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2 mai 2015 6 02 /05 /mai /2015 09:44
La conférence de Bandoeng : en plus des indépendances, il y avait le rêve d’un Maghreb uni.

Juste après le déclenchement de la guerre d’Algérie, le volet diplomatique représente une part non négligeable de l’action révolutionnaire. En effet, compte tenu de la disparité des moyens militaires, il était chimérique de miser sur une victoire militaire sur le terrain. Ainsi, bien que ces efforts soient rayés de l’histoire officielle pour ne pas reconnaitre le rôle primordial de Hocine Ait Ahmed, la diplomatie algérienne a contribué grandement à la victoire sur le colonialisme. D’ailleurs, comment peut-il autrement quand on sait que vers la fin de la guerre, il restait à peine 5000 soldats de l’ALN sur tout le territoire national? Quant au reste des forces militaires, celles-ci sont cantonnées aux frontières par Houari Boumediene –le GPRA a même voté en 1960 une résolution pour le retour des forces combattantes en Algérie – pour peser sur la prise du pouvoir après l’indépendance.

Cependant, pour rester sur le rôle capital de la diplomatie algérienne, il va de soi que celle-ci va connaitre un essor exceptionnel après la conférence de Bandoeng, qui s’est tenue du 18 au 24 avril 1955. À cette conférence, c’est Hocine Ait Ahmed, secondé par M’hamed Yazid, qui représente l’Algérie au nom du FLN historique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que leur mission n’est pas une sinécure. Et pour cause ! En 1955, les grands dirigeants du Tiers Monde reconnaissent plutôt Messali Hadj comme le leader désigné de l’Algérie. Cela dit, malgré le climat hostile, Hocine Ait Ahmed –arrivé, en Indonésie, deux mois avant la conférence – parvient à hisser le FLN au rang de représentant du peuple algérien.

Toutefois, à cette conférence, trois pays (Algérie, Maroc et Tunisie) unissent leurs forces pour un même objectif : reconnaitre leur cause. Ainsi, bien que la situation des pays nord-africains diffère d’un pays à un autre, les représentants des trois pays font preuve d’une grande fraternité. « Il est prévu de présenter unitairement les problèmes de nos trois pays : un Marocain ou un Algérien répondront à une question portant sur la Tunisie, un Tunisien ou un Marocain attraperont au vol une question sur l’Algérie », écrit Hocine Ait Ahmed dans les colonnes de « Jeune Afrique », le 22 mai 1985.

En tout cas, en ce qui concerne l’Algérie, cette participation constitue une grande victoire, voire un exploit. Du coup, dans l’histoire du mouvement indépendantiste algérien, il existe sans doute un avant et un après conférence Bandoeng. « C’est un succès spectaculaire, commenté au sein de toutes les délégations. Zhou En Lai (premier ministre chinois) nous reçoit avec une chaleur particulière. Il saluera, dans son discours d’ouverture, la lutte héroïque des peuples algérien, marocain et tunisien », note le fondateur de la diplomatie algérien, Hocine Ait Ahmed. Hélas, à peine les indépendances sont acquises, les trois pays se regardent en chiens de faïence. Et pourtant, avec la constitution des blocs régionaux puissants, l’Afrique du Nord ne peut pas rester en marge. Mais, pour que les promesses de Bandoeng puissent se réaliser, il faudrait que les dirigeants de ces trois pays cessent d’exploiter les crises politiques en vue de se maintenir indéfiniment aux commandes.

En guise de conclusion, il va de soi que la rencontre de Bandoeng a une double portée. D’un côté, il y a le triomphe des causes des trois pays et, dans l’autre côté, l’ébauche d’une union maghrébine. Malheureusement, si les souverainetés sont plus au moins recouvrées, il n’en est pas de même du projet commun. En plus, avec le retrait de Hocine Ait Ahmed de la vie politique et la disparition d’Abdelhamid Mehri du côté algérien, ce projet ne trouve pas d’héritiers. Cette remarque est aussi valable pour les deux autres pays. Enfin, pour qu’il y ait une éventuelle relance de ce projet, il faudrait qu’il y ait des hommes qui reprennent les combats de Hocine Ait Ahmed, Allal El Fassi et Salah Ben Youcef, les trois représentants à la conférence de Bandoeng.

Ait Benali Boubekeur

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24 avril 2015 5 24 /04 /avril /2015 21:16
25 avril 1961 : retour sur l’échec du dernier coup d’État français.

« Un pouvoir insurrectionnel s’est établi en Algérie par un pronunciamiento militaire… Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d’officiers, partisans, ambitieux et fanatiques », discours du général de Gaulle, le 23 avril 1961.

De toute évidence, compte tenu de la gravité de la situation, la teneur du discours présidentiel est alarmiste. Et paradoxal que cela puisse paraitre, ce coup de force rappelle celui qui a été perpétré trois ans plus tôt par quasiment les mêmes auteurs. Cette fois-ci, leur but est de réaliser le coup d’État en sens inverse, c’est-à-dire en destituant le général de Gaulle, porté au pouvoir en juin 1958. Cela dit, s’il était plus facile de provoquer la chute de Pierre Pflimlin –l’armée disposait des pouvoirs spéciaux, votés par le gouvernement de Guy Mollet en mars 1956 –, il n’en est pas de même du plus prestigieux des dirigeants français, le général de Gaulle.

Quoi qu’il en soit, pour qu’il puisse mettre en échec un mouvement insurrectionnel d’une telle ampleur –en quelques heures, les putschistes deviennent maitres de la colonie –, le général de Gaulle adopte la stratégie suivante : « le général pulvérise le fondement de leur programme en reprenant pour son compte la défense de la grandeur de la France qu’ils lui reprochent de menacer », écrit Olivier Dard, dans « voyage au cœur de l’OAS ». Ainsi, bien qu’il ait mis tous les moyens en œuvre pour venir à bout de la révolution algérienne entre 1958 et 1960, dans son esprit –un jeu probablement caché pour ne pas provoquer le courroux des ultras –, la solution devrait passer, selon le général de Gaulle, par la décolonisation des territoires occupés. Pour y parvenir, en revanche, il doit composer avec les ultras, les opposants à toute évolution du statut de l’Algérie.

En tout cas, tout commence au lendemain du discours présidentiel, le 16 septembre 1959, sur le droit des Algériens à l’autodétermination. Machinalement, les ultras rejettent cette politique dans le fond et dans la forme, comme diraient les éradicateurs algériens trente ans après l’indépendance. Ce sont évidemment les militaires qui montent les premiers au créneau. « À la question de savoir si de Gaulle a une « vision claire de cet avenir », Massu [le général qui a conduit la bataille d’Alger et qui a président le comité de salut public en mai 1958] répond : je ne sais pas. Et s’il en a une, ce n’est surement pas la nôtre », écrit Olivier Dard. À partir de là, les hostilités sont uniment lancées.

