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18 janvier 2015 7 18 /01 /janvier /2015 00:40
Hocine Ait Ahmed : le parcours d’un militant hors pair.

La description de la langue carrière politique de Hocine Ait Ahmed –un vrai parcours de combattant, pour reprendre le titre de l’un de ses livres –ne peut pas se faire en quelques pages. En effet, son combat pour le recouvrement de l’indépendance nationale et puis pour l’instauration de la démocratie en Algérie nécessite un espace amplement plus grand. Du coup, cette brève présentation ne reprend que les faits majeurs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la conjoncture de l’époque, caractérisée par une domination féroce du système colonial, donne du fil à retordre aux jeunes de sa génération. Du coup, pour Hocine Ait Ahmed, la confrontation avec ce système commence très tôt. Haut de ses onze ans, il est confronté à la dure réalité de cette domination. Revenant de l’école de Tiferdout, lui et ses copains croisent l’administrateur de la commune mixte de l’ex Michelet. « Nous ignorons le degré de ses pouvoirs, mais nous savons qu’il exige d’être salué ostensiblement. Avec la désinvolture de l’enfonce, nous tournoyons autour de lui en enlevant et remettant note coiffure », raconte-t-il, dans son livre « l’esprit d’indépendance ». Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la sentence ne tarde pas à tomber. Le lendemain, les gardes de l’administrateur procèdent à l’arrestation des écoliers. Ces derniers sont restés « incarcérés » une journée pour avoir commis le sacrilège de se moquer du représentant de la colonisation.

Après ce baptême de feu, les épreuves s’enchainent. En 1939, il rejoint Alger –accueilli par son oncle, Ouzzine –en vue de poursuivre ses études. Toutefois, son combat politique remonte à l’année 1943. Malgré son jeune âge, il adhère au PPA (Parti du Peuple algérien). D’emblée, il condamne sévèrement le système colonial, un système reposant sur l’exploitation de l’homme par l’homme. Et c’est à ce moment crucial de l’avenir de l’Algérie que Hocine Ait Ahmed débute sa carrière politique. Cela correspond à peu près à la naissance du Manifeste du peuple algérien. Véritable catalyseur, ce mouvement rassemble la classe politique algérienne, dont les figures de proue sont Messali Hadj et Ferhat Abbas. En tout état de cause, pour les nationalistes, si les Algériens participent à l’effort de guerre, ils devront, à la fin de la seconde guerre mondiale, être récompensés, et ce, en vertu des engagements pris par les Alliés en 1941, à savoir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Hélas, les engagements des autorités coloniales sont uniment chimériques.

De leur côté, les nationalistes ne songent qu’à juguler la sujétion coloniale en radicalisant leur position. À partir de là, la carrière de Hocine Ait Ahmed connait une ascension fulgurante. Elle se manifeste notamment par ses premières responsabilités au sein du mouvement nationaliste. Ainsi, après les événements de mai 1945, il est chargé d’organiser les activistes en Kabylie en vue d’en découdre avec les autorités coloniales. Dès le 15 mai 1945, Ouali Bennai sollicite la section lycéenne de Ben Aknoun pour qu’elle fournisse les volontaires capables de mener le combat révolutionnaire. D’après Hocine Ait Ahmed, « le soir même, un taxi nous déposait tous les cinq (Ouali Bennai nous accompagnait) à Tizi Ouzou ; le véhicule appartenait à Mohamed Zekkal, un vieux militant du quartier Belcourt. » Les quatre autres sont : Laimeche Ali, Omar Oussedik, Hocine Ait Ahmed et Amar Ould Hamouda. Dans la foulée, la Kabylie est scindée en plusieurs régions. Il s’agit de Fort National (Larbaa Nath Irathen), Azazga, Dellys-Tigzirt et Michelet (Ain El Hammam), dirigées respectivement par Laimeche Ali, Bennai Ouali, Omar Oussedik et enfin Hocine Ait Ahmed et Amar Ould Hamouda. Bien qu’un contre ordre soit donné par la direction à la veille du passage à l’action armée, le 22 mai 1945, ce groupe a mentalement rompu avec la colonisation.

Cependant, bien que le système colonial parvienne à étouffer la contestation, les événements de mai 1945 marqueront à jamais le jeune militant, Hocine Ait Ahmed. Très vite, son sens de responsabilité le propulse aux hautes responsabilités au sein du principal parti nationaliste, le PPA-MTLD. Ainsi, bien que la création de la branche légale, le MTLD, soit décidée à l’initiative de Messali Hadj en novembre 1946, le congrès de février 1947 va créer deux autres branches du parti. L’une est clandestine, le PPA, l’autre est paramilitaire, l’OS. Pour créer les conditions du passage à l’action directe, le bureau politique, réuni le 13 novembre 1947, crée une commission composée de quatre personnes : le Dr Lamine Debaghine, Messaoud Boukadoum, Mohamed Belouizdad et Hocine Ait Ahmed. Grosso modo, il leur est demandé de formuler des propositions sur la structuration de l’OS. Dans la même réunion, il est également décidé le remplacement de Belouizdad par Ait Ahmed à la tête de l’OS. En effet, celui-là est souffrant d’une maladie grave, la tuberculose.

Dans la première phase de sa constitution, c’est-à-dire la période allant de novembre 1947 à décembre 1948, l’organisation spéciale se donne les moyens en vue de développer l’organisation. Selon Hocine Ait Ahmed, l’OS va élaborer des documents nécessaires à son fonctionnement. « Nous travaillons d’arrache-pied à la rédaction de la ‘brochure d’instruction militaire’, c’est-à-dire au manuel de formation de base des membres de l’OS », écrit-il dans ses mémoires. D’une façon générale, la mission de l’OS est de former les cadres capables de diriger l’action révolutionnaire. À ce titre, le manuel sert à faire comprendre au militant comment manier les armes, les explosifs et les combats individuels. Cependant, cette formation va s’accélérer à partir de la réunion du comité central élargi de Zeddine en décembre 1948. D’après Hocine Ait Ahmed, « dès décembre, après la première réunion au complet de notre équipe, le rythme est imprimé. Les chefs de zones s’emploient à constituer leurs effectifs en sélectionnant les militants les plus prometteurs ».

Hélas, la vie politique réserve parfois des événements imprévus. Bien que le rapport, présenté par Hocine Ait Ahmed, soit adopté à l’unanimité, le parti ne mettra pas en œuvre le projet. La crise de 1949 donne un coup de frein à la préparation de l’action armée. Le chef de l’OS, le fervent partisan de l’action, Hocine Ait Ahmed, est écarté de la direction. Dans la foulée, Ahmed Ben Bella le remplace à la tête de l’OS. Ce dernier ne reste pas longtemps à la tête de l’OS. En effet, en mars 1950, cette organisation paramilitaire est carrément démantelée. Avec cet échec cuisant, le mouvement national se retrouve derechef dans l’impasse. D’ailleurs, bien que la direction du parti n’attende que le moment propice pour écarter les activistes, la motion proposée par Ali Yahia Rachid lui en fournit un prétexte idéal. Absent au comité central élargi de Zeddine, ce dernier « ignore tout de nos options fondamentales, de nos buts. Mais justement, comment les atteindre si on décime l’encadrement en Kabylie », tente-t-il concilier la direction du PPA-MTLD avec le bastion révolutionnaire, la Kabylie. A-vrai-dire, la direction du PPA-MTLD saisit cette occasion pour régler ses comptes avec l’aile activiste du parti. Ainsi, en dépit de son discours radical, dans les faits, « Messali Hadj n’a jamais voulu, comme le dit si bien Mohamed Harbi, engager une épreuve de force contre le système colonial ». Du coup, pour avoir le contrôle sur le parti, il monte une aile du parti contre une autre afin de rester maitre du jeu.

