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10 octobre 2014 5 10 /10 /octobre /2014 20:05
Hocine Ait Ahmed, un homme « à qui l'histoire donne toujours raison ».

Après l'échec du congrès de Tripoli, qui s’est tenu fin mai-début juin 1962, les dirigeants s'engagent, selon les affinités pour les uns et le rejet du coup de force pour les autres, dans un groupe. Deux hommes se distinguent alors par leur esprit de clairvoyance et de responsabilité, Saad Dahlab et Hocine Ait Ahmed. Si le premier se retire de la politique après avoir réalisé un magnifique travail lors des négociations avec la France, le second se retire des organismes dirigeants, mais il ne rend pas le tablier. Dans une interview télévisée, reprise par le journal Le Monde le 27 juillet 1962, Hocine Ait Ahmed exhorte les dirigeants de la révolution à faire preuve de responsabilité en mettant fin à la lutte fratricide pour le pouvoir. Car, bien que le peuple algérien soit exténué par les sept ans de guerre, d’après Hocine Ait Ahmed, la tendance générale penche plutôt pour le respect de la légalité. Et celle-ci ne peut être effective, selon lui, que lorsque les dirigeants se soumettent à la volonté populaire. « En définitive, la solution doit résider dans un recours au verdict du peuple. Provisoirement, le peuple s'est prononcé, et c'est lui qui a raison, pour le départ de tous les dirigeants », déclare-t-il le 25 juillet 1962.

Quoi qu'il en soit, à partir du moment où les dirigeants n'arrivent pas à s'entendre, aucun clan ne peut prétendre représenter, à lui tout seul, l’intérêt national. Et même s'ils sont unis, les dirigeants devront remettre les rênes du pouvoir au peuple. En 1954, il n'était nullement question de supplanter l'autorité coloniale par une autre. Au contraire, pour les allumeurs de la mèche, il s'agissait de rompre définitivement avec les méthodes qui allaient jusqu'à renier l’existence du peuple algérien. La privation des libertés est condamnable, et ce, qu'elle vienne des étrangers ou des nationaux. Cette course au pouvoir n’aurait pas dû avoir lieu, dans la mesure où le GPRA, l'instance légitime de la révolution, ne compte pas s'emparer du pouvoir après l'indépendance. Par conséquent, sans les appétits de pouvoir de l'EMG (état-major général), dirigé pour rappel par Boumediene, la mission du GPRA devrait se terminer après l'élection de l'Assemblée constituante.

À partir de là, le groupe majoritaire à l'Assemblée nationale formera son gouvernement. À la même occasion, le gouvernement provisoire procèdera, dans les meilleures conditions, à la passation de pouvoir. Or, en juin 1962, après l'échec du congrès de Tripoli, deux groupes sont en concurrence. Qui sont-ils ? Il s'agit du groupe de Tlemcen, regroupant les partisans de Ben Bella et de Boumediene, et du groupe de Tizi Ouzou, regroupant les partisans de Krim Belkacem et de Mohammed Boudiaf. Dans cette course, et dès lors que l'affrontement est envisagé, la victoire d'un groupe impliquera l'élimination de l'autre groupe. C'est justement à ce combat que Hocine Ait Ahmed ne veut pas s'associer. Pour lui, tout en restant fidèle aux objectifs de la révolution, il est hors de question de cautionner une démarche n'aboutissant pas à la restitution du pouvoir au peuple. La création du comité de liaison et de défense de la révolution (CLDR), le 27 juillet 1962, ne change pas grand-chose à la donne. Bien que les mauvaises langues reprochent plus tard à Hocine Ait Ahmed de ne pas les rejoindre, force est d'admettre que la durée de vie de ce comité est très courte pour pouvoir en juger. En plus, ce comité est né le même jour où Hocine Ait Ahmed annonce son retrait des organismes dirigeants de la révolution algérienne.

Pour revenir au CLDR, force est de reconnaitre que celui-ci est dissous par ces initiateurs après seulement cinq jours d’existence, suite à la conclusion d'un accord avec le groupe de Tlemcen. Aux termes de cet accord du 2 aout 1962, Mohamed Boudiaf intègre le bureau politique aux côtés de Mohamed Khider, Rabah Bitat, Mohamedi Said, Hadj Ben Alla. Malgré la bonne foi de Mohamed Boudiaf, le groupe de Tlemcen persévère dans sa logique. Isolé, Mohamed Boudiaf démissionne le 26 aout 1962. Désormais, seuls les deux hommes forts du moment, Ben Bella et Boumediene, sont aux commandes. Toutefois, bien que le coup de force permette à ces derniers de contrôler tout le pouvoir, il n’en reste pas moins qu’il règne tout de même un simulacre de légalité. Ainsi, en dépit de l’invalidation des candidatures de plusieurs dirigeants du GPRA à l’Assemblée constituante, la plupart des figures de proue du mouvement national sont élues. Hélas, malgré la concentration des pouvoirs, rien ne semble calmer les ardeurs du duo Ben Bella-Boumediene. Bien qu’il dispose de la majorité écrasante à l’Assemblée nationale, le pouvoir exécutif élabore le texte fondamental du pays en dehors de l’hémicycle. Ce coup de force est suivi illico par la démission de plusieurs députés, dont Hocine Ait Ahmed.

Cependant, parmi les initiatives visant à contrer le pouvoir exécutif, certains démissionnaires envisagent la chute du régime en recourant au combat armé. Ainsi, la création de l’union pour la défense de la révolution socialiste (UDRS) a pour but de prendre Alger par la force. Dirigée par Krim Belkacem et plusieurs anciens militants de la fédération de France du FLN, l’UDRS compte imposer le terrain des opérations, en l’occurrence Alger. Hélas, entre la théorie et la pratique, il y a des facteurs qui échappent au contrôle. Sans vouloir minimiser le prestige des initiateurs de ce projet, la disparité des moyens fait plutôt pencher la balance du côté du duo Ben Bella-Boumediene. Mis au courant par ce qui se trame, Hocine Ait Ahmed anime une conférence à Michelet le 10 juillet 1963. « Dans le but d’éviter des affrontements monstrueux, j’ai décidé de mener une lutte ouverte contre le régime socialo-mystificateur soutenu par des contre-révolutionnaires de tout poil. Cette opposition publique est aujourd’hui le seul moyen de désamorcer une situation rendue explosive par l’enlèvement du frère Boudiaf et de frères de combat, par l’incapacité de l’Assemblée nationale constituante à bloquer la totalitarisation du système », avertit-il.

De toute évidence, l’intervention de Hocine Ait Ahmed évite à la Kabylie le pire. D’ailleurs, sa crainte se vérifie dans peu de temps. Bien que son opposition au régime soit pacifique, le régime mobilise, quatre jours après la création du FFS, toutes ses forces en vue de réduire à néant ce mouvement. Et le moins que l’on puisse dire encore, c’est que le duo Ben Bella-Boumediene donne tort aux initiateurs de l’UDRS tablant sur le choix du lieu des opérations. Ainsi, au début d’octobre, l’ANP occupe toute la Kabylie. Dans la foulée, les initiateurs de l’UDRS, notamment Ali Yahia Abdenour, abandonnent le combat et rejoignent le régime. D’où le caractère injuste des attaques de ce dernier, il y a quelques jours dans la presse nationale, à l’encontre de maitre Bouchachi. Tout compte fait, bien que le FFS ait payé un lourd tribut pour avoir résisté aux attaques de l’armée dirigée par Boumediene, le bilan aurait été encore plus lourd si le projet de l’UDRS avait été mis en place.

En somme, il va de soi que les positions politiques d’un homme peuvent être critiquées. À ce titre, les choix Hocine Ait Ahmed sont critiquables. À la limite, on peut même ne pas croire aux idéaux qu’il défend. Mais, on ne peut pas douter de sa sincérité. Ainsi, durant les soixante-dix ans de militantisme, son action s’est inscrite et s’inscrit toujours dans l’intérêt national. « Il est impossible de citer en quelques lignes les hauts faits d’armes d’un homme pas comme les autres. Celui à qui l’histoire a toujours donné raison après des années de dénigrement et parfois d’attaques frontales qui s’apparenteraient à de la haute trahison », écrit un journaliste lui rendant hommage pour son action. Mais, à chaque fois que la vérité jaillit, le temps finit par lui donner raison.