Évidemment, dans ce bras de fer, la politique du général de Gaulle suscite beaucoup d’adhésion, car elle se fait en s’appuyant sur le peuple français. « Un référendum sur l’Algérie fut soumis au suffrage populaire, le 8 janvier 1961, afin de faire ratifier par les Français la politique d’autodétermination », écrit Michel Winock, l’auteur de « l’agonie de la IVème République ». Dans le même temps, il est inutile de rappeler que celle des putschistes est diamétralement opposée à celle du général de Gaulle. Car, bien qu’ils se disent républicains, ces derniers ne reconnaissent ni le vote majoritaire des Français (75% pour la politique prônée par le général de Gaulle), ni le droit du peuple algérien à vivre sans carcan.

Du coup, bien que la crainte soit réelle, grâce à la fermeté du général de Gaulle, cette ultime tentative de coup d’État se termine sur un échec cuisant. C’est tant mieux pour la France. Car, « ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire expéditif et limité. Mais, ils ne soient et ne comprennent la nation et le monde que déformés à travers leur frénésie », déclare-t-il le 23 avril 1961. Deux jours plus tard, le général Challe, l’un des cerveaux du putsch, se rend. En tout, leur entreprise n’a duré que trois jours. Ce cas mérite d’être médité dans le monde, car il est très dangereux de confier les affaires du pays à des aventuriers. Enfin, cette victoire sur les putschistes ouvre la voie à la résolution du conflit algérien. Hélas, malgré la fin du conflit avec la France, l’Algérie ne retrouve jamais la paix, et ce, à cause de l’accaparement du pouvoir par le clan régnant jusqu’à nos jours.

Ait Benali Boubekeur

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28 mars 2015 6 28 /03 /mars /2015 13:13
Voilà comment Abane Ramdane a « recréé » le FLN.

Il y a 6O ans, la nomination d’Abane Ramdane, comme responsable politique du FLN à Alger, a suscité et suscite jusqu’à nos jours des réactions ambivalentes. Si la majorité salue l’engagement de l’homme dans un contexte alambiqué, il n’en est pas de même de ses adversaires n’hésitant pas à évoquer, toute honte bue, un parachutage. Mais, qu’en est-il au juste ? Le fait de s’engager dans une ville quadrillée par les paras est-il une partie du plaisir ? Pourquoi n’a-t-il pas choisi l’Extérieur, comment ils l’ont fait ses détracteurs ? C’est en gros à ces questions que ses adversaires ne répondent pas. Et ce qu’ils ignorent, à juste titre, c’est qu’au moment où Abane Ramdane intègre le mouvement révolutionnaire, toute l’organisation, dans l’Algérois notamment, est à recréer.

En effet, bien que la préparation de l’insurrection se soit déroulée à Alger, au moment du passage à l’acte, les défections se sont multipliées à foison. Ce qui contraint d’ailleurs le chef historique Rabah Bitat, chef de l’Algérois, à solliciter le renfort des combattants de la Kabylie en vue d’exécuter son plan d’action. Mais, une fois l’effet de surprise est passé, Alger est soumise à un quadrillage –peut-être bien plus accentué que les autres régions du pays –militaire impressionnant. Du coup, au lendemain du 1er novembre, les services de sécurité procèdent à des arrestations tous azimuts. Pour ce faire, il s’appuie sur les renseignements de l’ex-fondateur de l’OS (organisation spéciale), créée en 1947, Belhadj Djillali « qui avait été retourné par la police sans que les nationalistes le sachent après son arrestation en 1950 », écrivent Benjamin Stora et Renaud de Rochebrune, dans « la guerre d’Algérie vue par les Algériens ».

Ainsi, « en l’espace de moins de dix jours après le 1er novembre, la totalité du réseau patiemment construit par Zoubir Bouadjadj est démantelée… Y compris les bases logistiques pour l’entrainement et la fabrication des bombes à Souma et Crescia dans l’arrière-pays. La plupart des activistes, à commencer par Bouadjadj lui-même dès le 5 novembre, sont appréhendés tout simplement à leur domicile le plus habituel », notent-ils. Par ailleurs, le hasard faisant bien les choses, les services de sécurité n’arrivent pas à mettre la main sur le chef de l’Algérois, Rabah Bitat, connu sous le nom de guerre « Si Mohammed ». Quoi qu’il en soit, malgré les conditions scabreuses, l’urgence, pour le chef de l’Algérois, est de reconstituer les groupes démantelés.

Concomitamment à ce travail –qui est tout sauf une sinécure –, il doit rétablir le contact avec les chefs des autres zones, appelées wilayas après août 1956. Pour rappel, ceux-ci ont fixé un rendez-vous national, dans les trois mois suivant le déclenchement de la guerre, en vue de faire le point sur l’évolution de la situation. En tout cas, tant bien que mal, les chefs de l’Algérois, de Kabylie et de l’Oranais parviennent à rétablir le contact. Guettant le moment propice pour asséner un coup d’estocade au mouvement, le collabo, Belhadj Djillali, reprend ses activités. Il contacte, début mars, Yacef Saadi, par l’intermédiaire d’Abdellah Kéchida, en l’informant qu’il dispose d’un message des chefs de l’Extérieur. « El Djouden affirme représenter Boudiaf et Ben Bella, donc ces responsables installés au Caire avec lesquels on souhaite vivement depuis longtemps retrouver le contact…Il veut donc se concerter avec les chefs de ces régions [3,4et5] », relatent les historiens déjà cités. Sans la méfiance de Krim et de Ben Mhidi, le 16 mars 1955, Belhadj Djillali aurait livré les trois chefs historiques à la police française. Finalement, seul Bitat est pris au piège.

Voilà donc la situation dans l’Algérois au moment où Abane Ramdane se met au service de l’organisation révolutionnaire. Bien que la succession officielle de Rabah Bitat revienne à Amar Oumarane, il n’en demeure pas moins que rien ne se passe dans la région sans qu’Abane Ramdane ait son mot. Peu à peu, il devient quasiment le chef de l’Intérieur. Son appel à la population, le 1er avril 1955, constitue son baptême de feu. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que son style tranchant fait de lui le vrai chef du FLN. De la même manière, ce tract comporte deux messages. Le premier rassure la population sur la fidélité au combat et le second l’incite à prendre ses responsabilités. Car, depuis le 1er novembre 1954, c’est la première fois que le FLN s’adresse aux Algériens. Et si les chefs, qui lui contestaient ce droit, avaient la fibre révolutionnaire –une révolution se fait avec le peuple –, ils devraient le faire avant Abane Ramdane.