De toute évidence, cette stratégie conduit droit dans le mur. La dissolution de l’OS et l’engagement du PPA-MTLD dans la voie réformiste reportent sine die le projet défendu par Hocine Ait Ahmed à Zeddine. Contraint de quitter l’Algérie en 1952, il rejoint Le Caire où il intègre la délégation extérieure du parti. À ce titre, il participe à la conférence de Rangoun, en Birmanie, en 1953. Les participants adoptent, à la fin des travaux de la conférence, la résolution consistant à lutter contre le colonialisme. En Algérie, la crise du parti, qui couve depuis longtemps, est portée à la connaissance du public. Contre le virage réformiste du parti, Messali Hadj, président du parti, demande les pleins pouvoirs. Sans le crier sous tous les toits, le comité central, conduit par Ben Youcef Ben Khedda, ne l’entend pas de cette oreille. Du coup, la scission du parti devient inéluctable. C’est en réunissant les activistes du parti que les fondateurs du FLN, dont fait partie Hocine Ait Ahmed, engagent le combat libérateur.

Chargé de représenter le FLN dans le monde, il participe en avril 1955, en tant représentant du jeune parti révolutionnaire, le FLN, à la conférence de Bandoeng, en Indonésie. Dans la foulée, il ouvre un bureau du FLN à New York. D’une façon générale, l’action de Hocine Ait Ahmed commence à porter ses fruits. Ainsi, au moment où d’autres complotent pour s’emparer du pouvoir le jour de la victoire, Hocine Ait Ahmed peaufine son plan visant à doter la révolution d’une grande diplomatie. Selon Matthew Connelly, auteur du livre « comment de Gaulle a perdu la guerre d’Algérie » : « Il [Ait Ahmed] avait compris que les nationalistes nord-africains, pas seulement les Algériens, mais aussi les Marocains et les Tunisiens, pouvaient utiliser l’allié américain de la France en agitant la menace de voir l’Afrique du Nord tomber dans les bras du communisme. Il défendait que la cause algérienne était un symbole de la lutte des nationalistes contre le colonialisme face à une France qui, en essayant de garder son empire, s’opposait à la grande vague de l’histoire ». Hélas, au moment où les efforts diplomatiques suscitent l’intérêt international pour la cause algérienne, un conflit entre l’organisation intérieure et la délégation extérieure du FLN voit le jour. En effet, hormis Hocine Ait Ahmed, la délégation extérieure s’oppose à la ligne soummamienne, défendue par Abane Ramdane. Et le détournement de l’avion transportant la délégation extérieure, de Rabat vers Tunis, le 22 octobre 1956, ne fait que reporter le conflit entre les dirigeants.

En 1962, la course pour le pouvoir revêt un cachet particulier. Chaque clan se défend et tente alors d’éliminer le groupe concurrent. Cela dit, à l’indépendance, Hocine Ait Ahmed soutient systématiquement le GPRA (gouvernement provisoire de la République algérienne) dans le bras de fer l’opposant à l’EMG (état-major général). D’ailleurs, dans les statuts de la révolution, celui-ci devrait obéir à celui-là. Il refuse du coup de siéger au bureau politique (BP) proposé par Ben Bella, et dont l’armée constitue le centre de gravité de la coalition. Avec la formation du groupe de Tlemcen et de celui de Tizi Ouzou, Ait Ahmed décide de sortir de ce jeu politique qui voit l’affrontement entre les deux factions. Reproduite par le journal le Monde du 29 juillet 1962, Hocine Ait Ahmed annonce le 27 juillet 1962 « sa démission de tous les organismes directeurs de la révolution ». Mais, ce retrait, contrairement à ce que colportent ses détracteurs, ne signifie nullement le retrait de la vie politique. D’ailleurs, son parcours et son engagement, en faveur de la démocratisation des institutions algériennes, démentent leurs allégations mensongères.

Pour conclure, il va de soi que Hocine Ait Ahmed possède une qualité que l’on rencontre rarement de nos jours, à savoir l’éveil politique précoce. Ainsi, après son adhésion au PPA clandestin à l’âge de 17 ans, il devient à l’âge de 21 ans un cadre du parti, devenu PPA-MTLD. À 22 ans, il expose au comité central élargi de Zeddine, en décembre 1948, un rapport sur la lutte armée. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce rapport sera, six ans plus tard, d’un grand apport aux allumeurs de la mèche. Hélas, à l’indépendance, les appétits pour le pouvoir s’aiguisent. Désormais, l’exercice des responsabilités se jauge à l’aune du rapport de force et non à celui du mérite. Dans ce cas, les hommes, comme Hocine Ait Ahmed, sont systématiquement écartés, et ce, au grand dam de l’Algérie.

Ait Benali Boubekeur

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16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 21:33
Le vingtième anniversaire de la rencontre de Sant Egidio.

Il y a vingt ans, à l’initiative du FFS, les principaux acteurs politiques de l’opposition se sont réunis, du 8 au 13 janvier 1995, à Rome. À la fin de la rencontre, ils ont élaboré un document consensuel, connu sous le nom « la plateforme de Sant Egidio », pouvant mettre fin à la crise politique consécutive, rappelons-nous, au coup d’État du 11 janvier 1992. Racontant plus tard cet épisode, Hocine Ait Ahmed dira : « J’ai rencontré d’abord Mehri. J’étais stupéfié du fait qu’il accepte un dialogue à l’étranger. » Dans la foulée, il contacte Anwar Haddam, réfugié aux USA. Bien que ce dernier veuille poser le problème en termes militaires, en invoquant notamment l’existence d’une armée liée au FIS, Hocine Ait Ahmed le refroidit en disant que la démarche en question vise à trouver la solution à la crise politique plombant le pays depuis trois ans.

Cependant, pour mieux cerner la genèse de la tragédie, il faudrait rappeler, ne serait-ce que de façon laconique, le contexte politique qui a généré la crise. En fait, après le départ du gouvernement réformateur, dirigé par Mouloud Hamorouche, le régime a repoussé les premières élections législatives libres de l’Algérie indépendante de six mois. Il semblerait que le rapprochement entre Hocine Ait Ahmed et les réformateurs du FLN, à leur tête le duo Mehri-Hamrouche, ait été à l’origine de ce coup de force. Cela dit, bien que le nouveau découpage électoral, ficelé par Sid Ahmed Ghezali, qui se définira plus tard comme « le harki du système », soit conçu pour favoriser les candidats du système –la multiplication des candidatures libres étaie cette thèse –, le 26 décembre 1991, les Algériens infligent une sévère défaite au régime.

Prévu pour le 16 janvier 1992 le second tour n’aura jamais lieu. Dans la foulée, l’armée dépose le chef de l’État, Chadli Benjedid. Elle crée ensuite un haut comité d’État (HCE) –son essence elle-même constitue un coup de force dans la mesure où l’organe qui le crée, en l’occurrence le haut conseil de sécurité (HCS) n’est qu’un organe consultatif –en vue de le supplanter. Sollicité pour en prendre la tête, Hocine Ait Ahmed décline poliment l’offre. Toutefois, concomitamment à ce refus, le président du FFS ne reste pas bras croisés. En fait, tout en condamnant le coup d’État, il s’adresse aux militants du FIS pour qu’ils ne recourent pas à la violence. Hélas, la frange la plus radicale du FIS –surtout celle qui n’a jamais œuvré pour la sauvegarde du processus démocratique –se lance dans l’aventure. Par ailleurs, d’essence violente, le régime algérien saisit la balle au bond en fermant la parenthèse démocratique. Il s’en suit alors en Algérie une période de violence où l’horreur devient le lot quotidien des Algériens.

Cependant, si pour le régime et ses acolytes la seule solution réside dans l’emploi sans vergogne de la violence, il n’en est pas de même des partisans de la solution politique. En tout cas, c’est dans ce contexte que la rencontre de Rome est organisée. Cette plateforme, pour les rédacteurs de la plateforme, n’est pas de nature à imposer quoi que ce soit. Au contraire, ils invitent les autorités algériennes à engager un débat sans exclusive sur les questions qui concernent l’avenir du pays. Leur seule préoccupation est de parvenir à réunir tous les acteurs politiques autour d’une même table. À ceux qui accusent le FFS de renier ses valeurs, la conférence actuelle sur le consensus national s’inscrit dans la même ligne politique du parti.

