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8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 22:26

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Les luttes internes au sommet de l’État donnent naissance, au forceps, à la démocratie. Après l’effet de surprise, la rue s’empare du mouvement. Bien que les événements du 5 octobre 1988 soient fomentés de l’intérieur, les jeunes ont donné une autre dimension à cette révolte. En revanche, dans le bras de fer opposant les clans du pouvoir, celui de Chadli sort vainqueur. Car, au départ, certains caciques ne voulaient pas que Chadli soit adoubé candidat à la présidentielle lors du congrès du FLN de la fin de l’année 1988. Sur ces querelles, Madjid Benchikh, dans « L’organisation du système politique »,apporte des précisions sur les machinations au sommet de l’État : « Plus tard, le général Nezzar qui a dirigé l’état de siège et la répression après ces manifestations, indique que des « éléments du pouvoir, ont participé à l’organisation d’un mouvement de marches et de grèves dans le but d’influer sur les décisions du congrès du FLN ». « Le but initial des courants opposés au projet présidentiel était simplement de créer une effervescence sociale. Ils ont été cependant dépassés par l’ampleur de l’action et l’armée a eu affaire à une insurrection visant la déstabilisation de l’État».  Cependant,  du témoignage du général Nezzar, on peut aisément comprendre que ces événements ne furent ni spontanés ni émanant, dans leur phase initiale, de la rue. Il s’agissait simplement d’un combat de coqs au sein du régime.

 

Tout compte fait, dans l’esprit des dirigeants, la finalité ne vise nullement à débrider les contraintes pesant sur les Algériens. En tout cas, contrairement à ce que pensent actuellement  Ouyahia et ses amis du pouvoir, la révolte du 5 octobre ne peut pas être comparée à celles des révoltes de 2011, chez nos voisins. D’après les signataires d’un texte datant du 25 octobre 2011,  quatre intellectuels algériens, Ahmed Dahmani, Aïssa Kadri, Madjid Benchikh, et Mohammed Harbi, affirment : « En Algérie en octobre 1988, aucune coordination de jeunes manifestants n’est née sur le terrain comme en Tunisie ou en Égypte, en Libye ou ailleurs. Aucune force n’a d’ailleurs jamais revendiqué une quelconque participation. Les manifestations de 1988 ne peuvent donc pas, de ce point de vue, être assimilées aux mouvements tunisien, égyptien ou libyen. Quelles que soient leurs insuffisances en matière notamment d’organisation et de programmation politique, les opposants tunisiens, égyptiens et libyens, se sont très vite organisés pour continuer leurs manifestations et les transformer en insurrection contre le pouvoir politique. Ils ont rapidement demandé la chute du chef de l’État et la fin du système politique. »  

 

Il va de soi qu’en octobre 1988, la révolte n’a pas provoqué la chute du régime. On a assisté juste au remodelage du champ politique. Le 10 octobre 1988, Chadli apparait à la télé. Il prononce un discours comportant quelques promesses d’ouverture. Parmi les réformes promises, il y a la possibilité de créer « des associations à caractère politique ». Cela dit, bien que la compétition électorale soit ouverte aux formations politiques, le commandement militaire garde un œil attentif sur l’évolution de la vie politique. En 1991, le commandement militaire donne son feu vert pour l’organisation des élections législatives. Quelques jours plus tôt, les sondeurs ont promis aux vrais décideurs que le FIS n’allait pas dépasser la barre des 30% de sièges à la nouvelle Assemblée. Mais le raz-de-marée du 26 décembre 1991 lève le voile sur les intentions des soi-disant sauveurs de la démocratie.

 

 En effet, dès l’annonce des résultats  électoraux, les militaires investissent l’arène politique. Ils écartent Chadli du pouvoir, le 11 janvier 1992, pour avoir refusé d’annuler les élections. Ainsi, le choix des Algériens ne représente absolument rien pour Nezzar et ses collègues. Pour Madjid Benchikh : « L’armée décide alors d’annuler les élections et créé un Haut Comité d’État (HCE), auquel elle octroie toutes les prérogatives du chef de l’État, en affirmant, contre l’évidence des textes, que tout cela est conforme à la constitution. » Du coup, la parenthèse démocratique, on pourrait l’affirmer, est refermée en 1992. Enfin du compte, cette ouverture ne fut qu’un test. Les vrais décideurs ont compris que les Algériens voulaient un changement profond entre gouvernants et gouvernés. Les enjeux, les intérêts, le prestige ont dû peser dans la balance lorsque les décideurs furent sur le point de partir.

 

Cependant, contrairement à ce qui s’affirme ci et là,  les Algériens n’ont pas imposé leurs revendications en 1988, comme le font actuellement nos voisins. Du coup, le commandement militaire ne s’est pas estimé menacé en 1992. Puisque les Algériens sont incapables d’imposer leur choix, dans ce cas, les vrais décideurs leur en imposent jusqu’à ce qu’il y ait un déclic. Et cette situation continue de plus belle sous la présidence de  Bouteflika. Pour l’ancien chef du gouvernement, Sid Ahmed Ghozali, enfant du système, explique l’organisation du pouvoir en Algérie a toujours exclu le petit peuple. Sans une initiative venant de la rue, le régime est incapable de se métamorphoser. Qu’on en juge ses propos : « En Algérie, il existe un pouvoir apparent et un pouvoir occulte …Toutes nos institutions sont fictives. Il n’y a que l’institution militaire qui existe réellement….Lorsqu’on parle de l’institution militaire, c’est une poignée de personnes qui, au nom de l’armée, tient toute l’Algérie et pas seulement l’institution qu’elle représente…. Mais tout ce qu’ils ont fait, ils l’ont fait avec la complicité de la classe politique dans le cadre « d’un contrat » : à nous le pouvoir et à vous la responsabilité… Officiellement, l’armée s’est retirée de la politique depuis 1989, mais qui a désigné Chadli et Ghozali comme chefs du gouvernement ? Qui a désigné Bélaid Abdesselam( chef de gouvernement et ministre de l’ Économie du 19 juillet 1992 au 25 octobre 1993) Qui a fait venir Boudiaf, Zeroual et le président de la République actuel ? » (El Khabar- Hebdo. No 177 du 20-26 juillet 2002), source citée par Madjid Benchikh.

 

Dans ces conditions, il est difficile de croire aux réformes. À vrai dire, les réels détenteurs du pouvoir ne communiquent pas. Leur but est d’imposer le statu quo. Avec l’argent collant à flot, les soutiens, au sein de la société, ne manquent pas. Mais ceux qui souffrent se comptent aussi par millions. Si un changement doit intervenir, c’est de ces derniers qu’il devra venir.    

 

                         Par Ait Benali Boubekeur

 

       

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13 novembre 2011 7 13 /11 /novembre /2011 12:52

images1-copie-1.jpgLa marche du 14 juin 2001 représenta sans doute l’apogée de cette structure. La précipitation et l’arrivée de quelques délégués opportunistes anticipèrent sa dégringolade de ce mouvement. Du coup, on peut considérer cette manifestation comme un vrai test pour la suite de la contestation en Kabylie. En effet, il y avait un avant et un après 14 juin. L’avant avait été le moment du large rassemblement pour que la lumière soit faite sur les exactions survenues après l’assassinat de Guermah Massinissa, le 18 avril 2001. L’après fut incontestablement celui de la perte des valeurs démocratiques. En effet, un groupe de délégués, pour la plupart non élus par leurs bases respectives, se sont emparé des rênes de ce mouvement. Bénéficiant d’une médiatisation sans précédent, ils se comportèrent en tuteurs de la région. Pour eux, il y avait les bons, en l’occurrence les délégués autoproclamés, et les autres. Ces derniers devaient vaille que vaille être éliminés. Cela dit, pour revenir à la marche du 14 juin, il convient de signaler que celle-ci a rassemblé environ deux millions de personnes. En effet, avant que le virage visage des faux délégués ne soit découvert, les gens accordaient une confiance aveugle à cette structure. Dans la quasi-totalité des villages, en dehors des villes, les délégués furent réellement élus. Ils étaient, pour la plupart, des membres des comités de village. D’emblée, leur mission fut définie : éteindre le feu. Or, ceux qui exigeaient un chantage permanent ne furent même pas élus par leur base. A cette confusion, il y avait aussi le brouillage des cartes par la presse. Bien qu’elle ait accompagné le mouvement, la teneur de ses articles ne fut pas de nature ni à apaiser la tension ni à déterminer l’adhésion réelle de la population, notamment après le 14 juin 2001. Elle a même, dans une certaine mesure, fabriqué les représentants de la région à sa place. Lors du conclave d’Illiltene, la presse a publié le compte rendu du conclave. Or, il ne fut pas le vrai. Quand le secrétariat du conclave leur a remis le sien, les journaux ont répondu qu’un autre groupe leur avait déjà remis un document. Son but en tout cas était d’avoir un interlocuteur. Les délégués non représentatifs correspondaient au profil recherché par la presse. Car ils n’avaient pas de compte à rendre à leurs mandants. Cela dit, à l’approche de la marche du 14 juin, il allait de soi que le mouvement pouvait se targuer d’avoir une large base.  En revanche, bien que cette marche ait réalisé une mobilisation historique, il n’en reste pas moins qu’elle a engendré des conséquences néfastes. En effet, depuis cette date, aucune manifestation publique n’est plus tolérée à Alger. C’est à se demander si les partisans de cette marche n’ont pas réalisé les desseins du régime. Sans jouer les Cassandre, certains délégués ne voulurent pas de cette marche à Alger. Réunir toute la région pour remettre un document au chef de l’Etat paraissait une démonstration risquée. Mais les délégués téléguidés furent de plus en plus menaçants. A chaque intervention, l’un d’eux invoqua le courage et la virilité. Ainsi, le discours politique a laissé la place au stoïcisme.  Dans les différentes réunions ayant précédé cette marche, le discours fut celui de jouer sur la fibre du courage. Bien que certains délégués aient évoqué, dans les prises de parole, le caractère pacifique de la marche, les jeunes furent plus sensibles au discours des futurs alliés d’Ahmed Ouyahia. Ainsi, à quelques jours de la fameuse marche, le mouvement, dont le but initial, rappelons-le, était d’éviter les effusions de sang, se trouvait dépassé et entre les mains des gens nourrissant le feu. Les vrais délégués furent submergés par une base excitée. Surtout, cette dernière trouvait en les délégués zélés ces porte-paroles. Désormais, le mouvement fut entre les mains des délégués servant plus les calculs du régime que l’intérêt de la région meurtrie. Etant moi-même délégué du mouvement, au début de la protestation (mouvement que j’ai quitté rapidement),  avec mon ami Ahcene Nait Abderrahmane, nous avions toujours réuni les citoyens du village pour qu’ils nous fassent leurs propositions. A la veille de la marche, on a rassemblé les villageois pour leur rappeler le caractère pacifique de la marche. Mais combien de réunions ont eu lieu à l’échelle de la région pour donner les mêmes consignes aux marcheurs ? Il n’y avait pas beaucoup de représentants à l’avoir fait. Du coup, lors de cette marche, la majorité ou peu s’en faut des marcheurs possédaient une arme blanche.

Cependant, ce jeudi 14 juin 2001, la marche s’ébranla des pins maritimes, vers 10 heures du matin. Contrairement à ce qui a été colporté, ça et là, la marche ne fut pas réprimée sur le point de départ. Bien entendu, les manifestants ont bien marché 2 ou 3 kilomètres les séparant des champs de manœuvres. Mais une fois les premiers manifestants sont arrivés à l’entrée du centre-ville, ils furent accueillis par des bombes lacrymogènes. Pour réprimer la manifestation, le régime n’a pas hésité à mobiliser les repris de justice, payés gracieusement. Le but étant bien entendu de contrer les marcheurs du 14 juin. En revanche, et c’est là, me semble-t-il, qu’il faut être honnête, si les manifestants avaient pénétré dans la ville, ils auraient saccagé tout sur leur passage. D’ailleurs, le tempo a été donné dès le début de la marche. Tout compte fait, tout laissait présager le drame. Les manifestants, armés d’armes blanches telles que des barres de fer, brandissaient fièrement leurs armes. A peine la marche entamée, ils tapèrent de toute leur force sur les clôtures séparant les deux voies routières. Leur excitation allait crescendo à la vue d’un hélicoptère survolant le ciel, au-dessus de la manifestation. Pour les marcheurs, il ne  subsistait aucun doute sur sa mission : prendre le pouls de la manifestation. Les observateurs au bord ont certainement dressé un tableau noir sur les intentions des marcheurs. Du coup, une fois arrivés à l’entrée du centre ville, les manifestants furent accueillis par un arsenal infranchissable. Dans ces conditions, l’affrontement fut inéluctable. D’un coté, les manifestants ne furent pas prêts à se contenter de  remettre la fameuse plateforme d’El kseur au chef de l’Etat. De l’autre côté, les CNS, aidés par les repris de justice, ne comptèrent pas les laisser franchir l’entrée de la ville. Cela dit, dans cet affrontement, l’avantage tourna vite au profit des CNS et leurs acolytes du jour. Dans la pagaille, plusieurs incidents malheureux se sont produits. Quatre manifestants trouvèrent la mort ainsi que deux journalistes. Ces derniers furent écrasés par un bus. Cependant, bien que les manifestants paraissent excités, la responsabilité, dans ces pertes humaines, incomba aux autorités. Quant aux actes de pillage, il est possible de distinguer deux catégories. Les magasins pillés au centre-ville furent le fait des Algérois. Les manifestants étant empêchés d’y pénétrer.  Par contre, sur le chemin de retour, les manifestants ont pillé tout ce qui se trouvait à leur portée. C’est dans ce climat que les magasins de la gare routière de Kharouba furent saccagés. Sans mesurer les risques, certains s’emparèrent des voitures. Un chauffard a failli commettre l’irréparable en se lançant à vive allure sur la route.