Ait Benali Boubekeur

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30 septembre 2014 2 30 /09 /septembre /2014 19:57
Le 30 septembre 1998: une proposition de sortie de crise du FFS.

Comment peut-on juger la solidité d'un parti? La force d'un parti réside surtout dans sa promptitude à réagir aux événements. En effet, il y a quinze ans, suite à la démission du chef de l'État, Liamine Zeroual, la direction du FFS de l'époque lui adresse illico un mémorandum dans lequel les rédacteurs n'épargnent pas les intrigues du régime. Bien que le général Zeroual ait voulu faire de ce retrait un exercice démocratique [c'est pour permettre l'alternance au pouvoir, dit-il, qu'il écourte son mandat], les observateurs avisés savent qu’il n’en est rien. En tout cas, pour le FFS, celui qui a été installé au pouvoir, en 1994, par l'armée ne peut pas contrarier le système en restituant le pouvoir à son dépositaire, c'est-à-dire le peuple algérien.

De toute évidence, le FFS n'a pas attendu la démission du chef de l'État pour prendre les initiatives politiques. Depuis 1992, le FFS « n'a cessé de prévenir sur les dangers liés à la poursuite de l'option résolument sécuritaire qui fait l'impasse sur une solution politique, pacifique, démocratique et globale de la crise », lit-on dans le mémorandum du 30 septembre 1998. Or, jusque-là, au nom des intérêts occultes, le régime a toujours tourné le dos à aux solutions pacifiques. Et leur grenouillage politique a été couronné par une victoire à l’élection présidentielle du 15 novembre 1995 où le pouvoir algérien a rejeté définitivement les solutions négociées. Bien évidemment, « le FFS a dénoncé cet enchainement d’arbitraire, de déni, d’exclusion et de détournement de la volonté populaire », font-ils remarquer les rédacteurs du mémorandum.

Cependant, bien que les clans paraissent unis autour du noyau dur du régime, cette solidité ne se manifeste en fin de compte que pour saper les initiatives émanant de la société. Dans un article, coécrit par Dominique Lagarde et Baki Mina, publié le 17 septembre 1998, soit une semaine après le fameux discours de Zeroual, les deux journalistes écrivent : « Il y a quelques semaines, selon une bonne source, le général Lamari et le général Mohamed Mediene, le patron de la sécurité militaire, avaient même sommé le président Zeroual de limoger Betchine [son conseiller et ami]. Le chef de l’État jugeait, dit-on, ces pressions de plus en plus insupportables. » Dans le mémorandum déjà cité, les FFS met ces intrigue en exergue.

Mais, que faut-il faire ? Pour être à la hauteur des événements, le parti qui veut ouvrir sa bouche doit avoir dans ses rangs un homme d’une grande probité, à l’instar de Hocine Ait Ahmed. En fait, considérant que le peuple algérien est la première victime de ces règlements de compte, Hocine Ait Ahmed appelle tous les acteurs politiques à « assumer pleinement leur responsabilité devant l’histoire. » Dans le même temps, il demande « au président Zeroual d’ouvrir un dialogue franc et transparent avec toutes les forces politiques qui rejettent la violence et le terrorisme, à l’exception des groupes armés, pour réaliser le consensus politique et social le plus large possible autour d’une issue politique, pacifique et globale de la crise. »

En somme, après avoir exposé ce point de vue à Liamine Zeroual [il y aurait même eu, dit-on, une rencontre entre les deux hommes], où ce dernier s’est engagé à veiller personnellement au bon déroulement des élections anticipées d’avril 1999, Hocine Ait Ahmed décide de participer au scrutin. Toutefois, tout en se lançant dans la bataille électorale, il avertit qu’au premier dépassement, il n’hésitera pas à dénoncer le complot. Hélas, au fur et à mesure que la campagne électorale avance, le régime se sent en danger. Pour mettre encore une fois fin aux espoirs démocratiques, le régime favorise son candidat, Abdelaziz Bouteflika.

Enfin, contrairement aux élections de novembre 1995 où les lièvres ont joué leur rôle jusqu’au bout, en avril 1999, le régime est contrarié par l’autonomie des six candidats. Et s’il y a un enseignement à tirer de cette participation, c’est que le FFS n’hésite pas à venir au secours de l’Algérie en danger, mais il n’accepte pas qu’on l’utilise comme rampe de lancement. Pour s’affirmer ainsi, il n’y a pas beaucoup d’hommes politiques en Algérie qui soient capables d’être attentifs à la situation qui menace le pays et ne pas tolérer le moindre dépassement. Parmi ce groupe infinitésimal d’hommes politiques, Hocine Ait Ahmed occupe certainement la première place.

Ait Benali Boubekeur

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21 septembre 2014 7 21 /09 /septembre /2014 23:06
Y aurait-elle eu une crise politique si le GPRA avait parachevé sa mission ?

« Nous avons non seulement le devoir de les rappeler (les rêves, les valeurs et les principes qui ont conduit à la proclamation du GPRA) –afin que nul n’oublie, mais nous avons aussi le devoir de les confronter aux réalités d’aujourd’hui », extrait de la contribution de Hocine Ait Ahmed à l’occasion du cinquantième anniversaire de la création du GPRA.

De toute évidence, le devoir aujourd’hui est de soustraire le pays de l’influence de ceux qui l’ont pris en otage depuis 1962. En effet, le coup de force de l’été 1962 a transformé la victoire du peuple algérien sur le colonialisme en défaite. Et pour cause ! A peine le pays est libéré de la sujétion, voilà qu’un groupe de dirigeants, dont les têtes d’affiche sont Ben Bella et Boumediene, remet en cause tout bonnement le principe et le droit de vivre sans carcan. Du coup, à chaque célébration des dates historiques, les Algériens ne doivent pas occulter ces erreurs du passé. Bien qu’elle ne faille pas être injurieux envers ceux qui ont libéré le pays, il ne doit pas en être de même des responsables qui ont confisqué le pouvoir et privé ainsi le peuple algérien de sa victoire, une victoire acquise de surcroit au prix fort.

Toutefois, pour revenir au contexte historique, il faut rappeler que la formation du gouvernement provisoire ne fut pas une sinécure. En effet, la contestation des résolutions de la Soummam, par Ben Bella, Boudiaf et Khider, a créé dès 1956 un climat délétère au sein des instances de la révolution. A la prison de la santé, où les cinq chefs historiques croupissent depuis le rapt aérien, seul Ait Ahmed soutient ouvertement les résolutions de la Soummam. Constatant que le différend entre ses codétenus et les responsables du CCE –à-vrai-dire, la seule cible de Ben Bella était Abane –est un conflit de leadership, Hocine Ait Ahmed propose en février 1957 la formation d’un gouvernement provisoire en vue de dépasser cette crise.

Pour ces raisons, comme le rappelle si bien Hocine Ait Ahmed dans sa tribune, la création du GPRA constitue une double victoire. D’abord, une victoire sur le colonialisme et ensuite une victoire « sur nos propres limites ». Et le moins que l’on puisse dire, c’est le deuxième point –malgré une histoire officielle balayant toutes les rivalités entre les dirigeants –est le plus difficile à concrétiser. Heureusement, pour gérer ces difficultés, selon Abdelhamid Mehri, un des hommes crédibles de sa génération, la volonté des dirigeants de la révolution finit toujours par mettre en échec les comploteurs. « Le CCE, puis le GPRA, présidé par Ferhat Abbas, connurent des phases difficiles et des crises internes. L’attitude de Ferhat Abbas, en ces moment-là, a été toujours marquée par une volonté tenace de les résoudre, ou les atténuer, par le dialogue et la concertation », argue-t-il.