Pour revenir à la rencontre de Rome, les participants inscrivent les principes de non-violence comme une base sur laquelle doivent être bâties les institutions nationales. En effet, bien que la tentation de se pérenniser au pouvoir puisse attiser les convoitises, ils rejettent formellement l’emploi de la violence pour accéder au pouvoir ou pour s’y maintenir. En outre, dans le souci d’éloigner le spectre de la dictature, dont l’Algérie a payé depuis 1962 un lourd tribut, il est question de consacrer le principe de l’alternance au pouvoir. « Les instituions librement élues ne peuvent être remises en cause que par la volonté populaire », énoncent-ils dans le point 6 de la partie relative aux « valeurs et principes ».

De la même manière, les invités de la communauté de Sant Egidio n’omettent rien qui puisse déboucher sur la confiscation du pouvoir. S’inspirant des grandes démocraties occidentales, ils préconisent la séparation des pouvoirs. Pour eux, il faut qu’il y ait une indépendance entre le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Pour couronner le tout, les rédacteurs de la plateforme précisent également le rôle de l’armée. En effet, pour que l’Algérie soit apaisée, il faudrait que l’armée se limité « à se attributions constitutionnelles de sauvegarde de l’unité et de l’indivisibilité du territoire national ».

Hélas, pour discréditer cette démarche, le régime mobilise ses alliés éradicateurs et une presse obéissant facilement aux injonctions. D’emblée, le régime fixe la ligne pouvant se résumer comme suit : le rejet dans le fond et dans la forme de la plateforme de Sant Egidio. Or, en 1997, soit deux ans après la rencontre de Rome, le régime conclut un accord avec la branche militaire du parti islamiste. Comme quoi, le régime n’est pas contre la conclusion des accords avec les islamistes à condition qu’ils ne soient pas politiques. Dans une vidéo circulant sur internet, on distingue le numéro 2 du DRS de l’époque, Smain Lamari, en discussion avec Madani Mezrag, chef de l’AIS (armée islamique du salut).

Mais en traitant directement avec les hommes du maquis, est-ce que le retour au calme est revenu dans l’immédiat ? La réponse est non. Car, le conflit étant politique, sa résolution ne peut être que politique. Or, le régime rapporte le conflit à sa seule dimension militaire. Et si le régime algérien avait accepté ce cadre de travail, proposé par les rédacteurs de la plateforme de Sant Egidio, l’Algérie aurait gagné un temps précieux pour s’occuper des problèmes plus importants, à l’instar du chômage, la répartition équitable des richesses nationales, etc. Mais, est-ce vraiment l’objectif du régime inamovible ? Malgré une conjoncture financière favorable lors des quinze dernières années, force est de reconnaitre qu’à la moindre baisse des prix des hydrocarbures le problème de la stabilité de l’Algérie se pose automatiquement. C’est pour cette raison in fine qu’une rencontre regroupant tous les acteurs politiques nationaux est nécessaire pour débattre et suggérer la voie à suivre.

Ait Benali Boubekeur

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13 janvier 2015 2 13 /01 /janvier /2015 21:01
Bouteflika est-il le fossoyeur des acquis d’octobre 1988 ?

Le principal défaut de l’Algérie –comme dirait Arnaud Montebourg –, ce sont incontestablement ses dirigeants. Bien qu’elle soit à l’âge de maturité –cela fait 52 ans qu’elle est « indépendante » –, l’Algérie souffre toujours des mêmes maux qui la paralysent depuis des lustres, à l’instar de la corruption massive, la hogra, l’emprise du même clan sur les richesses nationales, etc.

Toutefois, est-ce que l’actuel chef de l’Etat est le seul responsable de la situation dans laquelle se trouve notre pays ? Pour quelqu’un qui ne veut pas noyer le poisson, l’échec ne peut pas être imputé à une seule personne. Faut-il rappeler d’ailleurs que le régime algérien est capable d’accueillir tout Algérien en son sein pour peu que ce dernier le serve et se démène pour sa pérennisation.

De façon générale, c’est ce système inique qui a été ébranlé le 5 octobre 1988, et ce, après un règne dictatorial sans partage durant 26 ans. Bien que les manœuvres du sérail aient précipité cette explosion, il n’en reste pas moins que la principale cause réside dans le fait que la société soit étouffée. En effet, l’absence de liberté d’expression, de liberté de manifester et de participer à la vie politique du pays sont autant d’éléments qui ont provoqué cette révolte.

D’ailleurs, c’est le point de vue des neuf personnalités nationales qui ont interpellé « le président » Chadli le 12 octobre 1988. « Elle (l’explosion) n’aurait cependant pas revêtu ce caractère anarchique et destructeur si les manifestants avaient réellement eu la possibilité de dire librement leur malaise et leurs opinions dans les formes pacifiques que toute législation de pays démocratique se doit de prévoir. Le mal est donc plus profond et plus lointain », écrivent les Bentoumi, les Belhocine et les autres.

Par ailleurs, bien qu’un simulacre d’ouverture soit obtenu au prix d’un lourd tribut –plus de 500 jeunes sont fauchés à la mitrailleuse –, le régime algérien n’a jamais au fond voulu d’un véritable changement en Algérie. Au contraire, avant même de concéder quelques réformettes, les caciques du régime pensaient déjà à la manière de les abroger ou du moins les noyer dans un faux processus démocratique.

En dépit du travail remarquable accompli par Mouloud Hamrouche entre 1989 et 1991, force est de reconnaitre que les vrais décideurs ont fini par l’éjecter du pouvoir un certain 4 juin 1991. En tout cas, leur stratégie machiavélique a abouti en janvier 1992 à la mise en sourdine du processus démocratique.

Toutefois, malgré une décennie noire ravageuse, une certaine opposition, emmenée par le duo Ait Ahmed-Mehri, s’est acquittée de sa mission. Et si celle-ci avait été écoutée en 1995, l’Algérie aurait pu s’en sortir. Mais, au lieu de privilégier une solution politique pouvant mettre l’Algérie à l’abri de tous les dangers, les décideurs ont opté pour le maintien vaille que vaille du système.

Pour couronner le tout, les décideurs font alors appel à Bouteflika en 1999. Sa mission est évidemment de perpétuer le système. Du coup, par sa longévité et son esprit revanchard, A. Bouteflika a une responsabilité colossale. Aidé par la conjoncture favorable, il a anéanti les velléités démocratiques. Nostalgique de la période Boumediene, il a tout fait pour ériger un système semblable. Quant aux personnes qui l’entourent, celles-ci ont un seul objectif : profiter des richesses nationales en acceptant d’accomplir n’importe quelle sale besogne.

Pour conclure, il va de soi que l’Algérie n’a jamais échappé au contrôle du clan qui a confisqué le pouvoir en 1962. Bien que des volontés existent en son sein pour que le pouvoir évolue –je pense aux réformateurs dans les années 1980 –, les partisans de la manière forte l’ont toujours emporté. A ce propos, les événements d’octobre 1988 constituent avant tout une lutte au sommet de l’Etat. Quant aux acquis, ils sont le fruit de la mobilisation spontanée de la jeunesse algérienne. Hélas, les concessions du régime ne sont que temporaires. Et s’il restait encore des petits espaces de liberté, l’arrivée de Bouteflika a fini par les achever.

Ait Benali Boubekeur

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26 décembre 2014 5 26 /12 /décembre /2014 22:18
Retour sur l’assassinat politique d’Abane Ramdane.

« Abane Ramdane est mort au champs d’honneur », titre d’El Moujahid dans son numéro du 24 au 29 mai 1958.