Cependant, de retour en Kabylie, les aventuristes, au lieu de tirer les leçons appropriées, continuèrent à jeter de l’huile sur le feu. Les délégués prônant le calme furent petit à petit poussés à quitter le mouvement. Désormais, la cible fut le FFS. En effet, ils voulaient coute que coute casser ce parti, véritable caillou dans la chaussure du pouvoir. Furent-ils chargés de cette mission ? Aujourd’hui, il n’existe aucun doute. L’un des délégués autoproclamés de Tizi Ouzou a déclaré qu’il avait été approché par Nourredine Ait Hamouda, député du RCD, en vue d’incendier les sièges du FFS. Hélas, l’acharnement de ces pseudo-animateurs du mouvement citoyen a rallié une partie de l’opinion. En s’attaquant à l’expression politique libre, ces derniers ont indubitablement fait régresser la région. Et ce fut la première fois qu’une telle chose arriva à la région. Même au temps de la colonisation, la Kabylie a su accueillir tous les mouvements nationalistes. Par ailleurs, quelques mois après la marche du 14 juin 2001, ces délégués téléguidés ont interdit toute participation aux élections dans la région. Quelle façon de promouvoir la démocratie. En effet, en mars 2002, lors du conclave de Bechloul, ils décidèrent d’empêcher l’organisation des élections en Kabylie. A l’annonce de la participation du FFS en octobre 2002 aux élections locales, ces délégués ont rassemblé, avec la participation active du RCD, les adversaires du FFS. Toutefois, bien que la participation n’ait pas été large, les citoyens ont refusé, au péril de leur vie, que la Kabylie soit neutralisée de cette façon. Mais la multiplication des coups d’estocade a eu raison d’une région rebelle. Depuis cette période, la Kabylie est devenue un lieu de non-droit. Le but sous-jacent de ces délégués fut bien évidemment d’offrir la Kabylie au régime. C’est dans ce contexte que se sont ouvertes les négociations avec le gouvernement algérien, à sa tête Ahmed Ouyahia. En tout cas, cela a prouvé la connivence de ce dernier avec ces délégués zélés. Après quelques rounds de négociation, le terrain d’entente a été vite trouvé. Lors des prochaines élections locales, le RND est arrivé en tête. Les soutiens aux archs en 2001-2002 ont voté massivement pour ce parti présidentiel. A Illiltene, région hermétique au pouvoir,  le RND fut le vainqueur. Ainsi, la coalition Arouch-RCD a réussi à briser le FFS. Mais leur mauvaise gestion va remettre surement sur selle le parti d’Ait Ahmed.

Pour conclure, il va de soi que l’engagement de la région en faveur de cette structure fut souhaitable dans la mesure où le but était d’éviter l’effusion de sang. L’intervention des comités de village fut adéquate. Les jeunes, de retour à leur village, discutèrent avec leurs ainés. D’ailleurs,  l’intervention des comités de village fut souhaitée par les autorités locales. Le maire d’Illiltene, BIBI Mohand Ouamer, un homme de principe invita lui-même les comités à agir. Cette bonne volonté a vécu quelques mois. Mais au fil des semaines, on constata que les pompiers furent aussi pyromanes. Et là, il fallait s’y opposer. En octobre 2002, la candidature de BIBI à sa succession fut appréciée. Ainsi, malgré le chantage, la région n’a pas perdu son âme. Mais au niveau de la région, les choses n’évoluèrent pas de la même manière.

Par Ait Benali Boubekeur   

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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 17:32

image0s.jpgIl y a 23 ans, l’Algérie a connu sa révolution. Les célébrations précédentes, bien que la population s’en soit souvenue, n’ont pas soulevé un engouement particulier. Cette année, sa célébration, et c’est le moins que l’on puisse dire, suscite des interrogations. Bien que le régime sorte du placard les arguments surannés de terrorisme islamiste, les Algériens ont le droit, à l’instar de leurs voisins, de réclamer la fin du régime autoritaire.  Hier, ce fut la fin de règne du parti unique ; aujourd’hui, ça doit être la fin d’un régime déniant la liberté au peuple de choisir ses représentants. Comme en 1988, le peuple doit reconquérir sa liberté. D’ailleurs, ce fut une liberté chèrement payée. En effet, pour parvenir à la fin de l’emprise du FLN, alors parti unique, sur la vie politique nationale, des centaines de jeunes ont sacrifié leur vie. Hélas, par des calculs machiavéliques,  le régime a su tourner en sa faveur, et ce grâce à l’appui des capitales occidentales, une situation où le peuple algérien ne demandait ni plus ni moins que son départ.

Toutefois, bien pire que les précédentes périodes, l’arrivée de Bouteflika au pouvoir inaugure une période de blocage tous azimuts. La raison de se verrouillage peut être formulée ainsi : la hausse des prix du pétrole a profité au régime pour qu’il consolide son assise. En revanche, la société a vécu une situation inversement proportionnelle. En effet, tous les acquis d’octobre 1988 ont fondu comme la neige sous le soleil. Cela dit, le régime actuel, dans une approche de se pérenniser au pouvoir, n’est pas aussi mauvais que les précédents. Il a seulement des moyens colossaux pouvant lui permettre de museler les Algériens. Pour rester dans la période actuelle, celui qui incarne le pouvoir apparent a une conception antinomique de l’ouverture démocratique. En tout cas, à peine désigné chef de l’Etat, il s’est attaqué à ces acquis comme le note si bien un journaliste d’El Watan : « Le soulèvement d’octobre n’étant pas à ses yeux un mouvement populaire, mais un événement provoqué par quelques cercles du pouvoir de l’époque, toutes les réformes qui en sont issues seraient, de son point de vue, suspectes et inappropriées aux réelles aspirations du peuple algérien.  A commencer par toutes ces « lois scélérates » qui ont accordé le droit de créer de nouveaux partis, des syndicats autonomes et des journaux indépendants… Il utilisera, entre autres moyens, les tribunaux et la discrimination de l’accès à la manne publicitaire réservée, comme on le sait, aux seuls journaux gouvernementaux et un certain titres privés proches du pouvoir ». Ainsi, l’acharnement contre les libertés, consacrées pourtant dans des textes fondamentaux, finit par réaliser l’émiettement de la société. Pendant cette période, la méthode des dirigeants se limita à la répression. Mais en décembre dernier, la donne commence à changer. Et l’équation contient une autre variable : les manifestations de rue. Sans le concours de la pseudo-opposition, le régime aurait vacillé. En effet, en janvier 2011, le parti de Saïd Sadi a rendu un service au régime en appelant au nom de son parti à manifester. Mais s’il doit y avoir un second souffle, la rue ne devra pas tolérer des récupérations politiques. En plus de cela, la future révolution ne doit pas être laissée entre les mains des gens sans scrupules n’attendant que le moment propice pour la confisquer. En d’autres termes, il ne faudrait pas qu’un autre janvier 1992 se reproduise. Car, après un demi-siècle d’indépendance, le peuple algérien doit avoir toute la liberté en vue de choisir ses dirigeants. Et ne rien faire condamne l’Algérie à vivre indéfiniment dans l’apathie et l’incertitude. Car le régime algérien ne changera pas de sa propre initiative. D’ailleurs, les Algériens ne doivent-ils pas se poser la question suivante : qu’attend-nous  d’un régime qui excelle dans l’incompétence, la corruption généralisée, la déliquescence de la justice, etc. ?   Un ancien haut responsable, qui a tenté de réformer le pays mais empêché par les détenteurs  du pouvoir réel,  dresse un tableau pessimiste de la situation prévalant en Algérie. Lors d’une rencontre avec les étudiants, Mouloud Hamrouche explique que « La situation est déplorable. Le peu de progrès réalisé après 1998  a été laminé et la société étouffe actuellement. Il n’y a plus d’espaces d’expression. Et nos préoccupations, en tant qu’Algériens, sont débattues sur des plateaux de télévision étrangers. Les Algériens sont malades de leurs gouvernants». Cependant, pour biaiser le débat, les dignitaires du régime, qui ont tué plus de 500 manifestants, s’emparent de la révolution d’octobre 1988. Aujourd’hui, on peut entendre les Ouyahia, les Belkhadem dire à l’opinion internationale que « notre révolution démocratique, nous l’avons faite en octobre 1988 ». Et pourtant, il y a quelques années, les mêmes manifestants furent traités de tous les noms : voyous, traitre à la solde des étrangers, comploteurs, etc. Mais qu’a-t-il changé pour que nos dirigeants se disent démocrates ? Les révolutions tunisienne et égyptienne notamment ont boosté ces derniers à devenir démocrates. Hélas, ces déclarations, à elles seules, ne vont pas assurer le retour à la démocratie. Et les Algériens doivent saisir la moindre occasion pour réclamer le retour effectif à la vie démocratique.  Sinon les sacrifices des manifestants d’octobre resteront vains.

Par Ait Benali Boubekeur           

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7 septembre 2011 3 07 /09 /septembre /2011 14:12

bouteflika benbella-250x184La crise, née de l’arrêt du processus démocratique de décembre 1991, a créé une situation complexe. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle a engendré des difficultés tous azimuts. Et les dangers pesant sur la société, de tous points de vue, furent colossaux. Bien que le peuple algérien ait été habitué à se battre en permanence, il n’en demeure pas moins que le dernier conflit opposait les Algériens entre eux. Les violences qui ont accompagné cette crise furent, dans une certaine mesure, plus amples que lors des résistances contre les étrangers. En tout cas, dans ce genre de conflit, les souffrances sont le lot des citoyens paisibles. Et la décennie noire n’a pas dérogé à cette règle. Sinon comment expliquer que sur près de 200000 morts, les privilégiés  furent quasiment épargnés? Cela dit, les générateurs de conflits savent éviter pour les leurs les drames. S’estimant investis d’une mission de gouverner, les dirigeants sont prêts à employer toutes les méthodes en vue de se pérenniser au pouvoir. Dans cette logique, d’autres dirigeants se trouvant dans l’opposition peuvent procéder de la même façon. Dans ce cas de gestion des affaires du pays par la violence, le recours aux suffrages n’est que secondaire. D’ailleurs ne parle-t-on pas en Algérie des différentes périodes, depuis l’indépendance, en associant un homme à celles-ci ? En effet, de 1962 jusqu’au coup d’Etat de juin 1965, cette période fut associée au nom de Ben Bella. Sollicité  par une armée des frontières à l’apogée de sa force, Ben Bella saisit l’occasion pour devenir le premier chef de l’Algérie indépendante. Néanmoins, sous Ben Bella, le régime dégageait l’impression d’être solide de l’extérieur. Mais, à l’intérieur, il devait composer avec des personnes ayant eu les mêmes ambitions. Toutefois, pour tenter de s’emparer des rennes du pouvoir, Ben Bella s’ingénia, sans vergogne, à concentrer entre ses mains le maximum de pouvoir. L’article 59 de la constitution de 1963 lui donnait théoriquement les pouvoirs convoités. Son pouvoir n’a pas résisté à la bourrasque de son dauphin. Dans cette logique, son successeur, Houari Boumediene, représentant à vrai dire le pouvoir réel sous Ben Bella, refusait uniment  de s’appuyer sur les institutions dans l’exercice de son pouvoir. Hormis un Conseil révolutionnaire coopté, toutes les autres institutions furent mises en sourdine. Ainsi, sur une simple ordonnance du 10 juillet 1965, le régime de Boumediene s’est passé du parlement, de la constitution, de toute élection même préfabriquée, etc. La première, sous Boumediene, eut lieu en 1976, soit onze ans après le putsch du 19 juin 1965.

Cependant, la période où l’Algérie a connu une régression sur tous les plans fut la gouvernance sous Chadli. Désigné par les militaires, ce choix fut catastrophique pour le pays. Chadli fut choisi en janvier 1979 par le congrès du parti. Ce dernier choisit alors l'officier le plus ancien comme seul candidat aux élections présidentielles du 7 février 1979. Avec l'appui de toute l'administration, Chadli obtint aux élections un score de 94% de suffrages, le consacrant président de la République. De ce choix irrationnel, Hocine  Malti écrit: «Aux Tagarins[nom du quartier où est situé le ministère de la Défense], on savait parfaitement qu'il[Chadli] n'était pas esclave du travail et, par conséquent, on exigeait pas beaucoup de lui...De fait, ce sont ses assistants et collaborateurs qui le suppléaient dans l'accomplissement des tâches relevant de sa responsabilité à la tête de la 2eme région militaire. Parmi ces derniers, deux personnages qui joueront des rôles vitaux dans l'Algérie des années 1980, 1990 et 2000: le capitaine Larbi Belkheir, que l'on vit à l'œuvre dès le début et le lieutenant Mohamed Médiène dit «Tewfik», qui apparaîtra plus tard.»Cependant, son départ de la présidence prouve, si besoin est, que sa marge de manœuvre était réduite. En 1992, suite à la victoire du FIS au premier tour des élections législatives, l’armée reprit le pouvoir. Cette reprise fut par ailleurs entachée de plusieurs illégalités. En effet, les militaires convoquèrent le HCS (Haut Conseil de Sécurité), organe placé sous la seule autorité du président de la République, pour donner naissance au HCE (Haut Comité d’Etat). Ce dernier avait pour mission de supplanter le président « démissionnaire ». Soucieux de préserver un simulacre de légalité, le HCE créa une assemblée consultative de 60 membres, appelée le CNT. Ironie du sort : plusieurs de ses membres furent battus, dès le premier tour, lors des « élections propres et honnêtes » promises par le régime. Dans la logique du calendrier, des élections devaient avoir lieu à la fin du mandat du HCE en janvier 1994. Foulant la légalité par terre, les décideurs emmenèrent Zeroual à la tête de l’Etat. Celui-ci n’organisa des élections le consacrant président de la République que près de deux ans après avoir assumé ce poste. Trois ans plus tard, il jeta l’éponge. Voulant sortir avec des honneurs, il s’engagea à organiser des élections anticipées sans fraude. Ce ne fut qu’une poudre aux yeux. Cependant, plusieurs personnalités furent alors appelées à assumer des responsabilités suprêmes. Abdelaziz Bouteflika fut contacté à deux reprises. La première fois en 1994 et la seconde fois en 1999. En 1999, ce fut Larbi Belkheir qui se chargea de la mission de convaincre Bouteflika. Bien que les discussions aient traîné, les deux hommes arrivèrent à s'entendre sur plusieurs points. Pour Hocine Malti: «Il [Bouteflika] s'engagea même à reprendre à son compte, dès son élection, l'accord passé par le DRS avec l'AIS et de le faire approuver par référendum. L'amnistie ainsi accordée aux combattants islamistes et l'absolution des crimes qu'ils avaient commis serait dès lors attribuées à la volonté populaire.»Ainsi, porté au pouvoir par les artisans de l’arrêt du processus démocratique, Bouteflika se trouva dès le départ ligoté. En lançant l’idée d’une réconciliation nationale, il tenta dès 1999 de rassembler les Algériens autour de ce projet. Mais si le peuple avait été réellement associé au projet, son adoption n’aurait pas dû poser problème. Car, sur ce sujet, l’Algérie ne fut pas la seule à y recourir à l’amnistie. Et la définition de la réconciliation n’est pas une acception algérienne. En effet, à différentes périodes, des pays ont recouru à ce genre de politique. Seulement, bien que les cas ne soient pas identiques, la démarche algérienne est alambiquée. En effet, contrairement au Sud-africains, où la population blanche refusait toute émancipation de la population noire ; en Algérie, le régime s’est constitué contre toute volonté populaire. La violence de la crise de l’été 1962peut nous renseigner, si besoin se fait sentir, sur la confiscation du pouvoir par une armée des frontières ne laissant place à aucune expression libre. Toutefois, quand les Sud-africains ont senti l’heure de la réconciliation arrivée, ils ont créé un climat propice pour une telle entreprise. Hélas, en Algérie, les solutions qu’on nous propose répondent à des intérêts particuliers. Dans ce cas, il est difficile d’attendre que la période Bouteflika accouche d’un véritable changement.  La question qui se pose maintenant est la suivante : comment réagiront les Algériens après la fin de l’ère de Bouteflika ? Vont-ils accepter qu’on choisisse pour eux ? Vont-ils se révolter, comme les voisins, pour qu’on respecte leur choix ? Tout compte fait, toutes ces questions ne peuvent pas être écartées d’un revers de la main.

