Désormais, à chaque occasion historique -20 avril, yennayer –, Ferhat Mehenni en fait une date fondatrice de son mouvement séparatiste. Et tous les partis, selon ses sites internet, qui n’adhèrent pas à son aventure sont des supplétifs du pouvoir. Et pourtant, si un parti veut jauger sa représentativité, il ne devra pas exploiter des dates qui rassemblent tous les habitants de la région. Plus que le 20 avril, yennayer est sans doute plus grand que les desseins malsains du roi sans trône.
D’ailleurs, même les citoyens qui fêtent yennayer ou célèbrent le 20 avril –une date référence de l’histoire de l’Algérie postindépendance –, cela n’équivaut en rien à un soutien au mouvement de Ferhat Mehenni. Du coup, en quoi ces démonstrations –quelques centaines sur plusieurs millions le 12 janvier 2017 –peuvent-elles légitimer une orientation politique ? Bien évidemment, rien ne justifie une telle exploitation.
Cela dit, pour ceux qui connaissent le parcours de Ferhat Mehenni, ce dernier n’opte pour une stratégie que pour tromper ou usurper un événement. En novembre 1988, où il annonce la mort du MCB et sa transformation en parti politique, en aout 1994, où il fait perdre aux enfants de la région une année de leur scolarité, en février 1995, où il négocie tout seul la fin du boycottage scolaire avec le gouvernement, à partir de 2001, où il se prend pour le roi de la Kabylie, chaque événement est un coup bas envers une région qui n’attend rien de lui. Et surtout, pas sur le plan politique.
Cependant, dans son message, à l’occasion de yennayer, Ferhat Mehenni affirme, sans la moindre gêne, que la Kabylie va rejeter les élections « algériennes » du 27 avril 2017. Quel mépris pour les habitants de la région? Et qui plus est, deux formations politiques traditionnelles de la région et des partis satellitaires du pouvoir –dans certaines régions, ces partis arrivent parfois en tête lors des rendez-vous électoraux – vont prendre part à ces échéances capitales de 2017.
Néanmoins, bien que les arguments du boycott soient recevables, force est de reconnaître que ces derniers ne partagent pas les revendications de Ferhat Mehenni. Car, pour partager ses idéaux, il faut détester trois choses en même temps : l’islam, la langue arabe et l’Algérie. Pire encore, le belliqueux ne cesse pas d’évoquer l’état de guerre pour inciter ses partisans à passer à l’action. Est-ce cela le courage d’un chef politique ? Bien que les assassins de son fils soient des criminels sans scrupules, faudrait-il pour autant sacrifier des vies innocentes pour châtier les coupables ?
Pour conclure, il va de soi que la Kabylie ne mérite pas le sort que lui réserve Ferhat Mehenni. En effet, elle n’a pas besoin d’aventure ni de tutelle. Cela étant dit, après un séjour de prés d’un mois en Kabylie, le mouvement séparatiste qui fait tant peur sur internet n’est que l’ombre de lui même. Hélas, cette remarque vaut aussi pour toutes les formations politiques. Est-ce que la Kabylie tourne le dos à tout ce qui est politique ? Tout porte à le croire. Dans ce cas, toute proclamation visant à se réclamer de la majorité silencieuse n’est au mieux qu’une mauvaise fois et au pire une malhonnêteté politique.
Aït Benali Boubekeur