En fait, au-delà de l’acte abject, la version officielle de son assassinat est d’une pusillanimité incommensurable. Car, si le mobile des assassins tient la route, pourquoi travestissent-ils à ce point la réalité ? Cela dit, si la vérité est cachée pendant la guerre pour ne pas décourager les combattants sincères, pourquoi le mensonge devient-il la règle après le recouvrement de l’indépendance ? Le plus grave encore, c’est que 52 ans après l’indépendance, les adversaires de la ligne politique défendue par Abane Ramdane ne se pressent pas en vue de rétablir la vérité. Ont-ils peur de lever la chape de plomb pour que l’opinion apprenne que les conflits politiques se soldent par l’élimination physique des antagonistes ? Mais, le jour où la vérité éclatera, tout le monde saura que les divergences d’idées se terminaient de la sorte. On dira alors qu’Abane Ramdane a été assassiné par les siens pour avoir divergé avec ses « frères » d’armes sur la conduite de la guerre d’Algérie. Et encore, de quel projet ses adversaires peuvent-ils se prévaloir quand on sait que leur seule motivation reste le pouvoir. Ce qui n’est pas le cas d’Abane Ramdane.

De façon générale, pour que l’on puisse saisir le sens de l’engagement d’Abane Ramdane, il faudrait revenir au tout début de la révolution. En effet, au moment où le principal parti nationaliste, le PPA-MTLD, dont est issu Abane Ramdane, se déchirait, celui-ci purgeait encore sa peine de prison. Bien que les conditions de déclenchement de la guerre de libération soulèvent de réelles questions, à sa libération le 18 janvier 1955, Abane Ramdane ne tergiverse pas. Homme de conviction et de principe, il ne peut se dérober. Cela dit, avant de s’engager, il n’a pas hésité à émettre des critiques sur la précipitation et le manque de projet politique des allumeurs de la mèche. D’ailleurs, que signifie le contrat moral, un principe cher à Ben Bella, entre les chefs historiques, pourrait-on se demander par exemple ? Car, si le mouvement de libération est national, porté rappelons-le, par le front et l’armée de libération nationale, cela ne devra pas conduire à l’exclusion.

C’est donc sans complexe qu’Abane Ramdane –a-t-il quelque chose à prouver ? Son engagement antérieur et son incarcération pour cause d’activités indépendantistes sont autant de preuves irréfutables qui ont forgé sa personnalité –intègre les rangs du FLN. Un parti qui a amplement besoin d’un chef pour l’organiser. Et si Ben Bella avait pris ses responsabilités en rentrant au pays en 1955, il aurait découvert la réalité du terrain. En effet, bien que le parti révolutionnaire commence à avoir des bases élargies, le terrain est tout de même en jachère. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le travail attendant Abane Ramdane n’est pas une sinécure. Et pour cause ! Le départ de Mohamed Boudiaf, coordinateur national des zones, devenues wilayas après le congrès de la Soummam, à l’étranger, l’assassinat de Didouche Mourad, chef de la zone 2, en janvier 1955, l’arrestation de Rabah Bitat, chef de la zone 4, en mars 1955 sont autant de militants de valeur à supplanter. Mais, là où le FLN a besoin de renfort, c’est incontestablement sur le plan organisationnel. Et c’est là où l’apport d’Abane Ramdane se révèle d’une importance capitale.

Ainsi, à la propagande coloniale présentant le mouvement comme étant celui des égarés, Abane Ramdane élève le niveau en s’adressant au peuple algérien, le 1er avril 1955. Avec l’organisation du congrès de la Soummam, où deux principes fondamentaux ont été entérinés, à savoir la primauté du politique sur le militaire et la prééminence de l’Intérieur sur l’Extérieur, Abane Ramdane donne un vrai sens à l’action révolutionnaire enclenchée le 1er novembre 1954. Et qui plus est, il réalise le rassemblement de toutes les forces vives de la nation, à l’exception du MNA de Messali Lhadj et des communistes [jusqu’à nos jours, les communistes algériens ont toujours botté en touche], sous le patronage du FLN.

Hélas, au lieu de soutenir un homme d’une telle stature, ses « frères» d’armes, soucieux de leurs avenirs personnels, voient en lui un danger. Cette inquiétude est amplifiée par les déclarations de Ben Bella contre les résolutions de la Soummam. À partir de là, plusieurs chefs de renom commencent à changer le fusil d’épaule. Même la proposition de Hocine Ait Ahmed, en avril 1957, consistant à créer un gouvernement provisoire, et qui vise à réunir les partisans et les adversaires de la Soummam dans l’intérêt du pays, n’a pas l’effet escompté. Désormais, la confrontation entre les deux lignes politiques, l’une incarnée par Abane Ramdane et l’autre par Ahmed Ben Bella, est inéluctable. Qu’en est-il au juste quand on parle de ligne politique ? Quand Abane Ramdane songe à l’avenir du peuple algérien, Ben Bella pense à sa carrière. Et quand celui-là pense à mettre en place des institutions viables pour le bon fonctionnement du futur État, celui-ci se prépare à accaparer, le moment venu, le pouvoir en s’appuyant sur les forces armées.

Toutefois, dans cette épreuve, deux événements fragilisent Abane Ramdane. Le premier est inhérent à l’arrestation et puis à l’assassinat de son allié Larbi Ben Mhidi et le second est relatif au départ du CCE (comité de coordination et d’exécution) à l’Extérieur. Bien que le repli doive être provisoire selon Abane Ramdane, les autres membres ont une approche différente. Et comme cela ne suffit pas aux malheurs d’Abane Ramdane, il se met à dos les deux enfants terribles de la révolution algérienne, Abedelhafid Boussouf et Houari Boumediene, lors de son passage au Maroc en mars-avril 1957. Ce passage au Maroc va lui être fatal au moment où la crise atteindra les summums. Pour le moment, c’est-à-dire au printemps 1957, l’alliance des colonels contre Abane Ramdane prend forme. En accord avec la vision de Ben Bella, les colonels préparent les travaux du CNRA (conseil national de la révolution algérienne) en vue de défaire ce qui a été fait à la Soummam. En aout 1957, le CNRA entérine donc le plan des colonels. De chef tout puissant, Abane Ramdane se voit confier la gestion du journal El Moujahid. Il est également intégré dans un comité permanent où il siège avec les cinq colonels du nouveau CCE.

Dans ces conditions, deux choix s’offrent à lui. Ou bien il s’éloigne de la direction du mouvement ou bien il pousse les colonels dans leur dernier retranchement. Pour Abane Ramdane, le sacrifice pour la cause algérienne, c’est aussi empêcher la dérive du mouvement. « Vous ne pensez plus combat, mais pouvoir. Vous êtes devenus ces révolutionnaires de palace que nous critiquions quand on était à l’Intérieur. Quand on faisait vraiment la révolution. Moi j’en ai assez. Je vais regagner le maquis et à ces hommes que vous prétendez représenter, sur lesquels vous vous appuyez sans cesse pour faire régner votre dictature au nom des combattants, je raconterai ce qui se passe à Tunis et ailleurs », apostrophe-t-il les colonels lors de sa dernière réunion au sein du CCE.

Hélas, pour les colonels, Abane Ramdane devient trop dangereux. Pour qui ? Sans doute, pour leur avenir politique. D’où la décision de l’emprisonner au Maroc. Mais, dans le fond, les colonels souhaitent sa disparition pure et simple. Le fait de le confier au sanguinaire Boussouf, cela équivaut à sa condamnation à mort. Pour y parvenir, ils l’attirent dans un guet-apens au Maroc, le 27 décembre 1957, sous prétexte que la révolution a besoin de lui pour résoudre un problème avec les voisins marocains. Pour mieux décrire l’esprit de ses assassins, voilà ce qu’écrit Ferhat Abbas, dans « l’autopsie d’une guerre » : « les colonels se sont comportés comme les héritiers des Beni Hilal pour qui la légitimité se fonde sur la raison du plus fort. »

Mais, si les reproches des colonels sont réels, pourquoi n’assument-ils pas leur acte publiquement ? Aujourd’hui, on sait qu’aucun reproche, des Krim, Boussouf, Bentobal, Ouamrane et Cherif, ne tient la route. Et si tous les travaux étayent la thèse selon laquelle Abane Ramdane a été assassiné par ses « frères » d’armes pour avoir prôné une voie juste, pourquoi le mensonge continue-t-il d’entourer, dans l’Algérie indépendante, l’affaire Abane Ramdane ? Enfin, n’est-il pas temps que la version officielle soit réécrite pour que l’Algérie renoue avec le discours de vérité ? Pour cela, il faudra commencer par changer la plaque commémorative à son effigie à Larbaa Nath Irathen où cette histoire de « mort au combat » disparaisse à jamais. Ce jour-là, l’Algérie inaugurera une nouvelle phase où la vérité deviendra notre nouvelle devise. Une devise qui devra être extrapolée à tous les domaines.