 

Par Ait Benali Boubekeur

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24 juillet 2011 7 24 /07 /juillet /2011 16:13

 

images.jpgL’ouverture démocratique en Algérie fut de courte durée. Ce fut l’une des plus éphémères. La responsabilité de cet arrêt incombe à ceux qui ont estimé que le peuple algérien n’était capable de choisir ses représentants. Bien que le choix puisse être fait par dépit, il n’en demeure pas moins que le choix du peuple fut, lors des élections du 26 décembre 1991, sans appel. Il s’agit pour ces millions d’Algériens de sanctionner un système ne pouvant pas répondre à leurs desiderata. Mais en se trouvant devant la victoire incontestée du FIS,  les réels décideurs ont-ils agi de sorte à éviter à l’Algérie l’un des drames  les plus rudes qu’elle ait connu? Ainsi, à l’annonce des résultats officiels du premier tour des élections législatives, rien n’indiquait en apparence une quelconque manigance des militaires. Mais, derrière la vitrine, les calculs furent légion. Et si les nouveaux décideurs réclamaient la restitution des biens mal acquis, que ferions-nous alors. Cette option fut en tout cas analysée. La solution se trouva alors dans l’arrêt du processus pouvant conduire à l’alternance. Et ce qui les guida  fut  la sauvegarde des privilèges immenses. Ainsi, pour enclencher une troisième guerre d’Algérie, le haut commandement militaire avait cherché les raisons  dans une presse subordonnée. Celle-ci fut d’une allégeance infaillible au régime. Bien que  les leaders du FIS aient réagi avec une extrême vigilance à l’égard de cette presse partiale, la noria du renversement des résultats fut lancée. Car les organisateurs des élections s’étaient trompés sur les scores. D’ailleurs mêmes les vainqueurs  furent surpris par l’étendue de la victoire.  Contacté par le journaliste de RFI, Abdelkader Hachani  fut médusé par le score réalisé. Tout compte fait, il attendait à ce que  le pourcentage de sièges ne dépasse pas les 30%. Mais une fois l’effet de surprise passé, les leaders du FIS s’employèrent à développer un langage rassurant pour calmer les esprits surchauffés.  Cela dit, affirmer  que les vainqueurs avaient une confiance en ce pouvoir, qui cherchait  la moindre étincelle pour allumer le brasier, fut un leurre. Car ce dernier avait des moyens très importants, notamment en jouant sur la peur. Sa force de mobilisation fut incontestable par tous les observateurs. D’ailleurs, ce régime n’a-t-il pas joué les courants les uns contre les autres pour se pérenniser depuis l’indépendance? Qui a donné les ailes à cette mouvance depuis l’indépendance ? Car, dans un pays musulman, il est nul besoin de jouer la carte religieuse. En revanche, face à la gabegie du régime, ces militants religieux voulurent combattre les dérives du système, notamment la corruption, en s’appuyant sur les principes justes de l’Islam.

Cependant,  une fois de plus, la presse aux ordres vint au secours de ce régime. En effet, la presse thuriféraire a joué un rôle moteur dans la manipulation de l’opinion  induisant des milliers voire des millions d’Algériens en erreur. Ainsi, au lendemain de l’annonce des résultats du scrutin,  Mohammed Said a prononcé dans un prêche des propos apaisants dont  la presse a déformé.  « Nous sommes tous des frères, celui qui versera une goutte de sang de son frère ne connaîtra pas le pardon », a-t-il dit.  Il a ajouté plus loin  « tout va bien et, grâce à dieu,  il n’existe aucune pomme de discorde entre nous. Pour renforcer notre fois, il faut nous conformer aux prescriptions divines sur la façon de nous habiller ou de nous nourrir ». Les correspondants de presse,  qui couvrirent la prière, interprétèrent les propos en les reformulant pour donner à peu prés  ceci : « Mohamed Said demande aux Algériens de changer leurs habitudes vestimentaires et alimentaires ». Un journaliste d’un titre britannique  affirma dans une interview que lui avait soi disant  accordée Hachani  que ce dernier « désire rompre les accords liant l’Algérie au CEE ». Quelques années plus tard,  le journaliste reconnut  n’avoir jamais rencontré l’intéressé.  L’interview fut imaginée en analysant ses discours, reconnut-il. Ainsi cette désinformation ne fut qu’une facette de l’action des putschistes. Selon José Garçon « le 6 janvier, une assemblée réunit 181 officiers supérieurs qui signent une pétition demandant la démission du président ». Pour étayer la thèse que les dés furent déjà jetés,  l’état major de l’armée  ordonna, le 8 janvier 1992,  le déploiement d’un dispositif militaire autour d’Alger, Oran et Constantine. Bien que  la constitution algérienne fasse du président le premier homme du pays en incarnant l’Etat et l’unité de la nation,  puisse nommer et révoquer les ministres et grade ou dégrade les militaires, le réel pouvoir se trouvait hélas ailleurs. D’où la question suivante : en ayant autant de pouvoir, Chadli aurait-il décidé, de son propre chef, de partir ? Il est difficile de croire cette hypothèse. Car une délégation militaire, conduite par Nezzar et les principaux responsables militaires,  se rendit le 9 janvier 1992 à la présidence pour demander tout uniment au président de se retirer dans l’honneur et de rédiger sa lettre de démission, et ce conformément à une pétition qu’auraient signée 181 officiers. Chadli aurait résisté pendant un petit moment aux pressions  mais il finit par accepter  de partir le 11 janvier. Dans la lettre de démission,  il expliqua que son départ n’était  pas une fuite de responsabilité mais un sacrifice dans l’intérêt supérieur de la nation. Il s’agit là sûrement de récriminer les militaires qui l’ont forcé à partir. Car s’il s’était agi des islamistes,  il aurait simplement fait allusion au code  civil pour sanctionner les fraudeurs ayant permis la large victoire du FIS.  En tout cas, le départ du président ne fut pas le seul casse tête du haut commandement militaire.  La constitution de 1989 stipulait, dans ce cas de figure, que «  le président de l’assemblée nationale assure l’intérim du chef de l’état et prépare une élection dans 45 jours ». Or celui qui devait succéder au président fut éliminé en montant de toutes pièces la dissolution du parlement. D’après Ali Yahia Abdenour : « Belkhadem,  Président de l’APN,  a révélé au procès des dirigeants du FIS que Chadli,  Président qu’il avait rencontré le 7 janvier ne l’avait pas informé de la dissolution de l’assemblée (décret du 4 janvier) ». En somme,  le président ne pouvait  pas  démissionner dans un pays où il fut nommé. Son départ fut obtenu par des pressions.  Et les Algériens ont le droit de connaitre la vérité à défaut de pouvoir se prononcer sur les personnes qui les gouvernent.

Par Ait Benali Boubekeur

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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 21:59

20-avril-80.jpgDepuis l’indépendance, le régime algérien privilégie une voie répressive pour répondre aux revendications des citoyens. Il est un secret de polichinelle que le but latent est sa pérennisation au pouvoir. Toutefois, jusqu’au 20 avril 1980, le régime avait réussi à instaurer un climat de peur faisant du citoyen un sujet docile. Coupé des réalités, le régime ignorait que cette soumission du peuple était due à l’épreuve endurée pendant la guerre de libération. Par ailleurs, bien qu’il ait existé des simulacres d’organisations, ces dernières se limitèrent uniquement au rôle de courroie de transmission. Quant aux partis, ils furent tout bonnement interdits. Partant, les dirigeants de l’opposition furent forcés à l’exil. Selon le professeur Hacene Hireche : « Les opposants, comme Mohamed Boudiaf ou Hocine Ait Ahmed, n’avaient qu’à bien se tenir pour éviter le sort de Mohamed Khider ou de Krim Belkacem et, plus tard, Ali Mécili, assassinés sur le sol européen par les services algériens… » (1) Du coup, dans les années 1960, les Algériens, comme en 1926, ne pouvaient s’organiser que dans l’exil. L’université Paris XIII offrit par conséquent un lieu idoine de rencontre aux militants, venus notamment de Kabylie. Cependant, la fin de la formation de cette jeune  génération coïncida avec la disparition de Hourai Boumediene, chef de l’Etat issu du coup d’état de juin 1965. A peine enterré, les chefs militaires préparèrent un successeur en dehors de toute consultation du peuple.  Ce successeur, et si le moins que l’on puisse dire, n’avait pas l’étoffe d’un président. Dès la prise de ses fonctions, les rênes du pouvoir lui échappèrent totalement. Choisi parmi le plus malléable, selon l’expression de Khaled Nezzar, Chadli laissa la voie libre à tous les charlatans afin de profiter du système. Mais la nouvelle génération, ayant la vingtaine d’année en 1980, allait-elle accepter les injustices tous azimuts notamment celle inhérente au déni identitaire ? Les événements de 1980 prouvèrent le contraire. Par ailleurs, un élément particulier rentra également en jeu : l’adhésion des masses aux côtés de ces jeunes animateurs. Par ailleurs, fidèle à sa politique répressive, le régime pensait éteindre la mèche le plus vite possible. Or, la politique répressive n’est efficace que quand le peuple l’accepte. Ainsi, une fois le mur de la peur fut tombé, le changement était inéluctable. Bien que le fruit n’ait pas été cueilli immédiatement, le mouvement d’avril 1980 inaugura une nouvelle ère de combat politique en Algérie. Selon l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, Abdelhak Bererhi, le mouvement d’« avril 1980 déclencha un profond mouvement démocratique qui se prolongea avec le temps, face à un pouvoir qui, par son seul souci de perdurer coûte que coûte, permit aux germes de la radicalisation de se développer. » (2) Seul moyen d’expression, la révolte devint alors le langage susceptible d’être entendu par le régime.


I)                   La résistance dans la clandestinité ou en exil.

L’orientation arabiste de l’Algérie [Les dirigeants ne le firent pas dans l’intérêt de l’Algérie] a exclu, par ricochet, une partie du peuple algérien. Bien que, par le passé, cette tension ait été atténué par le combat commun contre le colonialisme, les nouveaux maitres de l’Algérie indépendante dénièrent aux berbérophones le droit d’exister en tant que tels. Or, dans les pays qui se respectent, les citoyens sont acceptés comme ils le sont dans le giron de la République. Cependant, le but de ce texte n’est pas de remonter jusqu’aux racines de l’Algérie. Toutefois, depuis le coup d’état de 1965, Houari Boumediene envenima ce déni. En revanche, bien qu’il ait fait de l’Algérie sa propriété privée, il autorisa tout de même une chaire de berbère, de deux heures par semaine, dès la rentrée universitaire d’octobre 1965. Intégré à la section d’ethnologie, une science héritée de la présence coloniale, le cours linguistique fut assuré bénévolement par Mouloud Mammeri. Le succès de ce cours finit par inquiéter les autorités. Et dès la réforme de l’enseignement supérieur, en 1973, le cours fut suspendu à l’université d’Alger.
Cependant, bien que la société aille cahin caha, la revendication identitaire n’a pas disparu pour autant. Les militants de la cause savaient à quoi s’en tenir. En effet, le contrôle accru de la sécurité militaire sur la société créa un climat de méfiance. Beaucoup de jeunes militants sortirent à l’étranger pour peaufiner leur formation. Selon Said Khelil : « Dans les années 70, beaucoup d’amis du groupe de Ben Aknoun iront continuer leurs études et leur activisme en France : Mohya, Boudaoud, Hend Sadi, Ramdane Achab… La plupart seront présents le jour J. Ceux restés à Alger, Said Doumène, Moumouh Loukad et Ali Ouabadi seront rejoints par de nouveaux venus pour animer la troupe de théâtre berbère, ainsi que de brillants groupes musicaux. »(3) Ainsi, à l’occasion de la fête des cerises, en1974, à Larbaa Nath Irathen, les spectateurs insistèrent pour que les chanteurs d’expression berbère se produisent. Mais la police de l’ombre ne fut jamais loin. Du coup, les téméraires payèrent dans cette décennie un lourd tribut. Des arrestations se multiplièrent à foison dans la région. Et la plupart ne furent, à ce moment-là, que des lycéens. Car, il fallait attendre la rentrée universitaire de 1978 pour que la région ait vu l’ouverture d’un centre universitaire. Dans son témoignage du livre, sur avril 80, sous la direction d’Arezki Ait Larbi, Salem Chaker explique que ce ne fut aucunement une récompense à la région. La démarche des autorités s’inscrivait dans la politique de désengorgement de l’université d’Alger. Selon des informations difficilement vérifiables, Boumediene aurait dit que l’ouverture de ce centre représentait une « bombe à retardement ». Avait-il compris que sa politique était injuste ? En tout cas, sa crainte aurait été l’octroi d’un foyer où se seraient rencontrés les militants de la cause berbère. En effet, ces jeunes militants ne tardèrent pas à se manifester.

Cependant, dans l’enceinte de l’université, tous les courants de pensée purent exister. Deux partis, des opposants emblématiques, Hocine Ait Ahmed et Mohamed Boudiaf, constituèrent des cellules à l’université. Pour Salem Chaker : « D’autant que beaucoup de ces jeunes universitaires, qui rentraient de France après une thèse, étaient politisés, avaient des expériences  d’engagement militant dans le mouvement culturel berbère en France et/ou dans les partis de l’opposition clandestine (FFS, PRS). » (4) En effet, dès 1978, des jeunes cadres, à l’instar d’Arezki Ait Larbi, Said Sadi, Mouloud Lounaouci, Ali Ouabadi, intégrèrent le FFS. Sous la houlette d’Ali Mécili, bras droit de Hocine Ait Ahmed, un séminaire fut organisé en France (Hautes Alpes). A la fin de ses travaux, une plateforme fut entérinée prenant en charge les revendications culturelles et démocratiques.
Toutefois, depuis l’ouverture du centre universitaire de Tizi Ouzou, le FLN multiplia les tentatives en vue de le contrôler. D’emblée, l’UNJA, syndicat estudiantin lié au régime, tenta de s’assurer sa mainmise sur la représentation des étudiants. Il trouva par ailleurs des alliés parmi les étudiants affiliés au PAGS. En effet, selon Ihsen El Kadi : « le parti communiste, le PAGS algérien, est en réalité la première force politique dans le campus d’Alger. Mais, il est politiquement désorienté depuis la mort de Boumediene, à qui il a apporté son soutien à partir de 1971… à la fin de 1979, [il est] encore dans le soutien critique de Chadli Bendjedid.» (5) Or, en Kabylie, toutes les tendances existèrent. L’union du PAGS avec le FLN ne constitua pas la force principale. Dans le même livre cité plus haut, Mohand Ouamer Oussalem cite cinq groupes composant l’expression politique, à ce moment-là, à la FAC. Les militants du FLN et du PAGS formèrent le groupe de soutien au régime autour de l’UNJA. Selon lui, il y eut un groupe trotskiste. Fait-il allusion au groupe de Gérard Lamari, Aziz Tari et Djamel Zenati? Or, dans mes différentes conversations avec Gérard, ce dernier affirme qu’il était de gauche radicale, mais n’appartenait pas au courant trotskiste. Même Djamel Zenati ou Aziz Tari n’étaient pas trotskistes, m’avoue-t-il lors dans notre récente conversation téléphonique. Cependant, d’après Oussalem, il y eut des représentants du FUAA de Rachid Ali Yahia dont fit partie Arezki Abbout. Le parti de Boudiaf, le PRS, fut aussi présent. Mais le parti le plus représentatif fut indubitablement le FFS. Dans ces conditions, il était indécent que le syndicat du régime prétende représenter le nouveau centre universitaire. Du coup, la formule qui était susceptible de parvenir à rassembler les étudiants fut la création de comités autonomes. Ces derniers lancèrent une grève illimitée en octobre 1979. Pour meubler le vide, les étudiants ont programmé plusieurs activités culturelles. Dans ce programme d’animation culturelle, une conférence de Mouloud Mammeri, sur les poèmes kabyles anciens, fut programmée.


