16 décembre 2011 5 16 /12 /décembre /2011 11:16

abanekrims.jpg« Ta mission est de concilier Krim et Abane. Le reste est sans importance. Quand deux Kabyles sont en conflit, il arrive que l’un d’eux meure. C’est cela qu’il faut éviter », conseil du Cheikh El-Bachir El-Ibrahimi à Ferhat Abbas.

Depuis le départ du CCE (Comité de coordination et d’exécution) vers l’extérieur, la relation entre  les deux hommes ne cesse de se détériorer. En un mot, ils ne se blairent plus. Bien qu’ils aient eu à transcender des épreuves difficiles entre 1955 et 1957, leurs caractères opposés les plongent dans une crise abyssale. Ainsi, l’entente entre les deux figures emblématiques du mouvement national n’a pas survécu aux difficultés de la guerre. Du coup, la cohésion affichée au congrès de la Soummam a reçu un coup terrible. À ce propos, il convient de signaler que le travail de sape de Ben Bella, ayant ouvertement  contesté les résolutions de la Soummam, sema la zizanie entre les deux hommes. D’emblée, son but est de détacher Krim d’Abane. Pour ce faire, il ne cesse pas de  rappeler à Krim qu’ « à la base de la révolution existe un contrat moral entre neuf hommes ». En effet, il insiste sur ce contrat moral afin que Krim s’éloigne d’Abane. Ce dernier, pour rappel, a été en prison lors du déclenchement de la guerre d’Algérie. En effet, il purgeait une  peine de prison remontant au démantèlement de l’OS, organisation paramilitaire du PPA-MTLD. À sa sortie de prison, la guerre fut déjà déclenchée. Il la rejoignit aussitôt. Mais, qui peut oser dire que si Abane avait été en liberté en novembre 1954, il n’aurait pas été parmi ces historiques ?

Cependant, le conflit entre les deux hommes ne s’explique pas uniquement pas les intrigues de Ben Bella. Incontestablement, les deux chefs charismatiques ont des conceptions différentes de l’exercice de l’autorité et des vues également différentes de l’avenir, écrit Ferhat Abbas. Démocrate exemplaire, Abane reproche sans cesse aux colonels leur propension à l’autoritarisme. À ce propos, il se confie à Ferhat Abbas en énumérant ses griefs : « Ce sont, me dit-il, des futurs potentats orientaux. Ils s’imaginent avoir le droit de vie et de mort sur les populations qu’ils commandent. Ils constituent un danger pour l’avenir de l’Algérie. » Le mot qui blesse est lâché. En plus, il ne cherche même pas à s’en cacher. Pour lui, la conception d’un pouvoir autoritaire va causer des conséquences fâcheuses à l’Algérie. Mais, pourquoi accuse-t-il les colonels, qui par bravoure, ont osé affronter le système colonial très puissant ? Pour lui, le devoir national ne devrait pas faire de ces derniers des remplaçants du système combattu. Il raconte alors à Ferhat Abbas sa déconvenue lors de son passage en wilaya V, commandée par Abdelhafid Boussouf : « C’est ainsi qu’à mon passage au Maroc, j’ai appris que la wilaya V disposait de plus d’un milliard de francs, alors que dans la wilaya III et la IV nous n’avions pas le moindre sou. Et quand j’en ai fait le reproche à Boussouf, il s’est rebiffé. Il ne comprend pas que cet argent est à l’Algérie et non à sa seule wilaya. » Hélas, bien qu’il n’ait pas peur de s’élever contre ces pratiques, Abane n’a pas les moyens de s’y opposer aux puissants colonels. D’autant plus que très vite ils scellent leur alliance. C’est la naissance du fameux groupe des 3B.

Quoi qu’il en soit, Ferhat Abbas, un homme sage et probe, ne se contente pas d’écouter Abane. Il se rapproche de Krim pour entendre sa version. Ce dernier explique qu’il fut isolé dans l’ancienne équipe du CCE. « Dahleb et Ben Khedda sont toujours de l’avis de Abane. Il en résulte que je suis seul. Tout ce que je propose est rejeté. C’est vexant et arbitraire », se confie-t-il à Ferhat Abbas. Selon le héros des djebels, la composition du CCE doit changer. Il passera ainsi de cinq membres à neuf. Bien que le caractère d’Abane soit dur, il n’en reste pas moins que sa marginalisation va priver la révolution d’un grand apport. D’ailleurs, ce nouveau remaniement du CCE, selon Ferhat Abbas, ne place pas forcément l’intérêt du pays avant la satisfaction de certains ego. Il note d’ailleurs à ce propos : « Il [Krim] proposait que les membres du CCE soient portés à neuf : cinq colonels et quatre civils : Abane, Dr Lamine, Mehri et moi-même. Krim était vindicatif. Quand je lui proposai de maintenir Ben Khedda et Dahleb, mieux préparés que nous pour cette fonction, il me répondit qu’ils avaient commis des fautes et qu’il fallait qu’ils paient. »

Par ailleurs, lors du CNRA du Caire, du 20 au 28 aout 1957, plusieurs décisions, allant à l’encontre de la Soummam, sont prises. En effet, en plus de l’élargissement de l’équipe du CCE, passant de cinq à neuf membres, deux mesures arrêtées à la Soummam sont réécrites. Il n’y a plus de différence entre l’Intérieur et l’Extérieur, ni le primat du politique sur le militaire, décident les colonels. En dépit de son esprit d’organisateur hors-norme, Abane se voit confier la rédaction du journal El Moujahid. Peu de temps après, on lui reprochera, c’est le cas notamment de Ben Tobbal, de ne pas leur faire lire les articles avant leur publication. En fin de compte, le 27 décembre 1957, le colonel Boussouf, avec la complicité des autres colonels, met fin aux jours d’Abane. Désormais, les colonels n’ont plus de rival pouvant se mesurer à eux. Depuis cet odieux assassinat, l’emprise des 3B sur la révolution est sans commune mesure. Il faudra attendre la fin de la guerre pour que Houari Boumediene mette fin à leur influence. D’une façon générale, le pouvoir va changer de main. Mais son exercice restera le même.   

Par Ait Benali Boubekeur    

13 décembre 2011 2 13 /12 /décembre /2011 19:13

imag7es.jpgÀ l’été 1959, le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) est miné par une crise interne latente. En effet, les colonels, notamment les 3B (Ben Tobbal, Boussouf et Belkacem Krim), veulent prendre, à eux seuls, les commandes de la révolution. Bien que leurs voix, dans les différentes réunions, soient prépondérantes, il n’en demeure pas moins qu’au début de l’été 1959, ils entendent écarter uniment les personnalités civiles du gouvernement provisoire. Selon Ferhat Abbas, dans « L’autopsie d’une guerre » : « Le GPRA se réunit au Caire le 29 juin 1959. Je présidai. Krim prit la parole et proposa la nouvelle formule de l’exécutif. Cette proposition aussi saugrenue qu’inacceptable souleva l’indignation de Ben Khedda, de Mehri, du Dr Lamine Debaghine, du colonel Mahmoud Cherif et du Dr Francis. Tewfik El-Madani et Yazid observèrent un silence prudent.» En fait, dans l’esprit des trois colonels, le GPRA doit être remplacé par une équipe restreinte. Laquelle équipe sera composée par les auteurs de la proposition. Ils pensent ainsi juguler la vague de contestation venant des maquis de l’intérieur et des divers groupes stationnés aux frontières.

