18 mars 2007 7 18 /03 /mars /2007 10:41

96602291accords-d-evian-jpg.jpgPar Aït Benali Boubekeur 18 mars 2007

Dans la déclaration de la proclamation du FLN diffusée le 1er novembre 1954, dans la partie consacrée aux moyens de lutte, a été implicitement mentionné: «afin d'éviter les fausses interprétations et les faux-fuyants, pour prouver notre

désir réel de paix, limiter les pertes en vies humaines et les effusions de sang, nous avançons une plateforme honorable de discussion aux autorités françaises si ces dernières sont animées de bonne foi et reconnaissent, une fois pour toutes, aux peuples qu'elles subjuguent le droit de disposer d'eux-mêmes».

A travers cette déclaration, le parti nationaliste savait pertinemment, que seul un dialogue sincère pouvait déboucher sur une solution équitable qui aurait permis à tous les natifs d'Algérie de vivre dans une parfaite symbiose, et au régime colonial de revoir sa copie basée sur la domination.

Ainsi, le combat auquel appelait le FLN n'était qu'un moyen pour ramener les responsables français à négocier une paix sans qu'aucune partie ne soit humiliée. En effet, les rencontres entre les deux parties avaient commencé en 1955 et elles ont eu lieu, plus souvent, en catimini pour ne pas démoraliser les troupes pour les uns, et pour ne pas paraître comme un bradeur de l'empire pour les autres.

Deux périodes, en tout cas, ont caractérisé le déroulement de ces contacts : l'une, début 1955 - fin 1956 où il y avait eu de nombreux changements à la tête du conseil français car le régime de la quatrième république ne faisait pas assez de poids par rapport aux lobbies d'Alger, et l'autre, fin 1959 - début 1962, correspondant au retour du général De Gaulle au pouvoir. Entre ces deux périodes, il y avait eu une étape très douloureuse correspondant à l'interruption des contacts, notamment du côté français pour privilégier l'action militaire. La plupart des victimes, d'après les archives, étaient enregistrées pendant cette période-là. En effet, dès le 1er mars 1955, le commandant Monteil, après avoir eu l'aval du gouverneur général, avait demandé à Ben Khedda alors en prison ce qu'il aurait fallu faire pour que le dialogue soit établi. Ben Khedda, n'ayant pas encore rejoint le FLN, avait proposé que trois mesures au moins soient prises dans l'immédiat : « D'abord, que le gouverneur donne un indice concret de désir sincère d'appliquer le statut de 1947 en organisant, par exemple, des élections libres. Ensuite, qu'il décide quelques libérations significatives. Enfin, que l'on donne l'exemple d'un esprit nouveau dans les rapports entre l'administration et les Algériens ». Du côté algérien, c'est Ferhat Abbas qui avait suggéré aux responsables du front de lui laisser une dernière chance pour rétablir la paix et ce, avant de dissoudre son parti, l'UDMA : « laissez-moi faire une dernière tentative pour essayer d'arrêter cette guerre qui va être catastrophique pour tout le monde car la victoire ne sera pas facile ». A cette époque cruciale, à Paris, les hauts responsables avaient fait clairement entendre à Abbas que la simple idée de négociation aurait suffi à mettre le feu aux poudres. A vrai dire, personne n'y était favorable du gouverneur (Soustelle) au président du conseil (Edgar Faure) en passant par Mitterrand (ministre de l'intérieur), qui, depuis le 1er novembre 1954, disait à qui voulait l'entendre : « la seule négociation, c'est la guerre ». A des formules paternalistes de certains libéraux conjuguées à la ferme détermination des responsables d'anéantir l'insurrection, les contacts avaient cessé totalement sine die. Cette position avait basculé les Algériens les plus réticents, et le FLN tenait pour tièdes ou traîtres ceux qui envisageaient autre chose que la poursuite de la lutte armée.

Après l'investiture du président du conseil, Guy Mollet, des contacts avaient été ménagés par l'intermédiaire des Egyptiens en mars 1956. En effet, lors d'un voyage du ministre des Affaires étrangères français, Christian Pineau, en Asie, celui-ci s'était arrêté au Caire pour y rencontrer le président Nasser. Il lui avait proposé l'ouverture des pourparlers secrets avec le FLN. La délégation extérieure installée au Caire, composée de Khidder, Aït Ahmed, Ben Bella et Debaghine, avait désigné le premier pour rencontrer son homologue français Joseph Begarra, membre du comité directeur du SFIO.