Ait Benali Boubekeur

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15 décembre 2014 1 15 /12 /décembre /2014 17:51
Le 15 décembre 1989 : retour de Hocine Ait Ahmed au pays après 23 ans d’exil.

À la suite des événements d’octobre 1988, l’ouverture démocratique, survenue certes au forceps, voit enfin le jour. Bien que le FFS ait une longue expérience derrière lui, il n’en reste pas moins que cette nouvelle ère capitale dans la mesure où elle lui permet d’œuvrer pour l’instauration de la démocratie en Algérie, sans être accusé d’atteinte à la souveraineté de l’État. Car, pendant la période du parti unique, toute revendication visant à émanciper le peuple algérien de la dictature était assimilée à un complot. Résultat des courses : le FFS a payé un lourd tribut. L’assassinat d’Ali Mecili, compagnon de lutte de Hocine Ait Ahmed, le 7 avril 1987, par les services secrets algériens, s’inscrivait dans cette logique de châtiment des opposants. Mais, à chaque période, il faut adapter les moyens de lutte. Ainsi, à ceux qui lui prêtent une volonté de se venger, Hocine Ait Ahmed explique lors d’une conférence de presse à Paris, une semaine avant son retour en Algérie, que le FFS est un parti bâtisseur. « Je ne rentre pas à Alger le coteau entre les dents », répond-il. En un mot, cela veut dire que le FFS jouera amplement son rôle politique, mais il ne cédera pas sur les principes sur lesquels il s’est battu depuis sa création.

Quoi qu’il en soit, en dépit de la multiplication des coups d’estocades, le FFS a maintenu sa ligne politique. Cela dit, après 26 ans d’existence clandestine, le FFS peut enfin mener son action politique. Mettant son expérience au service de la cause démocratique, le FFS multiplie alors les initiatives. En outre, bénéficiant d’une aura particulière, les idées du FFS sont largement partagées. D’ailleurs, le retour au pays du leader du FFS, Hocine Ait Ahmed, le 15 décembre 1989, constitue un événement majeur. L’accueil qui lui est réservé est digne d’un chef d’État. En peu de temps, il parvient à susciter une large adhésion dans le pays. « Car, dans ses valises, Ait Ahmed emporte avant tout un projet politique et économique qu’il est impatient de communiquer aux Algériens. Pour que ces derniers retrouvent au plus vite leur dignité. Le maitre mot du combat du leader du FFS c’est avant tout la démocratie », écrit Philippe Dumartheray.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que son discours transparent suscite un engouement et déclenche une véritable dynamique. Le 31 mai 1990, dans une manifestation populaire, le FFS rassemble près d’un million de personnes à Alger. Même le FIS et le FLN n’ont pas fait mieux. Malheureusement, le gouvernement opte pour un calendrier électoral où les priorités sont uniment inversées. Alors que le FFS préconise l’élection de l’Assemblée constituante, le pouvoir convoque, pour le 12 juin 1990, le corps électoral pour la tenue des élections locales. Justifiant le refus du FFS de participer à cette échéance électorale, Hocine Ait Ahmed argue le choix du parti en affirmant au journal suisse « Le Matin »: « Du dehors, on le perçoit peut-être ainsi, de façon négative, à l’intérieur, le boycottage est perçu comme radicalisation nouvelle. C’est le refus d’élections fausses, accompagné de la revendication d’un socle constitutionnel nouveau par l’élection d’une Assemblée constituante. » Bien évidemment, le temps a donné raison au FFS puisque ces élections ont été conçues dans le but de se débarrasser des collectivités locales, dépourvues bien entendu de moyens.

Cependant, profitant du répit momentané qu’offre le calendrier après les élections locales, le FFS prépare sereinement ses assises. En fait, pour se doter des organismes dirigeants, le FFS déploie ses efforts, dès le début de l’année 1991, en vue de tenir son premier congrès national. Celui-ci a lieu du 13 au 16 mars 1991. Réclamant ouvertement la restitution du pouvoir au peuple, le FFS axe son travail pédagogique sur la nécessité de construire un État de droit. Dès 1991, les rédacteurs du rapport de synthèse des travaux du congrès mentionnent le risque de l’avortement du processus démocratique. « Les tentations totalitaires, les doctrines sécuritaires et les prétextes d’ordre public sont autant de tentatives vaines d’arrêter une évolution inéluctable », concluent-ils. Ainsi, au slogan du parti « pour une Algérie libre et prospère », le pouvoir occulte manigance déjà en vue de revenir sur les acquis d’octobre 1988. La destitution de l’équipe réformatrice et le report des élections législatives prévues en juin 1991 corroborent cette thèse. La suite se résume à une série de complots, d’exclusions et de coups de force.

En tout cas, bien que le régime se contente de reporter ces élections au mois de décembre, les ingrédients d’une descente aux enfers sont d’ores et déjà réunis. Malgré les efforts incommensurables de Hocine Ait Ahmed pour que le processus démocratique ne meure pas, les deux lignes politiques majoritaires, en l’occurrence les partisans de l’État intégriste et ceux de l’État policier –qui sont pour rappel alliés conjoncturels contre la démocratie –, provoquent la fermeture de la parenthèse démocratique en Algérie. Par la force des choses, ces derniers réduisent l’activité politique au simple soutien à l’une de ces deux tendances. C’est peine perdue, dans la mesure où le FFS garde son autonomie, et ce, grâce à la vigilance de Hocine Ait Ahmed. Quant aux autres formations politiques, dont certains de leurs engagements sont trahis aussitôt mis en avanct, elles continuent de naviguer entre ces deux lignes. En plus, elles se permettent de donner des leçons.

Ait Benali Boubekeur

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 18:01
La leçon de décembre 1960.

À l’approche du référendum du 8 janvier 1961, prévu par le général de Gaulle en métropole en vue d’évaluer l’adhésion des Français à sa politique algérienne, le chef de l’État français décide de se rendre en Algérie. Qui plus est, les deux communautés, la minorité française et le peuple algérien, sont directement concernées. En fait, entre des Algériens –la totalité ou peu s’en faut –qui se battent pour leurs droits fondamentaux et une minorité qui tente vaille que vaille de perpétuer le système de sujétion, le général de Gaulle a du pain sur la planche.

Mais, pour prendre le pouls et ne pas se contenter des rapports de l’administration coloniale acquise au maintien du statu quo, le général de Gaulle entame son périple algérien le 9 décembre à Ain Temouchent et l’achève le 13 décembre à Batna. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que contrairement aux Algériens qui lui signifient leur désaccord sur certains points, ses compatriotes, les Français d’Algérie, lui réservent –et c’est un euphémisme –un accueil désagréable.

De toute évidence, depuis son discours du 16 septembre 1959 où il évoque, pour la première fois, le droit du peuple algérien à l’autodétermination, le lobby colonial ne cache pas son hostilité, voire sa volonté de provoquer la chute de celui qu’il a aidé à retrouver le pouvoir en juin 1958. En tout cas, bien que le général de Gaulle ne se soit jamais rapproché de ces extrémistes, il a tout de même consacré les deux premières années de son retour au pouvoir à combattre sans vergogne l’organisation indépendantiste, le FLN et son bras armé, l’ALN.

Mais, vers la fin de l’année 1959, les rapports entre le général de Gaulle et le lobby colonial se dégradent. Le rappel du général Massu, en décembre 1959, donne lieu à des manifestations monstres à Alger, appelées « la semaine des barricades ». Enfin, l’appel du général de Gaulle au GPRA, le 14 juin 1960, pour l’ouverture des négociations à Melun et sa déclaration du 4 novembre 1960, selon laquelle l’Algérie algérienne existera un jour, créent un fossé insurmontable entre lui et le lobby colonial. Dans ces conditions, l’épreuve de force est uniment inéluctable.