Pour conclure, il va de soi que l’arrivée d’Abane Ramdane au FLN est une aubaine pour la révolution. Que sa franchise ne plaise pas, cela peut se comprendre, mais ne pas reconnaître son rôle capital, cela relève tout bonnement de la mauvaise foi. Car, de mars 1955 à août 1956, Abane Ramdane, aidé par des valeureux chefs à l’instar de Larbi Ben Mhidi, réalise le projet dont rêvent tous les chefs révolutionnaires : le rassemblement de toutes les forces vives de la nation. Hélas, la défaite de la ligne politique prônée par le duo Abane-Ben Mhidi va s’avérer fatale pour l’Algérie. Résultat des courses : l’Algérie traverse, depuis le recouvrement de sa « souveraineté », une crise multidimensionnelle. Enfin, tous les dirigeants ou presque ont un point commun : ils s’opposent tous à la ligne politique définie à la Soummam. Par conséquent, s’il doit y avoir un changement, il faudra revenir à la ligne soummamienne.

Ait Benali Boubekeur

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20 mars 2015 5 20 /03 /mars /2015 20:27
19 mars 1962 : la fin de la domination coloniale n’inaugure pas l’ère de la liberté.

Les accords d’Evian interviennent six ans après l’échec des premières négociations secrètes, entamées le 10 avril 1956 au Caire. De toute évidence, l’éloignement des positions –une autonomie interne assortie de mesures restrictives et une reconnaissance préalable de l’indépendance de l’Algérie –renvoie le règlement du conflit aux calendes grecques. En tout cas, quoi que l’on puisse épiloguer sur le courage des politiques français, sous la IVeme République, le dernier mot revient au lobby colonial. Dans une étude fort documentée, l’éminent historien, Charles Robert Ageron, résume la politique de Guy Mollet comme suit : « l’ordre de la main droite et la négociation de la main gauche. » Du coup, « l’affirmation de Ben Bella selon laquelle on était en octobre 1956 très près d’un accord identique à celui qui serait conclu 5 ans et demi après, à Evian », ne tient pas la route.

Quoi qu’il en soit, bien que chaque acteur aille de sa propre version, la réalité est sans concession. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les vraies négociations ne commencent qu’après la reprise en main de l’institution militaire par le général de Gaulle. D’après Charles Robert Agreon, en reprenant la formule du général Delavignette, « si l’Algérie n’était pas la dernière chance de la France, pour beaucoup d’officiers elle était à coup sûr la dernière chance de l’armée française. » En tout état de cause, bien que le général de Gaulle réussisse à rappeler, en décembre 1959, le plus représentatif de la ligne dure, en l’occurrence le général Jacques Massu, il ne se précipite pas, pour autant, à ouvrir les négociations. Et quand il s’engage dans cette voie, comme c’est le cas à partir de juin 1960, son intransigeance répond, selon Charles Robert Ageron, à une stratégie bien réfléchie. Selon l’éminent historien, « de Gaulle dut durcir le ton, rassurer l’armée et, par exemple, rendre inopérante la rencontre de Melun. La réponse est pourtant claire : les pourparlers de Melun n’ont pas été engagés en juin 1960 pour réussir, mais pour échouer. »

Cependant, après le référendum du 8 janvier 1961, où les Français de métropole donnent le blanc-seing à la politique du général de Gaulle, le processus de négociation s’accélère. En dépit des velléités du général de Gaulle de choisir ses propres interlocuteurs –en misant notamment sur la création d’une troisième force –, il se résout finalement à négocier avec le véritable représentant du peuple algérien, le GPRA (gouvernement provisoire de la République algérienne). Et, qui plus est, après la fin du chantage sur l’appartenance du Sahara à l’Algérie, le conflit franco-algérien se dénoue. En revanche, bien que les objectifs de la révolution soient atteints –l’indépendance politique et économique de l’Algérie –, les antirévolutionnaires montent au créneau. En fait, au moment où les négociateurs algériens se démènent pour arracher davantage de concessions à la France, Houari Boumediene et ses amis manœuvrent dans les coulisses en vue de priver le peuple algérien de sa victoire. En s’opposant aux accords de paix et ne voulant pas intégrer l’intérieur du pays pour se battre, ils affûtent leurs armes pour l’unique bataille qui a un sens à leurs yeux : la prise du pouvoir. Résultat des courses : les Algériens perdent leur indépendance avant même d’en avoir savouré le gout.

Enfin, malgré leur discours anticolonialiste, les putschistes ne dirigent pas leur action contre l’ancienne puissance coloniale, mais contre le peuple algérien. « Quant au second pari, celui d’une coopération entre États, qui allait se développer et se préciser par quelque 72 accords ou conventions particulières de 1962 à 1969 inclus, on ne peut pas dire avec le recul de l’histoire qu’il ait été perdu. Le fait d’avoir réussi, au sortir d’une langue guerre meurtrière, non seulement à se réconcilier, mais à considérer l’ennemi d’hier comme le partenaire privilégié d’aujourd’hui et de demain, devrait même être reconnu comme un succès diplomatique », conclut l’éminent historien. Mais, là où le bât blesse, c’est que les véritables représentants du peuple algérien ont été écartés sous prétexte fallacieux de vouloir un rapprochement avec la France. Cela prouve, si besoin est, que les vainqueurs de la crise de l’été 1962 ne sont pas aussi nationalistes qu’on a voulu nous le faire croire.

Ait Benali Boubekeur

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14 mars 2015 6 14 /03 /mars /2015 15:00
L’échec de la première phase de la négociation franco-algérienne en 1956.

« C’est une vérité d’évidence que l’Algérie n’a jamais et ne pourra jamais être la France. Et pourtant, il importe aux Algériens comme aux Français que les destins de leurs deux patries demeurent étroitement liés », éditorial de Robert Barrat, publié le 30 septembre 1955, dans « témoignage chrétien ».

Dans le contexte de l’époque, une telle déclaration peut valoir des tracas. Et pourtant, malgré le raidissement des positions, notamment françaises, la résolution du conflit algérien passe immanquablement par la négociation. Or, jusqu’en 1956, les blocages émanent du gouvernement français. Le ministre de l’Intérieur, François Mitterrand, n’a-t-il pas déclaré, le 5 novembre 1954, que « la seule négociation, en Algérie, c’est la guerre. »

Du côté algérien, bien que le recours à la lutte armée n’ait rien de pacifique, les initiateurs de l’action révolutionnaire laissent la porte grande ouverte au règlement du conflit par la négociation. « Afin d’éviter les fausses interprétations et les faux-fuyants, et pour prouver notre désir de paix, limiter les pertes humaines et les effusions de sang, nous avançons une plateforme honorable de discussion aux autorités françaises », écrivent les rédacteurs de la proclamation du 1er novembre 1954.

Toutefois, après la victoire du Front républicain en janvier 1956, le nouveau président du Conseil, Guy Mollet, se dit favorable à la négociation. Mais, pour qu’il tienne sa promesse électorale, il faudrait qu’il passe l’obstacle des ultras. Or, dès sa prise de fonction, ces derniers lui infligent une raclée lors de son voyage algérois, le 6 février 1956. Sous la pression du lobby colonial, Guy Mollet « capitule ». En effet, le même jour, il renonce à deux choses : la nomination du général Catroux comme gouverneur de l’Algérie et son projet pour l’Algérie.