Quoi qu’il en soit, malgré toutes ces insuffisances, les instances légitimes de la révolution algérienne ont su mener le bateau Algérie à bon port. A la fin de la guerre, si l’armée des frontières ne l’avait pas déstabilisé, le GPRA aurait pu accomplir sa dernière mission : organiser la transmission de la souveraineté des instances provisoires vers les instances élues par le peuple algérien. Hélas, un groupe de dirigeants, emmené par le duo Ben Bella-Boumediene, décide de plonger l’Algérie dans une autre forme d’obscurantisme, la dictature. Et ce coup de force va malheureusement pourrir la vie politique algérienne.

Enfin, bien que l’Algérie d’aujourd’hui ne doive pas être confondue, selon Hocine Ait Ahmed, à l’Etat colonial, il n’en reste pas moins que cet héritage continue de peser lourdement. Dans ce domaine, seul le pouvoir politique, issu du coup d’Etat de l’été 1962, dont son dernier représentant est encore « président de la République », est entièrement responsable de la non concrétisation de l’Etat de droit. Et ce n’est pas parce que le cercle des clientélistes s’est élargi ces dernières années que le régime œuvre pour un Etat égalitaire et surtout pour un Etat juste tel qu’il a été rêvé par ceux qui ont pris les armes pour le libérer.

Ait Benali Boubekeur

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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 18:24
Le 56eme anniversaire de la création du GPRA

Il y a un cinquante-six ans, l’Algérie a formé son premier gouvernement. Bien qu’il soit provisoire, il n’en demeure pas moins que dans l’esprit des Algériens, à ce moment-là, cet événement représentait indubitablement l’acte fondateur de l’Etat algérien. Toutefois, la création du GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) n’est pas survenue ex nihilo. Il y avait, au début de la guerre, le Conseil de la révolution, composé des neuf chefs historiques. Le texte qu’ils ont diffusé le 1 novembre 1954 annonçait la création du FLN, un appel au peuple algérien pour se mobiliser et une plateforme de revendications destinée aux autorités coloniales. Pendant près de deux ans la révolution algérienne a été régie par ce texte fondateur du FLN. A partir du congrès de la Soummam, les congressistes ont créé un comité de coordination et d’exécution (CCE), restreint entre août 56-août 57 et élargi jusqu’en septembre 1958. Toutefois, si le GPRA a pris la suite à partir du vendredi 19 septembre 1958 à 13 heures, l’idée de constituer un gouvernement remonte au mois de février 1957, évoquée dans un rapport rédigé par Hocine Ait Ahmed aux membres du CCE. Comment l’idée a-t-elle germé et qu’ils étaient les moments forts ayant conduit à son aboutissement ?

En effet, la réflexion, en constituant des commissions de travail, a commencé dès le mois de septembre 1957. Selon Mohamed Harbi, quatre rapports ont été rédigés pour analyser la situation politique et militaire de la révolution et réfléchir sur la stratégie à adopter pour la réussite de la révolution. Le premier rapport émanait du colonel Ouamrane. Rédigé avec Mabrouk Belhocine, son conseiller, ce rapport contenait à la fois une analyse sans fard ni acrimonie de la situation militaire et également une série de propositions. Dans l’analyse, ils ont écrit : « Si notre insurrection a d’abord surpris la France, si notre dynamisme des premiers temps a ébranlé le dispositif politique et militaire adverse, le colonialisme a fini par se ressaisir dès qu’il nous a vus marquer le pas. » Quant aux propositions, ils les ont résumées comme suit :

1) La création d’un gouvernement,

2) Le rejet de toute exclusive contre les pays de l’est,

3) Etendre l’action armée à la France.

Les autres rapports complétaient d’une façon ou d’une autre le rapport d’Ouamrane. Ainsi, pour Ferhat Abbas, la condition de la réussite de la diplomatie algérienne devait passer inéluctablement par la consolidation des assises de la révolution, préalable à toute démarche diplomatique. Autrement dit, il fallait, selon F.Abbas, une cohésion de tous les organismes de la révolution pour constituer un bloc soudé et capable de mener à bien sa mission. Car cela ne servait à rien, pensait-il, d’accomplir des tournées dans les chancelleries si cette condition n’était pas remplie. Quant à Krim Belkacem et Lakhdar Ben Tobbal, les militaires du CCE, l’analyse était plus militaire que politique.

Néanmoins, un autre élément inattendu a été introduit dans l’équation à résoudre : le retour du général de Gaulle sur la scène politique. Bien qu’il soit porté à la tête de l’Etat français par un coup de force militaire, plusieurs observateurs, et non des moindres, voyaient en lui quelqu’un qui allait trouver une solution négociée au problème algérien, et ce, à court terme. L’histoire a montré que le général n’était pas disposé, dans les deux premières années de son retour aux responsabilités, ni à trouver une solution politique, ni à lésiner sur les moyens militaires en vue d’étouffer la révolution algérienne. Il faut tout de même rappeler que les pertes en vies humaines étaient plus importantes de 1958 à 1960, suite aux opérations Challe, que les autres années réunies.

Cependant, les dirigeants algériens, réunis en commission, ont rendu, le 6 septembre 1958, une réponse positive à la création d’un gouvernement provisoire. Pour ces derniers, cette naissance du gouvernement allait avoir au moins deux impacts. L’un sur le plan algérien : « A l’approche du référendum (sur la constitution de la cinquième république française), c’est un encouragement utile qui convaincra le peuple à faire échec à la politique d’intégration prônée par de Gaulle. », et l’autre sur le plan international : « nous nous trouverons dans une meilleure position qui acculerait peut-être l’ennemi à des actes d’humeur profitables internationalement à notre cause et le potentiel matériel et financier de la révolution se renforcerait. »

Par ailleurs, depuis l’avènement du GPRA, ses adversaires n’hésitaient pas à lui reprocher deux choses, présentées à l’époque comme opaques, et qui méritent ici d’être éclaircies. La première concerne l’abandon du préalable pour l’ouverture de toute négociation avec la France et la seconde a lien avec la non convocation du CNRA (Conseil National de la Révolution Algérienne) pour décider la fin de la mission du CCE et le début de celle du GPRA. Pour la deuxième nuance, il faut tout bonnement se référer à la résolution du CNRA du 27 août 1957 tenu au Caire, qui a délégué le pouvoir au comité de coordination et d’exécution, déjà élargi, de créer, si besoin se faisait sentir, un gouvernement révolutionnaire. D’ailleurs, Saad Dahlab, dans son livre la mission accomplie n’écrit-il pas : « Tout le CCE fut transformé en GPRA. Celui-ci était renforcé par deux éléments n’appartenant pas au CCE. Ben Khedda, qui revenait ainsi à la direction un an après son élimination du CCE et M’hamed Yazid qui était délégué du FLN à l’ONU. » Par contre, pour la première nuance l’explication se trouve dans la sémantique. En effet, en insistant sur le sens des mots, la frontière entre gouvernement et comité n’est pas du tout mince. Bien que le GPRA ne soit qu’un élargissement du CCE, le sens donné à chaque organisme peut prêter à une interprétation différente. L’explication d’André Mandouze, dans la révolution algérienne par les textes, est à ce titre significative : « il faut bien comprendre que, si un organisme révolutionnaire comme l’était le CCE pouvait, à bon droit, exiger une reconnaissance de l’indépendance algérienne avant d’entamer les négociations, il n’en est plus de même pour un gouvernement qui, par son existence même, consacre juridiquement celle de l’Etat qu’il représente. »

Cependant, après moult discussions entre membres du CCE, le 9 septembre 1958, le comité a décidé de créer le gouvernement provisoire, le GPRA. La veille de la proclamation officielle de la naissance du GPRA, soit le 18 septembre 1958, plusieurs délégations du FLN sont allées rencontrer les chefs de gouvernements de tous les pays arabes. Selon Yves Courrière : « A Tunis, c’est Krim Belkacem et Mahmoud Chérif qui rencontrèrent le président Bourguiba dans sa villa d’été. » En Egypte, la mission d’annoncer la création du GPRA a été confiée à Toufik El Madani. Le lendemain, vendredi 19 septembre 1958, le GPRA a pris officiellement ses fonctions. L’annonce de sa création a été faite simultanément à Tunis et au Caire. Quatre pays ont reconnu ipso facto le GPRA. Il s’agissait de la Tunisie, du Maroc, de la Syrie et du Liban. Vingt-quatre heures plus tard, c’était autour de l’Egypte de reconnaître le GPRA. Dans la foulée, l’Irak a suivi l’exemple égyptien. Désormais, chaque reconnaissance qui s’ajoutait à la liste était une victoire pour la diplomatie algérienne. Le dernier pays à reconnaître le GPRA était la France. « Mais le jour où le gouvernement français, écrit A.Mandouze, acceptera la discussion avec le GPRA, il reconnaîtra, par là même, l’existence de l’Etat algérien ».

