession de l’Arabe ». Concernant la répartition des aides aux agriculteurs, la raison qui devrait prévaloir dans un pays d’égalité et de fraternité, c’est que lorsqu’on contribue aux mêmes efforts inhérents à l’augmentation de la richesse du pays, l’Etat devrait aider, en cas de calamités naturelles, les nécessiteux en toute impartialité. Pendant la colonisation, bien que l’effort ait été le même, l’indigène ne devait compter que sur lui-même. L’affirmation était du gouverneur de l’Algérie en 1931 qui attestait que « le maximum de crédits prévus pour aider les indigènes se trouvant dans le besoin se monte à 82.000 F, alors que la seule commune mixte du département de Constantine nécessite à elle seule plus de 120.000 F ». Cette situation précaire avait conduit à un phénomène assez général: ventes judiciaires, licitations et saisies de propriétés algériennes. Le bilan, entre 1885 et 1889, fut très lourd de conséquences pour les autochtones: 5.435 ventes judiciaires, 1.715 licitations et 3.330 saisies. La prise de conscience, s’il y en avait eu, n’est venue que tardivement. Le gouverneur Tirman, qui avait conduit cette politique, avait dû reconnaître plus tard que cette législation avait servi à dépouiller les Algériens en affirmant: « Je puis dire que dans les territoires où elle avait (la législation) reçu son exécution, on trouve aujourd’hui peu d’indigènes ayant conservé leurs propriétés et beaucoup qui sont devenus «khemmès», les ouvriers de terres dont ils étaient autrefois propriétaires ». Si l’on croit le discours des politiques français à cette époque, celui-ci devait être basé sur une mission qui aurait consisté à juguler le phénomène de l’ignorance et de la barbarie des pays à occuper (faut-il par ailleurs se demander si le conquérant n’était pas plus barbare que le conquis). Mais une fois la conquête réalisée, y avait-il la mise en oeuvre de la promesse donnée ? D’abord, la présence française a débuté par une invasion armée. Du coup, les indigènes n’étaient confrontés qu’à la seule force des armes: par conséquent, ils ne pouvaient goûter à la supériorité de la civilisation occidentale. La politique pratiquée par l’armée était aux antipodes de ce que devait être la civilisation. Pour preuve, une lettre du général Montagnac en 1843, qui a été interceptée, donnait des ordres clairs à l’un de ses amis sur la conduite à tenir: « Voilà, mon brave ami, comme il faut faire la guerre aux Arabes: tuer tous les hommes jusqu’à l’age de 15 ans, prendre toutes les femmes et les enfants, en charger des bâtiments, les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs. En un mot, anéantir tout ce qui ne rampe pas à nos pieds comme des chiens ». Bien qu’il n’y ait aucun baromètre qui permette de mesurer l’ignorance des uns et des autres, François Guillaume a pu affirmer qu’à l’époque de la conquête, il n’y avait pas une grande distance au point de vue de la civilisation entre les ouvriers et les paysans français - qui ont formé la quasi-totalité des colons officiels - et les paysans algériens. En dépit de la position prépondérante qu’occupe la France en Europe par l’éclat des sciences, des lettres, cette magnifique culture ne touchait pas toutes les classes de la société. On peut même dire, ajoute l’historien, que le paysan français était plus ignorant que l’algérien: il existait 54% de citoyens illettrés en France au début du XIX siècle. Michel Winock, quant à lui, constate que plus de 100 ans après l’arrivée des Français, sur 1.250.000 enfants de six à quatorze ans, moins de 100.000 sont scolarisés. L’illettrisme atteint le seuil le plus bas chez les adultes: 94% de la population masculine algérienne est illettrée en français, 98% chez les femmes. Ces chiffres n’étaient pas les mêmes chez les colons qui scolarisaient quasiment tous leurs enfants. D’ailleurs, les statistiques de 1914 corroborent la thèse de moins d’illettrés chez les colons. Il y avait à l’école secondaire à ce moment un élève sur 1.460 Français, qui était une moyenne nationale, hormis les Algériens. Pour le même cycle, on trouve un élève pour 20.161 chez les Algériens. Quant à l’école supérieure, le rapport était le même pour les Français d’Algérie, mais il atteint un rapport de un étudiant pour 322.580 pour les indigènes. Il va de soi qu’à l’examen de ces éléments, le 1er Novembre ne constitue pas un fait de hasard. Après des attentes, des mini-insurrections, le mouvement national, dans la douleur après la scission du MTLD, a pu tirer les conclusions qui s’imposaient. Ayant été privée de ses terres, de sa culture, du droit à l’instruction, la population autochtone n’avait d’autre choix pour exprimer son ras-le-bol que par l’action armée, comme l’illustre le proverbe « tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ». Le bilan de la colonisation, à l’exception des deux guerres mondiales, aura été l’entreprise humaine qui a produit le plus de victimes dans le monde.  Ouvrages consultés 1) Charles-Robert Agéron: L’histoire de l’Algérie contemporaine 2) André Nouschi: L’Algérie amère 3) François Guillaume: Les mythes fondateurs de l’Algérie française 4) Guy Richard



 
Ecrit par : Aït Benali Boubekeur
Source : www.quotidien-oran.com

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