II)                 L’acharnement  des autorités.

L’origine des événements d’avril 1980 fut la stupide interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri, pour reprendre l’expression de Brerehi, au centre universitaire, le 10 mars 1980. En effet, pour la communauté universitaire, ce fut un rendez-vous à ne pas manquer. Bien que le régime ne tolérât pas ce genre de manifestation culturelle, le conférencier n’eut aucun écho lui déconseillant de se rendre au centre universitaire. Ce jour-là, en compagnie de Salem Chaker et de son chauffeur Oulaid, Mammeri se rendit sereinement à Tizi Ouzou. Or, en dépit de la connaissance du thème de la conférence, les autorités décidèrent de l’intercepter à l’entrée de la ville, à Draa Ben Khedda. Quelques heures plus tard, le wali prit soin d’informer les étudiants que l’écrivain avait été arrêté. Dans la contribution de Hamid Sidi-Said sur cet événement, l’ancien Wali Tizi Ouzou, au moment des faits, écrit : « Le motif de cette décision étant « le risque de trouble à l’ordre public », c’était donc au wali qu’il revenait de prendre les mesures nécessaires pour que M. Mouloud Mammeri ne se présentât pas au centre universitaire. » (6) Cette humiliation, une énième des autorités envers ce combat, ne fut pas gobée sans réaction par les étudiants. Une délégation, composée de Gérard Lamari, Aziz Tari et Taleb, s’est rendue au siège de la wilaya. Mouloud Mammeri les attendait depuis un moment. D’emblée, il s’excusa auprès de la délégation de la tournure des événements. Bien que le sage ait prôné le calme, cette interdiction resta aux travers de la gorge de ces militants. Du coup, il ne fallait pas se laisser faire, estimaient-ils. De retour à l’université, une assemblée générale des étudiants fut organisée. Le principe d’une manifestation publique fut entériné par la quasi-totalité des présents. Selon Aziz Tari : « Tout le monde semble prêt à aller au combat, sans poser de question sur les suites…Trois interventions sont programmées. Gérard Lamari ouvre les hostilités. Hend Sadi enfonce le clou. Etant à l’origine de cette démarche, je clos les débats sans mâcher mes mots, ni faire dans le détail en faveur de cette action. » (7) Ainsi, le 11 mars 1980, une marche, rassemblant l’ensemble de la communauté universitaire, s’ébranla de Hasnaoua vers la haute ville, direction le siège de la wilaya. Au cri des étudiants « A bas la répression », les CNS, aux ordres de Hmimi Nait Abdelaziz, bloquèrent la route. Grâce à l’intransigeance des manifestants, la digue finit par céder. D’après Tari, le commissaire avait la rage de voir les jeunes militants braver son autorité. Ceci démontre, si besoin est, la nature de ce régime. Pour le commissaire, s’il devait y avoir une revanche, celle-ci serait sanglante. Tout compte fait, cette marche démontra, aux badauds, que la mobilisation de masse pourrait contrarier la pire dictature. En tout cas, les Tizi Ouziens ont applaudi chaleureusement le courage de cette jeunesse stoïcienne. Par conséquent, ces encouragements galvanisèrent les esprits. Malgré l’action du régime mobilisant ses partisans, dans les rues de la ville,  où les étudiants du PAGS déployèrent une banderole réclamant l’application intégrale de la Charte nationale, à l’université, la mobilisation battait son plein. Ainsi, à l’initiative du groupe FFS, le plus important groupe, une campagne d’inscription murale fut exécutée dans la nuit du 12 au 13 mars 1980, selon Arezki Ait Larbi. Or, cette campagne jeta l’émoi au sein du groupe de la gauche radicale, avoue Aziz Tari.

Toutefois, l’action ayant démarré à l’université, il fallait que d’autres secteurs se mobilisent pour desserrer l’étau exercé sur la FAC. Ce fut ainsi que des villageois répondirent à l’appel. Dans le même esprit, la cellule FFS de l’hôpital engagea des actions  afin d’alléger la pression sur le centre universitaire. Dans un esprit d’enlisement, le régime ne fit qu’attiser le feu. Par la voix du secrétaire général de la présidence, Abdelmalek Benhabyles, ce dernier voulut engager le dialogue avec les animateurs du mouvement. Cette démarche montra vite l’incapacité des dirigeants à chercher des solutions adéquates. En effet, le 5 avril 1980, une délégation se rendit à la présidence. Composée de Djamel Zenati, Gérard Lamari, Rachid Ait Ouali et Aziz Tari, la délégation a eu droit à un discours insolite de leur hôte. En effet, le secrétaire général estima que la faute avait été commise en 1962 lorsque les dirigeants n’avaient pas octroyé un statut à la langue berbère. Pour résumer son propos, il n’y eut désormais rien à discuter. L’équipe dirigeante ne put pas assumer les erreurs de leurs prédécesseurs. Finalement, il les somma d’arrêter l’agitation et de reprendre les cours. La délégation, ayant rencontré Benhabyles, découvrit, de retour à Tizi Ouzou, un tract, anonyme selon Aziz Tari, appelant à une manifestation pour le 7 avril 1980, de la place du 1er mai à la présidence. D’après Arezki Ait Larbi, les tracts furent diffusés au nom du « Comité de la Défense de la Culture Berbère ». Cependant, ce comité aurait-il eu un lien avec le FFS ? Pas de doute si l’on croit Oussalem, militant du FFS à ce moment-là. En effet, après la multiplication des arrestations à Tizi Ouzou, il fallait desserrer l’étau sur la Kabylie. Selon Oussalem : « C’est dans ce contexte que la structure du FFS, autour de Said Sadi, propose une riposte par l’organisation d’une marche à Alger, le 7 avril 1980. » (8) Prévoyant une répression pavlovienne des autorités, le groupe FFS, rejoint par les militants du PRS et de la gauche radicale, mit en place un Comité Anti-Répression (CAR). Les mots d’ordre de la marche résumèrent, à eux-seuls, la détermination de ces animateurs. Inscrits sur des banderoles, les slogans furent incisifs. Selon Arezki Ait Larbi : « L’une d’elle porte un seul mot, qui claque comme un terrible défi au régime du parti unique : « Démocratie ». En hommage aux morts du FFS de 1963, une autre proclame : « 1964 : 2000 morts ! 1980 : combien vous faut-il ? » (9) Hélas, fidèle à ses pratiques, le régime ne céda pas. La manifestation fut réprimée avec une rare violence. Pour les étudiants restés à Tizi Ouzou, il fallait convoquer vite une assemblée générale pour décider des mesures à prendre. Celle-ci trancha pour une grève générale illimitée avec occupation du campus. L’épreuve de force commença effectivement ce jour-là.


III)              Entretien de la politique du pourrissement.

La répression de la marche d’Alger incita les membres du comité anti-répression, le CAR, à lancer un appel au peuple. Au lendemain de cet appel, soit le 10 avril, le FLN organisa une marche à Tizi Ouzou. Choisis pour leur docilité, ces Kabyles de service manifestèrent contre les revendications démocratiques et culturelles. Dans les tracts du CAR, il fut possible de lire : « La cessation de la répression contre la communauté universitaire ; la reconnaissance des langues populaires algériennes, notamment de la langue berbère ; le respect des libertés démocratiques en Algérie…etc. » (10) Hélas, ces Kabyles de service, mangeant à tous les râteliers,  choisirent ceux qui vitupèrent contre la démocratie. Cependant, le travail de sape n’a pas démoralisé les animateurs du mouvement. Un événement, d’apparence anodine pourraient dire certains, apporta de l’air aux poumons. La communauté universitaire a pu lire, le 11 avril 1980, la réponse de Mouloud Mammeri à l’article diffamatoire de Kamel Belkacem, journaliste du journal El Moudjahid, un organe de propagande du régime. Ce journal refusa bien entendu de publier le droit de réponse de Mammeri. Ce fut le journal Le Matin parisien qui le publia. Véritable leçon d’éthique, l’article fut distribué sous forme de tracts à l’université. Ce second souffle du mouvement fut doublé par l’effort entrepris par le corps médical, cellule dynamique du FFS. Une assemblée générale des travailleurs de l’Hôpital fut programmée pour le 12 avril 1980. Le comité anti répression désigna, pour le représenter à cette réunion, deux membres : Djamel Zenati et Mohand Ouamer Oussalem. Moment charnier du mouvement, le CAR fut présent dans toutes les rencontres. En effet, au lendemain de l’assemblée du corps médical, les membres du CAR firent un déplacement à Alger. Le but fut de faire connaitre les positions du mouvement, par rapport aux dernières évolutions de la crise, au ministre de l’Enseignement supérieur, Abdelhak Bererhi. En présence de son conseiller, Djamel Labidi, le ministre s’engagea à se rendre, le lendemain, au centre universitaire. Escorté par la police, le ministre se rendit, en effet, le 14 avril 1980, au campus de Hasnaoua, vers 10 heures du matin. Il fut également accompagné d’une forte délégation, dont le secrétaire général de la FTEC, Hachemi Cherif, futur chef du MDS. Le discours du ministre, devant l’assemblée générale des étudiants, ne changea pas d’un iota par rapport à ce qu’il avait affirmé à la délégation du CAR la veille. A vrai dire, le ministre était venu pour  leur livrer le message de fermeté des autorités. D’ailleurs, avait-il les moyens de proposer quoi que ce soit pour débloquer la situation ? Dans le régime de l’époque, le ministre était un fusible éjectable à l’envi. Du coup, l’assemblée générale s’est achevée sur une note de désappointement. Car, le ministre demanda tout bonnement aux étudiants de reprendre les cours et de cesser l’occupation du campus. Face au pouvoir sourd, un appel fut lancé à la population pour observer une grève générale le 16 avril 1980. L’implication de la société civile rendit ainsi la tâche plus alambiquée aux autorités. En effet, selon Mohand Ouamer Oussalem : « A l’extérieur, la mobilisation allait crescendo. A partir du samedi 12, les délégations d’entreprises de la région arrivent sur le campus : Sonelec de Oued Aissi et Fréha (en chantier), Sonitex de Draa Ben Khedda, Onalait. La visite de la Sonitex coïncidait avec l’arrivée du correspondant du journal le Monde. » (11) En effet, la grève fut un véritable succès. Désormais, la mobilisation dépassa les deux foyers : l’université et l’hôpital. Et les décisions ne se prenaient plus systématiquement à l’université. En effet, le siège de la Sonelec abrita une réunion capitale à la fin de la journée du 16 avril 1980. Le centre universitaire fut représenté par deux membres : Gérard Lamari et Rachid Ait Ouakli. Cette rencontre s’acheva par la création d’un Comité de Coordination Populaire. Son rôle : contacter les syndicalistes  à travers tout le pays pour réclamer plus de liberté.


IV)              L’exécution des menaces.

Dans la tradition du régime algérien, et ce depuis le recouvrement de l’indépendance nationale, le citoyen fut appelé à se soumettre sans vergogne aux règles édictées. Elaborées en dehors de toute concertation du peuple, elles furent iniques et sévères. Or, les jeunes militants, en ce printemps 1980, n’entendirent pas le message de cette oreille. Bien que l’épée de Damoclès ait été suspendue sur leurs têtes, leur fougue les conduisit à aller jusqu’au bout. Ainsi, en dépit de l’ultimatum de Bererhi, fixant la reprise des cours avant le 20 avril, le centre demeura toujours bloqué. Les relais du régime tentèrent bien sûr, qui par la menace, qui par la persuasion, d’obtenir la reprise des cours.  Selon Mouloud Lounaouci, l’actuel secrétaire général de l’UGTA lui rendit une visite inattendue à l’hôpital : « L’atmosphère commençait à s’alourdir ; le 19 avril, j’eus une visite pour le moins étrange. Madjid Sidi-Said, alors responsable de l’union territoriale UGTA de Tizi Ouzou, se présenta en émissaire, sans plus de détail, et m’avertit qu’on avait intérêt à tout arrêter, car le lendemain il serait trop tard. »(12)
Cependant, à l’université, le comité anti répression tint sa réunion quotidienne. Selon Aziz Tari, une absence de taille fut remarquée, celle de Hend Sadi. Cette information m’a été confirmée à plusieurs reprises, lors de nos différentes conversations sur ces événements, par Gérard Lamari. Par ailleurs, d’après Aziz Tari, l’ultimatum transmis par hamid Sidi-Said, wali de Tizi Ouzou, fut péremptoire : « Signer immédiatement une déclaration affirmant que nous arrêtons le mouvement, sinon l’intervention aura lieu dans quelques heures… Le groupe du PRS annonce son retrait du mouvement et la fin de son engagement avec nous. » (13) Concomitamment à la réunion des étudiants, une autre réunion se tint, à Alger, au siège du FLN. Celle-ci se déroula en deux temps. Dans sa première partie, elle regroupa le coordinateur du FLN (Mohamed Salah Yahiaoui), le premier ministre (Ben Ahmed Abdelghani), le patron des services secrets (Yazid Zerhouni), le commandant de la gendarmerie (Mustapha Chelloufi), le DGSN (El Hadi Khediri), le ministre l’enseignement supérieur (Abdelhak Bererhi), le minsitre de l’éducation (Mohamed Cherif Kharoubi), le ministre du travail (Mouloud Goumeziane), le secrétaire général de l’UGTA (Abdellah Doumène) et le Wali de Tizi Ouzou. Dans les débats, l’intervention policière musclée fut vivement évoquée. A en croire le ministre de l’enseignement supérieur, cette solution fut rejetée grâce à son argumentation. Il évoqua, pour les persuader, le respect des franchises universitaires. Toutefois, la vraie réunion commença un peu plus tard. Ce fut le second temps de la réunion. Les ministres furent évidemment remerciés. Selon Bererhi : « Les opposés à l’emploi de la force furent laissés seuls quelques instants, puis on vint « nous remercier » en nous déclarant que la réunion était achevée. » (14) Lors du second temps de la réunion, selon Khediri, le patron de la DGSN, l’ordre du jour devint : « donner des instructions pour rétablir l’ordre dans les facultés occupées ». Bien qu’il ait essayé de convaincre ses camarades des services de sécurité de l’inanité de l’emploi de la force, en faisant même ranger le Président de la République à son point de vue, l’évacuation fut décidée. Selon lui : « quelques heures plus tard, l’ordre d’évacuer était redonner par un autre canal…Au plus fort des affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants, certains responsables insistaient pour envoyer l’armée. »(15) Ainsi, quelques heures après la clôture des travaux de l’assemblée des étudiants, les forces de l’ordre pénétrèrent dans les pavillons des cités universitaires. Les étudiants furent surpris dans leur sommeil par le bruit de bottes et les coups de matraques. Et le sang se répandit en creusant des petits sillons. Par ailleurs, l’hôpital, censé accueillir les blessés, fut aussi envahi par les forces de l’ordre. Le personnel médical fut malmené sans ménagement. Ceux qui n’avaient pas été arrêtés, accueillirent les blessés au matin du 20 avril. Le bilan de cette mascarade est donné par Arezki Ait Larbi, non lors du meeting d’Alger où il annonça 32 morts, mais dans le témoignage qu’il fait 30 ans plus tard : « 453 blessés et des centaines d’arrestations dont 24 seront déférés devant la Cour de sûreté. Mais, heureusement, aucun mort. » (16)