Quoi qu’il en soit, cette course pour le pouvoir n’est pas de l’avis de tous les colonels. Un jour, raconte Ferhat Abbas, le colonel Lotfi est venu le voir dans sa chambre d’hôtel au Caire. Il était alors dépité par les intrigues de certains de ses collègues. Bien qu’il soit colonel lui aussi, il refuse que la révolution soit l’otage de quelques-uns. Il essaie à sa façon de tirer la sonnette d’alarme. En dépit de sa bravoure, il se confie à Ferhat Abbas avec un air désespéré : « Notre Algérie va échouer entre les mains des colonels, autant dire des analphabètes. J’ai observé, chez le plus grand nombre d’entre eux, une tendance aux méthodes fascistes. Ils rêvent tous d’être des « Sultans » au pouvoir absolu. »

Surtout, ce vaillant colonel n’est pas optimiste pour la suite. Pour lui, bien que la France parte de l’Algérie, si les méthodes de gérer la révolution n’évoluait pas, le pays risquerait d’aller à vau-l'eau. Pour justifier ses craintes, le colonel Lotfi étaie son propos en disant au président du GPRA en exercice : « Derrière leurs querelles [Les 3B], ajoute-t-il, j’aperçois un grave danger pour l’Algérie indépendante. Ils n’ont aucune notion de la démocratie, de la liberté, de l’égalité entre les citoyens. Ils conservent du commandement qu’ils exercent le goût du pouvoir et de l’autoritarisme. Que deviendra l’Algérie entre leurs mains ? Il faut que tu fasses quelque chose pendant qu’il est encore temps. Notre peuple est menacé. » Hélas, à ce moment-là, la noria fut lancée. Depuis la liquidation d’Abane, les rênes de la révolution furent entre les mains des 3B. Du coup, seule une personnalité, ayant sous ses ordres des troupes, peut leur disputer le pouvoir. Cette occasion arrive le mois de décembre 1959. Dix colonels sont invités pour se prononcer sur la crise secouant le GPRA depuis quelques mois.

Dans cette réunion, le colonel Lotfi s’est distingué par ses remises en cause de l’autorité des 3B. Il leur demande de quitter la réunion ou d’inviter les autres membres du gouvernement. Le colonel Lotfi, avec le colonel Slimane Dehiles, déploie tous ses efforts pour que le danger militariste soit écarté. Hélas, l’affaiblissement des 3B, lors de la réunion du CNRA (Conseil national de la Révolution algérienne) de janvier 1960, ne profite pas aux civils. À leur place, une nouvelle force a fait son apparition. Il s’agit de l’EMG (État-major général), commandé par Houari Boumediene. Ainsi, malgré l’injonction du CNRA pour que les militaires se trouvant aux frontières rentrent en Algérie, le colonel Boumediene fait la sourde oreille. Pourquoi va-t-il risquer sa vie en Algérie, du moment qu’il a sous la main les effectifs nécessaires pouvant lui assurer le pouvoir dans l’Algérie indépendante ? La suite des événements va nous prouver que les craintes du colonel Lotfi sont réelles. En effet, avant la fin de la guerre, le colonel Boumediene se projetait dans l’après-guerre.

En tout cas, les décisions du CNRA de janvier 1960 restent sans effet. Pour Ferhat Abbas : « Seuls exécutèrent cet ordre le colonel Ben Cherif, le colonel Lotfi et son suppléant, le commandant M’barek, enfin le commandant Zbiri. » Hélas, dans cette guerre injuste, l’Algérie a perdu ses meilleurs enfants. Après Ben Mhidi exécuté par les paras, après l’assassinat d’Abane par ses pairs, le colonel Lotfi tombe au champ d’honneur, le 29 mars 1960. Toutefois, avant de rentrer en Algérie, il a tenu à rendre visite, pour la dernière fois, au président du GPRA en exercice. De cet entretien, Ferhat Abbas relate les appréhensions du colonel Lotfi : « L’atmosphère au sein de la Délégation extérieure lui faisait peur. Les luttes sourdes des colonels ne lui avaient pas échappé. Il en était épouvanté : J’aime mieux mourir dans le maquis que de vivre avec ces loups.»

Avec la disparition du colonel Lotfi, l’Algérie a perdu un colonel exemplaire. Tout compte fait, de ses collègues ayant le même grade, ceux qui pensaient restituer le pouvoir au peuple furent rares. D’une façon générale, les craintes du colonel Lotfi se sont avérées exactes. Avant même le cessez-le-feu, le colonel Boumediene remit en cause l’autorité du GPRA. Dans la course pour le pouvoir, il compte imposer sa vision. Pour ce faire, il envoie le commandant Abdelkader, alias Abdelaziz Bouteflika, au château d’Aulnoy où sont emprisonnés les 5 chefs historiques, recruter l’un d’eux. Après le refus de Boudiaf, Bouteflika convainc Ben Bella. Finalement, avant même que les Algériens se prononcent pour leur autodétermination, la question du pouvoir a été tranchée en dehors du peuple. Depuis, cette règle reste de mise. Cinquante ans après, les responsables désignent le chef avant que le peuple dise son mot. 

Par Ait Benali Boubekeur         

10 décembre 2011 6 10 /12 /décembre /2011 22:22

images-copie-9.jpgLes événements du 11 décembre 1960 sont la preuve irréfutable de l’attachement des Algériens à leur indépendance. Leur courage et leur détermination vont peser dans la phase de négociation commençant à Lucerne et se terminant, un an plus tard,  à Evian. Toutefois, ces pourparlers sont arrivés bien tard. Le retour du général de Gaulle au pouvoir est intervenu, rappelons-nous, en juin 1958. En effet, à cette date, la politique du général fut dictée par l’impératif du succès militaire sur la rébellion. Sa première mesure fut la « paix des braves » qu’il offrit le 23 octobre 1958. Ce fut un appel pur et simple à une reddition des combattants de l’ALN (Armée de Libération nationale).  Cette offre n’a pas eu l’effet escompté. Car, à ce moment-là, la guerre d’Algérie boucla sa quatrième année. Tout compte fait, ce refus des dirigeants de la révolution algérienne de déposer les armes incita le général de Gaulle à passer à l’offensive. Le plan Challe, lancé en septembre 1959, avait pour mission de réduire à néant les maquis de l’ALN. D’une façon générale, cette politique militaire a certes saigné les maquis, mais elle n’a pas réglé, pour autant,  le problème. Car ce dernier est d’essence politique. Et l’équation  ne peut être résolue qu’en tenant compte des attitudes des deux communautés partageant le sol algérien. Le peuple pied-noir, qui est là depuis plusieurs générations, ne veut pas que sa domination soit remise en cause. Il ne veut pas non plus être l’égal de l’Algérien. Pour ce dernier, son seul salut ne peut intervenir qu’en se libérant de cet asservissement. Comme les autres peuples, le peuple algérien veut vivre sans carcan, et surtout sans tutorat.

Toutefois, au fil des mois, la politique du général évolue. Il parle de l’autodétermination en septembre 1959, mais dénie le droit au GPRA de représenter toute l’Algérie. Ainsi, de juin 1958, correspondant à l’investiture du général, à juin 1960, où le général appelle ouvertement les chefs de la rébellion à la négociation sur le principe de l’autodétermination, l’effort militaire allait crescendo. D’après certaines estimations, ces deux années ont fait plus de morts que les six autres réunies. Cela dit, bien que la politique du général ait changé, sur le plan du quadrillage militaire, les autorités coloniales ne lâchèrent pas du lest. Lorsque l’option militaire n’a pas jugulé la rébellion, le général de Gaulle lance alors un appel au GPRA en vue de trouver une issue à la crise. En tout cas, pour le GPRA, la négociation doit mener au recouvrement de la souveraineté de l’Algérie. Cette intransigeance incite de Gaulle à fabriquer ses propres interlocuteurs. En effet, bien qu’il parle d’une Algérie algérienne, de Gaulle souhaite que ce futur État soit étroitement lié à la France. Pour ce faire, il trouve des Algériens de service prompts à l’aider dans son entreprise. Ces Algériens créent alors le FAD (Front de l’Algérie démocratique). Son président n’est autre que le Cadi Belhadj Lamine. Ce parti, après le cessez-le-feu, participera, aux côtés de l’OAS, aux actes de barbarie.