Cependant, bien que la leçon d’Alger réduise considérablement l’espace de manœuvre du président du Conseil, il n’en reste pas moins que le projet de la négociation « secrète » n’est pas pour autant enterré. Et pour cause ! La victoire de Guy Mollet, le 2 janvier 1956, s’est faite sur la promesse de mettre fin à « la guerre imbécile ». En outre, « la base militante des partis de gauche s’impatiente ; elle exhibe résolutions et promesses électorales –le Front républicain ayant remporté les législatives de janvier 1956 autour du thème de la paix en Algérie », écrit Rédha Malek, dans « l’Algérie à Evian : histoire des négociations secrètes 1956-1962 ».

Du coup, profitant de son escale au Caire, le 5 mars 1956, le ministre des Affaires étrangères, Christian Pineau, demande l’entremise de l’Égypte pour organiser une rencontre avec les représentants du FLN. Pour dissiper les doutes et surtout montrer sa bonne foi, Georges Gorce est chargé par Guy Mollet en vue de rassurer le chef d’État égyptien du le bien-fondé de sa démarche. Du coup, à partir du 10 avril, et ce, pendant un mois, les premières négociations –certes secrètes –s’ouvrent, au Caire, entre le FLN et les « autorités françaises ».

Par ailleurs, pour ces premiers contacts, il s’agit vraisemblablement d’un échange de vision. Du coup, chaque partie délègue un seul membre. La représentation du FLN échoit à Mohammed Khider et celle de la France à Joseph Begarra, membre du comité directeur de la SFIO (section française de l’internationale socialiste), le parti de Guy Mollet. « La position française était résumée par le triptyque chronologique : cessez-le-feu, élections, négociations, avec pour perspective une autonomie interne limitée et tempérée par un statut d’exception pour les Européens d’Algérie », note Gilbert Meynier, dans « histoire intérieure du FLN ». De son côté, Mohammed Khider plaide la cause algérienne en la résumant sa position comme suit : « reconnaissance préalable de l’indépendance, cessez-le-feu, élections, gouvernement algérien issu des élections, négociation avec ce gouvernement. » Force est d’admettre que les positions sont très éloignées. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les rencontres du Caire se terminent sans qu’un quelconque rapprochement ne soit intervenu.

Néanmoins, en dépit des divergences d’approche, les deux délégations décident de maintenir le contact. Parrainées par le président Tito, les rencontres se tiennent, le 26 juillet 1956, en ex-Yougoslavie. Du côté français, c’est Pierre Commin, secrétaire adjoint de la SFIO, qui se représente au rendez-vous. Du côté algérien, le mandat est donné à M’hamed Yazid et Ahmed Francis, dont la mission consiste à rapporter les positions françaises. « Après quarante-huit heures d’entretiens, les deux parties se prononcent, d’un commun accord, pour des discussions préliminaires, secrètes, officielles et directes entre les représentants du gouvernement français et les représentants du FLN », relate Rédha Malek.

Avant de se séparer, les représentants, du FLN et du gouvernement français, fixent le prochain rendez-vous pour la mi-aout à Rome. Néanmoins, « Pierre Commin, à qui M’hamed Yazid demande si cette formule engage son gouvernement, répond qu’il doit consulter Guy Mollet et lui suggère de rester à Rome où une communication lui parviendra à ce sujet », écrit Rédha Malek. Mais lorsque la réponse parvient au représentant du FLN, celle-ci contient des gardes-faux : « Sur les bases actuelles, impossible de donner un caractère officiel aux discussions prévues lors de notre entretien. »

Quoi qu’il en soit, bien que cette réponse soit contradictoire avec l’engagement du 26 juillet, la rencontre de Rome est maintenue. Selon Gilbert Meynier, « les conversations reprirent cependant à Rome à la mi-aout, puis début septembre. À ces derniers entretiens, les représentants algériens étaient trois –Yazid, Khider, Kiouane –face à trois Français conduits par Commin. Les Français précisèrent leurs conceptions de la large autonomie de gestion qu’ils proposaient aux Algériens : un exécutif et un législatif algériens pour les questions de compétence algérienne. »

Après une concertation des membres de la délégation extérieure, le FLN, par la voix de Mohammed Khider, accompagné par Lamine Debaghine, réaffirme, le 22 septembre 1956 à Belgrade, sa position de principe : « avant toute discussion de fond, la condition sine qua non exigée par le peuple algérien en guerre est la proclamation de l’indépendance. » Ce à quoi répond le chef de la délégation française, Pierre Herbault, en disant : « Aucun gouvernement ne peut prononcer le mot « indépendance » concernant l’Algérie sans être immédiatement renversé. » Pour Rédha Malek, « là s’arrête la première phase des contacts secrets avec le gouvernement de Guy Mollet. »

En tout état de cause, pour ceux qui nourrissent l’espoir d’un règlement du conflit par la négociation, le rapt aérien de l’avion transportant la délégation extérieure du FLN, le 22 octobre 1956, apporte la preuve de la faiblesse du pouvoir politique face au puissant lobby colonial. D’après Gilbert Meynier, « le rapt aérien du 22 octobre permit à Yazid d’étaler à l’ONU les doubles jeux français : d’un coté, par Commin et Herbault interposés, Guy Mollet prenait langue avec le FLN, et d’un autre coté le gouvernement français laissait sans réagir ses chefs militaires s’emparer des personnes, des chefs historiques de la délégation extérieure en route vers la conférence maghrébine censée regarder avec sympathie. »

Enfin, si l’arrestation des chefs historiques dévoile l’incapacité du pouvoir politique en France à maitriser ses subordonnés, sur le plan interne à la révolution algérienne, cet acte aérien met fin –il ne serait-ce que pour quelque temps –à la rivalité entre les chefs de l’Intérieur, à leur tête Abane Ramdane, et le plus virulent des membres de la délégation extérieure, Ahmed Ben Bella. Sans le savoir ni le vouloir, l’armée française évite à la révolution une implosion inéluctable, mais prolonge, par la même occasion, les souffrances du peuple algérien de six ans.

Ait Benali Boubekeur

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1 mars 2015 7 01 /03 /mars /2015 08:35
Et si Messali Hadj manquait juste de courage révolutionnaire.

Avant de porter un jugement sur Messali Hadj, il conviendrait, au préalable, de rappeler la genèse de la crise du principal parti nationaliste, le PPA-MTLD (parti du peuple algérien-mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques). Bien que le père fondateur du mouvement national ne veuille pas engager le parti dans l’action armée –Mohammed Harbi explique que Messali Hadj agitait la menace de la lutte armée en vue d’inciter les autorités coloniales à négocier avec lui –, il n’est pas pour autant l’ennemi de son pays. D’ailleurs, n’est-ce pas lui qui a porté pendant trois décennies (1926-1954) le combat indépendantiste.