Cependant, la région fut solidaire de ses blessés et de ses détenus. Un combat fut engagé pour obtenir la libération de ses héros. Cette dernière n’intervint que deux mois plus tard. Ainsi, le 25 juin 1980, les vingt-quatre détenus furent mis en liberté. Désormais, la lutte pour la démocratie ne fut plus un tabou. Plusieurs régions d’Algérie suivirent l’exemple jusqu’à ce que  la liberté de s’organiser soit obtenue après octobre 1988. Ainsi, la gestion sécuritaire des problèmes politiques donna lieu à des affrontements permanents. En s’appuyant sur les services de sécurité, le régime comptait annihiler toute contestation. Or, l’humiliation attisait davantage la rancune des citoyens. Du coup, la simple interdiction de la conférence, d’un homme reconnu pour ses recherches, déclencha un mouvement contestataire de grande ampleur. Finalement, les événements du 20 avril 1980 représentent l’acte fondateur d’une conscience politique à l’échelle nationale. Bien que le peuple algérien ne vive pas encore une démocratie et une liberté effectives, il n’en reste pas moins que la détermination du peuple algérien donnera un jour au pays des institutions libres, issues uniquement de la volonté populaire.


Notes de renvoi :

1) Contribution Hacene Hireche, « Avril 80 : Insurgés et officiels racontent le printemps berbère », page 194.

2) Contribution Abdelhak Bererhi, page 234.

3) Contribution Said Khelil, page 66.

4) Contribution Salem Chaker, page 124.

5) Contribution Ihsen El Kadi, page 151.

6) Contribution Hamid Sidi-Said, page 207.

7) Contribution Aziz Tari, page 43.

8) Contribution Mohand Oumer Oussalem, page 20.

9) Contribution Arezki Ait Larbi, page 178.

10) Tract du comité anti répression, page 270.

11) Contribution Mohand Oumer Oussalem, page 27.

12) Contribution Mouloud Lounaouci, page 85.

13) Contribution Aziz Tari, page 54.

14) Contribution Abdelhak Bererhi, page 227.

15) Contribution El Hadi Khediri, page 256.

16) Contribution Arezki Ait Larbi, page 183.

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17 mars 2011 4 17 /03 /mars /2011 10:27

29497.jpgL'échec de la coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) devait être une occasion, à ses promoteurs, de se remettre en question. A défaut d'un tel travail sur soi, il fallait en moins tirer les enseignements idoines. En effet, un déficit de crédibilité a incité les Algériens à ne pas répondre à leurs appels successifs. Bien que le blocage des voies menant à Alger soit effectif, il n'en reste pas moins que l'échec de cette organisation, en raison de la présence de quelques partis en son sein, est patent. Dès le départ, la question qui fut posée est de savoir si la place du 1er mai pouvait ressembler à la place Al-Tahrir du Caire. La réponse est sans appel : la différence est difficile à faire bien que la répression, qui s’en est suivie ici et là, ait été la même. En effet, depuis le début de la contestation égyptienne, la place Al-Tahrir fut encerclée par les forces de police. Et les passages furent surveillés et filtrés. En revanche, cela n'a pas empêché les Cairotes de rejoindre le lieu de la contestation. En Algérie, dans toutes les manifestations, depuis le 21 janvier 2011, le nombre de policiers dépasse celui des manifestants. Du coup, la raison ne peut être expliquée que par le manque de confiance que suscitent les initiateurs de la manifestation. Cela dit, la présence de maitre Ali Yahia Abdenour laisse pantois. Militant invétéré, il fut de tous les combats, menés parfois contre vents et marées dans les années 1990. En tout cas, en d'autres circonstances, ses appels auraient été bien accueillis.

Cependant, depuis peu, les éradicateurs optent pour une tactique machiavélique. Ne voulant pas se remettre en question, ils expliquent leur échec par l'initiative d’Abdel Hamid Mehri, soutenue par Hocine Ait Ahmed. Or, ces éradicateurs cherchent-ils au fond le changement profond ? Pas si sûr. Les éradicateurs, et cela est un secret de polichinelle, ne s’opposent à Bouteflika que pour renforcer le pouvoir concurrent. Car, selon Mohamed Benchicou, la stratégie de Bouteflika est de mettre en œuvre la plateforme de Sant ‘Egidio. Cela suffit à employer tous les moyens en vue de le discréditer. Heureusement, la caste militaire, écrit-il, bloque cette initiative. Partant, tout est dit. Tout compte fait, les citoyens ne sont pas dupes. D’ailleurs, dès la connaissance du différend opposant Bouteflika au chef des services secrets, le général Toufik, les éradicateurs ont pris cause et fait pour ce dernier. Mais les Algériens veulent-ils forcément se positionner par rapport à un clan du pouvoir ? Ce qui est évident c’est que les Algériens espèrent sortir de cette situation de déni systématique de leurs droits. En effet, bien que la société soit lasse des violences des années de braises, l'engouement suscité par les révolutions nord-africaines renseigne, si besoin est, sur le désir de changement en Algérie. Mais comment peut-on prétendre incarner le changement si le choix des Algériens n’a pas de chance d'être entériné? En effet, on a assisté, par le passé, à ce genre de situation. Précisément, en 1992. Bien que l’éventuelle tricherie du vainqueur doive être prouvée et condamnée par la loi, les amis de Benchicou ont appelé, tout bonnement, à l’arrêt du processus démocratique. Ainsi, tout en étant prêts à apporter le soutien indéfectible au régime opaque en cas de la moindre difficulté, les éradicateurs se mettent en avant pour réclamer le seul changement du locataire d’El Mouradia. Or le peuple algérien ne cherche pas à sauver ni l'un ni l'autre. Il cherche avant tout à se réapproprier son droit d’exister politiquement.

Mais pour les éradicateurs, tout ce qui peut symboliser cette dynamique est combattu. Dans les colonnes d'un quotidien national, Benchicou écrit: «Il y eut l’irruption d’un homme : Hocine Aït Ahmed, le fondateur du Front des forces socialistes, qu’on dit adversaire acharné de la caste militaire et infatigable partisan de la réconciliation avec les islamistes. De son exil suisse, Aït Ahmed saisit immédiatement après la chute de Ben Ali et les premiers affolements de Bouteflika, les conséquences catastrophiques qu’aurait un départ du président algérien : ce serait la fin du projet de «réconciliation» caressée depuis Sant ‘Egidio ; le tête-à-tête insoutenable avec les généraux ; l’émergence d’une Algérie nouvelle à la construction de laquelle les islamistes et les «réconciliateurs» n’auraient pas pris part et dans laquelle, craint-il, les généraux continueraient d’exercer le pouvoir.»

Du coup, en faisant peur aux Algériens, les éradicateurs avertissent qu'un choix libre des citoyens risque d’embarrasser le pouvoir réel. Mais, en ne réussissant pas à convaincre les Algériens, ils discréditent toute autre dynamique. Car le rejet de la plateforme de Sant ‘Egidio reste le point sur lequel se joignent tous les éradicateurs. En effet, bien que des divergences existent dans leur camp, l’empêchement de l’instauration de la République démocratique les soude. Pour que le lecteur ne soit pas perdu, il faut rappeler que la plateforme de Sant ’Egidio fut adoptée par des partis politiques réunissant plus de 90% de suffrages le 26 décembre 1991. La décision primordiale, entérinée ce jour-là à Rome, fut le bannissement à jamais de la violence dans l’exercice du pouvoir ou pour y parvenir. Voici quelques mesures contenues dans l’article 1 de la charte:

« — le rejet de la violence pour accéder ou se maintenir au pouvoir.

— le rejet de toute dictature quelle que soit sa nature ou sa forme, et le droit du peuple à défendre ses institutions élues.

— le respect et la promotion des droits de la personne humaine tels qu'énoncés par la Déclaration Universelle, les pactes internationaux sur les droits de l'homme, la convention internationale contre la torture et consacré par textes légaux.

— le respect de l'alternance politique à travers le suffrage universel.

— le respect de la légitimité populaire. Les institutions librement élues ne peuvent être remises en cause que par la volonté populaire.

— la primauté de la loi légitime

— la garantie des libertés fondamentales, individuelles et collectives quels que soient la race, le sexe, la confession et la langue.

— la consécration du multipartisme.

— la non implication de l'Armée dans les affaires politiques. Le retour à ses attributions constitutionnelles de sauvegarde de l'unité et de l'indivisibilité du territoire national.

— les éléments constitutifs de la personnalité algérienne sont l'Islam, l'arabité et l'amazighité; la culture et les deux langues concourant au développement de cette personnalité doivent trouver dans ce cadre unificateur leur place et leur promotion institutionnelle, sans exclusion ni marginalisation.

— la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

— la liberté et le respect des confessions.»

Cependant, après les explications de Mehri, dans une conférence de presse, tenue au siège du FFS, la stratégie des éradicateurs est mise à nue. La différence entre les éradicateurs et les réconciliateurs se situe dans la détermination des uns de faire couler le sang des Algériens et la volonté des autres de faire de l'Algérie un pays où l'apaisement sera sa pierre angulaire. Toutefois, bien que Mehri reconnaisse sa volonté de travailler avec Hocine Ait Ahmed, il nie, de façon catégorique, la démarche que lui reprochent les éradicateurs. Il ne se serait pas entendu avec le président du FFS en vue de sauver Bouteflika. Selon lui, «Ce n'est ni moi ni Ait Ahmed qui allons sauver le régime... Je tiens à ce que mes positions soient claires et publiques. Je crois que les questions d'intérêt général n'ont pas de secret et se règle devant l'opinion publique.» En somme, il existe une autre différence entre eux. Ils divergent sur la façon d'envisager la résolution de la crise. Contrairement aux partisans de l'éradication qui rencontrent le chef des services secrets en vue d'évaluer la situation du pays, Abdel Hamid Mehri reconnaît que si une telle rencontre devait avoir lieu avec le chef de l'État, celle-ci serait publique.

Finalement, il est clair que les éradicateurs ne souhaitent pas la fin du régime hérité de la crise de l’été 1962. Dans leurs différentes marches, du 21 janvier à nos jours, les slogans sont pour la plupart « Bouteflika dégage ». Est-ce suffisant ? En tout cas, les Algériens demandent plus que ça. Selon Mehri, l’Algérie a vécu un cas similaire sans que la situation ne soit changée dans le fond. De l’avis de l’ancien secrétaire général du FLN, présent à Sant ‘Egidio, il faudrait privilégier le changement du système au lieu de se focaliser sur le départ de Bouteflika : « Cela ne sert à rien. Au début des années 1990, des voies s’étaient levées pour exiger la démission de Chadli Bendjedid. Chadli est parti et le régime est resté. » Au fond, la stratégie des éradicateurs n’était-elle pas de sortir les premiers, en sachant qu’ils n’auraient pas été suivis, pour imposer leur revendication ? Si tel est le cas, ils ont réussi à empêcher la révolution semblable à celles de la Tunisie ou de l’Egypte.

Boubekeur Ait Benali, 17 mars 2011, www.hoggar.org, Quotidien d'Algérie 

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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 17:51
article3502_image.jpg«A vouloir agir en dehors du peuple, on arrive à des résultats diamétralement opposés aux objectifs socialistes et égalitaires.» Ferhat Abbas (1)

L'Algérie, depuis son indépendance, est soumise à cette sentence de Ferhat Abbas. Actuellement, les inégalités sont tous azimuts. Les émeutes sanglantes de ces derniers jours sont là pour prouver, si besoin est, que la disparité est criante entre la classe dirigeante et le reste de la population. Toutefois, bien que le bilan de ces dernières émeutes ne soit pas aussi lourd que celui d'octobre 1988, il n'en reste pas moins que la propagation des manifestations à l'échelle nationale, telle une trainée de poudre, exprime le marasme profond de la société. Ce qui provoque, de façon inéluctable, une dichotomie entre l'Algérie utile et l'Algérie profonde. Sinon, comment pourrait-on expliquer que 75% de la population a moins de 30 ans, alors que le pouvoir est entre les mains des septuagénaires. Ce faisant, cette lapalissade n'a pas échappé aux jeunes manifestants que la richesse est réservée à une catégorie bien déterminée. En tout cas, c'est ce que note Hocine Malti à juste titre: «Les jeunes Algériens ont bien compris que les richesses en hydrocarbures de leur pays ne leur appartiennent pas, ne servent pas à faire leur bonheur, que dis-je, ne permettent pas leur survie. Et ils ne rêvent que d'une chose: fuir vers l'étranger.» (2) Bien que le sol algérien y regorge des richesses inestimables, les Algériens vivent, cinquante après le recouvrement de l'indépendance, dans la mouise incommensurable.