Pour conclure, il va de soi que la guerre d’Algérie ne pouvait pas se terminer sur une victoire militaire, que ce soit du côté français ou du côté algérien. Car le maquis algérien avait des réserves importantes pour remplacer les combattants tués au champ d’honneur. Aussi, avec un effectif atteignant un demi-million de soldats, l’armée française ne pouvait pas être non plus anéantie. Il ne restait alors qu’un terrain où la victoire pouvait se décider : la diplomatie. Sur ce terrain, le GPRA avait une argumentation plus constructive en se battant pour la liberté et l’indépendance. Ainsi, l’Algérie avait réussi, en 1954, à poser le problème du statut de l’Algérie en portant les armes et à l’emporter, en 1962, grâce à la détermination de son peuple soutenant sans vergogne sa diplomatie incarnée par le GPRA.

Par Boubekeur Ait Benali

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13 septembre 2014 6 13 /09 /septembre /2014 08:49
Le statut de septembre 1947 : une réforme chimérique.

Après une pacification violente et un règne sans partage, l’Algérie est enfin dotée, en septembre 1947, d’un nouveau statut. Selon ses initiateurs, celui-ci permettrait d’introduire « des réformes importantes et annonce une nouvelle étape », entame Gilles Lapouge son texte dans « le Monde Diplomatique » d’avril-mai 2006. Intervenant deux ans après les sanglants événements de mai 1945, ce statut –et c’est le moins que l’on puisse dire –, de l’avis des nationalistes, est anachronique et surtout incapable de panser les blessures consécutives à la terrible répression dans l’est algérien. D’ailleurs, bien qu’il soit le plus libéral depuis l’occupation de l’Algérie, ce statut est combattu sans vergogne par tous les courants nationalistes, y compris les modérés –les amis de Ferhat Abbas et les Oulémas –, d’habitude si prompts à coopérer.

De toute évidence, au moment où la décolonisation devient un phénomène irréversible, il est tout à fait normal que les Algériens ne soient pas emballés par ce projet de loi. D’ailleurs, même s’ils le voulaient, le lobby colonial ne laisserait pas passer une telle réforme. Ainsi, malgré une contribution des « indigènes » aux efforts des deux guerres mondiales, les gardiens du temple colonial n’entendent pas desserrer la bride et encore moins accepter l’égalité avec « les citoyens de seconde zone ».

En effet, bien avant ce statut, lorsque Léon Blum, président du Conseil, a tenté d’assouplir certaines règles, le lobby colonial a réagi violemment. « En 1938, la fédération des maires et des adjoints spéciaux de l’Algérie adopta à l’unanimité une motion affirmant que les élus français du pays ne s’associeraient pas à une telle réforme si elle était adoptée », souligne Gilles Lapouge. De leur côté, les nationalistes ne se font pas beaucoup d’illusion. Ainsi, aux arguments fallacieux des colons selon lesquels le nouveau statut les livreraient poings liés aux autochtones, les nationalistes, toutes tendances confondues, estiment que celui-ci est désuet et surtout conçu pour pérenniser le système colonial.

Cela dit, bien que les partis nationalistes, présidés par Messali Hadj et Ferhat Abbas, condamnent la loi du 20 septembre 1947, ils décident tout de même de poursuivre leur combat dans le cadre de la nouvelle loi. Hélas, dans peu de temps, ces formations vont déchanter. En effet, lors des élections à l’Assemblée algérienne le 11 avril 1948, le nouveau gouverneur, Marcel Edmond Naegelen, procède à un trucage éhonté de ces élections. C’est ce que la mémoire collective gardera sous l’expression « les élections à la naegelenne » pour parler des fraudes électorales massives.

En tout cas, ce jour-là, la fraude est telle que même les sièges du second collège –une deuxième partie de l’Assemblée où les Algériens sont censés être représentés par des Algériens –sont attribués aux candidats de l’administration. Enfin, pour parvenir à ce résultat, les arrestations des candidats du PPA-MTLD (39 candidats ont été arrêtés la veille du scrutin), l’acheminement des urnes pleines dans les bureaux de vote et les intimidations tous azimuts vont faciliter la victoire. Du coup le seul intérêt de cette élection est de montrer aux nationalistes qu’il ne peut pas y avoir de réformes sous le joug colonial. Malheureusement, à l’indépendance, cette pratique ne disparaîtra pas. En 1997, le gouvernement dirigé par Ahmed Ouyahia n’a rien à envier à son mentor Naegelen en donnant une majorité au RND, un parti créé deux mois plus tôt.

Pour conclure, il va de soi que le système colonial est incapable d’évoluer. Car, le fait de vouloir desserrer la bride, cela veut simplement dire que ce système n’a pas de raison d’être. Or, pour récompenser les efforts des « indigènes », il arrive que les autorités coloniales lâchent un peu de lest. Mais, sur place, la première difficulté est de parvenir à les imposer aux différents lobbies colonialistes. Et c’est dans ce sens-là que le statut de 1947 n’avait aucune chance d’être appliqué.

Ait Benali Boubekeur

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30 août 2014 6 30 /08 /août /2014 09:05
Pour que nul n’oublie le boycott scolaire en Kabylie.

Il y a vingt-ans, les aventuriers politiques lancent le boycottage scolaire en Kabylie. Alors que le but de leur action est purement politique, le duo Ferhat-Sadi joue avec l’avenir des écoliers et sur celui de la culture berbère. En fait, le combat identitaire étant tout le temps un thème mobilisateur, les responsables du RCD, après avoir décrété la mort du MCB en novembre 1988, recréent en janvier 1994 le MCB-coordination nationale. Bien évidemment, en lançant le boycott scolaire, leur but sous-jacent ne consiste pas à œuvrer pour que Tamazight soit langue nationale et officielle. D’après eux, les enjeux sont ailleurs. D’ailleurs, pour d’autres raisons, mais qui ont un lien avec la crise politique du pays, le MCB-coordination nationale renoncera à cette revendication pour que son leader, Saïd Sadi, puisse participer à l’élection présidentielle du 15 novembre 1995.

Cependant, pour que l’on comprenne les raisons qui ont incité les initiateurs du boycott scolaire à mettre en péril l’avenir des écoliers, il faudrait analyser cette manœuvre à l’aune de la crise politique consécutive à l’arrêt brutal du processus démocratique de janvier 1992. Bien que la vie politique en Algérie se limite à son expression sécuritaire durant les deux premières années suivant le coup d’Etat, en 1994, cette orientation –et c’est le moins que l’on puisse dire – connait un certain fléchissement. Cela dit, le dialogue auquel appelle le pouvoir se limite à présenter la démarche des autorités. Or, malgré un contrôle des leviers de l’Etat, cette démarche de Liamine Zeroual inquiète à la fois les caciques du régime et une certaine opposition acquise à la culture du coup d’Etat. « Pour certains animateurs du mouvement culturel, l’agitation et le désordre qui résulteraient de ces événements n’auraient d’autre but que de faire échouer la solution politique recherchée par les négociations en cours entre le clan présidentiel –Zeroual Betchine –et les responsables du FIS », résume Alain Mahé, dans « histoire de la Grande Kabylie, XIXeme et XXeme siècles », la stratégie irresponsable des leaders du RCD.