Cependant, dans cette lutte franco-française sur l’avenir de l’Algérie, le peuple algérien ne veut pas rester à l’écart. Bien que les plaies de la bataille d’Alger soient encore béantes, des citoyens lambda –loin des querelles des chefs basés à l’Extérieur –s’invitent au débat. Dans la réalité, ces nombreux anonymes ont déjoué un piège des services psychologiques de l’armée française. Ces derniers voulaient montrer à l’opinion l’adhésion des Algériens à la politique gaullienne. Or, en 1960, malgré une évolution spectaculaire de la politique du général de Gaulle, plusieurs détails restent ambigus. C’est notamment le cas du statut du Sahara, la création d’une plateforme territoriale pour les Français d’Algérie, etc.

En tout cas, c’est dans ce contexte explosif que le général de Gaulle se rend en Algérie du 9 au 13 décembre 1960. Évitant soigneusement les grandes villes, en l’occurrence Alger et Oran, afin d’éviter de croiser le fer avec les ultras, il opte pour des villes moyennes, telles que Ain Temouchent, Tizi Ouzou, Bejaia, Batna, etc. Ainsi, bien qu’ils ne soient pas hostiles, comme le sont les pieds-noirs à son égard, les Algériens lui signifient qu’ils souhaitent l’indépendance de leur pays. Hélas, si dans ces petites villes les manifestations se terminent sans heurts, il n’en est pas de même des deux grandes villes, Alger et Oran.

En effet, le 11 décembre, dès 9 heures du matin, les Algérois battent le pavé. Ce scénario se répète dans l’ouest du pays. Et quand les militaires s’aperçoivent que le mouvement leur échappe, ils changent ipso facto de stratégie. Ainsi, en début d’après-midi, le général Crépin, le chef des armées en Algérie, donne l’ordre à son armée de tirer sur la foule si elle le juge nécessaire. Résultat des courses : Pour la seule journée du 11 décembre, 55 Algériens perdent la vie. Sur l’ensemble de la visite présidentielle, 112 y perdent la vie contre 5 pieds-noirs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est cher payé dans la mesure où ils ne sont pas les plus hostiles à la politique du général de Gaulle.

Pour conclure, il va de soi que le peuple algérien n’a pas besoin de tuteur. À chaque période décisive, il a su assumer ses responsabilités. En décembre 1960, au moment où les dirigeants se déchirent sur le contrôle du pouvoir, le peuple algérien joue pleinement son rôle en éclairant le général de Gaulle sur ses desiderata. Hélas, après l’indépendance, les différents responsables se succédant à la tête de l’État le relèguent à l’arrière-plan. Résultat des courses : la lutte pour le maintien au pouvoir immobilise gravement le pays. Et c’est dans ce sens justement qu’une autre leçon de décembre s’impose. C’est-à-dire, imposer un changement pacifique au régime.

Ait Benali Boubekeur

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22 novembre 2014 6 22 /11 /novembre /2014 13:03
Faut-il inventer un autre novembre 54 ?

Décidément, les célébrations des dates historiques se succèdent sans que les Algériens soient d’accords sur la façon de les fêter. En effet, entre un pouvoir qui en fait un fonds de commerce et des citoyens qui les rejettent parce qu’elles sont exploitées, le peuple algérien doit, tôt ou tard, se les approprier pour leur donner la place qu’elles méritent. Hélas, jusque-là, malgré le caractère capital de ces événements historiques, force est de reconnaitre que leur utilisation effrénée par le régime provoque des comportements ambivalents. Du coup, on peut dire qu’en Algérie les célébrations se déroulent à deux vitesses. D’un côté, on a un régime qui exploite sans vergogne ces dates historiques en vue de redorer son blason et d’un autre côté, une jeunesse qui estime que cette révolution a été trahie par la succession de coups de force depuis 1962.

Cependant, pour comprendre le désaccord entre le régime et la société algérienne, un rappel historique est requis. Contrairement à la version officielle, le 1er novembre ne représente pas le soulèvement concerté du peuple algérien contre le régime colonial. Bien que ce système inique ait contribué à décider les activistes en vue de se lancer dans l’action armée, la préparation du 1er novembre s’est déroulée en catimini. Issus du principal parti nationaliste, le PPA-MTLD (parti du peuple algérien –mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), ses militants se scindent en trois groupes : les centralistes [certains se sont intégrés dans le système colonial], les messalistes [ils agitent la lutte armée pour forcer les autorités coloniales à dialoguer] et les activistes [les fondateurs du FLN, les initiateurs de l’action armée]. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que malgré leur réputation de durs, ces derniers sont les moins connus.

Cela dit, bien qu’on puisse épiloguer autant que l’on veut sur l’action de ces hommes, on ne peut pas leur reprocher leur sacrifice et leur dévouement à la patrie. Ainsi, tant bien que mal, ils ont réussi à jeter les jalons du futur État algérien. Leur vision et leur but sont inscrits dans la proclamation de novembre 1954 et dans la plateforme de la Soummam d’aout 1956. Et s’il y avait des malintentionnés, qui voulaient faire de l’Algérie leur propriété privée, on ne pourrait pas incomber cela aux allumeurs de la mèche. En revanche, ceux qui ont rejoint le FLN historique dans le seul but de le détourner de sa mission ont la totale responsabilité dans la crise perdurant jusqu’à nos jours. En éliminant tous les inspirateurs de la révolution algérienne –hélas, certains membres fondateurs, à l’instar de Ben Bella, ont comploté avec eux –, les usurpateurs ont accaparé tous les leviers du pouvoir. Ainsi, de Boumediene à Bouteflika, l’Algérie est réduite à un bien que l’on partage entre bandes de copains. Malheureusement, écrit Hocine Malti, le 1er novembre 1954, « dans leurs pires cauchemars, ces martyrs [Abane, Didouche, Ben Bouali et les autres] n’avaient pas imaginé une seule seconde que, soixante ans plus tard, dans l’Algérie libre et indépendante, le peuple serait soumis à un régime semblable à celui dont il avait souffert durant la longue nuit coloniale ».

De toute évidence, bien que la comparaison soit trop osée, il n’en reste pas moins que les injustices sont réelles. Ainsi, dans un pays où en 15 ans l’Algérie a engrangé près de 900 milliards de dollars, 24% de la population, à en croire une étude de la LADDH, vivent en dessous du seuil de pauvreté. Que dire aussi de l’état de délabrement du système de santé. Est-il nécessaire de rappeler que 52 ans après le recouvrement de l’indépendance, et malgré une aisance financière, le chef de l’État se soigne à l’étranger. Enfin, pour résumer l’incurie des dirigeants algériens sur le plan économique, Hocine Malti rappelle que « l’Algérie ne produit rien et importe tout ce qu’elle consomme », et ce, malgré les dépenses publiques monumentales, écrit-il. Cette phrase résume, à elle seule, le bilan des régimes successifs depuis l’indépendance.

Pour conclure, il va de soi que la bonne foi des authentiques révolutionnaires n’a pas suffi à édifier un État de droit. Bien qu’ils aient réussi à renverser l’ordre colonial, ils ont négligé un facteur essentiel, à savoir l’éventualité de voir des Algériens remplacer le même ordre une fois l’indépendance acquise. D’ailleurs, existe-t-il une différence entre une injustice exercée par des nationaux ou par des étrangers ? Quoi que l’on puisse dire, l’injustice est condamnable d’où qu’elle émane. Enfin, si un peuple veut être libre, il faudra, dans un premier temps, qu’il arrache sa liberté et, dans un second temps, qu’il la défende. Et c’est à ce prix que l’Algérie redeviendra une patrie libre.

Ait Benali Boubekeur

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21 novembre 2014 5 21 /11 /novembre /2014 11:16
Proclamation du FFS du 29 septembre 1963

La résistance du peuple algérien au coup de force constitutionnel a acculé le régime à découvrir son véritable visage. Les tenants du pouvoir ont recouru aux méthodes coloniales de corruption et de menaces les plus basses et les plus odieuses afin de bâillonner et de truquer la volonté populaire.

