Dans une contribution, sous forme de réquisitoire, publiée par Le Matin, le conseiller de Ferhat Mehenni s’en prend sans vergogne au FFS. Toutefois, si le reproche venait d’un mouvement œuvrant, quelle que soit sa stratégie, pour l’intérêt national, la critique devrait être prise au sérieux. Or, le mouvement en question est très loin du compte. Confondant sciemment le bien et le mal, l’auteur de la diatribe met le FFS et le MPA sur le même pied d’égalité. Faut-il signaler que le fait de comparer la formation de Hocine Ait Ahmed à celle d’Amara Ben Younès constitue incontestablement une insulte suprême. Guidé par sa haine viscérale envers le FFS, et à mesure que l’on parcourt sa contribution, on s’aperçoit que l’auteur du texte est d’une malhonnêteté criante.
De toute évidence, assimilant toute action du FFS, qui œuvre, malgré les difficultés, en faveur d’une Algérie apaisée, à une compromission avec le régime algérien, le conseiller de Ferhat Mehenni oublie de signaler que si le pouvoir est encore en place, c’est grâce, en partie, aux efforts déployés par Ferhat Mehenni et ses amis, parfois les armes à la main, que la dictature sévit encore en Algérie. D’une certaine façon, en prenant soin d’inverser les rôles, pour cet apprenti sorcier de la politique, seuls le MAK et le RCD sont d’une probité incontestable. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce clin d’œil au RCD ne peut s’expliquer que par la manœuvre de l’ancienne aile extrémiste du RCD en vue de permettre à Ferhat Mehenni d’assouvir son désir de vengeance.
Quoi qu’il en soit, malgré ces appels incessants, le RCD, un parti national respectable [bien que je ne partage pas ses idées], refuse de cautionner une démarche suicidaire et à l’issue incertaine. Par ailleurs, puisque le conseiller zélé présente Ferhat Mehenni comme l’homme politique honnête, on aimerait bien qu’il nous parle de la façon dont il a géré le boycott scolaire, en 1994, en Kabylie. D’ailleurs, bien avant cette date, Ferhat n’a pas été un son énième grenouillage politique près. En effet, bien avant le boycottage scolaire, Ferhat Mehenni avec trois autres personnalités a appelé à la transformation du MCB en parti politique, et ce, en dépit de l’opposition des autres militants du mouvement culturel. Si vous prenez ça pour de la probité politique, on pourra prendre des vessies pour des lanternes. En effet, comment peut-on transformer un mouvement clandestin, où les militants de diverses sensibilités se côtoient, en un parti politique sans que des assises locales soient tenues préalablement ? Heureusement, grâce à la vigilance des militants du MCB, le mouvement est sauvé d’une mort programmée. En quelques jours, les opposants aux assises réussissent à réunir près d’un million de signataires.
De toute évidence, en s’apercevant que le mouvement lui échappe, l’ancienne formation politique de Ferhat Mehenni combat systématiquement les actions du MCB. Cinq ans plus tard, le président du RCD, pour ne pas laisser le terrain libre aux animateurs du MCB, va créer une branche, appelée MCB-Coordination nationale. « C’est lors d’une manifestation organisée le 17 janvier 1994, et à laquelle avait appelé une dizaine d’associations culturelles proches du RCD, que Ferhat Mehenni proclama la création du MCB-coordination nationale », écrit Alain Mahé, auteur du livre « Histoire de la Grande Kabylie ».Ainsi, en 1994, ignorant les autres branches du MCB, Ferhat Mehenni lance un appel pour le boycottage scolaire en Kabylie.
Et paradoxal que cela puisse paraitre, celui qui lance l’appel aux parents d’élèves en vue de sacrifier la scolarité de leurs enfants n’applique pas ce principe à soi-même. En effet, celui qui mettra la Kabylie aux enchères dans les années 2000 a pris soin, avant le lancement du boycott, d’inscrire ses enfants dans des écoles françaises. À vrai dire, ne se souciant nullement de l’avenir des écoliers kabyles, cette action ne visait ni plus ni moins qu’à déstabiliser un clan du pouvoir. « Pour certains animateurs du mouvement culturel, l’agitation et le désordre qui résulterait de ces événements n’aurait d’autres buts que de faire échouer la solution politique recherchée par les négociations en cours entre le clan présidentiel –Zeroual et Betchine –et les responsables du FIS. Échec qui profiterait aux tenants de la solution militaire », note Alain Mahé.
Par ailleurs, bien qu’il soit exclu du RCD et par la même occasion du MCB-coordination nationale, remplacé, rappelons-nous, par Ould Ouali hadi [un autre grand opposant au régime MDR, auraient dit les jeunes], Ferhat Mehenni entame des négociations avec le gouvernement Mokdad Sifi. Le 29 avril 1995, la coordination nationale, tout en dénonçant l’accord signé par Ferhat Mehenni un mois plus tôt, paraphe un autre accord avec le gouvernement. Or, dans le fond, écrit Alain Mahé, « il n’y a aucune différence entre l’accord proposé par Ferhat et dénoncé par la coordination nationale et celui que celle-ci finira par avaliser. Le seul « changement » réside dans le nom de l’organisme créé pour promouvoir l’amazighité : haut conseil dans la formule de Ferhat et haut commissariat dans celle de la coordination nationale. » Evidemment, les perdants sont ceux qui ont raté une année de scolarité pour des enjeux qui ne les concernaient même pas.
Quelques années plus tard, Ferhat Mehenni récidive. Sans qu’il ait le moindre mandat des citoyens, il se proclame porte-parole, voire souverain, de la Kabylie. Bien que son mouvement ne pèse que dalle dans la région, il claironne que les Kabyles veulent constituer leur propre État. Plus grave encore, au nom de cette partie de l’Algérie profonde, il s’allie à l’État qui n’hésite pas à pilonner les enfants avec des bombes à phosphore. Sans être anti sémite [tous les citoyens de la planète ont le droit à la vie et au respect], la Kabylie qui a tant souffert des injustices ne peut pas ne pas être sensible au drame palestinien. Et c’est cette souffrance que ne comprend pas justement le chef autoproclamé de la Kabylie.
En somme, c’est autour de cette personne que Moussa Nait Amara appelle les forces politiques à créer un pacte en vue de sauver la Kabylie. Certes, la Kabylie, comme toutes les régions d’Algérie, a besoin de se soustraire du régime dictatorial. Au XIXème siècle, l’Algérie a besoin d’une décentralisation effective. Mais, ce projet ne peut se faire qu’englobant toutes les régions d’Algérie. Et c’est cette solution que le FFS préconise depuis 1979. Enfin, bien que le FFS soit un parti avec ses défauts et ses qualités, en ce qui concerne le sentiment patriotique, personne ne peut le remettre en cause. « C’est en toute sérénité que le parti doit aborder cette étape de son parcours, et dans le respect de tous ceux qui, hors du parti, défendront de manière respectable d’autres visions que la notre, mais il est exclu que quiconque nous donne des leçons en politique, en démocratie, en militantisme, en patriotisme ou en Takbaylit », écrit Hocine Ait Ahmed, le 2 mars 2012.
Par Ait Benali Boubekeur