Quoi qu’il en soit, faut-il s’étonner de cette attitude ? Depuis sa création, le parti de Saïd Sadi joue, comme le démontre Alain Mahé, la carte de la manipulation. « Les 9 et 10 février 1989, les assises qu’il faut bien appeler le MCB/RCD, se déroulent dans ce contexte. Mais le mouvement culturel berbère n’eut même pas le temps de se figer dans le sigle MCB que les initiateurs de ses assises prononçaient simultanément son oraison funèbre et sa résurrection sous forme d’un parti politique : le Rassemblement pour la Culture et la démocratie (RCD) », souligne l’anthropologue. Toutefois, après l’échec de la mise à mort du MCB, le RCD tente de se réapproprier à nouveau le sigle MCB. Selon Alain Mahé, « c’est lors d’une manifestation organisée le 17 janvier 1994, et à laquelle avait appelé une dizaine d’associations culturelles proches du RCD, que Ferhat Mehenni proclame la création du MCB-coordination nationale ». Ainsi, après avoir déclaré en 1989 « le MCB est mort, vive le RCD », voilà que l’auteur de cette sentence se déjuge cinq ans plus tard.

En tout état de cause, bien que le véritable MCB n’ait pas déserté le terrain pendant ce temps-là, le nouveau MCB se considère derechef le seul détenteur du combat culturel. C’est dans ce contexte, et sans aucune concertation avec les partenaires politiques et associatifs de la région, que le MCB-coordination nationale –autant dire carrément le RCD –appelle le 29 août 1994 au boycott de la rentrée scolaire et universitaire. Se trouvant devant la cruelle alternative, le MCB-commissions nationale suit le mouvement deux jours plus tard. Il faut avouer que certains pièges sont difficiles à contourner quand il s’agit notamment de défendre le patrimoine commun. En outre, bien qu’il ait une anguille sous roche, la nouvelle alliance des deux MCB est bien accueillie par la population. Quitte à sacrifier la scolarité des enfants, et pour peu que la mobilisation s’élargisse à d’autres secteurs, la Kabylie ne trouve aucun inconvénient à consentir des efforts.

Hélas, cette entente factice n’est que de courte durée. Sans vouloir revenir sur la bisbille entre le président du RCD et celui du MCB-coordination nationale –celle-ci s’est terminée par l’exclusion de Ferhat du RCD –, les deux chefs, chacun pour des raisons qui lui sont propres, cherchent à mettre un terme au boycott scolaire. Prenant tout le monde de vitesse –ce n’est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière fois que Ferhat se proclame « Rebb » de la Kabylie »–, le futur fondateur du MAK, un mouvement qui prône la scission de l’Algérie, entame des négociations avec le gouvernement Mokdad Sifi, le 22 mars 1995. Celles-ci sont sanctionnées par deux décisions majeures : la reprise des cours et la création d’un haut conseil à l’amazighité. Pour rectifier le tir, le MCB-commissions nationales appelle à une réunion de clarification le 4 avril 1995. Le MCB-coordination nationale accepte d’y participer à condition que Ferhat ne soit pas invité. Mais, au final, les dirigeants du RCD acceptent la présence de l’ancien président du MCB-coordination nationale.

Pour parer aux nouvelles fissures, les deux tendances du MCB optent alors pour une plateforme de revendication minimale et consensuelle. Désormais, seul le statut de langue nationale est exigé. « Toute négociation ne saurait se faire en dehors du cadre unitaire et transparent matérialisé par cette plateforme », écrivent les rédacteurs de la plateforme du 4 avril 1995. Hélas, pour les animateurs du MCB-coordination national, cet engagement n’est qu’une tactique. Du coup, le 22 avril 1995, lorsque le gouvernement Mokdad Sifi refuse toute concession, le MCB-coordination nationale se désolidarise du MCB-commissions nationales. « Ce refus du pouvoir a certainement été facilité par le renoncement de la coordination nationale de maintenir la revendication de statut de langue nationale pour le berbère lors des négociations, alors que cette revendication faisait partie de la plateforme revendicative cosignée quelques jours auparavant, le 4 avril. Ce renoncement apparait, de toute évidence, dicté par le souci de mettre fin au boycottage qui compromettrait la candidature de Saïd Sadi à l’élection présidentielle. De fait, le MCB-coordination nationale appela à soutenir la candidature du leader du RCD », note Alain Mahé.

Eprouvant une délectation à prendre sa revanche sur ceux qui l’ont attaqué le mois précédent, la riposte vient de l’ancien président du MCB-coordination nationale, Ferhat Mehenni. Dans une déclaration à la presse, il souligne que « la coordination nationale vient de s’approprier toute honte bue notre proposition de conseil national à l’amazighité et à la langue amazighe, qu’elle dénonçait violemment il y a encore quelques jours… il parait clairement que Saïd Sadi, tuteur politique de cette tendance, fait le jeu du pouvoir en tentant de détourner au profit du régime le fruit d’énormes sacrifices communs ». En effet, mis à part l’intitulé de l’organisme –conseil dans l’accord signé par Ferhat et commissariat dans celui signé par le MCB-coordination nationale –, il n’y a aucune différence entre les deux accords. Enfin, le 27 avril, le RCD et l’ex-PAGS –un parti connu pour son soutien critique ou franc au régime –appellent à la reprise des cours. Sur le terrain, seules manifestations de soutien à l’arrêt du boycott scolaire sont autorisées. Et c’est ainsi que se termine l’une des grandes manipulations politiques du siècle.

Pour conclure, il va de soi que l’appel au boycott scolaire ne s’inscrit pas dans une démarche visant à glorifier la culture berbère. Bien que les initiateurs de cette action, en l’occurrence Saïd Sadi et Ferhat Mehenni, soient connus pour leur engagement pour la cause, il n’en reste pas moins que depuis la création de leur parti, la revendication culturelle sert davantage leur démarche partisane. Mais, là où le bât blesse, c’est le fait qu’ils embarquent dans leur délire des innocents. Cela dit, si le premier s’est « retiré de la politique », le second ne lâche rien. Ainsi, tant qu’il est vivant, il exploitera la moindre faiblesse pour asseoir son emprise sur la Kabylie. En effet, vingt-ans après le boycott scolaire, et alors que les blessures ne sont pas encore cicatrisées, il s’autoproclame président de la Kabylie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce délire est encore de loin très grave que celui du boycottage scolaire.

Ait Benali Boubekeur

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25 août 2014 1 25 /08 /août /2014 10:58
Le 25 août 1958 : le FLN ouvre un second front en métropole.

A l’initiative de la fédération de France du FLN, et conformément aux instructions du CCE (comité de coordination et d’exécution), un organe exécutif issu du congrès de la Soummam, plusieurs attentats sont perpétrés en métropole, le 25 août 1958. Evidemment, ces actions ont pour but de fixer les troupes en France afin que le quadrillage des maquis en Algérie soit allégé. Depuis le retour du général de Gaulle au pouvoir en mai 1958, l’intensification de l’action militaire en Algérie est à son comble. N’ayant pas les coudées franches, le général va dans le sens souhaité par ceux qui ont réalisé son retour, à savoir les tenants de l’Algérie française. Ainsi, bien qu’il ait, dans la tête, un autre projet pour l’Algérie, pour l’heure, il doit jouer le jeu des ultras.

Cependant, si l’action en métropole avait permis d’alléger les souffrances des maquisards, pourquoi la fédération aurait-elle attendu quatre ans pour se lancer dans l’action ? Dans les premiers temps, c’est-à-dire en novembre 1954, force est de reconnaitre que la fédération de France du FLN a eu du mal à se structurer. Tout lui était hostile. Du MNA, un mouvement concurrent créé par Messali Hadj, aux harkis ramenés spécialement d’Algérie, écrit Ali Haroun, un ancien membre de la fédération de France du FLN, en passant par le dispositif sécuritaire et l’animosité des milieux acquis à l’Algérie française, tout est fait pour que le mouvement de libération reste au stade embryonnaire. Pour surpasser cette crise, le FLN s’appuie sur la conviction de ses militants. Ces derniers ont une foi inébranlable quant à la justesse de la cause qu’ils défendent. Dans le premier temps, ils mettent en déroute le mouvement rival, en l’occurrence le MNA. Dans le second temps, à partir de 1957, ils se consacrent à l’action.