Pour la France, il s'agissait seulement d'accorder une autonomie de gestion pour l'Algérie, la libération des détenus politiques, garanties aux éléments de l'ALN et ce, suivant une triptyque chronologique : « cessez-le-feu, élection, négociation ». Khidder avait rappelé alors : « les interlocuteurs algériens ne devaient être que ceux désignés par le FLN, lequel n'accepterait de négocier avec la France que si le principe d'un Etat algérien jouissant de tous les attributs de la souveraineté était accepté ». Toutefois, pour tester le poids de son interlocuteur, Khidder avait demandé si la délégation extérieure pouvait se rendre en Algérie pour recueillir l'aval du maquis. Et là, les délégués français commençaient à éluder la question car ils n'étaient ni mandaté à discuter de ce sujet, ni en mesure de garantir la sécurité des chefs algériens. Malgré ce point d'achoppement, les contacts avaient repris le repris le 26 juillet 1956, en Yougoslavie, après l'intervention du président Tito. Face à Pierre Commin, secrétaire général du SFIO, la délégation extérieure avait mandaté Ahmed francis et M'hamed Yazid. Le seul point sur lequel les délégués tombaient d'accord était sur l'ouverture de discussions préliminaires, secrètes et directes entre les représentants du gouvernement français et le FLN. Par ailleurs, un autre rendez-vous avait été programmé en Italie le 17 août 1956. La délégation française, conduite par Commin, avait alors expliqué sa position : « conformément au principe inclus dans le préambule de la constitution française, l'Algérie sera dotée d'une large autonomie de gestion limitée à des compétences définies et comportant un exécutif et un législatif ».

La définition des compétences communes - c'est-à-dire française - étaient: les Européens, les affaires étrangères, la défense, les questions économiques et financières. La délégation algérienne conduite par Khidder et comprenant Kiouane et Yazid avait répondu de façon péremptoire : « avant toute discussion sur le fond, la condition sine qua none exigée par le peuple algérien en guerre pour la libération est la proclamation de l'indépendance ». La dernière rencontre de la première phase des négociations s'était déroulée à Belgrade, le 22 septembre 1956. Le préalable de l'indépendance mis en avant par la délégation algérienne avait mis fin à une série de contacts secrets sous le gouvernement de Guy Mollet. L'étape intermédiaire entre les deux phases des négociations correspondait à la lutte sans merci. En effet, après le rapt aérien des chefs historiques de la délégation extérieure, en route vers une conférence maghrébine, avait signifié un triomphe des maximalistes des deux camps. D'un côté, la joie du comité de la wilaya 2 (Constantinois) à la nouvelle de l'arraisonnement de l'avion d'Air Atlas signifiait pour longtemps l'enterrement de toute idée de compromis. De l'autre côté, les milieux militaires et colonialistes français gagnaient pour l'heure la partie en ce que toute négociation avait été dès lors suspendue.

