2 avril 2014 3 02 /04 /avril /2014 17:09
Y a-t-il encore des militants en Algérie ?

Saïd RADJEF

Certains partis s’apprêtent à fêter la journée de militant, mais que signifie au juste le mot militant en Algérie ? Au cours de ces vingt dernières années, on a assisté à une multiplication de partis politiques dont la majorité se réclame de l’opposition. Cependant, aucune étude scientifique ou journalistique n’a été établie sur les raisons du militantisme, les pratiques, les traditions et les comportements des militants, les caractéristiques spécifiques de chaque formation politique selon l’organisation d’appartenance doctrinale ou philosophique. Depuis la loi de février 1989 autorisant les partis politiques, aucune approche théorique, aucune approche descriptive monographique, aucune approche socio-démographique ou psycho-sociologique n’a été entreprise par nos élites bien pensantes. Dans sa littérature foisonnante qu’elle consacre quotidiennement aux partis politiques, la presse ne fait aucune étude sur le militantisme. De même, nos sociologues et nos politologues qui s’intéressent de plus près à la sociologie électorale refusent comme objet d’étude et de recherche le militant et l’adhérent. Ce constat est d’autant plus paradoxal que l’une des analyses classiques du phénomène partisan est l’approche organisationnelle qui concerne justement les structures partisanes, les degrés d’adhésion et la répartition du pouvoir au sein des partis politiques. Sur quels critères peut-on se baser pour affirmer que tel parti est un parti de masses, tel autre est un parti de cadres et tel autre encore est un parti d’électeurs ? Comment peut-on savoir que tel parti est conservateur, tel autre est réformiste et tel autre encore est néo –libéral, alors qu’aucune étude ne rend compte sur ce qu’est au juste le militant dans notre société ? Comment peut-on faire une distinction entre militant, adhèrent et sympathisant, alors que tous les partis sans distinction aucune refusent d’investir dans le travail de la formation ? C’est quoi au juste un militant ? Selon toutes les définitions, le militant qui vient du latin miles, militis (soldat) concerne les personnes qui se battent culturellement, intellectuellement, les armes à la main, pour défendre leurs idées et les convictions de l’école de pensée à laquelle ils appartiennent. A la lumière de cette définition, que peut-on dire de tous ces nomades politiques qui désertent les formations ou ils ont occupé de hautes responsabilités pour aller rejoindre des partis dont ils ont auparavant condamné la démarche ? Comment peut-on interpréter les revirements idéologiques de nos partis qui ne s’embarrassent d’aucun scrupule pour trahir les idéaux et les convictions dont ils étaient la veille les champions ? A quels moments ces illustres militants ont été sincères dans leurs démarches ? Déjà en 1990, alors que la compagne électorale battait son plein, deux grands dirigeants du PPA-MTLD encore en vie interrogeaient sur le ras de marée de militants qu’ont vécu quelques partis politiques : « Comment peut-on parler d’opposition lorsque neuf cadres supérieurs sur dix d’un parti ignorent tout de la doctrine et de la philosophie de la formation à laquelle ils appartiennent ? » Et d’ajouter : « Beaucoup sont des instruments inconscients de la propagande du régime dont ils disent être les adversaires acharnés. » Bien sur les services de la police politique qui n’avaient en face d’eux aucun adversaire politique, ont compris tous les avantages qu’ils pouvaient tiré de ce populisme ambiant dans lequel baignait la majorité des partis politiques. En effet, sans chercher à blesser quiconque, dans un climat de « moukhabaratisation » sans précèdent, il suffit de jouer à la victime de la police politique ou de cataloguer quelqu’un d’appartenance aux « services » pour gagner ses galons de militant dirigeant et devenir une référence politique au sein de sa formation. Certains fraîchement militants revendiquaient un passé d’opposant alors que de 1965 à 1980, hormis la dévolution du pouvoir qui s’est poursuivie après le Congrès de Tripoli et qui a opposé les dirigeants de l’insurrection armée de novembre 1954, aucune arrestation, aucune exécution n’est venue obscurcir le ciel bleu d’Algérie, ni dans la société civile, ni dans le milieu universitaire.

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