Cependant, étant davantage en prison ou en résidence surveillée qu’en liberté [il a passé plus de temps sous les verrous qu’en liberté pendant trente ans de militantisme], le contrôle du parti lui échappe au début des années 1950. En fait, dès 1951, l’aile modérée du parti, représentée par Hocine Lahouel et Ben Youcef Benkhedda, envisage des alliances politiques avec des partis modérés, notamment celui de Ferhat Abbas. Bien qu’il ne renonce pas à la voie légale, Messali Hadj rejette, sans fard ni acrimonie, ce rapprochement signifiant, pour lui, la fin du combat indépendantiste. En d’autres termes, on ne s’allie pas, selon lui, avec des partis qui s’accommodent de la présence coloniale.

Toutefois, après l’incarcération de Messali Hadj au printemps 1952, le parti est derechef entre les mains des modérés. Ayant les coudées franches, ils abandonnent aussitôt la ligne révolutionnaire. Au congrès d’avril 1953, ils adoptent des décisions que le parti a rejetées en 1951, notamment les points inhérents à la politique électorale –d’où la mise au placard de l’OS (organisation spéciale) – et la politique des alliances en Algérie. En tout cas, en l’absence de Messali Hadj et de l’éloignement des radicaux –au congrès d’avril 1953, les membres de l’OS sont interdits de congrès –, le comité central opère un virage à 180°, en participant notamment à la gestion de la mairie d’Alger aux côtés de Jacques Chevalier.

C’est dans ce climat délétère qu’éclate alors la crise du parti. Pour redresser la situation, Messali Hadj demande les pleins pouvoirs. Prenant l’opinion à témoin, il s’adresse aux militants de base dans son message du 10 décembre 1953. Bien que le comité central ne veuille pas, dans le premier temps, satisfaire la demande du président du parti, sous la pression de la base, le duo Lahouel-Ben Khedda se plie, mais appelle en même temps les organisations de base à la neutralité. « L’appel de Messali contre la direction est suivi massivement en Oranie, en Kabylie, dans l’Est algérien et une partie de l’Algérois… Le 28 mars, le comité central se réunit pour constater son échec et remet ses pouvoirs à Messali pour organiser un congrès. Celui-ci désigne à son tour une délégation provisoire (DP) pour diriger le parti », écrit Mohammed Harbi, dans « FLN, mirage et réalité ».

Or, la crise étant plus profonde, cette défaite du comité central ne signifie pas pour autant la victoire de Messali Hadj. Et pour cause ! Certains membres de l’OS, à leur tête Mohammed Boudiaf et Didouche Mourad, s’en mêlent. À vrai dire, Mohammed Boudiaf ne souhaite pas que Messali Hadj ait la main sur le parti. « Deux anciens dirigeants de l’OS, Boudiaf et Didouche, traumatisés par le soulèvement de la base en France en janvier 1954, répondent à l’appel du comité central... », argue l’éminent historien. Le 23 mars 1954, ils créent le comité révolutionnaire pour l’unité et l’action (CRUA). Ce dernier regroupe en son sein deux activistes (Ben Boulaid et Boudiaf) et deux centralistes (Dekhli et Bouchebouba). Bien que ce comité se dise neutre, dans la réalité, il est sous l’influence du comité central, comme en témoignent les articles du bulletin « le Patriote », l’organe du CRUA. D’après Mohammed Harbi, ses éditoriaux sont rédigés par Hocine Lahouel.

Dans ce cas, peut-on réellement parler de l’impartialité du CRUA ? Les articles de leur bulletin donnent le ton. Systématiquement, ils font le procès de Messali Hadj et épargnent le comité central. C’est pour cette raison que l’une des régions les plus importantes du parti, en l’occurrence la Kabylie, refuse de suivre le CRUA. Pour eux, ce dernier est trop proche du comité central. Par conséquent, entre le comité central et Messali Hadj, les dirigeants kabyles du PPA-MTLD penchent pour celui-ci. Voila ce qu’écrit Mohammed Boudiaf à propos du ralliement de la Kabylie à la thèse messaliste : « Au moment de nos démêlés avec les Messalistes, ces derniers ne se gênaient pas pour nous menacer de faire appel aux maquisards kabyles pour nous liquider. C’est également à cette époque que Benaouda, qui était en Kabylie, fut envoyé par Krim et Ouamrane dans le Nord-Constantinois pour rallier Zighout et d’autres éléments en vue de descendre en force à Constantine et de contraindre les éléments neutralistes à s’aligner sur les positions des Messalistes, quitte à utiliser les moyens extrêmes. »

Quoi qu’il en soit, bien que les éléments activistes du CRUA prennent, dès la fin juin 1954, leur distance avec deux autres membres centralistes, la relation ne se normalise pas avec les chefs kabyles. Du coup, à la réunion du groupe des 22, tenue le 25 juin 1954, à Alger, ces derniers ne sont uniment pas conviés. « C'est pourquoi il nous était impossible de les inviter à la réunion des « 22 », car à ce moment ils étaient encore loin de partager nos idées », écrit encore Mohammed Boudiaf, dans « la préparation du 1er novembre 1954 ». Trois semaines plus tard, une délégation, conduite par Ali Zamoum, se rend en Belgique pour assister au congrès messaliste.

Finalement, le rapprochement entre le comité révolutionnaire, issu de la réunion des « 22 », et les chefs kabyles intervient deux mois avant la date fatidique. Ensemble, ils élaborent un questionnaire à soumettre aux deux tendances. « Krim et Ouamrane furent chargés de le présenter aux Messalistes. Une autre délégation comprenant à dessein Krim devait faire le même travail avec les centralistes. Comme il fallait s’y attendre, les Messalistes repoussèrent cette initiative avec dédain… Ces démarches éclairèrent Krim et Ouamrane qui comprirent que le moment était venu pour eux de s’engager résolument avec nous. Ce qui fut fait lors d’une réunion tenue rue du Chêne, vers la fin août, où ils nous présentèrent les cadres de la Kabylie. Krim fut alors admis dans notre comité dont il devint le sixième membre avec Ouamrane comme adjoint », relate Mohammed Boudiaf. Cela dit, au moment du déclenchement de la guerre, la plupart des militants croient combattre sous la direction de leur chef naturel, Messali Hadj.

Pour conclure, il va de soi que l’échec du parti n’incombe pas à Messali Hadj. Mais, en refusant de suivre le groupe activiste, doit-on le considérer pour autant comme un traitre ? Aucun historien sérieux n’a émis jusque-là ce genre d’hypothèse. En revanche, ces partisans auraient dû participer, à partir de 1956, au rassemblement des forces nationales au même titre que les Oulémas et les partisans de Ferhat Abbas. Enfin, pour terminer sur la polémique récente, une question s’impose : peut-on vanter dans tous les discours le rôle capital de Kabylie pendant la révolution et considérer leur mentor de traitre ?