Cependant, c’est dans ces conditions que le général décide de se rendre en Algérie, du 9 au 11 décembre 1960. Pour organiser son voyage, Louis Joxe et Jean Morin y consacrent toute leur énergie. Pour rappel, le premier est chargé des affaires algériennes, un nouveau poste créé par le général de Gaulle. Quant au second, il remplace Paul Delouvrier comme gouverneur général. Ce dernier fut rappelé le 22 novembre 1960. Contrairement à Delouvrier, Jean Morin est un commis de l’État. Cet ancien préfet est prêt à accomplir le travail qu’on lui demande. En tout cas, à eux deux, ils tâchent de préparer au mieux le voyage présidentiel. Or, en cette fin de l’année 1960, l’autorité de la métropole doit tenir compte de l’hostilité des pieds-noirs à l’égard de la politique élyséenne. Par le passé, ces derniers ont toujours imposé leurs vues à Paris. C’est au grand lobby colonial qu’ils doivent faire face. En plus, ce dernier comporte en son sein des militants ultras. Avant le périple présidentiel, ils se sont assignés la mission d’abattre le général de Gaulle. Pour l’instant, leur but est de perturber le voyage présidentiel. Pour fédérer les diverses forces, le lobby colonial crée le FAF (Front de l’Algérie française). Ce groupement a des ramifications dans l’administration. Les connivences arrivent jusqu’au gouvernement général. Ainsi, dès l’annonce de la visite du général de Gaulle, le FAF se prépare. Il fait appel à l’ensemble de la communauté pied-noir afin de faire échouer la visite du président français. Dans les tracts, imprimés sur les ronéos du gouvernement général, il s’adresse aux pieds-noirs en ces termes : « La vie de la capitale doit s’arrêter. Interdiction aux véhicules civils de circuler. Interdiction d’ouvrir les magasins sous peine de les voir saccagés ». Mais, le général de Gaulle ne leur offre pas ce plaisir de se mesurer à lui. Il se rappelle surement de l’affaire de Guy Mollet, le 6 février 1956. Ce dernier s’est rendu en Algérie pour nommer le général Catroux, Gouverneur général. Il a dû céder pour éviter d’engager un bras de fer avec ce lobby colonial. Du coup, le général de Gaulle évite de se rendre à Alger où il est attendu de pied ferme.

En revanche, plusieurs villes sont au programme. Il y a, entre autres, Ain Témouchent, Cherchell, Blida, Tizi Ouzou, Akbou, Téléghma et Batna. Dans ces villes, le discours présidentiel est ponctué par « Vive Ferhat Abbas, Vive De Gaulle, Algérie algérienne, Indépendance ».

Dans ce dernier voyage du général en Algérie, l’accueil des pieds-noirs a été répulsif. Quant aux Algériens, ils lui ont réservé un accueil mitigé. Tant tôt ils applaudissent pour les formules en faveur de l’Algérie indépendante et ils le huent dans le cas contraire. Cependant,  le 11 décembre, dernier jour de la visite présidentielle, les gaullistes ne veulent pas s’avouer vaincus. Leurs éléments dans les services spéciaux tentent alors d’encadrer une manifestation d’Algériens pour qu’ils manifestent leur soutien à De Gaulle. Quoi qu’il en soit, les Algériens acceptent de sortir. Mais, ils apportent leur soutien au GPRA. Ainsi, en dépit de l’épée de Damoclès suspendue au dessus de leurs têtes, ils bravent la mort pour que l’Algérie soit indépendante. Bien que la répression soit systématique quand il s’agit de mater les «  indigènes », ces Algériens signifient à De Gaulle qu’ils veulent l’indépendance de leur pays.

Ainsi, dés 9 heures du matin, les quartiers d’Alger grouillent de monde. De la Casbah à Belcourt, de Clos Salembier à Maison Carrée, les Algériens scandent des slogans tels que : « Vive Ferhat Abbas. Négociation. Indépendance, etc. » D’une façon générale, si pour les pays noirs, le rejet est total ; pour les Algériens, ils sont d’accord avec De Gaulle uniquement s’il traite avec le seul GPRA lors des futures négociations. Or, malgré l’hostilité des Français d’Algérie, les forces de l’ordre les ménagent. En revanche, ils éprouvent une délectation à mater les Algériens. Vers 15 heures, l’armée reçoit l’ordre de tirer sur la foule, si besoin se fait sentir, de son patron, le général Crepin. Du coup, pour la seule journée du 11 décembre, le bilan de perte en vie humaine est très lourd : 55 morts. Sur l’ensemble de la visite du général de Gaulle, 112 Algériens trouvent la mort. Alors que les pieds-noirs sont totalement hostiles et projettent même de tuer le général, il n’y a que 6 morts parmi les manifestants du FAF.

Pour conclure, il va de soi que le général de Gaulle s’est fait une idée précise sur les attentes des Algériens. Il comprend notamment que le problème algérien ne peut connaitre son épilogue qu’en négociant avec le GPRA, seul représentant du peuple algérien. D’ailleurs, c’est après ces manifestations que l’épouvantail de la troisième force est abandonné. La reprise des contacts à Lucerne reprochera le GPRA et le gouvernement français. Bien qu’ils aient à transcender des écueils, un an après, l’accord de cessez-le-feu sera signé. L’Algérie est enfin indépendante.

                          Par Ait Benali Boubekeur.  

 

7 décembre 2011 3 07 /12 /décembre /2011 11:34

index-copie-2.jpgAvant l’indépendance du pays, l’armée stationnée aux frontières guettait l’occasion de s’emparer des rênes du pouvoir. L’instauration du régime à parti unique s’inscrit alors dans cette logique. Mais comment peut-on imaginer un peuple, qui a cassé le carcan de la colonisation,  se laisser subjuguer par des autres maitres ? Car, le nouveau régime, issu du coup de force contre le GPRA, ne songe pas, et c’est le moins que l’on puisse dire, à l’intérêt général. Leur but est de bâillonner ce peuple.  Sinon, comment expliquer qu’au pire moment de la colonisation, dans les années 1940 et 1950, les Algériens avaient le droit de créer des partis politiques. À ce moment-là, il y avait, entre autres, le PPA-MTLD, l’UDMA, le PCA, l’association des Oulémas, etc. Dans la situation de l’Algérie du début des années 1960, l’armée des frontières a modifié les règles de l’accès au pouvoir. Bien que le GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne), gouvernement légitime de la révolution, ait dissous l’EMG (Etat-major général), commandé par Boumediene, l’armée des frontières s’était déjà préparée à transcender une telle éventualité. Ainsi, après la signature des accords de cessez-le-feu, le 19 mars 1962, le commandement de l’armée des frontières, passant outre les recommandations du GPRA, rentre en l’Algérie. Sur son chemin, elle écrase les résistances. La coalition Ben Bella-Boumediene, en achevant le GPRA évanescent, impose  sans ambages ses thèses.

 

Cela dit, bien que le parti soit mis en avant, dans la réalité, le vrai pouvoir est détenu par l’armée. Selon Madjid Benchikh, dans une étude intitulée « L’organisation du système politique », le juriste note : « Dans un premier temps, l’armée fait alliance ou obtient l’appui de personnalités politiques connues et populaires. Elle offre la présidence de la République à Ben Bella et la présidence de l’Assemblée constituante à Ferhat Abbas. Boumediène, chef véritable des armées est vice-président du conseil et ministre de la Défense. Plusieurs de ses lieutenants occupent des postes ministériels clefs… Peu à peu, les organes dirigeants du parti FLN, doivent s’inscrire dans la stratégie du commandement militaire. Dans ces conditions, la stratégie est définie ou approuvée par l’armée et ensuite avalisée par le parti et non l’inverse, malgré les réticences de quelques personnalités à l’intérieur ou à l’extérieur du parti. »   Partant, d’une façon générale, cette emprise du commandement militaire sur la vie politique engendre la répression et l’exclusion. Cette situation s’exacerbe notamment après le putsch du 19 juin 1965. Le conseil de la révolution, issu du coup d’État, dissout tout bonnement l’Assemblée nationale, seule espace où le citoyen peut encore être représenté, et ce bien que  le député soit un godillot.