 

Cependant, doit-on mettre cela au compte de “la malédiction pétrolière” , comme le croit Hocine Malti? En partie, Oui. D'ailleurs, malgré cette richesse du sous-sol, force est de constater que le pays n'a jamais réussi à vivre en autarcie. Actuellement, l'Algérie dépend, pour ses importations, à 98% des recettes des hydrocarbures. Du coup, la paix sociale fut et est inhérente à la volonté des dirigeants de subventionner des produits de première nécessité, et ce en important des quantités suffisantes. Par conséquent, les fluctuations de la politique algérienne dépendent indubitablement de la variation des cours du pétrole. Ainsi, comprendre la nature de celui-là revient à disséquer l'importance de de celui-ci. Mais, le malheur de l'Algérie vient de la mauvaise exploitation de ses ressources. Aujourd'hui encore, les récompenses sont distribuées aux plus conciliants avec le régime. D'où le constat sévère de Hocine Malti: «L'Algérie de 2010 est doublement malade. La rapine à laquelle se sont livrés -et continuent de se livrer- les hommes du pouvoir est venue aggraver la maladie pétrolière qu'elle avait contractée auparavant.» (3) Toutefois, l'auteur relativise celle-ci en considérant que celle de ses dirigeants est encore plus grave. Voici leurs évolutions.

1. La découverte du pétrole

Le pétrole algérien fut découvert en pleine période coloniale. En effet, il y a exactement 55 ans, les pétroliers français découvrirent le gisement d'Edjeleh, à la frontière orientale de l'Algérie avec la Libye. Cette découverte changea du coup entièrement la donne. Elle prolongea, par conséquent, la guerre d'Algérie de six longues années. Car les enjeux énergétiques furent primordiaux. En effet, selon les prévisions françaises, la métropole n'aurait eu à apporter que 60% de sa consommation énergétique en 1960, alors qu'elle était quasi-totale en 1956. Du coup, un homme fut désigné, Pierre Guillaumat en l'occurrence, pour prendre en charge cette question névralgique. Cité par Hocine Malti, Pierre Guillaumat aurait annoncé qu' «il fallait tout faire pour garantir l'indépendance énergétique de la France. Alors, maintenant que le pétrole était là, et en abondance, on n'allait quand même pas perdre le Sahara! A défaut de garder l'Algérie française, il fallait faire en sorte que le pétrole le soit.» (4)

Cependant, cette politique énergétique fut défendue par tous les gouvernements de la quatrième et de la cinquième République. Par ailleurs, il faut signaler que cette question avait causé, de façon sous-jacente, la chute de la quatrième République et vacillé, à plusieurs reprises, la cinquième République. Mais, sur la question énergétique, tous les gouvernements furent d'accord sur la nécessité de séparer la partie sud de la partie nord de l'Algérie afin qu'ils puissent exploiter cette richesse. En effet, pour distinguer les territoires du Sud du reste de l'Algérie, le gouvernement Guy Mollet créa l'organisation commune des régions sahariennes (OCRS), en janvier 1957. Cependant, sous la cinquième République, de Gaulle fit du pétrole sa priorité primordiale. Pour ce faire, il fit adopter une loi spécifique à la gestion du pétrole algérien, connue sous la formule suivante: «Le code pétrolier saharien (CRS)». Pour Malti, la référence au pétrole ne fit aucune mention de l'Algérie mais plutôt des territoires du Sahara. D'ailleurs, la propension des autorités françaises de séparer les deux territoires ne fut jamais démentie. Pour l'auteur de " L'histoire secrète du pétrole algérien", «L'idée de faire du Sahara une plaque tournante au sein de l'union française et de l'ériger en tant qu'entité indépendante du reste de l'Algérie fut la ligne politique suivie par le gouvernement français jusqu'à ce 5 septembre 1961 [ soit cinq mois avant le cessez-le-feu], quand le général de Gaulle annonça, au cours d'une conférence de presse, pour la première fois et d'une manière officielle, que les départements sahariens des Oasis et de la Saoura faisaient partie intégrante de l'Algérie.»(5)

Toutefois, l'indépendance, obtenue au forceps, à l'issue d'une longue guerre de sept ans et demi, donna lieu à une immense espérance pour une population meurtrie. Les Algériens pensaient qu'en arrachant le pays à la colonisation, leur vie aurait été bien meilleure. Mais à peine la célébration de l'indépendance fut achevée, la course pour le pouvoir reprit de plus belle. La victoire, imposée par l'armée des frontières, revint au tandem Boumediene-Ben Bella. Ce dernier fut utilisé comme devanture qu'autre chose. A ce propos Hocine Malti note qu'«Au cours de l'été 1962, un homme à peine âgé de 30 ans, Houari Boumediene, colonel par le grade et chef d'État-major par la fonction, réussissait ainsi le premier coup d'État de l'Algérie indépendante. Ce faisant, il avait aussi inauguré le premier régime militaire à visage civil, un système que d'autres après lui amélioreront, jusqu'à en faire une dictature qui ne dit pas son nom prévalant encore dans l'Algérie des années 2000. Dés lors, le pétrole et le gaz, dont le pays est si riche, allaient grandement aider à consolider les pouvoirs qui s'y succéderont.» (6) Mais, en ce début des années soixante, beaucoup de contraintes pesèrent sur le régime algérien pour qu'il n'accède pas directement à ces richesses. Bien que les accords d'Evian aient prévu la dissolutions de l'OCRS, le nouvel organisme, l'OS(Organisme saharien), ne laissa pas le plein droit aux Algériens de jouir pleinement des hydrocarbures. Pour résumer simplement cette transition, on peut dire qu'il y avait eu un véritable transfert de souveraineté, mais sans que l'Algérie ait le pouvoir de gérer ses richesses terriennes. Par ailleurs, du côté algérien, Lamine Khène, ancien secrétaire général du GPRA, représenta les intérêts algériens au sein de l'organisme saharien. Ce dernier fut habilité à fixer la fiscalité inhérente à l'exploitation du pétrole. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle fut avantageuse à la France.

Cependant, les sommes d'argent engrangées furent suffisantes aux dirigeants pour s'imposer politiquement, que ce soit à l'intérieur du pays ou à l'extérieur. Selon Hocine Malti: «Son image de "leader du tiers monde" dans les années 1960 est devenue plus tard un paravent hypocrite pour ses propriétaires, les généraux à la tête de l'armée et de la police politique, la sécurité militaire: Ils ont utilisé en sous-main les milliards de dollars des hydrocarbures afin d'acheter le silence de grandes puissances mondiales sur leurs dérives antidémocratiques.» (7) Ainsi, il suffisait d'avoir une main basse sur ces richesses pour parvenir à brider la société. Peu à peu, le pétrole est devenu un enjeu de pouvoir et non pas une richesse pouvant garantir le bien être des Algériens.

2. La bataille pour le contrôle du pétrole

La bataille énergétique opposa d'abord les compagnies françaises au régime incarné par Boumediene-Ben Bella. Pour celles-là, elles continuèrent à fonctionner comme s'il n'y avait pas l'indépendance de l'Algérie. Et dés le départ, la tension fut très vive. La compagnie Trapal proposa, en vue de construire un troisième pipe, une participation algérienne ne dépassant pas les 20% du projet. Du coté algérien, les autorités misèrent sur une participation supérieure. De ce différend naquit, le 31 décembre 1963, la compagnie nationale, la Sonatrach (Société nationale de transport et de commercialisation des hydrocarbures). Or, au sommet, la stabilité ne fut pas au rendez-vous. En effet, Ben Bella voulut s'emparer des portefeuilles ministériels les plus sensibles. Voulut-il agir de la sorte pour contrer le clan de Boumediene (Le clan d'Oujda)? En tout cas, en ces premiers mois de l'année 1965, l'organisation de la conférence des pays du tiers monde allait le consacrer, s'il n'y avait pas eu d'embûches, le chef incontesté de l'Algérie. Selon Hocine Malti, «Alger la blanche doit abriter, au début de l'été, le sommet des pays non alignés... Ahmed Ben Bella a déjà revêtu son costume de star de ce nouveau Bandoeng, au cours du quel il va apparaître en compagnie de Gamal AbdelNasser, Josp Broz Tito, Fidel Castro, Kwane N'krumah et beaucoup d'autres leaders du tiers monde.» (8) Cette conférence n'a pas eu lieu. Et pour cause. Un coup d'État est dûment organisé par Boumediene en vue de déposer son rival. Du coup, une nouvelle période fut inaugurée en Algérie, à sa tête Houari Boumediene. Toutefois, au fil des années, la stature de Boumediene s'imposa à l'intérieur et à l'extérieur du pays, et ce bien qu'il ait parvenu au pouvoir grâce un coup de force militaire. En tout cas, en cette année 1965, il fut tout bonnement prêt à assumer lui-même le pouvoir. De l'avis de Malti, «Il voulait supprimer le paravent qu'il avait lui-même mis en place trois ans auparavant, car Ben Bella menaçait les membres de son clan, le fameux "groupe d'Oujda" qui avait orchestré le coup d'État de l'été 1962.» (9)

Cependant, sur le plan énergétique , le moins que l'on puisse dire c'est que Boumediene eut beaucoup de chances. Négocié par celui qu'il avait déposé, Boumpediene signa le nouvel accord pétrolier le 29 juillet 1965. En effet, les autorités françaises commencèrent justement à lâcher du lest en associant l'Algérie à l'exploitation des hydrocarbures à hauteur de 50% des résultats. Cet accord stipulait que même les compagnies privées, telle que la CFP (Compagnie française des pétroles), ancêtre de Total, devaient se soumettre aux clauses du présent accord. Mais, pour Hocine Malti, «le fait de fixer dans un accord algéro-français les prix postés des trois terminaux par lesquels était évacué le pétrole produit, tous champs et toutes compagnies confondus, constituait non seulement un autre acte de co-souveraineté, mais équivalait à faire savoir aux compagnies non françaises que le Sahara demeurait une chasse gardée pour la France.» (10) Toutefois, si l'année 1966, les relations entre l'administration algérienne et les compagnies françaises se passaient sans anicroches, l'année suivante connut son premier pic de difficulté. A la volonté de l'administration algérienne d'augmenter l'exploitation du champ minier, la partie française insistait sur un programme concernant les gisements déjà existants. A ce propos, Hocine Malti écrit: «Au printemps 1967, le secteur pétrolier national algérien avait commencé à prendre forme. La Sonatrach était entrée dans sa quatrième année d'existence et avait enregistré ses premiers succès. Le baptême du feu des équipes entièrement algériennes, qui avaient démarré quelques mois auparavant les activités d'exploration et de production, s'était généralement bien déroulé.» (11) Cette expérience réussie incita le gouvernement de Boumediene à franchir un nouveau cap: la nationalisation de la distribution dés le mois de mai 1968. Du coup, à partir de cette année-là, il n'y eut que des stations services à l'enseigne de la Sonatrach, argue Hocine Malti. En revanche, la même année, le chef de l'État algérien mit en place les dispositions sur la gestion du commerce extérieur. Ce monopole créa beaucoup d'entraves à la compétition économique loyale. D'où l'avènement de la corruption, sous forme de commissions. En tout cas, cette mesure handicapa plusieurs entreprises, dont la Sonatrach. Pour Hocine Malti:«Elle [Sonatrach] ne sera d'ailleurs pas l'unique entreprise à souffrir de ces mesures: toute l'économie algérienne en paiera le coût.» (12) Le monopole sur le commerce extérieur fit du régime le seul détenteur de la richesse nationale. Depuis ce temps-là, la Sonatrach devint un enjeu économique et politique important. En effet, Boumediene, pendant les treize années de règne sans partage, orienta seul la politique énergétique du pays. Cette concentration de pouvoir amena le président du conseil à mener une politique parfois incompréhensible. En effet, selon Malti: «Durant les treize années de présence de Houari Boumediene à la tête de l'État algérien, plusieurs centaines de firmes américaines ont ainsi fait d'excellentes affaires en Algérie, alors même que les relations diplomatiques entre les deux pays ont été rompues durant plus de la moitié de la période.» (13)

Cependant, bien que la corruption ait fait son apparition à ce moment-là, force est de reconnaître que la pratique fut contenue. Car elle fut avant tout contrôlée par le régime. Ou plutôt tolérée. L'exemple de Messaoud Zeghar corrobore si besoin est l'existence de ce phénomène. Il se distingua notamment dans l'affaire Chemico. En tout cas, Zeghar fut connu pour être un proche de Boumediene. En revanche, bien qu'il ait été un dictateur, le nom de ce dernier ne fut pas associé à une quelconque affaire de détournement. Il fut même l'architecte d'une des grandes réalisations économiques du pays: la nationalisation des Hydrocarbures.

3. La reconquête de la souveraineté nationale

la négociation de l'accord d'Alger du 29 juillet 1965 fut prévue pour l'année 1969. En effet, les dispositions, notamment fiscales, n'auraient pas dû dépasser une période de quatre ans. Tout naturellement, le conseil de la révolution saisit le gouvernement français, dés le mois d'avril 1969, en vue de discuter sur le nouveau système fiscal. Pour la partie algérienne, celui-ci devait impérativement être aligné à celui de l'OPEP, en vigueur dans plusieurs pays. Toutefois, la réponse française ne vint qu'en juin 1970. Elle contint une proposition consistant à augmenter le prix de référence de l'ordre de 27 centimes de dollar le baril, alors que la partie algérienne en réclamait une augmentation de 57 centimes de dollar. Cet éloignement des deux positions conduisit inéluctablement à une situation inextricable. Et en campant sur sa position , le gouvernement français tablait sur l'usure. Il pensait que le retrait de la France impliquait le blocage de l'exploration. En tout cas, cette attitude vint de l'idée que le gouvernement algérien ne pouvait pas se passer des compagnies françaises. Selon le témoin direct de cet épisode, Hocine Malti, chaque partie voulut imposer sa vision. Il écrit alors: «C'est pourquoi, le 13 juin 1970, le gouvernement français décida de suspendre les négociations. La riposte algérienne vint un mois plus tard: le 20 juillet 1970, le ministre de l'Industrie et de l'Énergie adressa une circulaire aux compagnies pétrolières françaises les informant qu'elles devraient dorénavant payer leurs redevances et leurs impôts sur la base prix posté de 2,85 dollars le baril.» (14) Bien qu'aucun gouvernement n'ait voulu transiger sur sa ligne de principe, un autre round de négociation fut ouvert le mois d'octobre 1970. Les sessions se déroulèrent alternativement à Paris et à Alger. Mais les discussions traînèrent sans qu'aucune solution n'ait été trouvée. Ce qui incita Boumediene à déclarer, cinq mois plus tard, l'accord du 29 juillet 1965 obsolète. Dans le discours sur la nationalisation des hydrocarbures, Boumediene justifia ainsi sa politique: «L'accord du 29 juillet 1965 stipulait que seraient entamées, dés 1969, des négociations en vue de la révision du prix servant de base de calcul de l'impôt. Nous avons négocié sans cesse de 1969 à 1970. Nous avons acquis la certitude que les Français ne souhaitaient pas aboutir à une solution. Nous avons alors fixé un prix et informé qu'il serait à l'avenir de 2,85 dollars le baril et non de 2,08.»(15) A la fin de son discours, Boumediene annonça plusieurs décisions. La principale concernait la participation algérienne à hauteur de 51%, et ce dans toutes les sociétés françaises exerçant en Algérie. Ensuite, il annonça la nationalisation intégrale de tous les gisements de gaz. Enfin, il s'engagea à nationaliser le transport terrestre de toutes les canalisations se trouvant sur le sol national.