Ait Benali Boubekeur

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14 février 2015 6 14 /02 /février /2015 13:42
Les premiers pas décisifs de la révolution algérienne.

Le déclenchement de la guerre d’Algérie survient au moment où le principal parti nationaliste, le PPA-MTLD, traverse sa plus grave crise. Pour échapper au contrôle des deux groupes se disputant le contrôle du parti, en l’occurrence les centralistes et les messalistes, un groupe d’activistes se lance dans l’action armée, un projet cher à la frange radicale du PPA-MTLD. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce projet manque immanquablement de préparation. Et pour cause ! Après l’accomplissement d’une trentaine d’attentats la nuit de la Toussaint, le passage à l’action armée s’avère, au fil des jours, périlleux et incertain.

En fait, malgré le passage à l’acte, le plus dur reste totalement à faire. Bien que les allumeurs de la mèche croient, eux aussi, à la dureté de la tâche, au lendemain des actions du 1er novembre 1954, les dirigeants de l’ALN (armée de libération nationale) –dans les mouvements de cette nature, la naissance du bras armée précède l’organisation politique – doivent faire face à une double difficulté : organiser les maquis et échapper à la riposte des autorités coloniales.

  • Mobiliser les Algériens

Malgré le cloisonnement qui a caractérisé la constitution des premiers noyaux de l’ALN, les initiateurs de la lutte armée sont obligés de faire appel à tous les volontaires. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, dans le contexte colonial, les dirigeants disposent d’une réserve assez importante. Pour parvenir à leur but, ils doivent exposer les objectifs de leur mouvement en insistant sur le fait qu’il ne soit pas lié à aucun mouvement existant jusque-là. Mais, en 1954, le seul homme qui puisse rassembler les Algériens, c’est indubitablement Messali Hadj. D’ailleurs, les chefs de la Kabylie, Krim Belkacem et Amar Ouamrane, n’ont-ils pas refusé de se joindre au CRUA (comité révolutionnaire pour l’unité et l’action) et plus tard à la réunion des 22 pour cause de l’attachement de la région à son chef charismatique, Messali Hadj.

Hélas, la révolution se fera sans Messali. Quant aux centralistes, ils rejoignent le mouvement après l’avoir combattu à ses débuts. Pour autant, peut-on considérer Messali Hadj comme un traitre ? En tout cas, aucun historien sérieux ne s’est aventuré sur ce terrain. Car, bien qu’il soit absent à ce rendez-vous de l’histoire –il faut dire aussi que c’est lui qui a formé les initiateurs du projet révolutionnaire –, Messali Hadj a consacré les meilleures années de sa jeunesse à la libération de son pays.

Toutefois, pour revenir au contexte de l’époque, le nouveau parti, le FLN historique et non pas l’actuel où le seul sacrifice de ses dirigeants –car il s’agit d’un travail à plein temps –consiste à détruire les richesses nationales, doit se renforcer, et ce, par tous les moyens. En effet, la tâche nécessite le sacrifice des meilleurs fils de l’Algérie. Et dès le début de l’année 1955, le FLN trouve la tête politique qui lui manque. Il s’agit évidemment d’Abane Ramdane. Ce dernier, en compagnie d’autres valeureux chefs, à l’instar de Larbi Ben Mhidi, réalise le grand rassemblement national et l’unique que l’histoire du pays ait connu. Avec tous les reproches que les uns et les autres auraient pu ou pourraient faire à Abane, ils ne peuvent pas nier le fait suivant : sans l’arrivée du sang neuf –d’où l’inanité d’un contrat moral entre les neufs chefs historiques –, la révolution algérienne serait étouffée dès 1955 avec la neutralisation des 3 sur les 5 chefs militaires de l’intérieur (Didouche mort en janvier 1955, Ben Boulaid arrêté en février 1955 et Bitat arrêté en mars 1955).

  • La riposte coloniale

Pris de vitesse –bien que les activités du CRUA ne soient pas totalement ignorées –, le régime colonial reprend, peu à peu, le contrôle. « Après la dissolution du mouvement indépendantiste bien connu [le PPA-MTLD] décidée en conseil des ministres, qui fait l’objet d’un décret le 5 novembre, des centaines de ses militants font l’objet d’une rafle dès la nuit suivante. Au total, en l’espace de peu de temps, ils seront plus de 2000 à être emprisonnés », écrivent Benjamin Stora et Renaud de Rochebrune, dans « la guerre d’Algérie vue par les Algériens ». N’étant pas associés à la préparation de la lutte armée, ces militants ne peuvent pas compromettre l’existence su FLN. Autrement dit, ces arrestations ne vont pas contrarier les desseins du nouveau parti, le FLN. Et contre toute attente, les militants qui sont sur le point d’être arrêtés préfèrent rejoindre le FLN que de croupir dans les geôles coloniales.

Cependant, après la chute du gouvernement, dirigé par Pierre Mendès France, l’un des hommes de la IVeme République ouvert au dialogue, le nouveau président du Conseil, Edgar Faure, ne perd pas de temps. Dès son investiture, il met en place des mesures répressives susceptibles de porter un terrible coup d’estocade au mouvement indépendantiste. « Prévue pour une durée de six mois, adoptés le 31 mars 1955 par l’Assemblée, la loi sur l’état d’urgence permet en principe aux préfets d’interdire la circulation des personnes et des véhicules, d’instituer des zones de protection, de prononcer des assignations à résidence, etc.… », écrit Philippe Masson, dans la revue « Historia ». Mais, le plus dur reste à venir. La loi sur la responsabilité collective reste la plus prisée par les responsables du « rétablissement d’ordre », notamment lors de la bataille d’Alger. Enfin, sur l’année 1955, les renforts militaires battent leur plein. Plus de 100000 militaires vont rejoindre l’Algérie. En ce sens, l’année 1955 constitue un véritable tournant de la guerre d’Algérie.

Pour conclure, il va de soi que le déclenchement de la guerre d’Algérie ne laisse pas de place à l’expectative. À ce titre, malgré le flou et l’incertitude, le FLN va réussir à s’imposer, dans le premier temps, sur la scène politique algérienne, et ensuite comme le seul interlocuteur face au gouvernement français. Dans la douleur et le sang, les premiers chefs vont créer un climat de solidarité. Mais, cet esprit de sacrifice et de solidarité va-t-il perdurer ? Malheureusement, certains dirigeants ne pensent qu’à satisfaire leur égo. Du coup, avant même le cessez-le-feu, un groupe de militaires, à leur tête Houari Boumediene, s’empare illégalement du pouvoir, privant ainsi le peuple algérien de son droit à vivre sans carcans. Plus grave encore, 52 ans après l’indépendance, l’Algérie continue à être gérée par le même clan. Profitant de la passivité du peuple algérien –son renoncement est quelque part une trahison au sang versé par les valeureux chouhadas –, le régime algérien abuse et profite de tout.

