29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 16:53

imagesCA7PRIFDLa question récurrente qui revient dès le recouvrement de l’indépendance est incontestablement la question de l’orientation idéologique du pays. Ce débat, hélas, est réservé à la classe dirigeante, que ce soit avant ou après l’indépendance. Ainsi, en décidant d’élaborer les choix fondamentaux en dehors du peuple, les tiraillements atteignent parfois le paroxysme. Et pourtant, pendant la guerre d’Algérie, des hommes sincères ont tenté d’amorcer le débat sur cette question lancinante. Bien que l’objectif primordial ait été l’indépendance nationale, des dirigeants, et non des moindres, à l’instar de Abane Ramdane, ont esquissé un travail tendant à mobiliser les dirigeants sur ce sujet crucial. Car la restauration de la République dont « les instituions ne seront pas en contradiction avec les principes islamiques » paraissait un concept vague. Ainsi, dans les colonnes du journal El Moudjahid, Abane apporta quelques explications à cette problématique. En dépit des contraintes inhérentes à la conduite de la guerre, Abane expliqua que les questions fondamentales devaient être traitées, dans la mesure du possible, simultanément. « Il ne s’agit pas d’une guerre banale, mais d’un processus de libération nationale et de révolution sociale », écrit-il dans le journal El Moudjahid en 1957. Pour lui, « l’indépendance nationale se pose comme une notion indissociablement liée à la démocratie sociale ». Cependant, cette conviction fut partagée par un autre ténor de la révolution, Larbi Ben Mhidi. À la Soummam, les deux architectes du congrès, Abane et Ben Mhidi, respectivement secrétaire et président du congrès, ont énoncé un principe qui devait faciliter l’aboutissement du débat idéologique à travers le principe de « la primauté du politique sur le militaire ». D’une façon générale, ce principe ne tend pas à ligoter ni à museler les militaires. En revanche, sur les questions politiques, le militaire doit céder le pas au politique. L’annulation de ce principe soummamien au Caire en août 1957 va créer la confusion au sein des organismes dirigeants. En 1962, le colonel Boumediene, dirigeant le tout puissant EMG (État-major général), s’opposera fermement aux politiques du GPRA (gouvernement provisoire de la République algérienne). Ainsi, en empêchant ce dernier d’assumer ses responsabilités, et ce bien qu’il ait gagné la bataille diplomatique conduisant à la signature des accords de paix, l’EMG prive le pays d’envisager un tel débat avec sérénité. Pour qu’il parvienne à ses fins, Boumediene s’appuie sur le prestige, à vrai dire fabriqué par les médias, d’Ahmed Ben Bella. Et le moins que l’on puisse dire c’est que les propensions de celui-ci pour le pouvoir était, depuis le début de la guerre, un secret de polichinelle. Assuré de régner en maitre sur l’Algérie, Ahmed Ben Bella impose, au congrès de Tripoli, un texte sur les futures institutions de l’État algérien. Selon Mohamed Harbi : « La référence à la religion est introduite dans la charte de Tripoli à la demande de Ben Bella qui remet en question la laïcité de l’État et celle du FLN. Son contradicteur principal Lacheraf, lui oppose deux arguments : - Premièrement, l’Islam porte en lui le poids des valeurs à une civilisation rurale archaïque et son intégration à l’idéologie peut servir de frein à la modernisation du pays. - Deuxièmes, les forces conservatrices vont s’appuyer sur la religion pour perpétuer des mœurs rétrogrades en ce qui concerne la famille, la condition féminine et les rapports dans la société. » Quoi qu’il en soit, ce débat idéologique va pourrir pendant longtemps la vie politique algérienne. En optant pour le système de parti unique, excluant de fait le peuple algérien du droit de regard sur son avenir, le régime va imposer, selon les besoins du moment, des orientations ambivalentes. Ainsi, lorsqu’il a exploité la religion, il l’a fait sans se soucier des dangers guettant le pays. Or, dans les années 1990, le régime est dépassé sur ce terrain par un mouvement prônant ouvertement l’instauration d’un État islamique dont le seul fondement soit la charia. Cependant, bien que l’islam soit un élément fondamental dans la constitution de la société algérienne, il n’en reste pas moins que l’exercice de la politique doit obéir à des normes à part. En effet, si en religion le consensus est facilement réalisable, en politique, les citoyens ne peuvent pas être d’accord sur la conduite des affaires. Cela dit, pour se maintenir au pouvoir après la défaite électorale de 1991, le régime change de discours et réalise un coup d’État contre la mouvance qui revendique l’application de la religion en tout ce qui concerne la gestion des affaires publiques. Toutefois, la question qui mérite un examen est de savoir, même de façon laconique, comment ce mouvement, à son essence réformiste, s’est métamorphosé en à peine 40 ans ? La réponse ne fait aucun doute : la gestion brutale des affaires de l’État est à l’origine de cette radicalisation. L’auteur du livre « Le pouvoir, la presse et les droits de l’homme en Algérie », Brahim Brahimi le justifie comme suit : « Après la disparition de Boumediene, le courant réformiste va être dépassé par ses troupes… On est loin de l’association des oulémas qui revendiquait en mai 1950, la séparation de la religion de l’État ; le document adressé aux membres de l’Assemblée algérienne par les Oulémas précisait que le monde actuel est un. Les nations n’obéissent plus uniquement à des mobiles religieux, mais à des facteurs économiques et sociaux, à la communauté d’intérêts. » En somme, il va de soi que le report et l’empêchement, dans certains cas, du débat sur les questions idéologiques a retardé l’émergence d’une société autonome. Considérés comme mineurs, les Algériens ne sont pas associés à la mise en place des institutions reposant sur leur libre choix. Résultat des courses : cinquante ans après, le pays est à la croisée des chemins. Enfin, les mouvements en Afrique du Nord vont-ils contribuer à changer la donne en Algérie ? L’avenir proche nous le dira. Par Ait Benali Boubekeur

commentaires

Contactez-Moi

  • : Blog AIT BENALI Boubekeur
  • : L’école algérienne ne s’est pas attelée, en ce qui concerne l’enseignement de l’histoire, à la transmission du savoir. L’idéologisation de l’école l’a emporté sur les impératifs de la formation. Or, les concepteurs de ces programmes préfèrent envoyer leurs enfants dans des écoles occidentales. Du coup, la connaissance de l'histoire ne passe pas par l'école.
  • Contact

  • Ait Benali Boubekeur
  • Il est du devoir de chaque citoyen de s’intéresser à ce qui se passe dans son pays. C'est ce que je fais modestement.

Recherche

Catégories