En revanche, ces décisions ne furent pas l'objet d'une éventuelle concertation, à en croire Hocine Malti. Surtout, ces annonces furent arrêtées sans que la Sonatrach ait eu le temps de créer le réseau de clients. Pour Hocine Malti: «A Alger, personne n'avait été informé par avance de la décision que venait d'annoncer Houari Boumediene. Nous étions dans le noir le plus complet. Dans l'attente du retour du ministre de l'énergie [ qui se trouva ce jour-là à Tripoli], nous avons néanmoins tenu, le 24 février au soir, une première séance de travail.»(16) Bien que la nationalisation ait été l'une des plus grandes œuvres de Boumediene, l'auteur du livre «L'histoire secrète du pétrole algérien» révèle qu'aucun des appareils de l'État ( Les ministères des Finances, de la Justice et des commerces, les services de douanes, les services de sécurité, les banques) ne fut mis au courant. A vrai dire, Boumediene avait arbitré, seul, entre deux stratégies au sein du gouvernement. La première fut défendue par Belaid Abdesselam consistant à nationaliser, une à une, toutes les sociétés françaises à hauteur de 51%. La seconde fut défendue par Abdelaziz Bouteflika consistant à nationaliser l'ensemble des intérêts français à hauteur de 51%. Dans la seconde proposition, il pouvait y avoir certes une participation algérienne mais sans détenir la majorité des parts. Le choix de Boumediene fut porté sur la première proposition.

Cependant, le tournant de cette affaire survint le 20 avril 1971. Ce jour-là, le premier ministre français, Jacques Chaban Delma, reconnut les droits souverains de l'Algérie et accepta la nationalisation dans le secteur des hydrocarbures. Mais derrière cette acceptation, le premier ministre engagea des mesures de rétorsions. La première mesure fut de diminuer le flux migratoire dont l'Algérie était l'une des exportatrices de main-d'œuvre. Sur un autre niveau, la diplomatie française déploya ses efforts en vue de dissuader certains pays de s'approvisionner du marché algérien des hydrocarbures et notamment du gaz. Finalement, de cette nationalisation, les vainqueurs furent incontestablement les États-Unis. En quelques temps, plusieurs firmes firent leur apparition sur le sol du sud algérien. Toutefois, cette stabilité politique, sous la dictature, ne dura que quelques années. Et une autre période ne tarda pas à laisser place à une anarchie indescriptible.

4) La période d'inactivité

La disparition de Boumediene, le 27 décembre 1978, à l'âge de 46 ans, dont treize années passées au pouvoir, suscita un appétit de pouvoir. Le jour de l'enterrement, l'oraison funèbre fut lue par celui qui se considérait comme son successeur naturel, Abdelaziz Bouteflika. D'ailleurs, il ne cacha pas sa volonté de lui succéder. Le second prétendant ne fut autre que Mohamed Salah Yahiaoui, coordinateur du FLN. Mais dans les systèmes totalitaires, la course pour le pouvoir se déroule en dehors des organismes officiels. En effet, le chef de la sécurité militaire, Kasdi Merbah, centre du pouvoir réel en Algérie, décida d'organiser, à sa façon, la succession. Voici la description que fait Malti à ce propos: «Encore fallait-il, dans ce cas là, que le titulaire du poste qui allait être choisi fût facile à manœuvrer et qu'il puisse être délogé sans difficulté. Or, ni Bouteflika ni Yahiaoui ne correspondaient à ce critère. Le seul candidat potentiel qui semblait répondre à ce portrait robot était le colonel Chadli Benjedjid, chef de la 2eme région militaire depuis 1964.» (17) Pour y parvenir à ses fins, Kasdi Merbah avait désigné, lors de la longue agonie de Boumediene en novembre 1978, Chadli comme coordinateur de l'armée, poste équivalent à ce moment-là à l'intérim du ministère de la Défense. Il justifia son choix en invoquant l'ancienneté de Chadli dans les rangs de l'armée. Ce fut le officier le plus ancien dans le grade le plus élevé. Ce choix fut entériné en janvier 1979 par le congrès du parti. Ce dernier choisit alors l'officier le plus ancien comme seul candidat aux élections présidentielles du 7 février 1979. Avec l'appui de toute l'administration, Chadli obtint aux élections un score de 94% de suffrages, le consacrant président de la République. De ce choix irrationnel, Malti écrit: «Aux Tagarins[nom du quartier où est situé le ministère de la Défense], on savait parfaitement qu'il[Chadli] n'était pas esclave du travail et, par conséquent, on exigeait pas beaucoup de lui...De fait, ce sont ses assistants et collaborateurs qui le suppléaient dans l'accomplissement des tâches relevant de sa responsabilité à la tête de la 2eme région militaire. Parmi ces derniers, deux personnages qui joueront des rôles vitaux dans l'Algérie des années 1980, 1990 et 2000: le capitaine Larbi Belkheir, que l'on vit à l'œuvre dés le début et le lieutenant Mohamed Médiène dit «Tewfik», qui apparaitra plus tard.» (18) En effet, les nouveaux conseillers ne tardèrent pas à s'illustrer. En janvier 1980, Chadli créa la cour des comptes. Sa première victime fut l'ancien ministre des Affaires étrangères sous Boumediene. Du coup, Bouteflika décida de s'enfuir à l'étranger. Six mois plus tard, Chadli obtint le départ de Mohamed Salah yahiaoui et son remplacement par Mohamed Chérif Messaadia. Le 15 juillet de la même année, Kasdi Merbah perdit le contrôle de la sécurité militaire. Il fut remplacé par son adjoint Nourredine Yazid Zerhouni. L'ancien responsable de la Sonatrach sous Boumediene, Sid Ahmed Ghozali, fut limogé du ministère de l'hydraulique. Il fut exclu du FLN en décembre 1980. La nouvelle équipe dirigeante parvint ainsi à éloigner les prétendants à la succession. Mais plus spécialement, Chadli et ses conseillers décidèrent de refermer la page de l'époque Boumediene. En effet, selon Malti, «En nommant un premier ministre, il a voulu donner l'impression d'instaurer une plus grande collégialité au sein du pouvoir, le président ne monopolisant plus toutes les fonctions. Mais, plus qu'une option politique, cette décision reflétait plutôt l'incompétence et le caractère indolent de Chadli, qui avait tendance à confier à d'autres les responsabilités qu'il rechignait à assumer.»(19) En tout cas, la rupture avec la période de Boumediene fut totale. Bien que la politique industrielle sous Boumediene n'ait pas atteint ses objectifs, la nouvelle ère fut caractérisée par l'absence de toute politique d'investissement. Le marché national ne tourna que grâce aux importations. Par conséquent, un plan anti-pénurie fut lancé en 1981. Confirmé en 1983, lors du 5eme congrès du FLN, ce plan fut placé sous le slogan «Pour une vie meilleure.» Or, ces plans ne pouvaient être lancés sans une conjoncture favorable: l'envolée des cours des hydrocarbures. Selon Malti: «Ces bouleversements à répétition du marché pétrolier avait fait passer le prix officiel du pétrole saharien à 30 dollars le baril à la fin de 1979, puis à 42 dollars à la fin de 1980. Sachant que, au moment de l'accession de Chadli au pouvoir, il oscillait entre 13 et 14 dollars, les revenus de l'Algérie avaient donc triplé en l'espace de deux années.»(20)

Cependant, cette période faste connut vite le temps de désenchantement lorsque les prix des hydrocarbures baissèrent. En juillet 1986, ils atteignirent 10 dollars le baril. Cette baisse des ressources impliqua la baisse des importations. D'ailleurs, les dirigeants pouvaient-ils en faire autrement? L'abondance du début des années 1980 devint pour les Algériens un souvenir lointain. Cette dégringolade des conditions de vie connut son apogée en 1988. Le pays fut à ce moment-là en situation de cessation de paiement. Ainsi, sans une politique d'investissement ni de politique d'épargne, le pays s'en allait à vau-l'eau. Quelles furent les raisons de ce laxisme? Hocine Malti cite quatre principales raisons: «La conjugaison de ces quatre éléments (dégringolade des prix du pétrole, augmentation exponentielle des dépenses, remboursement de crédits bancaires lourds et absence de tout nouvel investissement productif) fera que l'Algérie mangera son pain blanc en quelques années.»(21) Du coup, la fin de la redistribution sonna le glas du régime en octobre 1988. Cependant, bien que le congrès du FLN ait présenté la seule candidature de Chadli aux élections présidentielles de décembre 1988, la nouvelle situation du pays incita les militaires à exiger son départ avant le terme de son mandat. En effet, avec la perspective de la victoire du FIS, due principalement au rejet de la classe dirigeante, les militaires investirent les principaux centres du pouvoir. Par conséquent, et sans exception, les présidents ultérieurs acceptèrent peu ou prou cette domination.

5) La revanche de Bouteflika

La compétition électorale, en Algérie, fut faussée depuis le coup d'État de janvier 1992. En effet, le pays a sombré dans une guerre civile ayant causé la mort de prés de 200000 Algériens. Aujourd'hui, avec un bilan aussi dramatique, il est difficile de croire une velléité des militaires de sauver la démocratie. Selon Hocine Malti: «A la différence de Boumediene lors du coup d'État du 19 juin 1965, les protagonistes de celui du 11 janvier 1992 n'étaient en effet aucunement disposés à en assumer publiquement la responsabilité et encore moins à en endosser les tragiques conséquences. Car leur action était principalement motivée par leur rapacité, effrayés qu'ils étaient par la perspective d'être privés de leurs fortunes par les leaders islamistes promus par les urnes.»(22)

Cependant, plusieurs personnalités furent alors appelées à assumer des responsabilités suprêmes. Abdelaziz Bouteflika fut contacté à deux reprises. La première fois en 1994 et la seconde fois en 1999. En 1999, ce fut Larbi Belkheir qui se chargea de la mission de convaincre Bouteflika. Bien que les discussions aient trainé, les deux hommes arrivèrent à s'entendre sur plusieurs points. Pour Hocine Malti: «Il[Bouteflika] s'engagea même à reprendre à son compte, dés son élection, l'accord passé par le DRS avec l'AIS et de le faire approuver par référendum. L'amnistie ainsi accordée aux combattants islamistes et l'absolution des crimes qu'ils avaient commis serait dés lors attribuées à la volonté populaire.»(23) Cependant, depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir, les prix des hydrocarbures, et ce jusqu'à nos jours, connaissent une hausse vertigineuse. Hélas! Concomitamment à ces hausses des hydrocarbures, la corruption s'est propagée dans la même proportion. Et le secteur qui en souffre le plus est incontestablement celui des hydrocarbures. Ce secteur connait une privatisation sans vergogne sous l'ère Bouteflika. En effet, le premier projet d'assistance avec la Banque mondiale fut contracté le 3 mars 2001 par Chekib Khalil, ministre de l'Énergie et des Mines. Ce processus connut une célérité d'exécution incroyable. En septembre 2002, un projet de loi prévoyait «que toute entreprise pétrolière disposant des moyens techniques et financiers requis pourrait engager des travaux de recherche et d'exploitation, dans le cadre d'un contrat à passer avec une agence gouvernementale qui serait créée à cet effet sous la tutelle du ministère de l'Énergie et des Mines, l'agence nationale pour la valorisation des ressources en Hydrocarbures.» Cette disposition remplaçait, écrit Hocine Malti, celle en vigueur jusque-là, selon laquelle la participation de la Sonatrach en pareil cas ne pouvait être inférieure à 51%. Cette disposition remettait en cause de façon simpliste la souveraineté de l'État algérien sur ses richesses du sous-sol. Mais la contestation, ayant provoqué une tempête politico-sociale, retarda l'adoption de la loi. Le premier ministre de l'époque, Ali Benflis, manifesta sa désapprobation en retardant l'examen de la loi par le parlement. Toutefois, à une année et demi des élections présidentielles, Abdelaziz Bouteflika décida de geler la loi. Cependant, le président réélu ne mit pas beaucoup de temps avant de ressortir le projet. Cette fois-ci, le parlement fut saisi en avril 2005. La loi a été adoptée sans difficulté. Mais, à l'étranger, elle souleva une indignation des pays producteurs du pétrole. Lors des différentes réunions de l'OPEP, quelques membres ne se gênèrent pas à traiter l'Algérie d'être un pays à la solde des États-Unis. Le dénouement fut difficile à réaliser. Selon Hocine Malti: «Cette situation dura encore une quinzaine de mois, avant qu'il[Bouteflika] ne décide en juillet 2006 de supprimer du texte de loi tous les articles controversés, ceux qui restauraient le régime de concession. L'Algérie et l'OPEP devaient une fière chandelle au président vénézuélien Hugo Chavez... Il avait réussi, lors d'une visite à Alger spécialement programmée à cet effet en mai 2006, à convaincre son homologue algérien de changer d'avis, compte tenu de l'immense dommage que son initiative causerait à tous les pays producteurs du pétrole.»(24)

Par ailleurs, sur la question de la corruption, depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir, le pays se trouve submergé jusqu'au cou. L'accumulation des scandales est la preuve irréfutable de la propagation du phénomène. Elle a même gangrené littéralement la société. On peut citer, pour exemple, l'affaire BRC, l'affaire de l'autoroute Est-Ouest, le scandale de la Sonatrach, etc. Le drame qui s'ajoute à ces scandale est surement la passivité de la justice. Combien d'affaires ont été portées à la connaissance du public sans qu'aucun haut responsable ne réponde de la dérive de son secteur, s'interroge Hocine Malti. Même quand le ministre des Finances ou le secrétaire général de l'UGTA ont reconnu devant le tribunal avoir participé au scandale du groupe Khalifa, les juges en charge de l'affaire ont fait la sourde oreille, étaie sa thèse l'auteur de «L'histoire secrète du pétrole algérien». Du coup, avec la politique des dernières années, la Sonatrach est plus que fragilisée. L'affaire ébruitée en janvier 2010 montre que la corruption touche toutes les structures de l'entreprise qui finance 98% des importations. Sa maladie se situe au niveau de l'absence de toute politique de transparence au sein de l'entreprise. Mais cette transparence devrait impérativement être extrapolée à tous les secteurs de la société.

Aujourd'hui, les Algériens ne connaissent rien de la situation financière de leur pays. En effet, bien que le baril du pétrole ait atteint parfois des soumets, jusqu'à 150 dollars, la loi de finance est établie à la base d'un baril à 19 dollars. Et le reste échappe à tout contrôle, soit 85% des recettes.