 

Peu à peu, le pouvoir se concentre entre les mains d’un seul homme, Houari Boumediene. Même au sein du conseil, ses amis ne peuvent pas exercer, ne serait-ce, une infime parcelle de pouvoir. Le 14 décembre 1967, l’ami de longue date, Tahar Zbiri, organise un coup d’État contre lui. « Cet échec ouvre la voie à la mise en place d’un système politique dans lequel aucune force, aucun groupe ne peut contester sérieusement les décisions du Commandement militaire sous la direction de Boumediène.

Le FLN et les organisations de masse telle que l’UGTA (Union générale des travailleurs algériens), déjà fortement inféodée à l’armée, sont désormais plus complètement ancrés au service des politiques et des stratégies inspirées ou décidées par le Commandement militaire.

Les organisations syndicales et professionnelles sont de véritables courroies de transmission de ces politiques dans le monde du travail et dans la société», écrit Madjid Benchikh.

 

Cependant, après la disparition de Boumediene, le nouveau régime tente de rompre, bien entendu de façon formelle, avec cette période. Dans la foulée, le FLN est remis sur selle. Un congrès est organisé à peine un an après la mort de Boumediene. Cela dit, bien que le commandement militaire tienne encore les rênes du pouvoir, ce dernier affiche une façade civile plus large. Tout compte fait, cette nouvelle organisation du pouvoir ne concerne pas la société. Comme son prédécesseur, ce régime interdit toute forme d’organisation de la société. Cette exclusion du peuple dure jusqu’à la fin des années 1980. Mais, ces privations sont acceptées que quand les Algériens avaient de quoi subvenir à leurs besoins élémentaires. En plus, les 2/3 de la population sont nés après l’indépendance. Ces jeunes ne comprennent pas pourquoi ces responsables sont inamovibles. Pour eux, la légitimité doit émaner des urnes. Or, les dirigeants justifient leur longévité aux responsabilités en leur qualité de «  libérateurs » du pays.

 

Toutefois, la chute des prix du pétrole, en 1986, démontre l’incurie des dirigeants à surmonter la crise économique. Pour Madjid Benchikh : « Dans une économie largement centrée sur la rente pétrolière, la baisse du prix du baril de pétrole va jouer un rôle de révélateur des faiblesses du système. L’incapacité du système du parti unique à imaginer des solutions susceptibles de répondre aux besoins de la société accroît les conflits entre les dirigeants. C’est dans ces conditions qu’éclatent les manifestations populaires d’octobre 1988, dont, il est maintenant établi, qu’elles résultent de manipulations provoquées par des groupes au sein notamment de la sécurité militaire (Cf les mémoires du général Nezzar). Une partie des forces exerçant le pouvoir voit tout le profit qu’elle peut tirer de ces manifestations pour effectuer une réforme du système qu’elle préconisait depuis plusieurs années sans pouvoir la réaliser, en éliminant certains dirigeants et en ouvrant les institutions au pluralisme et à la compétition politiques. Mais cette ouverture politique, inspirée par la présidence de la République et contrôlée par la sécurité militaire (SM) ou police politique, ne débouche comme on va le voir, que sur une démocratie de façade. » Ainsi, mis devant le fait accompli, le régime devrait lâcher du lest, s’il ne voulait pas son implosion. C’est dans ce contexte que les caciques du régime proposent de revoir l’organisation des pouvoirs en Algérie. Mais en gardant jalousement un œil sur les réformes.

 

Par Ait Benali Boubekeur

4 décembre 2011 7 04 /12 /décembre /2011 13:21

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Dés le début de la guerre, les initiateurs de l’action armée ne tablent pas sur une victoire militaire. Dans le premier temps, la priorité est de créer un large rassemblement des Algériens afin de dépasser les querelles ayant handicapé le mouvement national jusque-là. Ainsi, pour que la voie de l’Algérie soit entendue, la délégation extérieure du FLN, dont la mission est d’internationaliser la cause algérienne, est renforcée. En effet, bien qu’en Algérie les activistes et les centralistes aient rompu tout contact après la tenue du congrès du comité central, le 15 août 1954, au Caire, les deux entités trouvent vite un terrain d’entente. Selon Ferhat Abbas,  dans « Autopsie d’une guerre » : « La délégation extérieure s’étaient agrandie de deux centralistes : Hocine Lahouel et M’hamed Yazid. Ils avaient tous deux boudé le CRUA. Mais après la démonstration du 1er novembre, il n’y avait plus à hésiter. Ils rejoignent la délégation extérieure. Il faut dire à la décharge de Lahouel qu’il ne jouissait pas d’une bonne santé. Il souffrait des bronches et d’asthme. Par contre Yazid, plein de faconde et connaissant l’anglais, devient un bon collaborateur de Ait Ahmed. »

A eux deux, ils accomplissent un travail fabuleux. Dans la répartition des tâches de la délégation extérieure, le rôle de chef des « relations extérieures du FLN échoit à Hocine Ait Ahmed. Cela dit, cette mission n’est pas facile à mener. Les Egyptiens ne veulent pas que la révolution algérienne leur échappe. Mais, à chaque immixtion dans le domaine des relations extérieures, Ait Ahmed les remet à leur place. En effet, bien que les services secrets égyptiens tentent de contrôler l’activité du FLN, Ait Ahmed et Yazid ne se soumettent pas à la volonté égyptienne. Ainsi, dés le début de l’année 1955, Ait Ahmed entend faire participer l’Algérie à la conférence de Bandoeng d’avril de la même année. Si l’on croit Ferhat Abbas [En plus, il n’y a pas de raison pour ne pas le croire], Ait Ahmed conserve son autonomie par rapport au pouvoir égyptien. Il faut juste noter que certains acceptent volontiers la tutelle de Gamal Abdel Nasser. L’auteur de l’autopsie d’une guerre écrit à ce propos : « Pour réaliser son projet, Ait Ahmed doit d’abord se battre contre les services spéciaux égyptiens qui voient d’un mauvais œil cette participation. Les Egyptiens voudraient garder « sous cloche » la délégation algérienne. Par contre Ait Ahmed entend conserver, coûte que coûte, sa liberté de mouvement. La direction de la « Révolution algérienne »n’appartient qu’aux seuls Algériens. » Cette attitude choque évidemment les Egyptiens. Mais Ait Ahmed n’est pas l’homme à badiner avec la souveraineté de l’Algérie.

Cependant, contre l’avis des services égyptiens, Ait Ahmed et Yazid partent en Indonésie. En effet, pour prétendre participer à la conférence asiatique, il faudrait être sur place. Les premiers contacts, et c’est le moins que l’on puisse dire, ne sont pas encourageants. Les présidents des pays participant à la conférence dénient à l’Algérie le droit de siéger. Pour Ferhat Abbas : « Ils [Ait Ahmed et Yazid] se heurtèrent à l’opposition du Président Nehru. Celui-ci évite de déplaire à la France et épouse la thèse de celle-ci, à savoir que l’Algérie est partie intégrante du territoire français. » Bien qu’une telle opposition  puisse décourager plus d’un, les deux représentants du FLN n’abdiquent pas. Pour ce faire, Ait Ahmed envoie Yazid, au Caire, pour informer les autres collègues. Quant à lui, il se fixe la mission de convaincre les délégations récalcitrantes. « Il effectue un immense travail d’information. Il se rend à Bombay, à Culcutta et développe le point de vue algérien », écrit encore Ferhat Abbas. Ces efforts sont vite récompensés. Méthodiquement et courageusement, Ait Ahmed parvient à retourner l’opinion des Etats asiatiques en faveur de la question algérienne. Ainsi, à l’ouverture des travaux de la conférence, Ait Ahmed, rejoint entre temps par Yazid, hisse l’Algérie au rang d’une nation. Dans cette conférence, les trois Etats maghrébins [Algérie, Maroc et Tunisie] forment une seule délégation. La victoire du FLN est consacrée dans les résolutions de la conférence. Selon Ferhat Abbas : « La résolution finale parle de « l’appui donné par la conférence asiatique et africaine aux peuples d’Algérie, du Maroc et de Tunisie». Quatre hommes d’Etat de dimension mondiale : Nehru, Chou Enlai, Soekarno, Nasser, avaient été convertis à notre thèse. Ait Ahmed, patient et persuasif, avait expliqué la « duplicité » du régime colonial appliqué à l’Algérie et rallié la conférence à notre juste cause. »