Le rapt aérien des chefs historiques avait permis, également, d'épargner l'éclatement du FLN suite au refus de Ben Bella et Boudiaf de reconnaître les décisions du congrès de la Soummam définissant, à la fois, la doctrine et la stratégie à adopter en énonçant la politique et les orientations de la révolution algérienne. Ben Bella avait fustigé la dérive laïciste qui remettait en cause le caractère non islamique des futures institutions politiques du pays. Pendant plus de deux ans, la France avait misé sur la seule action militaire en essayant de casser l'organisation politico-militaire du FLN. Des dérapages et des abus avaient été le lot quotidien des Algériens, notamment des populations civiles. En effet, la bataille d'Alger avait été l'un des grands crimes contre l'humanité que l'histoire coloniale ait connue. En parlant de la dérive des paras, Yves Courrière, l'a résumée ainsi : « Pour les paras un type qui claque sous la torture, il faut le faire disparaître. Ainsi, au 10ème DP, au 1er RPC, à la villa Sesini, on applique le même procédé. En outre, ces officiers obtiennent des renseignements beaucoup plus rapidement que ceux des autres unités. Les officiers font tous les soirs leur tournée. Avec des camions bâchés ils récupèrent dans tous les centres d'interrogatoire ceux dont le cour a flanché ou ceux qui ne valent pas mieux. Et on embarque tout le monde, cadavres ou demi-morts, jusqu'à une fosse - elle deviendra un charnier - à une trentaine de kilomètres d'Alger, entre Zéralda et Koléa. Sur le bord de la fosse les militaires liquident au pistolet ou au poignard les demi-cadavres. La mer est également bien pratique. Des hélicoptères vont au large se débarrasser des cadavres importuns. On les balance dans le vide, un parpaing aux pieds. Il y en aura 4000 civils pendant la bataille d'Alger ». Les offensives du plan Challe avaient exsangue les maquis de l'intérieur et avaient engendré une terreur chez les civils qui n'avaient d'autres choix que de quitter le pays pour une destination quelconque - le Maroc et la Tunisie étaient les plus préférés -. Il y avait eu, au total, plus de deux millions de déplacés. Bien que l'intérieur ait subi un quadrillage militaire suivi d'une répression inouïe, c'était l'organisation extérieure qui avait été la plus ébranlée avec l'affaire Lamouri (tentative des officiers de la wilaya 1 et de la base de l'Est pour renverser le GPRA, pour éliminer Krim Belkacem et Mahmoud Chérif. Ce dernier, colonel, venant de l'UDMA, nommé à la tête des Aurès n'était pas apprécié par ses subalternes), l'affaire Amira (ancien du PPA de Sétif, ami intime de Lamine Debaghine, Amira avait été scandalisé par la nomination de Ferhat Abbas à la tête du GPRA. Convoqué par les services de Boussouf et interrogé après une fouille minutieuse de sa chambre, Amira était retrouvé sans vie, quelques heures plus tard, devant le siège du GPRA au Caire. Cette affaire avait provoqué la démission du ministre des Affaires étrangères, Debaghine), le déménagement du GPRA du Caire sur Tunis et la paralysie croissante du gouvernement provisoire - 6 mois environ - à laquelle le recours aux dix colonels avait paru être une issue à la survie du GPRA. Toutefois, malgré le retour du général au pouvoir, la stratégie militaire avait été maintenue et privilégiée car, le retour du général aux affaires s'était accompli sous l'impulsion des ultras et des militaires qui pensaient, vaille que vaille, garder l'Algérie française. Le premier appel du général, depuis son retour au pouvoir, datait du 28 septembre 1959. Il s'adressait à tous les combattants algériens que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du pays : « j'ai parlé de la paix des braves. Qu'est-ce à dire ? Simplement ceci : que ceux qui ont ouvert le feu le cessent, et qu'ils retournent sans humiliation à leur famille et à leur travail ». Décidément, la fin de la guerre ne pouvait pas être conclue si rapidement bien que le général ait été le farouche défenseur de la souveraineté de son pays après l'occupation allemande de 1940. Malgré la rigidité de la position française, le FLN avait décidé, juste après la formation de son gouvernement, d'abandonner le préalable de l'indépendance. Bien que la solution n'ait pas pu être conclue en dehors d'une discussion avec le GPRA, le général s'était toujours opposé à la représentativité exclusive du gouvernement provisoire sur le peuple algérien. Il avait essayé de dégager une troisième force modérée, disait-il, qui aurait servi de faire valoir à sa politique algérienne. A ce moment-là, en tout cas, la solution militaire était apparue comme un emplâtre sur une jambe de bois. Ainsi, deux ans après le retour du général, une délégation algérienne, composée de Ahmed Boumendjel et Seddik Ben Yahia, avait rencontré les représentants du général le 26 juin 1960, à Melun. La délégation française était composée du colonel Mathon, Roger Moris et le général Gastines. Pour le gouverneur de l'Algérie à cette époque-là, Paul Delouvrier disait : « d'ailleurs, le président de la république n'avait rien fait pour que ces entretiens aboutissent. Il voulait aller de l'avant mais pas trop vite. Le choix du négociateur principal, Roger Moris, dont les opinions Algérie française étaient connues de tous, et les consignes draconiennes qu'il lui avait données, auguraient mal du résultat des conversations ». Il a fallu attendre le 20 février 1961 pour qu'une autre rencontre ait lieu. En effet, George Pompidou accompagné de Bruno de Leusse et Claude Chayet avaient rencontré, dans le plus grand secret, Boumendjel et Boulharouf dans une petite ville de Lucerne. Trois thèmes essentiels ne pouvaient pas faire l'objet d'aucun consensus minimum des deux parties : le Sahara, la trêve et la base de Mers El-Kébir. Le seul point positif était la décision d'ouvrir des négociations officielles à Evian. En effet, les deux délégations s'étaient retrouvées à Evian, comme convenu, du 20 mai 1961 au 13 juin 1961. A la treizième rencontre, le chef de la délégation française, Louis Joxe, revenant de paris, après une suspension de 48 heures, avait procédé en ouverture de séance à un constat d'échec. Pour la délégation algérienne, la réaction avait été exprimée par Rédha Malek, porte-parole de la délégation, au cours d'une conférence de presse : « cette Algérie nouvelle que propose la France est un monstre et un fantôme. Le FLN ne peut accepter un Etat algérien amputé des quatre cinquième de son territoire dominé par certaines enclaves militaires et miné de l'intérieur par la cristallisation d'une partie de la population autour d'intérêts coloniaux révolus ». Un mois plus tard, le 20 juillet 1961, les deux délégations s'étaient retrouvées à Lugrin. La question du Sahara avait été le frein à tout avancement des pourparlers. Le chef de la délégation française avait alors fini par avouer à la délégation algérienne : « Si vous voulez la fin du conflit, il faudrait vous contenter d'une Algérie indépendante réduite à sa partie Nord. Le Sahara ferait ensuite l'objet de discussion entre la France et les riverains ». Après une semaine de discussion, les pourparlers étaient suspendus à l'initiative de la délégation algérienne. Bien que les positions aient été éloignées, les contacts secrets étaient maintenus. Pendant quatre mois de dialogue, les deux délégations sont arrivées à la dernière étape programmée aux Rousses dans le Jura, du 12 février 1962 au 20 février 1962. La délégation algérienne, conduite par Krim Belkacem, a rencontré son homologue française conduite par Joxe. Dans cette rencontre, il s'agissait de rapprocher le plus possible les positions des deux délégations sur tous les points litigieux cités précédemment. Autre fait nouveau, le général De Gaulle avait fixé une condition à sa délégation avant de partir : aboutir à un accord coûte que coûte. Le 11 février, lorsque des divergences ont à nouveau surgi, le général a téléphoné à Joxe en lui disant : « l'essentiel est d'aboutir à un accord comportant le cessez-le-feu puis l'autodétermination, du moment que cet accord n'entraîne pas des bouleversements soudains dans les conditions actuelles relatives aux intérêts matériels et politiques des Européens, aux conditions pratiques dans lesquelles s'opère sur place l'exploitation du pétrole et celle du gaz ». Le document ratifié à Evian, lors de l'ultime rencontre du 7 mars 1962 au 18 mars 1962, a permis de mettre fin à une guerre qui a duré sept ans, trois mois et dix-huit jours. Il est stipulé que l'Algérie sera un Etat souverain à l'intérieur et à l'extérieur après le référendum. L'Etat algérien se donnera, librement, ses propres institutions et choisira le régime politique et social qu'il jugera conforme à ses intérêts. Le 18 mars, en début d'après-midi, les trois négociateurs français ont apposé leur signature auprès de celle de Krim Belkacem. Pour les autres plénipotentiaires algériens, la signature - seule - de Krim suffit au nom de tout le peuple algérien.