En guise de conclusion, «La maladie hollandaise» fut apparue en Algérie dés les premières années de l'indépendance. En effet, l'irruption de cette richesse a nui considérablement à la compétitivité économique nationale. Bien qu'elle ait pu apporter des périodes d'apaisement, la richesse du sous-sol a causé également des malheurs au peuple algérien. Le point de vue de Ferhat Abbas est à ce titre plus que capital. Il écrit dans «L'indépendance confisquée»: «Certains penseront peut être que Ben Bella comme Boumediene étaient mus par la recherche du bien public et la volonté d'apporter un changement à l'Algérie. Mais en réalité ils n'ont fait, l'un et l'autre, que du paternalisme à bon marché, en s'appuyant sur une «mafia» de «petits copains» prêts à se servir plutôt qu'à servir. Sous leurs régimes, le slogan «Par le peuple et pour le peuple» est devenu selon l'expression employée par Harbi, «Par nous et pour nous.»(25) En effet, dans les années 1960, le régime avait fait de cette richesse un moyen de soigner son image à l'extérieur. Du coup, cette politique de façade entrava considérablement l'épanouissement du pays. Le coup d'État de 19 juin 1965 ferma toute brèche démocratique. Pendant treize années de Boumediene, le régime n'hésita pas à se débarrasser par tous les moyens de ses opposants. Mais, avec la mort de Boumpediene, le pays alla de Charybde en Scylla. Choisi pour son caractère inoffensif, Chadli plongea le pays dans une période noire. Selon Hocine Malti, «Si Chadli Bendjedid avait mis autant d'ardeur à accomplir les tâches relevant de sa fonction de président de la République qu'il en a consacré à se débarrasser de ses opposants, la destinée ultérieure de l'Algérie aurait probablement été meilleure.»(26) Cependant, cela profita surtout aux affairistes. Et la corruption atteignit sous Chadli des proportions alarmantes. Elle a trouvé sa vitesse de croisière dans le commerce extérieure. Ce phénomène s'est exacerbé sous Bouteflika pour atteindre des proportions inédites, selon Hocine Malti. Pour autant, le peuple doit-il baisser les bras. Ceci est une forme de pessimisme à bannir du langage. Car l'espoir doit demeurer intact. Car le jour où ce peuple arrivera à exiger des comptes, le pays réussira le décollage digne des grandes nations.

Boubekeur Ait Benali, 25 janvier 2011, www.hoggar.org, Quotidien d'Algérie

Notes de renvoi :

1) et 25) Ferhat Abbas, «L'indépendance confisquée», pages 67 et 20;

2) à 26) Hocine Malti, «Histoire secrète du pétrole algérien», pages 12, 19, 22, 33, 10, 57, 58, 70, 97, 105, 136, 151, 158, 160, 250, 151, 262, 265, 266, 293, 15, 318, 266.
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27 juillet 2010 2 27 /07 /juillet /2010 14:49
algerie-le-secretaire-general-ahmed-ouyahia-a-barika-wilaya.jpgLa société algérienne vit depuis plusieurs années une crise multidimensionnelle. La plus grave d’entre toute est indubitablement la crise politique. Bien que le régime ait tenté de s’acheter une paix sociale à travers la redistribution de la rente pétrolière, la société algérienne a toujours revendiqué des changements. Mais les intérêts sont énormes pour que le régime puisse accéder à leurs desiderata. Pour réaliser un contrôle sur la population, le régime n’hésita pas à créer des clientèles. En gros, il agit constamment de sorte à inféoder la société. Par conséquent, le point d’achoppement sur le rapprochement du régime avec sa population réside dans la manière de conduire les affaires publiques.

 

Par ailleurs, ce cas ne s’applique pas exclusivement à l’Algérie. Dans ce sillage, la plupart des pays arabes ont échoué. Certains spécialistes arrivent même à la conclusion amère du décalage des chefs d’Etats arabes avec leurs sociétés. En effet, selon Bourhan Ghalioun, l’Etat arabe s’est transformé en gendarme après avoir raté sa mission de moderniser la société. (1) Il poursuit en affirmant que : « l’Etat ne cesse de se développer pour compenser la perte de légitimité, son efficacité, sa capacité d’opérer un réel contrôle sur son environnement et de maitriser les leviers de commande, continue de péricliter. Ce déficit de légitimité de l’Etat aggrave le caractère apparent de la répression et le rend plus aveugle, ainsi que celui des politiques arbitraires. En effet, incapable de contrôler les choses, l’Etat tend à prendre sa revanche par la multiplication des contrôles, violents et mécaniques, presque maladifs des hommes. »

Toutefois, la conséquence de cette gabegie s’est manifestée immédiatement. Elle se traduit notamment par la fréquence des révoltes sociales. Des fois, elles s’expriment violemment. De son côté, le régime se recroqueville davantage sur soi. Résultat des courses : le pouvoir-Etat durcit la répression. Et pour consolider ses assises, il choisit des fonctionnaires administratifs parmi les plus dociles et les plus fidèles. D’où l’instauration d’une bureaucratie rigide constituant un véritable obstacle au développement.

Il parait aller de soi que de telles méthodes ne peuvent être le résultat de consultation entre la société et ses gouvernants. Dans les systèmes verrouillés, le régime en place va chercher autant que faire se peut à maintenir le peuple isolé de toute participation à la vie politique. Et dés lors que la dichotomie entre le pouvoir et la société est consommée, celui-là va légiférer dans le but de museler celle-ci. A partir de là, la vie politique nationale se limitera à l’éternel bras de fer entre le pouvoir et le peuple. Ce dernier, en tout cas, cherchera par tous les moyens à exprimer son mécontentement. Car s’il reste indéfiniment inoffensif, la société risque le chaos mortel, pour reprendre une idée de Hegel.

Cependant, pour le cas de l’Algérie, le silence de la société civile, ces dernières années, a provoqué des pourrissements tous azimuts. On peut citer entre autres la décadence du système éducatif, le quasi-monopole d’un groupe sur les richesses nationales et surtout la généralisation de la corruption. Bien qu’on ait assisté à l’ouverture de plusieurs dossiers inhérents à la corruption, il n’en reste pas moins que certains observateurs ont qualifié cette campagne de bataille entre clans au sein du sérail. Selon Ahmed Benbitour, « la campagne de la lutte contre la corruption n’est qu’un slogan créé par ceux qui ont persévéré pour ancrer ce fléau dans les différentes classes sociales. » (2)

Boubekeur Ait Benali, 27 juillet 2010, www.hoggar.org, Quotidien d'Algérie


Notes de renvoi :

1) CHALION Burhan, Le malaise Arabe, l’Etat contre la nation, p116
2) Oum Saad, « La campagne contre la corruption n’est qu’un slogan inventé par ceux qui ont propagé ce fléaux », El Khabar, 30 Mars, 1010.
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16 juillet 2009 4 16 /07 /juillet /2009 14:57

upm2.jpgLe lancement de l’union pour la Méditerranée (UPM), le 13 juillet 2008, ne s’est pas avéré à la hauteur des attentes placées en elle. Bien que l’objectif primordial, affiché notamment par N. Sarkozy, ait été de réaliser un rapprochement entre le Nord et le Sud, il n’en reste pas moins que le conflit au Proche-Orient a faussé le calcul de ses initiateurs. Pour la majeure  partie des pays de l’union, la paix en Palestine doit demeurer la préoccupation primordiale. Par ailleurs, la présence d’un Etat, comme Israël,  n’ayant de surcroit aucun scrupule représente indubitablement un frein à l’UPM. Et l’agression perpétuelle du peuple palestinien n’est pas de nature à apaiser les relations entre les membres de l’union. Par conséquent, quelques mois après sa création, le constat, que l’on pourrait faire, sur le fonctionnement de l’union est incontestablement celui de survie artificielle. D’ailleurs, exceptés les quelques contacts, réunion à Marseille des ministres des affaires étrangères et la conférence sur l’eau en Jordanie, l’UPM ne bénéficie guère de la crédibilité qu’elle avait au départ, bien que son démarrage ait déjà suscité des réticences de la part de certains membres. A la situation financière mondiale défavorable, le problème au proche Orient est l’un des freins à l’épanouissement de l’union.  Car,  depuis l’avènement de l’UPM, Israël n’a, à aucun moment, songé à desserrer l’étau sur les territoires palestiniens occupés. Toutes les initiatives de paix étaient vaines tant l’Etat hébreu était et est hermétique à la négociation et par ricochet à la paix. Du coup, la problématique se posant aux membres de l’union est la suivante : peut-on assister à l’annihilation d’un peuple tout en continuant à participer à des rencontres aux côtés de l’agresseur ? En tout cas, si des tergiversations sont aperçues chez les dirigeants, les peuples, quant à eux, ont choisi indéfectiblement le soutien au peuple palestinien. D’où la nécessité de parvenir à une solution de paix dans les délais respectables.

 

L’impératif de paix en Palestine doit précéder les autres projets

 

A défaut d’être à la hauteur des difficultés politiques se posant à l’UPM, le ministre des affaires étrangères égyptiennes a suggéré, le 20 mai 2009, de bâtir l’union des projets. Ainsi, huit mois après le génocide perpétré par Israël à Ghaza, certains dirigeants arabes sont-ils tout bonnement amnésiques? La réponse ne souffre d’aucune équivoque. Cependant, selon le même ministre, il s’agit de renforcer le tissu des relations entre les pays riverains de la Méditerranée, sans toutefois poser la moindre condition sur le devenir de la Palestine  meurtrie. Bien que le dirigeant politique s’en tienne parfois à la realpolitik, heureusement que les masses populaires sont là pour poser le problème en termes clairs et sans hypocrisie.  D’ailleurs, dés le 27 décembre, premier jour des raids israéliens, la rue a su imposer sa vision à sa diplomatie.  Dans le cas des dirigeants arabes, ces derniers ont choisi de s’aligner sur la position de leurs manifestants. En Europe, la rue a exprimé sa propension à la résolution du conflit en désignant l’agresseur, mais les exécutifs n’ont pas suivi les desiderata de la rue. Cette situation a conduit au blocage de l’UPM tant la perception de l’agression, entre le Nord et le Sud, était différente.  Le parti pris des exécutifs européens a été manifesté ouvertement et sans ambages. En visite en Israël, en juin 2008, Nicolas Sarkozy s’était montré intransigeant sur la sécurité de l’Etat hébreu. Si quelqu’un voulait nuire à Israël, avait-il dit, il trouverait la France sur sa route.  

Toutefois, au-delà de la coopération entre les deux rives, le but sous-jacent de certains pays européens aurait été de faire accepter, aux pays de la rive sud de la Méditerranée, la reconnaissance tacite d’Israël sans que celui-ci soit amené à faire la moindre concession sur ses visions expansionnistes. La caution de cette démarche, s’il y en avait une, serait de permettre à Israël de mener sa politique,  bâtie uniquement sur la répression, sans qu’il soit isolé diplomatiquement. Car, il faut le noter, l’Etat hébreu n’est pas prêt à faire des concessions, au moins sur trois points, citées par Mourad Benachenhou dans l’édition du quotidien d’Oran du 5 mars 2009. Il les a résumées comme suit :

- Refus de reconnaitre l’existence du peuple palestinien,

- Refus de renoncer à sa politique d’annihilation physique du peuple palestinien,

- Refus de toute paix négociée, quel qu’en soit le contenu ou la forme, avec les pays qui, jusqu’à présent, se sont abstenus de reconnaitre un Etat sans constitution, sans nationalité ni frontières définies.

Cependant, la déclaration du premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, après sa prise de fonction  ne tendait  pas à résoudre la crise devenant de plus en plus alambiquée. Récemment porté à la tête de l’Etat hébreu, il a d’emblée affiché sa haine incommensurable à l’égard du peuple palestinien. Il a préconisé, pour résoudre le problème palestinien, une solution à la sud-africaine au temps de l’apartheid. Cette solution consiste à créer un bantoustan sous l’égide israélienne. Ce qui s’inscrit peu ou prou dans la continuité de la politique israélienne, nonobstant les simulacres de votes en Israël qui assurent l’alternance au pouvoir. La constante,  dans la tête des dirigeants du régime hébreu, était et est de réduire la résistance palestinienne dans une situation d’indigence permanente,  avec des moyens spartiates et infinitésimaux.  Ainsi, au mépris de toutes les lois internationales, ces prédécesseurs ont pilonné la bande de Ghaza pendant trois semaines. En effet, depuis le 27 décembre, et pour une durée de 22 jours, Israël a commis des crimes contre l’humanité. L’innocente  population  de Ghaza a payé un lourd tribut. Résultat de cette furie : après trois semaines de pilonnage, le bilan était de 1300 morts dont 410 enfants et 108 femmes.  Les blessés, quant à eux, ont représenté une proportion hallucinante.  Prés de 5300 palestiniens étaient touchés.

Par ailleurs, après la tragédie, le ton utilisé pour condamner la boucherie israélienne à Ghaza était différent selon que l’on appartient à telle ou à telle rive. Toutefois, force est de constater que les exécutifs européens n’étaient pas sur la même longueur d’onde que les expressions émises dans leurs différentes capitales. La présidence de l’union européenne (UE) a défendu le régime sioniste sans tenir compte du droit des palestinien à vivre en sécurité dans leur pays.  Ainsi, lors de la succession de la Tchéquie à la France, pour présider l’UE, son président a qualifié, sans fard ni acrimonie, les opérations israéliennes d’acte de défense. Toutefois, le bémol est venu du parlement européen. Bien qu’il ne soit pas ferme dans la condamnation d’Israël, le parlement a estimé qu’il  fallait différer « le rehaussement des relations avec un Etat qui ne respecte pas le droit international et qui ne donne pas les signes sérieux de bonne volonté. » Il va sans dire que cette position n’est pas partagée par les gouvernements européens.

En guise de conclusion, il va de soi, qu’au sein de l’union, il ne pourrait y avoir une tentative d’extermination d’un peuple par un autre sans que cette tentative ne soit dénoncée et combattue. L’épée de Damoclès qui est suspendue sur les palestiniens doit cesser de les menacer grâce justement à la mobilisation des opposants à ce massacre. Pour ce faire, il faudrait exiger d’Israël d’agir en conformité avec la charte des nations unies. Hélas, huit mois plus tard, le constat dans la région est le même : Ghaza suffoque encore. En dépit du dernier appel des 56 prix Nobel, dont 10 Nobel de la paix, 202 députés européens et des personnalités connues, pour la levée du siège de Ghaza, Israël continue de faire de la bande  une prison à ciel ouvert. D’où la nécessité du retrait des membres soutenant la Palestine, si  une solution n’est pas envisagée.  

               Par Ait Benali Boubekeur. 13 juillet 2009, Le Quotidien d'Oran

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