Le masque est tombe. La légende du zaim, du militant suprême, du super khalife a crevé comme un ballon de baudruche.

Par son abstention, encore plus massive, le peuple algérien a dit, le 15 septembre, un NON net et vigoureux au despotisme oriental et à ses instruments néofascistes.

Les deux mascarades électorales ont clarifie la situation politique et fait apparaitre l’opposition d’un homme assoiffé de pouvoir aux traditions révolutionnaires et démocratiques de notre peuple ,d’une minorité d’usurpateurs à la majorité des citoyens ,d’un clan à la nation d’un groupe d’inconditionnels à l’ensembles des militants pour qui la construction du socialisme est inséparable du respect de la personne humaine, de la liberté et de l’adhésion consciente.

Le potentat règne. Il n’avait pas besoin de constitution pour régner, mais pour donner un semblant de l’égalité à son pouvoir, à effet de couvrir et d’accentuer la répression contre la résistance populaire et contre ses cadres.

Le potentat règne malgré le peuple et contre le peuple, et déjà en violation flagrante de la pseudo-constitution.

La torture sévit dans les locaux de la P.R.G de la gendarmerie et de la sécurité militaire .la pseudo-constitution rejoint les serments de carrefours, les promesses de coulisses et les innombrables engagements pris et trahis par Ben Bella. Militants !militantes !peuple algérien !

Le comité central du FFS s’est réuni pendant cinq jour, sans désemparer, afin d’examiner la situation engendrée par les coups de forces perpétrés contre la légitimité populaire, le 8et le 15 septembre, et pour dégager un programme de résistance aux complots du gouvernement contre la révolution et l’unité de notre peuple.

-considérant que l’immense désordre antirévolutionnaire, fait de gâchis financier, de favorisme effréné et de démagogie, aggrave la crise économique et rend de plus en plus aigüe la détresse des masses déshérites ;

-considérant que par contre, et fait édifiants, la pègre antisociale, né de la corruption et de pratique de basse police, entretenues par le système colonial ; constitue, malgré la révolution, une caste consacrée dans les institutions et les hautes charges de ce régime néo- fasciste ;

-considérant que le régime, pour ce consolidée et gagner des clientèles a sa vocation par le chantage et la terreur, a remplacé les militants par les membres de cette pègre, et les droits imprescriptibles du citoyen par le système fasciste de faveurs, d’impunité et de maffia policières ;

-considérant que ce régime néo- fasciste est la négation toute à la fois de la révolution, de l’unité nationale et de l’Etat souverain au service des citoyens et sous leur contrôle ;

-considérant que le deuxième gouvernement Ben Bella, par sa composition et ses structures, encore plus totalitaires, et par sa politique démagogique est un dispositif de guerre contre le peuple et ses meilleurs militants.

-considérant que la politique de répression qui s’est déjà manifestée par l’arrestation de centaine de militants, s’est aggravée au lendemain de l’escroquerie électorale ; par l’instauration d’un véritable climat de terreur et d’arbitraire ;

Le peuple algérien ne se laissera pas bâillonné ,la révolution est l’œuvre de ses sacrifices été sa vigilance révolutionnaire .les conquêtes socialistes sont les conquêtes des masses populaires qui exigeront le moment venu que l’autogestion ouvrière et paysanne notamment soit sanctionnée par la constitution et que l’exercice du pouvoir par le peuple soit considéré comme un acquis de la révolution, comme un fondement de notre première constitution et non pas mentionne comme un simple « objectif atteindre »

Toutes les valeurs toutes les élites saines, tous les citoyens et citoyennes réfléchis et sérieux, toutes les compétences dévouées rêne chaotique de la médiocrité, de de l’improvisation et de l’arbitraire.

Non ! À toutes les aventures d’où qu’elles puissent venir et d’abord à l’aventure qu’on nous propose. Oui ! À une idéologie d’avant-garde non octroyée aux militants !à une plate-forme constructive et a une constitution élaborée par la base ! À l’union de tout le peuple autour de ses élites révolutionnaires regroupées.

Considérant que par :

La désignation unilatérale d’une assemble nationale constituante à sa dévotion

Le sabotage et la mise au pas du mouvement syndical ouvrier étudiant et de toutes les organisations nationales

Le coup de force constitutionnel et le truquage électoral.

Le pouvoir a fermé la porte à toute possibilité dialogue

Le comité central du FFS déclare ce pouvoir illégal.

Il décide :

De mettre en œuvre tous les moyens dont il dispose, pour arrêt net ce processus de fascisation.

De mettre fin au pouvoir dictatorial et au régime personnel qui tente de s’imposer à notre pays, ordonne à ses militants d’engager, à partir de ce jour, le combat décisif, dans la discipline et le strict respect des directives

Alger, le 29 septembre 1963

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10 novembre 2014 1 10 /11 /novembre /2014 21:07
Les premiers pas en politique de Hocine Ait Ahmed.

La prise de conscience diffère d’un homme à un autre. C’est même naturel, pourrait-on dire. Hocine Ait Ahmed appartient indubitablement à cette catégorie dont l’éveil politique est précoce. En plus, il intervient à un moment clé dans la vie du principal parti nationaliste, le PPA (Parti du peuple algérien). De toute évidence, la défaite de la France, face à l’Allemagne nazie, a des répercussions en colonie. Bien que le système colonial ne se soit pas écroulé tel un château de cartes, la remise en cause de cette domination abjecte n’est pas remise en question. D’ailleurs, pour se restructurer, la France ne veut-elle pas s’appuyer sur ses territoires outre-mer ?

Quoi qu’il en soit, bien que le black out soit soigneusement orchestré par le système colonial, il n’en reste pas moins que, pour le colonisé, le mal, dissimulé ou affiché, vient de ce système abhorré. Haut de ses onze ans, Ait Ahmed est confronté à la dure réalité de cette domination. Revenant de l’école de Tiferdout, lui et ses copains croisent l’administrateur de la commune mixte de l’ex Michelet. « Nous ignorons le degré de ses pouvoirs, mais nous savons qu’il exige d’être salué ostensiblement. Avec la désinvolture de l’enfonce, nous tournoyons autour de lui en enlevant et remettant note coiffure », raconte-t-il. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la sentence ne tarde pas à tomber. Le lendemain, les gardes de l’administrateur procèdent à l’arrestation des écoliers. Ces derniers sont restés « incarcérés » une journée pour avoir commis le sacrilège de se moquer du représentant de la colonisation.

Cependant, en dépit des conditions alambiquées, Hocine Ait Ahmed, à l’âge de 13 ans, obtient son certificat d’études. Tout en suivant ses études à Alger, il s’informe de l’évolution du mouvement national. « Avant d’aller à Alger, je connaissais déjà l’existence du mouvement nationaliste de Messali Hadj, le parti du peuple algérien, grâce à mon oncle Ouzzine, étudiant dans la capitale », souligne-t-il dans ses mémoires. D’une façon générale, après le débarquement américain à Alger, le 8 novembre 1942, la France coloniale reprend confiance. Désormais, les autorités coloniales lorgnent du côté des indigènes en vue de libérer la métropole. D’un côté, comme le décrit Hocine Ait Ahmed, les catégories privilégiées « s’étaient rangées derrière le drapeau français dès 1939, et c’était également le cas de beaucoup d’hommes qui voulaient faire carrière dans l’armée. » De l’autre côté, bien que des Algériens aient songé, dès le début du conflit mondial, à une alliance avec l’Allemagne nazie, la majeure partie des nationalistes renvoie dos à dos et les nazis et les autorités coloniales.