Toutefois, après cette conférence, l’Algérie entre de plain-pied dans le concert des nations. Cette place sera jalousement gardée jusqu’à la fin de la guerre. Grâce au travail d’Ait Ahmed et Yazid, la question algérienne n’est plus cantonnée. Cette fois-ci, l’ONU est saisie de la question algérienne. Selon Ferhat Abbas : « La victoire sera remportée par les représentants du FLN, Ait Ahmed, Yazid et Chanderli. En septembre 1956, la question algérienne est inscrite à l’ordre du jour de la session de l’Assemblée générale des Nations unies. » Après l’arrestation d’Ait Ahmed, le 22 octobre 1956, lors du rapt aérien commis par l’armée française, M’hamed Yazid assure, avec abnégation, la représentation du FLN à l’extérieur. Peu à peu, la diplomatie algérienne s’étoffe par l’apport des autres militants. En 1962, cette même diplomatie va remporter une victoire sur la France. Car, à moins que l’on soit naïf ou qu’on se mente, la victoire algérienne en 1962 est diplomatique, et ce après avoir posé le problème militairement en 1954.  

Par Ait Benali Boubekeur

1 décembre 2011 4 01 /12 /décembre /2011 14:52

La préparation du déclenchement de la révolution ne fut ni une sinécure ni une partie de plaisir. Après l’adhésion de la Kabylie, vers la fin août 1954, au principe du passage à l’action révolutionnaire, les deux mois suivants connurent une intensité de l’activité. Naturellement, les activistes contactèrent les militants connus pour leur engagement révolutionnaire. Cela dit, cette entreprise ne se déroula pas totalement comme les initiateurs le désiraient. En effet, les services secrets français furent informés continuellement par les cafteurs. Selon Ferhat Abbas, dans « L’autopsie d’une guerre », l’organisation nationaliste n’a pas échappé aux infiltrations. Il écrit à la page 67 : « Lorsqu’en septembre et octobre [1954], l’équipe de Zoubir Bouadjadj se mit à fabriquer les bombes en prévision de l’heure H, la police en fut informée. Elle laissa faire. Il lui a suffi de recommander à l’artificier, qui était en relation avec elle, de préparer des bombes inoffensives et peu dangereuses. C’est ce qu’il fit. »
Cependant, il est clair que ces hommes mangeant à tous les râteliers représentèrent une infime proportion chez les activistes. Heureusement, l’action révolutionnaire ne reposait pas sur un groupe. En effet, le principe de la collégialité prévoyait une telle mésaventure. Par conséquent, le démantèlement d’un groupe ne devait pas conduire à la neutralisation du mouvement révolutionnaire. Mais quand il s’agit d’un cadre du parti, cela pouvait causer des dommages. Ainsi, à la veille du déclenchement de l’action armée, les services secrets français furent au courant de tout ce qui se tramait. Celui qui asséna le coup dur ne fut autre que l’un des responsables de l’OS (Organisation spéciale). Ferhat Abbas le décrit à la page 68 : « Il s’agissait d’Abdelkader Belhadj-Djilali né en janvier 1921 dans la région de Miliana. C’est ce même homme qui, quelques années plus tard, osera organiser un pseudo-maquis dans la région de Duperré [Ain Defla]. Le FLN finira par l’éliminer et par récupérer troupes et armement. Il était alors connu sous le pseudonyme de « Kobus ». Cet indicateur venait de l’OS. Il avait été arrêté avec toute l’équipe de 1950. Après avoir purgé trois années de prison, on le retrouve dans le MTLD prêt à reprendre son activité révolutionnaire. Mais il est déjà un agent double, collaborateur de la PRG. C’est par lui que M. Vaujour et le colonel Schoen suivaient les activités du CRUA. Quant au second indicateur, la police française n’a pas révélé son nom. Elle indique seulement qu’il est toujours vivant et « assume dit-elle de haute fonction au sein du FLN. »
Ces informations donnent froid au dos, notamment pour le second cas. Comment peut-il trahir à ce point et une fois l’indépendance acquise il se retrouve à la haute échelle des responsabilités. En plus un responsable pareil, il n’hésitera pas à donner des leçons de nationalisme. Voila pourquoi l’Algérie a du mal à connaitre l’apaisement.
Par Ait Benali Boubekeur

 

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18 novembre 2011 5 18 /11 /novembre /2011 14:55

images-copie-5.jpgLa promesse de novembre 1954 est indubitablement de rompre  avec toute forme de sujétion. En défiant l’une des grandes puissances mondiales, les maquisards avaient pour seule force leur conviction, celle de libérer le pays. Une fois l’indépendance acquise, ils souhaiteraient participer activement à la vie politique de leur pays. Pour y parvenir, et c’est le moins que l’on puisse dire,  le tribut payé est énorme.  Naturellement, les gens qui aiment la liberté s’exposent davantage  au danger. Incontestablement, les pertes furent considérables dans cette catégorie d’Algériens. À l’approche de l’indépendance, des nouveaux acteurs font leur apparition. Très vite, ils parviennent à s’emparer des rênes de la révolution. En effet, une fois le cessez-le-feu proclamé, le chef de l’État-major général, Hourai Boumediene, cherche à évincer les responsables du GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne). N’ayant aucune légitimité révolutionnaire, il la compense en mettant  en avant la personne de Ben Bella. Ainsi, les dés étant pipés d’emblée, les institutions se retrouvent d’emblée piétinées.  Et les premières élections à la Constituante nationale subissent le même sort. Après plusieurs reports, le bureau politique (BP), dominé par les hommes de la coalition Ben Bella-Boumediene, propose une liste de candidats devant être, dans tous les cas, acquise à leur clan.

Néanmoins, malgré la défaite du GPRA, Ben Youssef Ben Khedda, son  président se réjouit enfin du dénouement de la crise. Bien que l’armée des frontières ait pris la capitale par la force, les adversaires du BP ont décidé de donner la chance à la paix en se retirant de la scène politique. L’essentiel pour eux est de voir des Algériens à la tête des institutions et non des étrangers soutenus par une force de feu incommensurable. Ainsi, les wilayas III et IV et une partie de la wilaya II acceptent, elles aussi, le nouveau pouvoir. Bien qu’ils aient perdu un millier de morts, suite aux affrontements avec l’armée des frontières, les wilayas intérieures admettent de se mettre sous l’autorité du BP. Ceci provoque un enthousiasme général. Montrant un soulagement profond, Ben Khedda déclare à juste titre : « Ce qui était pour nous un rêve… est aujourd’hui devenu réalité ».  Cependant, maintenant que les adversaires du BP acceptent son autorité, celui-ci est seul responsable de la dérive du pouvoir. Le 13 septembre 1962, le BP publie une liste de 196 noms. Dans certains cas, le BP a arbitrairement éliminé certains noms, comme ils ont inscrits d’autres sans que les intéressés le sachent.  Selon Mohand Aziri : « D’autres furent par contre inclus « d’office », dont Mohamed Boudiaf, l’un des adversaires acharnés du clan Ben Bella avec Krim Belkacem, son allié. Boudiaf, député « malgré lui » de Sétif, menaçait, selon Ali Haroun, de jeter le tablier. Je démissionnerai, disait-il, si malgré mon refus d’être candidat, on continue à me considérer élu ». Cela dit, bien que les wilayas déjà citées aient fait allégeance, le BP continue à se méfier d’elles. Citant Benjamin Stora, Mohand Aziri écrit : « la première liste  dégageait une majorité à l’assemblée qui était loin d’être favorable au BP, mais pas pour longtemps… Le BP refusera de maintenir sa caution pour certains candidats ; d’où la méticuleuse purge qu’il effectuera par la suite ». Ainsi, avant même la tenue de la première élection, le BP a refusé de partager le pouvoir. En effet, le BP ne voulait ni d’un gouvernement d’union nationale ni d’une assemblée plurielle. Le spécialiste de la question du pouvoir en Algérie, Abdelkader Yafsah, relate avec quel esprit Ben Bella a écarté ses adversaires : « Ben Bella éliminera beaucoup d’hommes qui avaient critiqué son action ou ne s’étaient pas rangés sans équivoque de son côté ».