Ainsi, après plusieurs décapitations de l’organisation en métropole, dues notamment aux dénonciations des messalistes, le CCE revoit le fonctionnement de la fédération. « Lorsque le comité de coordination et d’exécution (CCE), organe suprême du FLN, désigne en mai 1957 Omar Boudaoud responsable de la fédération de France, il l’investit de certaines missions, en particulier celle de créer, dès que les circonstances le permettraient, un climat d’insécurité en France. L’objectif était de contraindre le gouvernement à y maintenir le maximum de troupe », écrit Ali Haroun, dans un article intitulé « Le 25 août 1958 : une date tombée dans l’oubli ».

Du coup, en plus de la collecte de fonds –la fédération de France du FLN finance parfois jusqu’à 80% du budget de la révolution –, celle-ci se mobilise sur un autre terrain : créer un climat de guerre en France pour qu’il n’y ait pas l’envoi de troupe en Algérie. « En ce mois de juillet 1958, dans un village de la banlieue de Cologne, sur la rive droite du Rhin, l’auberge des Die Falken, abrite une réunion qui dure plus d’une semaine », témoigne l’ancien responsable de la fédération de France du FLN. En tout cas, après cette réunion, les responsables de la fédération se donnent un mois pour peaufiner leur plan d’action. Et pour qu’il n’y ait pas de fausse note, ils se réunissent le 22 août 1958, à Sceaux dans la banlieue parisienne, pour évaluer la préparation des quatre chefs de wilayas en métropole. « Tout est au point. Aucun imprévu n’a perturbé le planning établi à Cologne. On confirme : le 25 août 1958, zéro heure, et on se prépare. Le compte à rebours commence », note-t-il.

De toute évidence, le plan étant minutieusement préparé, les commandos de l’organisation spéciale sont prêts à passer à l’action. Ainsi, le 25 août 1958, quinze attentats sont commis dans tout le territoire français. De Marseille au Havre en passant par Toulouse, plusieurs dépôts de carburant sont incendiés. Comme au 1er novembre 1954, ce qui affole les autorités ce sont la simultanéité et la coordination de ces actions. Bien que la presse soit soumise à la censure quand il s’agit surtout des « événements d’Algérie », la mobilisation de toutes les rédactions rend le contrôle inopérable. Cela dit, même « si la presse souligne « les attentats manqués » contre les dépôts des sociétés Shell et British Petroleum à Saint Louis, elle informe sans le vouloir que le FLN dispose désormais de techniciens capables d’utiliser des engins sophistiqués et des bombes télécommandés », souligne-t-il.

Pour conclure, il va de soi que les attentats en métropole représentent une bouffée d’oxygène pour les combattants intérieurs, estime Ali Haroun. En fait, après cette vague d’attentats, le général de Gaulle est uniment contraint de maintenir les troupes en métropole afin de surveiller les points névralgiques de l’économie française. Mais, cette contrainte a aussi un prix. Dès le 27 août 1958, le gouvernement, dirigé par Michel Debré, passe à l’offensive. Il décide dans la foulée un couvre-feu à l’encontre des nord-africains. « En une semaine, 14000 contrôles sont effectués et provoquent 306 arrestations », conclut-il. Enfin, malgré ce lourd tribut, l’objectif assigné à l’action de la fédération de France du FLN est atteint dans la mesure où les troupes ne sont pas envoyées en renfort en Algérie.

Ait Benali Boubekeur

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20 août 2014 3 20 /08 /août /2014 07:43
Le congrès de la Soummam : un consensus fragile

Boubekeur Ait Benali, 20 août 2007

La guerre d’Algérie a été régie pendant plus vingt mois sur la base d’un seul document, en l’occurrence la déclaration du 1 novembre 1954. Et pourtant il ne s’agissait ni d’une omission ni d’une négligence de la part des initiateurs de la lutte armée. En effet, une réunion a été prévue pour début janvier 1955 afin qu’il soit fait le point sur l’avancement de la lutte. Mais, la terrible répression de l’armée française et l’absence sur le sol national du coordinateur des cinq régions, Mohamed Boudiaf, parti au Caire pour rejoindre la délégation extérieure, ont rendu la tenue de cette réunion délicate.

Par ailleurs, depuis la sortie de Abane de prison en janvier 1955 (arrêté, en 1950, en se rendant à Annaba pour remplacer Boulahrouf à la tête de la fédération du MTLD), celui-ci s’est attelé, en compagnie de Ben M’hidi, à doter la révolution algérienne d’une direction politique homogène. Ils ont commencé par contacter tous les responsables nationalistes susceptibles de renforcer le front. Pour ce faire, un congrès a été décidé en commun avec les chefs des zones. Dès le mois de mars, des émissaires étaient allés sonder les colonels de chacune des cinq zones. Le congrès, du coup, a été préalablement programmé pour le 30 juillet 1956 en zone deux (future Wilaya2), région des Bibans. Mais suite à un accrochage survenu le 22 juillet opposant la délégation algéroise avec une compagnie de l’armée française, les responsables du front ont dû changer le lieu de la conférence. Ceci a été aussi dicté par la perte du mulet qui a transporté la paperasse inhérente aux travaux du congrès. Selon Y Courrière, cette monture volée aux goumiers a regagné la caserne de Tazmalt. Lorsque la délégation venant d’Alger s’était aperçue que les français n’ignoraient pas la tenue imminente d’une conférence en zone deux, il a été aussitôt décidé de changer le lieu de la rencontre. Le choix s’est porté sur Ifri, au pied du Djurdjura, où la région était tenue par 1500 soldats de l’ALN.

Le 2 août, les délégués de la zone du Constantinois ont fait jonction avec leurs camarades de la zone trois, quatre et cinq. La zone cinq a été représentée par Ben M’hidi et au même temps superviseur avec Abane du texte de la plate-forme. La zone une ne pouvait pas malheureusement être présente après la mort de son chef charismatique Ben Boulaid, tué avec onze de ses cadres. Il aurait été piégé par les militaires français en abandonnant un poste prés de son PC.

Les responsables des cinq zones étant acquis à la cause, car c’étaient eux les premiers baroudeurs, il fallait désormais sceller l’alliance avec les autres partis – l’UDMA de Ferhat Abbas et les Oulémas avaient dissous leurs organisations quelques mois auparavant - prêts à accompagner le peuple dans sa lutte pour le recouvrement de son indépendance. Ainsi, la victoire politique des dirigeants du Front a été sans conteste l’unification des différentes tendances du mouvement national. Ce qui n’était pas anodin vu la difficulté à ce moment-là. Car, jusqu’au milieu de l’année 1955, certains partis pensaient encore que la solution à la crise algérienne pouvait être trouvée par des changements progressifs de la mentalité des colons. Selon M. Harbi : « C’est le truquage des élections cantonales d’avril 1955 qui tire Abbas de ses rêveries et le convainc, qu’incapable de faire accepter des changements par les Européens, le gouverneur Jacques Soustelle manipule les Algériens dans le but d’isoler le FLN ». L’autre tendance considérée nationaliste mais qui refusait de s’impliquer directement dans le conflit était l’association des Oulémas. Les positions de ses responsables n’engageaient pas, avant 1956, l’association qui se définissait comme apolitique. Selon M.Harbi : « la position des Oulémas a été la plus lente à se dessiner. Le 1 novembre, cheikh Bachir El Ibrahimi, sollicité par Ben Bella, au Caire, pour appeler les Algériens à se lancer dans la lutte armée refuse catégoriquement ». Quant aux autres tendances, jalouses de leur autonomie, elles ne voulaient pas sacrifier leurs partis pour l’intérêt national. Bien que certains communistes aient rejoint le front, notamment les Algériens, la position qui prédominait au sein du parti communiste algérien était la création d’un maquis à part : les combattants de la libération.

