À trois mois des élections législatives, le FFS dévoile sa stratégie. Si dans les démocraties occidentales les objectifs sont arithmétiques, il n’en est pas de même de notre démocratie chancelante. En d’autres termes, lorsque les institutions ne sont pas prises en otage, les partis d’opposition se préparent à créer les conditions d’une alternance. En Algérie, bien que le calendrier électoral puisse donner l’impression d’une démocratie apaisée, le régime verrouille, sans fard ni acrimonie, le processus démocratique.
Du coup, la participation du FFS à ces élections –comme elles le sont les précédentes participations –obéit à une stratégie politique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette dernière a pour seul objectif de contribuer à l’émergence d’un État de droit et la consolidation de la démocratie.
Malgré les entreprises de déstabilisation tous azimuts, force est de reconnaître que le FFS persévère dans sa politique de rassemblement. Cette force, il la tient dans son maintien de cap, et ce, depuis sa fondation. D’ailleurs, sans le maintien de la même philosophie, le parti aurait disparu depuis des lustres. Avec tous les coups qu’il a reçus, Hocine Aït Ahmed ne se demandait-il pas en 2012 comment le parti était encore debout ?
Cela étant dit, en prenant chaque fois des décisions qui contrarient la dictature, il est normal, pourrait-on dire, que les forces du mal qu’il combat veuillent le neutraliser. Ainsi, dès 1963, lorsque la majorité ou peu s’en faut de la famille révolutionnaire accepte le fait accompli, Hocine Aït Ahmed s’insurge contre la spoliation du peuple algérien de son droit de choisir sa voie.
Quoi qu’il en soit, les exemples de cette nature sont légion. La carrière de Hocine Aït Ahmed est marquée par son opposition sans vergogne aux usurpateurs du pouvoir. Mais, ce qui caractérise aussi son engagement, c’est sa capacité à porter un véritable projet de société. Contrairement à certains braillards, Hocine Aït Ahmed assumait deux rôles concomitants : un opposant inflexible sur les principes de base et un homme d’État pouvant jouer un rôle institutionnel.
Du coup, le fait que le FFS ne s’oppose qu’à l’équipe dirigeante, il n’est pas exclu que le parti puisse participer aux élections. Bien qu’il ait boycotté tous les scrutins nationaux depuis 1997 –en 1999, Hocine Aït Ahmed s’est retiré la veille du scrutin présidentiel, en compagnie de cinq autres candidats, pour dénoncer la volonté du haut commandement militaire de vouloir imposer son candidat –, il n’en reste pas moins les révolutions nord-africaines de 2011 nous ont appris que les changements anarchiques conduisaient à la dislocation nationale. Il suffit, pour cela, de jeter un coup d’œil autour de nous.
C’est pourquoi, dès novembre 2011, le FFS a procédé à des changements dans ses structures. N’étant ni un homme de dialogue ni capable de conduire des politiques apaisées, Karim Tabou a été remercié. Depuis cette date, le FFS œuvre pour des solutions politiques rassembleuses. Lors des assises de son Vème congrès de mai 2013, le FFS invite la classe politique, sans aucune exclusion, à se mettre autour d’une table en vue d’acter tout ce qui pourrait permettre l’exercice apaisé du pouvoir.
Par ailleurs, après une participation tactique en 2012 –l’Algérie ne pouvait pas se permettre une autre effusion de sang. Hocine Aït Ahmed affirmait d’ailleurs que si le régime était menacé par la rue, il n’aurait pas hésité à faire couler le sang des Algériens –, cette fois-ci la participation est politique. Bien que le parti ne fasse pas confiance au régime (voir la déclaration du membre du présidium Aziz Bahloul lors de la rencontre avec élus), le FFS accorde une grande importance à cette échéance, car il va soumettre directement son projet de conférence nationale de consensus au jugement du peuple. « Le FFS se doit, dans le fond et dans la forme, faire de ce moment une réponse sans ambigüité sur sa capacité, non seulement à respecter et mettre en œuvre ses principes fondateurs et ses valeurs directrices, mais aussi à les faire partager avec un nombre croissant de citoyens et de partenaires », lit-on dans le document portant stratégie politique.
Pour conclure, il va de soi que le choix de la participation paraît logique compte tenu des propositions que met le FFS sur la table. Ainsi, face à la volonté du régime de dépolitiser la société, le parti fondé par Hocine Ait Ahmed essayera, lors de cette campagne, de politiser les débats en vue de sensibiliser les Algériens sur l’impérieuse nécessité de mettre fin au statu quo. Quant à ceux qui l’attaquent sur son changement de cap, Abdelmalek Bouchafaa apporte une réponse sans équivoque : « la participation aux élections sous ce pouvoir, conçu et pensé contre les intérêts du peuple, n’a pas au FFS pour finalité de partager le pouvoir, mais se fixe ouvertement l’ambition de consolider les conquêtes de la lutte politique. »
Aït Benali Boubekeur