Cette façon revancharde de gérer le pays va vite montrer le glissement du nouveau pouvoir vers la dictature. Du coup, l’élimination de 56 membres de la révolution donnera une majorité incontestable à la coalition Ben Bella-Boumediene à la nouvelle assemblée. Selon Ali Haroun, à l’assemblée, l’opposition est réduite.  Lors du vote à la présidence de l’assemblée, la quasi-totalité des députés, soit 155, vote oui. « Le nombre de députés de l’opposition s’est réduit de 36 à 20, en l’espace de trois jours. Ben Bella, candidat unique, est élu, le 29 septembre, président du Conseil, chef du gouvernement, avec 159 voix pour, 19 abstentions et un contre », écrit encore Ali Haroun. Dans ces conditions, la nouvelle assemblée a du mal à effectuer son travail. Réduite à un rôle de spectatrice, comparativement au pouvoir de l’exécutif, l’assemblée voit son pouvoir s’émietter au fil des jours.

Toutefois, après une flopée de coups tordus, la constituante est doublée par une autre commission présidentielle en vue de proposer le texte fondateur au pays. Selon Abdelkader Yafsah : « Ben Bella, par une initiative personnelle, chargeait, dès le début de l’été 1963, une commission constituée d’hommes à lui, choisis en dehors de l’assemblée, pour préparer un projet de constitution ». Du coup, quoi qu’on puisse épiloguer sur la nature de cette démarche, il est évident que le chef de l’État a outrepassé ses prérogatives. Bien évidemment, cette initiative n’est pas du goût de tous les députés. Immédiatement, certains sortent de leurs gonds. Parmi les opposants à cette démarche,  le député Hocine Ait Ahmed ne cache pas son désappointement. Pour ce dernier, la constitution ne peut être élaborée que par les membres de l’assemblée constituante. En tout cas, l’homme ne veut pas se compromettre et  démissionne aussitôt de son poste. Quarante ans après les faits, il déclare au journal El Watan : « L’assemblée constituante, élue au suffrage universel, est la seule à détenir, au double plan national et international, la légitimité pour construire les fondations constitutionnelles et institutionnelles de l’État ».

Par ailleurs, assuré par ses courtisans de voter en faveur de son texte, Ben Bella soumet le projet au vote le 28 aout 1963. Ce dernier est approuvé par 139 voix. Démissionnant avant le vote de ce texte, le président de l’assemblée, Ferhat Abbas, estime que le pays emprunte une voie dangereuse. Dans sa lettre de démission, il développe ses griefs contre le pouvoir exécutif. Il les accuse notamment d’avoir humilié l’assemblée. Il avertit enfin que la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme est un choix scabreux. Après ce coup de force constitutionnel, la contestation gagne la rue. Ainsi, une année après l’indépendance, le pouvoir en place annihile les chances de la démocratisation  des institutions. Par conséquent, l’opposition en dehors de l’hémicycle fait perdre à l’assemblée son rôle de contre-pouvoir. Et les députés fidèles au duo Ben Bella-Boumediene  ne paraissent plus crédibles aux yeux de l’opinion. Ce qui incite Ben Bella à geler, dès le 3 octobre 1963, les activités de l’assemblée constituante.  Le nouveau pouvoir empêche, lui-même,  le bon fonctionnement des institutions.

Pour conclure, il va de soi que le coup de force de l’automne 1963  accouche d’une dictature. En évinçant le GPRA en 1962, institution politique de la révolution, le duo Ben Bella-Boumediene avait asséné un coup de massue à la fonction politique. Ainsi, de bricolage en bricolage, le nouveau pouvoir arrive à neutraliser les institutions. D’esprit condescendant, ils estiment que la grandeur de la personne peut combler le vide institutionnel. Mais en réduisant la place des institutions dans le fonctionnement de la nation, le pouvoir est désormais à la merci de celui qui va réunir des soutiens solides. Le 19 juin 1965, le colonel Boumediene remet les pendules à l’heure. Puisque le pouvoir s’appuie désormais sur les personnes, il est estime qu’il est le mieux placé. Dans cet accaparement du pouvoir, il va aller au-delà de ce qu’a fait son prédécesseur. Désormais, la vie parlementaire est réduite à néant. Partant, pendant douze ans, la politique algérienne est du ressort d’un seul homme. Du coup, on peut dire qu’à partir de 1962,  les Algériens sont indépendants vis-à-vis de la puissance coloniale, mais sans être libres.   

Par Ait Benali Boubekeur          

11 novembre 2011 5 11 /11 /novembre /2011 23:11

images-copie-3.jpgRéponse à un intervenant sur le groupe facebook "Ne touche pas à ma glorieuse wilaya III historique".

A chaque fois que l’on critique l’assassinat odieux d’Abane Ramdane, il y a toujours une réponse récurrente qui revient : il faut tenir compte du contexte de l’époque. Quand il s’agit des autres, on n’hésite pas à condamner fermement le coup tordu, et ce sans laisser place aux justifications. Dans le cas de la guerre d’Algérie, ces liquidations devaient être condamnées de la plus ferme détermination.  Bien que les mouvements révolutionnaires ne tolèrent pas l’émergence de figures de proue, il n’en reste pas moins que les assassinats, dans les années 1950, dont la priorité fut de bouter l’occupant dehors, devaient être évités. Et cela dans le but d’épargner la vie des patriotes. Concernant ce qui s’est passé en Tunisie, c’est le moins que l’on puisse dire,  tu n’es pas si clair. Si tu connais la vérité, je me demande pourquoi tu ne la fais pas partager. Mais puisque tu ne le fais pas, je vais essayer de le faire à ta place.  En effet, à l’apogée du différend entre Abane et Ben Bella, il faut rappeler qu’en Tunisie, Ahmed Mahsas, un homme au service de Ben Bella, semait la zizanie parmi les combattants. Pour ce faire, Abane, en vrai chef patriotique, chargea Ouamrane de rétablir l’ordre en Tunisie. Par ailleurs, contrairement à ce que tu affirmes, la ZAA (zone autonome d’Alger) ne fut pas neutralisée à ce moment-là. Au retour des congressistes de la Soummam, Ben Mhidi fut désigné à sa tête. Quant à la Wilaya IV, Slimane Dehiles fut désigné à sa tête en remplacement d’Ouamrane.
Cependant, ce que tu ignores c’est que depuis le congrès de la Soummam, le FLN ne fut plus géré par des individus agissant dans un cercle restreint. Il ne fut pas non plus la propriété de certains. Sous la houlette de Ben Mhidi et Abane, ce front est devenu un large rassemblement du peuple algérien. Du coup, cette histoire de chefs historiques fut secondaire pour les nouveaux dirigeants du FLN. Comble d’ironie, à un moment tu oses écrire qu’Abane « a tenu à faire imposer la Soummam (j’entends par là les résolutions du congrès) à des hommes qui n’avaient pas de reconnaissance pour cette plateforme et de l’autorité du CCE ». Quelle façon de minimiser le rôle d’Abane ? Je te rappelle qu’Abane a été libéré vers fin janvier 1955. Sans hésiter une seconde, il adhéra au front comme simple militant. Il fut vite appelé à assumer des grandes responsabilités. En effet, la révolution, à ce moment précis, n’était  pas une organisation nationale coordonnée. Ceux que tu nommes les chefs historiques avaient prévu, dès le 23 octobre 1954, d’organiser une réunion nationale pour le début de l’année 1955 en vue de faire le premier bilan. Celle-ci n’eut pas lieu. Boudiaf qui était coordinateur national de la révolution, en quittant l’Algérie vers la fin octobre 1954, ne revint pas en Algérie avant 1962. Les remplaçants de chefs de zones (Didouche étant mort en janvier 1955, Ben Boulaid emprisonné en février 1955 et Bitat arrêté en mars 1955) furent livrés à eux-mêmes. Chacun se contenta de gérer sa zone. Lancée à l’échelle nationale, la révolution fut réduite à des expressions régionales. Que faire pour la sortir de l’impasse ? C’est à ce moment-là qu’Abane, rejoint par Ben Mhidi, décidèrent de remettre sur rail la révolution. Par conséquent, ce congrès ne fut pas un document consacrant la victoire d’un homme, mais un programme en vue de coordonner et d’orienter la révolution. Pour élaborer ce document, une équipe soudée autour d’Abane a réalisé ce formidable travail. Du coup, les mauvaises langues qui font d’Abane un homme refusant le pouvoir collégial ne sont pas sérieuses. A la Soummam, le président du congrès fut Ben Mhidi. Ce dernier a joué un rôle primordial pour que le document soit adopté.  Or, un demi-siècle après la fin de la guerre, la personnalité et le rôle d’Abane font l’objet de critiques acerbes. Quelle ingratitude.