Le cessez-le-feu est décidé pour le lendemain à midi. Il va de soi, pour conclure, que malgré l'existence de plusieurs phases de négociations pendant la guerre, l'action militaire a été menée de façon ininterrompue et, des fois, de manière à raccourcir la période des pourparlers. Le rapt de l'avion des historiques est à ce titre explicite. Pendant la première phase, la politique française a été dictée par des lobbies colonialistes d'Alger. Ils ont réussi à obtenir les pouvoirs spéciaux permettant au général Salan de conjuguer les pouvoirs civil et militaire. Avec le retour du général De Gaulle, l'autorité civile a été rétablie, mais les lobbies avaient assez de poids pour juguler tout processus menant à la négociation. Il a fallu plus de deux ans au général De Gaulle pour imposer sa volonté de dialoguer avec les chefs du FLN suivant une stratégie propre à lui. Pendant ce temps-là le peuple algérien avait su attendre avec détermination le moment de s'affranchir du joug colonial. Bien qu'il y ait eu d'énormes tensions entre les dirigeants algériens sur la conduite de la guerre, à Evian, la solidarité et la cohérence des diplomates ont permis de gagner la bataille politique. En effet, l'Algérie avait réussi, en 1954, à poser le problème en portant les armes et à l'emporter, en 1962, grâce à la détermination du peuple soutenant jusqu'au bout ses diplomates. Sources : Gilbert Meynier: histoire interne du FLN, Rédha Malek: l'Algérie à Evian, Yves Courrière : les fils de la toussaint et le temps des léopards. Revue du monde musulman et la méditerranée : l'Algérie incertaine.

commentaires

Contactez-Moi

  • : Blog AIT BENALI Boubekeur
  • : L’école algérienne ne s’est pas attelée, en ce qui concerne l’enseignement de l’histoire, à la transmission du savoir. L’idéologisation de l’école l’a emporté sur les impératifs de la formation. Or, les concepteurs de ces programmes préfèrent envoyer leurs enfants dans des écoles occidentales. Du coup, la connaissance de l'histoire ne passe pas par l'école.
  • Contact

  • Ait Benali Boubekeur
  • Il est du devoir de chaque citoyen de s’intéresser à ce qui se passe dans son pays. C'est ce que je fais modestement.

Recherche

Catégories