Et c’est à ce moment crucial de l’avenir de l’Algérie que Hocine Ait Ahmed débute sa carrière politique. Cela correspond à peu près à la naissance du Manifeste du peuple algérien. Véritable catalyseur, ce mouvement rassemble la classe politique algérienne, dont les figures de proue sont Messali Hadj et Ferhat Abbas. Pour les nationalistes, l’effort de guerre des Algériens devra être récompensé en vertu des engagements pris par les Alliés en 1941, à savoir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Par ailleurs, après une période de militantisme à Alger, Hocine Ait Ahmed revient à Tizi Ouzou. En fait, durant l’année scolaire 1942-1943, le lycée de Ben Aknoun est fermé. En tout état de cause, le transfert de son lycée en Kabylie va permettre à Hocine Ait Ahmed d’activer auprès des gens qu’il connait bien. En outre, lui et ses camarades évoluent loin de la pression de la capitale. Sans perdre de temps, ils créent du coup une cellule estudiantine du PPA. « Et c’est en son sein que je rencontrai pour la première fois Ali Laimeche, qui deviendra un cadre politique de grande valeur, mais sera, hélas, emporté prématurément en 1946, à l’âge de 21 ans », note le chef historique de la révolution algérienne. Activant jusque-là dans la clandestinité, les militants du PPA saisissent cette opportunité pour mener leur combat sans être emprisonnés par les autorités coloniales. Pour corroborer cette thèse, Ait Ahmed raconte l’arrestation de Laimeche pour avoir distribué les tracts du mouvement pour le Manifeste. Emmené au commissariat, Laimeche assume son acte politique et le justifie par le fait qu’une copie a été envoyée au gouvernement français.

Dans ce climat marqué par la résurgence de l’activité politique, le bastion du mouvement national, la Kabylie en l’occurrence, s’engage dans la bataille. « Je pus le constater lors d’une conférence élargie convoquée par Sid Ali Halit, le délégué général de la direction du PPA pour toute la grande Kabylie… À cette conférence assistaient une cinquantaine de personnes, vieux militants de l’Etoile Nord Africaine et recrues de fraiche date, ayant adhéré à la faveur de l’ouverture semi-légale provoquée par le débarquement allié », précise-t-il.

À partir de là, la carrière de Hocine Ait Ahmed connait une ascension fulgurante. Malgré le transfert de leur classe à Miliana, pour l’année scolaire 1943-1944, Ait Ahmed et ses camarades maintiennent le cap. De retour derechef à Alger pour l’année scolaire 1944-1945, la cellule estudiantine abat un travail colossal. « C’est pour nous la plus belle période, celle de l’union sacrée de toutes les couches sociales autour de l’Association des Amis du Manifeste et de la liberté, sorte de front national qui s’est constitué en mars 1944 et qui réunit Ferhat Abbas, le PPA de Messali Hadj et les Oulémas », argue-t-il.

Tout compte fait, cette union sacrée est scellée lors du congrès de mars 1945. La section estudiantine de Ben Aknoun joue alors un rôle capital. Composée de Saïd Chibane, Sadek Hadjeres, Ait Ahmed, Ouali Bennai, pour ne citer que ceux-là, la section participe activement au congrès. Hélas, ce grand rassemblement est sabordé par la répression coloniale lors des événements de Sétif, Guelma et Kherrata. À partir de là, les modérés, notamment Ferhat Abbas et les Oulémas, rompent avec le parti de Messali. Enfin, bien que le mouvement national sorte amoindri par cette épreuve, le parti de Messali enregistre l’arrivée des jeunes talents, dont Hocine Ait Ahmed.

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17 octobre 2014 5 17 /10 /octobre /2014 17:25
De Tocqueville à Papon, la conception du système colonial a peu évolué.

En dépit des 120 ans qui séparent les deux époques, la politique coloniale a demeuré la même. En effet, de la période dite de pacification au dernier crime colonial, commis à la fin de la guerre d’Algérie, ne fait que confirmer la nature barbare de ce système. Selon Olivier Le Cour Grandmaison, ce dernier a peu évolué, et ce, bien qu’il soit contrarié par un mouvement anticolonialiste en France. En tout cas, dans le contexte de l’époque, la violence exercée par les partisans de la colonisation totale a érigé un mur entre les deux mondes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que quand la raison n’a pas de place, le dernier mot revient naturellement aux plus violents, surtout quand ceux-ci sont aidés par des intellectuels de renom, tel que Alexis de Tocqueville.

Cependant, pour mieux comprendre l’entreprise coloniale, Olivier Le Cour Grandmaison la décrypte, dans une analyse certes concise, sans fard ni acrimonie. Pour lui, Alexis de Tocqueville, connu notamment pour ses travaux sur l’Amérique, pose, dès 1841, les jalons d’une occupation sans concession. « J’ai souvent entendu en France des hommes que je respecte, mais que je n’approuve pas, trouver mauvais qu’on brulât les moissons, qu’on vidât les silos et enfin qu’on s’emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants. Ce sont là, suivant moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre », a justifié l’auteur de « la démocratie en Amérique » la violence coloniale dans l’un de ses discours en 1841.

Ainsi, en faisant fi de la souffrance des peuples autochtones, Alexis de Tocqueville soutenait l’idée que si ce n’était la France qui occupait ces territoires, ce serait une autre puissance. Du coup, tous les moyens sont bons pour s’emparer injustement de cette terre algérienne. Malgré les révoltes et les insurrections –hélas non coordonnées –, ces méthodes ont abouti à la « pacification du pays ». Mais, si ces violences sont commises au début de la colonisation, qu’on est-il des méthodes employées 120 ans plus tard ? Selon Olivier Le Cour Grandmaison, on peut passer de la première période à la seconde sans qu’on note une différence notable.

A tel point, estime-t-il, que « ce détour par Tocqueville, et les débuts de la colonisation, ne nous éloigne pas des massacres d’Algériens les 17 et 18 octobre 1961par des policiers aux ordres du préfet de police Maurice Papon. » Hélas, en l’absence des lois qui protègent les « indigènes », les victimes sont livrées à elles-mêmes. Pire encore, ce savoir-faire français, comme dira Michèle Alliot Marie cinquante ans plus tard, a été transmis aux dictateurs sud-américains dans les années 1970.

Quant à ceux qui dénoncent cette violence, y compris parmi les Français, ils sont tout bonnement montrés du doigt, voire combattus. Mais cela n’empêche pas les justes de dévoiler la face monstrueuse de la colonisation. Olivier Le Cour Grandmaison en cite particulièrement une historienne qui a fait un travail fabuleux. Il s’agit de Paulette Péju. « Parce qu’elle a donné la voix aux sans-voix, à ceux qui n’ont jamais été entendus parce que leur parole ne pouvait avoir droit de cité car ils étaient des terroristes d’abord, des Algériens ensuite, des immigrés enfin, Paulette Péju se dresse comme un témoin qui accuse en leur nom ; son réquisitoire est accablant pour la République et ses responsables », écrit-il dans le journal « Libération » du 21 décembre 2000. D’ailleurs, c’est grâce à l’apport de ces témoins et à la ténacité des victimes que la vérité a fini par éclater. Hélas, il aura fallu presque 40 ans pour que la guerre d’Algérie soit considérée comme telle. Enfin, en dépit de l’ouverture du débat en France après cette reconnaissance, le massacre des ouvriers algériens le 17 et 18 octobre n’est reconnu officiellement qu’en 2001 lors de l’inauguration de la plaque dédiée aux victimes à Paris.

Pour conclure, il va de soi que le système colonial représente le déni de la citoyenneté. Malgré une résistance continuelle du peuple algérien, le système colonial est resté comme à ses débuts. Mais, en demandant aux Algériens de participer aux efforts des deux guerres mondiales, les autorités métropolitaines ont pensé émanciper une certaine catégorie d’Algériens. Hélas, le lobby colonial sabordait automatiquement les éventuelles avancées. Dans ces conditions, il ne restait aux Algériens que la lutte armée pour acquérir leur droit à vivre sans carcan. Pour y parvenir, ils ont payé un lourd tribut, comme en octobre 1961 à Paris. Mais est-ce que le peuple algérien a recouvré entièrement sa liberté? Hélas, si l’Algérie est indépendante, les luttes politiques pour le pouvoir ont empêché le peuple algérien de s’épanouir.

Ait Benali Boubekeur

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