Par ailleurs, le différend que tu notes entre Abane et Mhamed Yazid, si ce fut vraiment un, révèle le souci d’Abane de faire attention à l’argent des Algériens. Abane lui a demandé en effet d’y aller doucement sur les dépenses. Pour Abane, les Algériens étaient pauvres. En donnant leu argent, Abane considéra que les dirigeants devaient l’utiliser à bon escient. Si la méthode d’Abane est observée aujourd’hui, on n’assistera pas à ces dilapidations des biens publics.
Par Ait Benali Boubekeur Ait Benali

9 novembre 2011 3 09 /11 /novembre /2011 00:23

images-copie-2.jpgA la veille de l’aid, le colonel Sadek (Slimane Dehilès) est décédé. L’ancien chef de la wilaya IV historique, et c’est le moins que l’on puisse dire, connaissait un engagement politique précoce. Comme les jeunes de sa génération, il fut contraint d’assumer des responsabilités colossales pour son âge. Né le 14 novembre 1920, aux Ouadhias, il avait eu une adolescence difficile suite à la perte de son père à l’âge de 15 ans. A vingt-et-un ans, il quitta les Ouadhias pour Alger. Là il fut confronté véritablement à la réalité du système colonial. Toutefois, le combat contre ce système fut mis un moment en sourdine pour combattre un système encore plus dangereux, le nazisme. Pour vaincre ce système, Slimane Dehilès s’engagea alors avec les alliés. Dans son périple européen, il a combattu les nazis dans la région italienne  de Naples. Dans cette campagne, avec des milliers de ses semblables, ils ont réussi à contribuer efficacement à la libération de la France. Cependant, dans cette période douloureuse, les combattants Algériens étaient presque tous d’accord pour dire que les disparités étaient réduites sous les drapeaux. Mais cette parenthèse fut vite refermée. En effet, la plupart furent désenchantés après le retour à la normale. Lors d’une de ses interviews, Slimane Dehilès revient sur les déceptions concernant le comportement des Français à leurs égards après la fin de la grande guerre : « Subitement, l’attitude de nos officiers avait changé. Il y avait un fossé entre les Français et nous. On ne se connaissait plus. Les Français étaient vexés par le comportement de ces indigènes qui osaient se révolter contre leur autorité. Leur méfiance était telle qu’ils nous ont substantiellement limité les munitions. Le climat de confiance n’existait plus. Quelques temps après, on nous suggère de renforcer le front du Vietnam. Les Algériens dans leur majorité ont refusé et ont été de fait démobilisés ». Après ce retour à la vie civile, ces démobilisés furent à la quête du travail. Plusieurs d’entre eux préférèrent rester en France. Slimane Dehilès fut de ceux-là. Bien que le système colonial ait pour genèse de priver les colonisés de toutes les  libertés, en métropole, les Algériens avaient le droit de s’organiser. Ainsi, en assistant à la première réunion avec Messali, le jeune Dehilès fut fasciné par le discours du chef du PPA dissous. Avec la création du MTLD en février 1947, l’activité politique fut plus au moins tolérée. Du coup, de son parcours de militant en exil, Slimane Dehilès eut plusieurs responsabilités au sein de la fédération de France du PPA-MTLD. Cela dit, de cette expérience, il ne gardait pas que des bons souvenirs. Les luttes intestines se multiplièrent à foison. Tout compte fait, le parti qui avait pour mission de libérer le pays s’embourbait dans des crises de leadership.

Par ailleurs, à quelques mois du déclenchement de la révolution, Slimane Dehilès avait purgé une peine de prison pour avoir distribué des tracts subversifs. Cette expérience carcérale le rendit par conséquent méfiant. Cependant, bien qu’il n’ait pas fait partie du comité de préparation de la lutte armée, il rejoignit dès le 2 novembre 1954 les rangs de la révolution. Son sens de l’organisation le propulsa aussitôt à des hautes responsabilités. En compagnie des responsables de la wilaya III, Slimane Dehilès participa à la réunion décisive de juin 1955. Selon le futur colonel Sadek : « En juin 1955, tout le monde se rendit à l’évidence que, pour avoir les armes, il fallait se bagarrer. C’est en tous les cas la conclusion à laquelle nous sommes parvenus à l’issue de la réunion de Beni Douala, qui a regroupé Amirouche, Krim, Mohamedi Saïd, Yazourène, Mira et moi-même. Quelques semaines après, on a agi en conséquence en menant une grande offensive contre l’armée française, au cours de laquelle nous avons réussi à récupérer 1200 armes, 627 millions en argent liquide et 12 millions de cartouches. » Cependant, bien que le colonel Sadek ait eu un grade respectable au sein de l’ALN, sur le plan politique, il fut proche des thèses d’Abane Ramdane et des autres hommes politiques au sein du FLN. En effet, il était partisan de la primauté de l’action politique. Pour lui, les hommes politiques devaient gérer la révolution. Et les militaires devaient s’en charger d’exécuter cette stratégie. Ainsi, lorsque les colonels voulurent revenir sur les principes de la Soummam, lors du CNRA du Caire du 20 au 27 aout 1957, Slimane Dehilès fut d’un soutien indéfectible à Abane. Et l’assassinat d’Abane Ramdane par les 3B, bien qu’Ouamrane et Mahmoud Cherif ne soient disculpés, laissa à Slimane Dehilès un gout amer. En tout cas, avec la disparition d’Abane, il savait que la révolution allait inéluctablement vers une militarisation du système politique algérien. Plus tard, vers la fin de 1959, il s’opposa à l’hégémonie des 3B. Lors de la fameuse réunion des 10 colonels, il était parmi les adversaires de ce triumvirat ayant la mainmise sur la révolution. Hélas, la révolution algérienne n’avait pas de chance. Car, avec l’affaiblissement des 3B, certains attendaient le moment propice pour s’emparer des rênes de la révolution. Ainsi, la création de l’EMG, à sa tête Houari Boumediene, renforçait indubitablement le pouvoir de l’armée sur les institutions politiques. Cette emprise a handicapé bien entendu le pays. A l’indépendance, la défaite du colonialisme n’impliqua pas immédiatement la fin d l’assujettissement des Algériens. Bien que certains aient donné la chance à ce régime en siégeant au parlement, à l’instar de Slimane Dehilès qui fut élu député de Tizi Ouzou, le pouvoir n’a pas joué la carte de la démocratie. Du coup, après l’élaboration de la première constitution en dehors de l’hémicycle, Slimane dehilès s’opposa au coup de force. Membre fondateur du FFS, il s’engagea, aux cotés d’Ait Ahmed et des autres, à combattre l’instauration de la dictature. Après l’arrivée de Boumediene à la tête de l’Etat, suite au coup d’Etat du 19 juin 1965, Slimane Dehilès se retira de la politique. Cela ne l’empêcha pas d’intervenir, à plusieurs reprises, sur les questions inhérentes à l’avenir du pays. Mais dans un système verrouillé, tel celui de notre pays, de tels hommes sont tout bonnement exclus. Et les Algériens sont condamnés à avoir comme chefs des hommes qui ne  s’occupent que de leur avenir. 