Désormais, le congrès pouvait commencer, ce dimanche 20 août 1956, avec toutes les forces vives de la nation, mais avec des absents de taille. Il s’agit bien entendu de la délégation extérieure. Bien que Abane ait affirmé, aux délégués, avoir envoyé des invitations aux frères se trouvant au Caire, le colonel Zighout aurait été sceptique quant à l’acceptation des résolutions qui seraient adoptées par les congressistes. Selon Y.Courrière, le chef constantinois expliquait sans détour que : « si l’extérieur n’est pas là, on contestera le congrès et notre réunion ne servira à rien ».

La nécessité impérieuse de doter la révolution d’une stratégie commune était une condition sine qua non pour la réussite de la révolution. Elle ne pouvait pas attendre, par conséquent, encore plus longtemps. Car l’armée qui se trouvait en face d’eux n’était pas n’importe laquelle. Il s’agissait de l’une des plus grandes armées au monde. Pour ce faire, il ne s’agissait pas simplement de réunir au sein du front les politiques, mais aussi d’unifier le commandement des forces armées sur le sol national. C’était l’objectif principal fixé par initiateurs du congrès. Avant même que le document ait été adopté, M.Harbi note à juste titre, que le maquis était homogène au seul échelon de la zone. Il écrit à ce propos : « il était possible d’avoir six politiques différents, six stratégies différentes et aussi six peuples différents comme il existait six wilayas différents ».

Sur le plan international, la France ne cessait pas de claironner, à chaque sortie médiatique de ses responsables, que les « événements d’Algérie » étaient le fait de quelques bandits ne représentant nullement la population. Le FLN a répondu, par l’organisation d’un grand événement politique au cœur du pays, que la révolution n’était pas le fait d'égarés de la société, mais un mouvement coordonné, ayant une direction politique et cherchant à recouvrer son indépendance. Le peuple algérien n’était pas disposé à rester assujetti indéfiniment à un autre peuple, aussi civilisé soit-il.

En revanche, sur le plan interne, le syndrome de l’infiltration a paralysé en partie l’activité politique. Le cloisonnement des cellules corroborait l’étanchéité de l’organisation, histoire de juguler tout mouchardage. Il y avait également la méfiance à l’égard des hommes politiques du passé (dirigeants politiques d'avant le 1 novembre 1954). En n’ayant pas su dépasser leurs querelles depuis la création du mouvement national, ces derniers ne jouissaient guère de la confiance des hommes forts du moment. Le FLN, selon M.Harbi, « se présente comme le dépassement des partis, de leurs conflits et leurs atermoiements et joue fortement du mythe de la rupture ». Ainsi les maquisards de la première heure ont réussi à contrôler les politiques ralliés grâce à leur mainmise sur l’appareil militaire, l’ALN. Et la présence de Ben Khedda et Dahleb au premier CCE (comité de coordination et d’exécution) et de Ferhat Abbas au second ne démentent pas le témoignage de Harbi. Au cours des débats à la Soummam, le colonel Ouamrane avait dit tout haut ce que les autres colonels pensaient tout bas. Il expliquait sa vision sans ambages en disant : « pas de vieux mouillés dans la politique. Pas de Abbas, de Ben Khedda et autres centralistes ». Il a fallu tout le talent de Ben M’hidi, d’après Y.Courrière, pour convaincre le colonel en invoquant la recherche par les français d’une troisième force. Il ajoutait alors : « A aucun moment, nous ne devons laisser se constituer une troisième force, une tendance qui pourrait négocier avec la France en dehors du FLN ».

Ainsi, dans le programme adopté le 5 septembre, deux principes essentiels ne faisaient pas l’unanimité des dirigeants. Il s’agit en premier lieu de la suprématie de l’intérieur sur l’extérieur. Ce principe, par ailleurs, allait de pair avec l’installation de la direction de la révolution à l’intérieur du pays. Il a été aussi décidé la co-direction de la révolution. A vrai dire, une concession faite à la délégation extérieure. Mais le principe qui pouvait être la colonne vertébrale de la république, qu’aucune bourrasque ne pouvait ébranler, était la primauté du politique sur le militaire. D’ailleurs pour Abane, l’action politique et militaire était un tout. Les combattants de l’intérieur devaient diriger la révolution mais céder le pas à la politique, selon ses propres mots.

Mais, à ce moment de la lutte, pouvait-on subodorer les colonels de vouloir accaparer, à eux seuls, le pouvoir ? Il est difficile de le dire car la contestation venait d’abord des civils assurant la représentation de la révolution à l’extérieur. Le premier à réagir était Ben Bella. Il rejetait la plate-forme dans le fond et dans la forme estimant que « à la base de la révolution existe un contrat entre neuf hommes ». A signaler au passage que Abane ne faisait pas partie de ce groupe. D’après M.Harbi, des chefs historiques se trouvant à extérieur, seul Ait Ahmed a soutenu ouvertement le congrès. Sa seule réserve concernait, ajoute-t-il, la nomination de L.Debaghine à la tête de la direction extérieure du front. Et ce soutien n’était pas passé sous silence. Selon Harbi, M.Boudiaf a signifié à Ait Ahmed que son soutien relevait de la solidarité régionale car Abane était de la même zone que lui.

Pour conclure, la recherche d’un modus vivendi à l’intérieur du pays pour ne pas mécontenter les colonels et la concession de co-direction accordée à la délégation extérieure avait affaibli considérablement la direction politique du front. Les deux principes chers à Abane et Ben M’hidi ont duré à peine une année. En effet, lors du CNRA (conseil national de la révolution algérienne) réuni au Caire, le 26 août 1957, les deux principes ont été réécrits. Ils ont donné ceci : La non différence entre l’intérieur et l’extérieur et la non distinction entre militaire et politique. C’était la ligne de conduite de la révolution algérienne jusqu’aux accords d’Evian. En définitive, comme par le passé, écrit Harbi, le FLN n’a pas d’existence propre en dehors de l’ALN. Les noyaux armés ont existé préalablement à toute organisation politique.

Ait Benali Boubekeur.

Sources : Mohamed Harbi : Le FLN, mirage et réalité, Yves Courrière : le temps des leopards.

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19 août 2014 2 19 /08 /août /2014 23:28
Le rassemblement national : l’étape décisive avant le congrès de la Soummam.

« Nous attirons l’attention des militants sur le point suivant : le FLN n’est pas la reconstitution du MTLD. Le FLN est le rassemblement de toutes les énergies saines du peuple algérien », tract du FLN rédigé par Abane Ramdane en juin 1955.

D’emblée, la tête pensante du FLN donne un sens à la nouvelle formation, créée six mois plus tôt. Pour lui, la victoire sur le colonialisme sera l’œuvre du peuple algérien. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette déclaration –bien qu’elle ne puisse être remise publiquement en cause par quiconque –lui vaut des inimitiés. Et pour cause ! Une certaine classe politique, dont le chef de fil n’est autre que Ben Bella, n’envisage le rassemblement qu’à la condition qu’elle détienne les rênes. Ce qui est évidemment antinomique avec l’objectif assigné à la révolution, à savoir la libération du peuple algérien de toute forme de sujétion.

Toutefois, est-ce que tous les dirigeants sont animés par le même sentiment ? Heureusement que ce n’est pas le cas. Sinon la révolution n’aurait même pas vu le jour. Cela dit, intervenant dans un climat de division, celle-ci a été déclenchée dans la précipitation. En effet, le fossé étant insurmontable entre les messalistes et centralistes, un groupe d’activistes passe alors à l’action directe. Mais, en déclenchant l’action au nom du peuple algérien, ce groupe, lié d’après Ben Bella par un contrat moral, peut-il être le seul dépositaire de la révolution ? Le mouvement étant populaire, chaque algérien devrait normalement prétendre aux responsabilités.