Ait Benali Boubekeur

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7 février 2015 6 07 /02 /février /2015 10:20
6 février 1956 : la mort de la IVeme République avant l’heure.

La date du 6 février 1956 représente incontestablement le vrai tournant de la guerre d’Algérie. Ainsi, bien que la victoire de la gauche soulève l’espoir de voir se terminer « la guerre imbécile », pour reprendre les termes de Guy Mollet lors de la campagne pour les législatives du 2 janvier 1956, il n’en reste pas moins que le centre de gravité du pouvoir ne se trouve pas à Paris. En fait, avant même la formation du gouvernement, les milieux ultras commencent à s’agiter. « Ils s’indignent, en effet, de la présence, au sein de ce cabinet, du bradeur de l’Afrique noire, François Mitterrand, devenu garde des Sceaux, et plus encore de celle de leur vieil ennemi, Pierre-Mendès France, qui revient au pouvoir comme ministre d’État sans portefeuille », écrit Jean FINOIS, dans la revue « Historia ».

Mais, celui qui focalise toutes les attentions, c’est le général Georges Catroux. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’entre ce dernier et les pieds-noirs, les rapports tumultueux remontent au moins à 1944 lorsque le général de Gaulle l’a désigné « Haut commissaire » pour les « départements d’Algérie ». Censé mettre en œuvre des réformes libérales, le général Catroux n’a convaincu aucune communauté. Cela dit, si les Algériens trouvaient les réformes insuffisantes, dont l’octroi de statut français à près de 60000 Algériens, les ultras prenaient ces réformes pour une déclaration de guerre.

Cependant, lors de l’investiture de Guy Mollet le 1er février, ce dernier déclare que le sort de l’Algérie ne peut plus être traité unilatéralement. Bien que le statut de 1947 ait été jugé insuffisant par les Algériens en son temps, Guy Mollet le remet derechef sur la table. Pour mettre en œuvre ces promesses, le président du Conseil décide de se rendre en Algérie. « Je me rendrai dès le 6 février à Alger et je déposerai une gerbe de fleurs au monument aux morts. Je procéderai ensuite à toutes les consultations utiles pour m’informer et mieux connaitre les aspirations de tous. Après quoi, j’installerai officiellement le général Catroux, qui arrivera le 10 février », annonce-t-il lors du conseil des ministres du 3 février 1956.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette annonce provoque l’effervescence dans les milieux ultras. « C’est, dès lors, à Alger, le branle-bas de combat. Pendant que le leader socialiste s’en va, le 4 février, dans sa circonscription d’Arras, fêter son investiture au milieu de ses amis, les grandes organisations traditionnelles de l’activisme algérois commencent à mobiliser leurs troupes pour relever comme il convient le défi qui vient d’être lancé à la population européenne », écrit Jean FINOIS. Pour forcer le président du Conseil à la palinodie, les organisations ultras, allant des anciens combattants aux étudiants, sont en alerte maximale. À la veille de la visite du responsable de l’exécutif, les organisations ultras adoptent une déclaration dans laquelle ils exhortent les pieds-noirs à un sursaut salvateur. « Il n’y a pour vous que deux issues : la réaction massive ou la mort », écrivent-ils.

Quoi qu’il en soit, malgré les conseils prodigués par certains ministres, dont François Mitterrand, pour qu’il n’y aille pas, le 6 février 1956, l’avion de Guy Mollet atterrit à Alger vers 14h30. Toutefois, si à la périphérie, la ville parait morte, il n’en est pas de même au centre où les pieds-noirs l’attendent de pied ferme. Selon Albert Paul Lentin, « un clameur qui ne cesse de s’enfler accueille le président du Conseil dont la Delahaye noire apparait, à 15h25, au bout de l’avenue Pasteur. Huées, coups de sifflet, insultes. Les manifestants du square Lafferrière arrachent les drapeaux tricolores qui décoraient la façade blanche du bâtiment de la grande poste. La foule crie : Mollet au poteau !, Mollet à la mer, l’armée avec nous, la police avec nous. »

Dans ce climat délétère, le président du conseil est contraint de faire marche arrière. Du monument aux morts, où il a déposé une gerbe de fleurs, au siège du gouvernement général, où il a admis sa défaite face au chantage des ultras, sa vie tient à un coup de fil : obtenir la démission du général Catroux. En plus, a-t-il un autre choix ? Il semblerait, d’après Albert Paul Lentin, que l’espace de manœuvre du président du Conseil soit très réduit. « Les hauts fonctionnaires en poste à Alger –notamment le préfet Collaveri et le secrétaire général du gouvernement général Maurice Cuttoli –lui disent que le calme ne reviendra pas dans la ville tant que ne sera pas prise la décision douloureuse, mais nécessaire de remplacer le général Catroux par un homme acceptable pour la population européenne », note-t-il.

Ainsi, bien que le président du Conseil soit réticent à l’idée de lâcher son protégé, il finit par appeler l’Élysée, où se trouve au même moment le général Catroux. Après un entretien avec René Coty, le président de la République, qui lui assure que le général Catroux est prêt à démissionner, Guy Mollet appelle ensuite Matignon. Au bout du fil, il donne une instruction claire à son chef de cabinet, Louis Faucon, à qui il demande « de joindre, au palais de la Légion d’honneur, celui qui n’est plus ministre résident et pour lui expliquer plus en détail les raisons du lâchage qui est imposé par la raison d’État.»

D’ailleurs, le calme n’est revenu qu’après 17H, heure à laquelle les ultras apprennent la démission du général Catroux. « Au tour du palais d’été, la foule se rassemble pour écouter la harangue d’un ancien combattant : c’est vrai, c’est bien vrai. Catroux a démissionné. Catroux, nous avons eu sa peau. Guy Mollet, nous lui avons fait toucher les épaules », résume-t-il la joie des ultras. Enfin, vers 19H, le président du Conseil tient une conférence de presse. Pour détendre l’atmosphère –à vrai dire, il admet tout bonnement sa défaite –, Guy Mollet revient sur ce qui s’est passé depuis son arrivée à Alger et conclut, compte tenu du climat qui règne à Alger, que sa promesse de collège unique n’est plus d’actualité. Selon Albert Paul Lentin, « les Européens ultras viennent de comprendre –et c’est là un tournant de la guerre d’Algérie –que s’ils mettent le paquet, ils peuvent peser sur le gouvernement de la République, infléchir sa politique, lui dicter leur loi. Les plus audacieux pensent qu’ils viennent d’avoir la preuve que le pouvoir débile de Paris pourrait être renversé à Alger. »

Ce projet sera mis en œuvre deux ans plus tard, le 13 mai 1958. Mais en portant à la tête de l’État un home de forte personnalité, les ultras pourront-ils garder le contrôle ? Le coup de force produit l’effet inverse. En fait, à mesure que le pouvoir du général de Gaulle se renforce, celui des ultras diminue proportionnellement. Du coup, malgré l’adhésion de certains militaires de carrière à leur plan diabolique, les ultras ne réussiront pas à faire vaciller le pouvoir gaullien. Et cela au grand bonheur des peuples, français et algérien, qui retrouvent la paix. Et sans la soif de pouvoir de certains dirigeants algériens –l’armée des frontières, commandée par Houari Boumediene, qui s’est emparée illégalement du pouvoir –, les Algériens seraient épanouis sur tous les plans. Hélas, l’Algérie indépendante ne profite qu’à un cercle restreint. C’est comme si l’Algérie était condamnée à vivre éternellement sous la domination.