Par Ait Benali Boubekeur            

31 octobre 2011 1 31 /10 /octobre /2011 18:37

images-copie-1.jpgIl y a 57 ans, les Algériens découvrent deux appels, signés au nom du FLN et de l’ALN, en vue de combattre le système colonial. Dans la proclamation du FLN, les chefs de l’insurrection, sûrs de leur combat, font appel au peuple pour les juger sur le bien fondé de leur action. Par ailleurs, bien que le peuple algérien ait beaucoup attendu son salut de l’action politique, menée notamment par le principal parti nationaliste, le PPA-MTLD (Parti du Peuple Algérien –Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques), les initiateurs de l’action armée se démarquent du parti, tiraillé par les luttes intestines. Ceci dit, il est vrai que le PPA-MTLD fut le seul parti à prôner l’indépendance de l’Algérie. Les autres formations préconisaient, quant à elles, des formules assimilationnistes. Du coup, les fondateurs du FLN avertissent d’emblée les militants afin de ne pas les confondre avec l’une des fractions du mouvement nationaliste. En effet, à ce moment-là, les deux tendances du MTLD se livrent une bataille inexpiable. « Notre désir aussi est de vous éviter la confusion que pourraient entretenir l’impérialisme et ses agents : administratifs et autres politicailleurs véreux », arguent les dirigeants de la révolution algérienne. Pour ces derniers, les partisans de l’action politique ont eu leur chance. Après trois décennies de militantisme, il est temps, estiment les rédacteurs des deux textes fondateurs de la révolution algérienne, de passer à l’action. Ainsi, contre la volonté des deux tendances du parti, les activistes veulent en découdre avec un système abhorré, mais combien puissant. Il faut rappeler que le parti, PPA-MTLD, fut à ce moment-là miné de l’intérieur. Le comité central n’était plus sur la même longueur d’onde que son président, Messali Hadj. Éloigné du territoire national depuis des lustres, Messali perdait petit à petit le contrôle du parti. Lors du congrès du parti en avril 1953, le comité central avait voté une motion se situant aux antipodes des positions d’un parti révolutionnaires. Celle-ci consistait à travailler, là où ce fut possible, avec les autorités coloniales. C’est ainsi que Abderrahmane Kioaune devint adjoint au maire d’Alger, Jacques Chevalier. Or, dans ce cas scabreux, Messali ne saisit pas l’occasion pour fédérer ses partisans et les activistes en vue d’une action révolutionnaire libératrice. Son souci principal fut de contrôler le parti. Pour lui, s’il devait y avoir une action armée, celle-ci devait être un moyen d’amener les autorités coloniales à négocier avec lui. Plus tard, ce retard est vivement reproché à Messali. En tout cas, les activistes jugent ces atermoiements comme étant le résultat de l’inaction du président Messali. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le retard est conséquent, de l’avis des activistes. Pour corroborer leur thèse, ils citent l’exemple des deux pays voisins, la Tunisie et le Maroc. En dépit de la souplesse du système des protectorats par rapport au système colonial, ce sont les Tunisiens et les Marocains qui engagèrent l’action armée. Or, les Algériens, bien qu’ils subissent le système colonial de plein fouet, restent immobiles. « Les événements du Maroc et de la Tunisie sont, à ce sujet, significatifs et marquent profondément le processus de lutte de libération de l’Afrique du Nord. A noter dans ce domaine que nous avions depuis fort longtemps été les précurseurs de l’unité dans l’action. Malheureusement jamais réalisée entre les trois pays. Aujourd’hui, les uns et les autres sont engagés résolument dans cette voie, et nous, relégués à l’arrière, nous subissons le sort de ceux qui sont dépassés. C’est ainsi que notre Mouvement National terrassé par les années d’immobilisme et de routine, mal orienté, privé de soutien indispensable de l’opinion populaire, dépassé par les événements se désagrège progressivement à la grande satisfaction du colonialisme qui croit avoir remporté la plus grande victoire de sa lutte contre l’avant-garde algériens », peut-on lire dans la proclamation du FLN du 1 novembre 1954. En effet, dès décembre 1953, les rapports des autorités coloniales débordaient d’enthousiasme en apprenant la crise qui secouait le parti nationaliste, le PPA-MTLD. En outre, la base est désormais au courant de la crise minant la direction du parti. Pour résoudre le conflit, Messali demande les pleins pouvoirs en vue de redresser le parti. Les centralistes refusent, dans le premier temps, en arguant que la ligne directrice du parti avait été ratifiée lors du précédent congrès du parti. Vers la mi-juillet, Messali réunit ses partisans en Belgique. Il exclut tous les animateurs du comité central. Ce dernier réunit, lui aussi, la conférence des cadres vers le début août. Les membres du comité central décident l’exclusion de Messali et de ses adjoints, Moulay Merbah et Ahmed Mezrena. Dans ces conditions, pour paraitre crédible, il est difficile de se reconnaitre dans l’une des tendances et prétendre réaliser l’union du peuple algérien. En tout cas, cette ambigüité est levée dans la déclaration du 1 novembre 1954 : « Nous tenons à préciser, à cet effet, que nous sommes indépendants des deux clans qui se disputent le pouvoir. Plaçant l’intérêt national au-dessus de toutes les considérations mesquines et erronées de personnes et de prestiges, conformément aux principes révolutionnaires, notre action est dirigée uniquement contre le colonialisme, seul ennemi obstiné et aveugle, qui s’est toujours refusé d’accorder la moindre liberté par les moyens pacifiques », clarifient ainsi les activistes leur position. Tout compte fait, contrairement au parti traditionnel qui réclamait l’élection de l’assemblée constituante par tous les Algériens, le FLN avance le principe de « la restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques ». L’autre principe cher aux fondateurs du FLN est le respect de toutes les libertés fondamentales, et ce sans qu’il y ait la moindre entrave à leur exercice. Hélas, un demi-siècle après l’indépendance, les Algériens revendiquent encore le respect des libertés fondamentales du citoyen. Cependant, concomitamment à l’action armée, les chefs historiques du FLN proposent, aux autorités coloniales, la résolution du conflit en ouvrant la négociation avec les porte-parole autorisés du peuple algérien. Cette négociation doit aboutir à la reconnaissance de la souveraineté algérienne. En contre partie, l’Algérie indépendante respectera les intérêts français, culturels et économiques, honnêtement acquis. Les liens entre les deux pays ne seront, selon les fondateurs du FLN, plus dictés à Paris. Ils feront l’objet d’une négociation d’État à État. Par ailleurs, pour exhorter le peuple algérien à les suivre dans cette démarche, les fondateurs du FLN n’hésitent pas à lui rappeler sa situation de subalterne dans son propre pays : « Comme tu le constates, avec le colonialisme, la Justice, la Démocratie, égalité ne sont que leurre et duperie destinés à te tremper et à te plonger de jour en jour dans la misère que tu ne connais que trop », lit-on dans l’appel de l’ALN au peuple algérien. Néanmoins, déterminés à libérer le pays stoïquement, les initiateurs de l’action armée n’ont pas perçu le danger guettant la révolution de l’intérieur. En effet, une partie de leurs compatriotes n’avaient pas la même acception de la liberté pour le peuple algérien. En fin de l’histoire, ces malintentionnés ont attendu la fin de la domination coloniale pour en imposer la leur. Et le peuple algérien vit de privation en privation malgré les efforts consentis. Par Ait Benali Boubekeur

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