Quoi qu’il en soit, depuis l’arrivée d’Abane Ramdane au front, sa priorité est de créer un rassemblement de toutes les forces vives de la nation sous l’égide du FLN. Pour qu’il n’y ait aucun malentendu, il avertit clairement les modérés, dont l’UDMA de Ferhat Abbas et les Oulémas de Bachir El Ibrahimi. « Elle (l’administration coloniale) espère par l’intermédiaire des Abbas, Kiouane et autres Messali, arrêter l’action de l’Armée de libération nationale moyennant quelques réformes politiques. C’est là une erreur grossière. L’Armée de libération nationale ne reconnait à personne le droit de parler en son nom…Que ceux qui veulent aussi avoir cet honneur retroussent les manches et mettent la main à la pâte », annonce-t-il dans le même tract.

Par ailleurs, pour ramener tout ce beau monde au FLN, le Jean Moulin algérien ne lésine pas sur les efforts. Bien que la discussion avec les formations modérées doive se conclure par la dissolution de celles-ci et par l’adhésion de leurs éléments au front de façon individuelle, Abane Ramdane les traite avec respect. En réponse à une lettre de la délégation extérieure, rédigée par Mohamed Khider, où le rédacteur semble se méfier des formations modérées, Abane Ramdane rejette uniment ces mises en garde. Dans le troisième point critique du rapport politique, le fils d’Azouza répond ceci : « UDMA-Ouléma. C’est inexact. Ce ne sont pas des organisations disloquées, ils ont rallié le FLN en masse. Ferhat Abbas par ex. fait le travail d’un militant de base du front. Il collecte lui-même de l’argent au nom du front et le verse directement à un jeune militant du front. »

Dans ces conditions, il est normal que les nouveaux éléments, qui intègrent le FLN en risquant leur vie au même titre que les premiers baroudeurs, puissent prétendre aux responsabilités au sein du mouvement de libération. En tout cas, ce problème est posé par les dirigeants qui ne sont pas au cœur de l’action. En revanche, cette question ne se pose pas pour les dirigeants de l’intérieur. Pour eux, la priorité est de doter la révolution d’un programme politique clair et des institutions dignes des grandes révolutions.

Pour conclure, il va de soi que tous les dirigeants ne sont pas obsédés par le pouvoir. Cela dit, si certains, à l’instar d’Abane ou de Ben Mhidi, pensent que la révolution est le bien commun des Algériens, d’autres dirigeants, comme Ben Bella, se projettent déjà dans l’après-guerre. Hélas, la victoire de la ligne politique défendue par Abane-BenMhidi n’est que de courte durée. A l’indépendance, le pouvoir revient aux plus violents. Résultat des courses : le peuple algérien est dépossédé de son indépendance. Et le plus grave, c’est que cette situation dure encore, cinquante-deux ans après l’indépendance.

Ait Benali Boubekeur

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30 juillet 2014 3 30 /07 /juillet /2014 08:40
Histoire laconique de la création de la LADDH.

La création de la ligue des droits de l’homme en Algérie est indissociable de la dynamique connue sous l’expression «le printemps berbère ». En effet, après la répression des événements d’avril 1980 –le premier mouvement contestataire après la reprise brutale du pouvoir par Boumediene –, les animateurs du MCB s’engagent sur le terrain de la défense des droits de l’homme. D’ailleurs, ces deux combats sont inséparables.

De son côté, le régime, en guise de riposte, ne laisse par le terrain libre. En effet, à peine la colère est baissée d’un cran en Kabylie, le pouvoir s’emploie vigoureusement à déstabiliser le MCB. Pour ce faire, il s’appuie sur les services secrets, aidés par le PAGS, pour reprendre l’expression des auteurs « Françalgérie, crimes et mensonges d’Etat », « qui inaugure là une phase nouvelle de collaboration avec le régime pour contrer la mouvance démocratique et culturaliste naissante ».

Cependant, bien que la répression s’abatte, sans vergogne, sur les animateurs du MCB –ils sont quasiment tous militants du FFS –, ceux-ci n’abdiquent pas. La multiplication des foyers de contestation à l’échelle nationale, notamment à Sétif, Oran, Constantine, facilite la structuration de la ligue. Ainsi, pour défendre les militants qui se mettent en danger dans tout le territoire national, des animateurs du MCB, des avocats de renom et des scientifiques, à l’instar de Mahfoud Boucebci, fondent, le 30 juin 1985, la ligue algérienne des droits de l’homme.

Dans la foulée, la ligue est confrontée aussitôt à son premier baptême de feu. Le 5 juillet 1985, les enfants de chouhadas célèbrent la fête nationale en se démarquant de celle du régime. Résultat des courses : la répression tombe tel un couperet. « La police intervient et arrête tous les dirigeants de l’association présents sur les lieux. Pour avoir protesté contre ces arrestations, Me Ali Yahia est arrêté à son tour le 9 juillet, puis Me Mokrane Ait Larbi, son second le 21 août, puis le secrétaire général adjoint, le docteur Hachimi Nait Djoudi, le 16 septembre. Durant tout l’été, de nombreux autres militants sont incarcérés : Ferhat Mehenni, Saïd Sadi, Saïd Doumane, Lounis Ait Menguellet », écrivent Jean Baptiste Rivoire et Lounis Aggoun.

Cette fois-ci, et contrairement à la pression de rue en avril 1980, le régime ne cède pas, et ce, malgré une mobilisation citoyenne. Pour casser cet élan, le régime allie deux méthodes : la répression et la récupération. La première est symbolisée par les procès du mois de décembre 1985 et la seconde par le retournement de certains militants. Poussant la manipulation jusqu’à son comble, « des rumeurs circulent selon lesquelles un courant moderniste du régime, dont Larbi Belkheir serait le chef de file, est opposé au sort réservé aux militants emprisonnés », notent-ils. Du coup, les conditions de détentions varient selon la disponibilité ou non des emprisonnés à coopérer. Pour les deux auteurs, ceux qui refusent sont maintenus dans « des cachots humides » et ceux qui acceptent voient leur situation s’améliorer.

Cela dit, il se peut aussi que le régime offre une meilleure situation à quelqu’un pour le discréditer auprès de ses camarades. En tout cas, rompu aux méthodes de l’action psychologique, le régime algérien sait comment déstabiliser les organisations. Toutefois, les deux auteurs émettent des réserves sur le cas Saïd Sadi. Bien qu’il affirme avoir vécu un cauchemar en prison, les deux auteurs évoquent, au contraire, un traitement de faveur : « Mais six mois après son arrivée (prison de Lambès), on lui (Saïd Sadi) demande de s’établir à l’infirmerie où il y a des lits, du chauffage et même une petite télévision. Sa mission : aider aux consultations. Par solidarité avec ses camarades détenus, il refuse. Mais, en juin 1986, il est transféré à la prison d’El Harrach, où il peut achever de purger sa peine dans des conditions avantageuses, les autorités allant jusqu’à l’autoriser à finir la préparation de sa thèse de doctorat en psychiatrie sous la direction du professeur Mahfoud Boucebci. » Pour Ali Yahia Abdenour, la libération de Saïd Sadi, avant même de purger sa peine, a été facilitée par le ministre de l’Intérieur, El-Hadi Khediri. Aujourd’hui, il semblerait que le vieux militant nationaliste ait changé le fusil d’épaule. Peut-on, pour autant, sacrifier la vérité ? Malgré une forte personnalité, Ali Yahia est connu aussi pour ses revirements.

En somme, malgré tous les obstacles, le régime ne parvient pas à mettre en échec le mouvement pour la défense des droits de l’homme en Algérie. Bien qu’il réussisse à infiltrer toutes les organisations de masse, la création de la LADDH échappe à son contrôle. Cela dit, pour contrecarrer la ligue authentique, le régime en crée une autre. Celle-ci est confiée à Me Omar Menouer, regroupant « des personnalités liées au FLN et à l’extrême gauche ». D’emblée, cette fausse ligue reçoit toutes les aides et les facilités qui vont avec. « Quant à l’organisation fondée par Me Ali Yahia, elle ne sera officiellement reconnue (sous le nom de ligue algérienne de défense des droits de l’homme) que le 8 septembre 1989, avec l’ouverture politique. »

Ait Benali Boubekeur

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  • Il est du devoir de chaque citoyen de s’intéresser à ce qui se passe dans son pays. C'est ce que je fais modestement.
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