Ait Benali Boubekeur

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1 février 2015 7 01 /02 /février /2015 12:30
La crise berbériste : Ali Yahia Abdenour venge son frère.

À la lecture du livre d’Ali Yahia Abdenour, intitulé « la crise berbériste de 1949 », on découvre, au fil des pages, un homme hargneux voulant régler ses comptes avec Hocine Ait Ahmed. En fait, bien que le livre mette en valeur deux monuments du mouvement national, qui sont Ouali Bennai et Amar Ould Hammouda, l’auteur du livre consacre 17 pages [159-182] à Hocine Ait Ahmed où il l’attaque de façon malhonnête pour ne pas avoir soutenu la démarche de son frère. C’est de bonne guerre, diront certains, mais cela n’a rien à voir avec l’œuvre historique. Ainsi, en vieux renard de la politique, Ali Yahia Abdenour s’érige en donneur de leçon. De façon sous jacente, il tente d’inverser les rôles en octroyant à son frère un rôle capital. Pour parvenir à ses fins, il adopte une méthode sournoise : il commence à critiquer Hocine Ait Ahmed de façon graduelle pour en arriver à la fin à la calomnie. Et c’est là où se situe la malhonnêteté intellectuelle d’Ali Yahia Abdenour en voulant faire passer son message malicieusement.

De toute évidence, bien que le point de départ de la crise mette tout le monde d’accord, Ali Yahia Abdenour prête, lui-même, un positionnement à Hocine Ait Ahmed afin de le descendre en flamme. Et pourtant, le dernier chef historique en vie ne récuse nullement la pluralité culturelle de l’Algérie. « Les camarades universitaires publient cependant, sous le pseudonyme collectif d’Idir El Watani, un document idéologique intéressant sur les éléments constitutifs de la nation algérienne, intitulé l’Algérie libre vivra. J’ai fait miens les principes fondamentaux de ce travail collectif », écrit-il dans ses mémoires. Du coup, on peut affirmer –ce que Ali Yahia Abdenour ne mentionne nulle part dans son livre, et ce, dans le but de tromper ses lecteurs –que Hocine Ait Ahmed adhère sans ambages au concept de l’Algérie algérienne.

En revanche, il ne réagit pas à la motion du frère d’Ali Yahia Abdenour quand il a fait voter une motion ayant conduit plus tard à la défaite de la ligne éradicatrice au sein du PPA-MTLD. Et qui plus est, Hocine Ait Ahmed s’oppose au fait que le moment choisi ne soit pas opportun pour poser la question identitaire. « Fin 1948, au moment où, à Zeddine (il parle de la tenue du conseil national élargi), mon rapport est adopté, où l’aile révolutionnaire tente de sortir le parti des blocages de l’enfermement légaliste et réussit à recentrer la réflexion sur les grands problèmes posés par la perspective de la guerre de libération, à Paris Ali Yahia (Rachid) brandit l’étendard de la dissidence », explique-t-il. Hélas, bien que le projet révolutionnaire, porté par Hocine Ait Ahmed, engage l’avenir de l’Algérie, Ali Yahia Abdenour réduit son apport à un simple opportunisme politique, avant de le juger en écrivant : « Il doit abandonner sa place au sein de cet organisme (membre du bureau politique du PPA-MTLD et chef national de l’OS (organisation spéciale), parce qu’il ne peut pas cautionner la politique identitaire de Messali et du bureau politique. »

Qu’en est-il dans la réalité ? Tout d’abord, l’élaboration de la motion parisienne se fait sans concertation préalable. Les militants du district de Djurdjura ou ceux qui sont chefs nationaux ignorent tout de l’initiative. Dans ce cas, comment se fait-il qu’un homme chevronné, comme Ali Yahia Abdenour, estime que Hocine Ait Ahmed devait suivre –sans connaitre les tenants et les aboutissants de l’initiative parisienne –le mouvement ? En tout cas, pour étayer la thèse d’une initiative sans envergure, voilà ce qu’écrit Hocine Ait Ahmed dans ses mémoires : « L’épreuve de force engagée par Ali Yahia (Rachid) tourne à la déconfiture. Il lance un appel au secours à Ouali Bennai. Sans consulter ni avertir aucun de ses camarades, Si Ouali se rend à Oran pour s’embarquer vers Marseille. Il réagit comme un père irlandais devant un pugilat : on y prend part, et on ne s’interroge sur les motifs que quand il est terminé. » En Kabylie, à en croire Omar Carlier, dans « entre nation et jihad : histoire sociale des radicalismes algériens », les militants qui sont au courant de la motion se comptent sur les doigts d’une main. Ces derniers appartiennent à trois régions, Ain El Hammam, Larbaa Nath Irathen et Guergour (petite Kabylie).

Par ailleurs, en jugeant Hocine Ait Ahmed, 66 ans après la crise dite berbériste est en soi injuste dans la mesure où il faudrait se placer dans le contexte de l’époque. En effet, l’information ne se propage pas comme à l’ère d’internet. Mais, une fois l’information est parvenue en Algérie, est-ce que Hocine Ait Ahmed a choisi l’expectative, comme tente de le faire croire Ali Yahia Abdenour ? La réponse est évidemment non. « Ma première réaction est de tenter de limiter les dégâts et de sauvegarder coute que coute l’unité du parti. Mais ma marge d’action diminue au fur et à mesure que s’enfle le tir croisé des accusations, d’autant que je dois redoubler de précautions, car la police m’a identifié dans l’affaire de la poste d’Oran (hold-up organisé par l’OS en vue de financer ses activités) », argue-t-il. Ainsi, comme tous les militants radicaux, Hocine Ait Ahmed n’a pas les faveurs du bureau politique, et ce, quelle que soit sa position sur le problème identitaire. Car, le parti procède sans distinction à l’exclusion de tous es activistes berbérophones ou arabophones.

Quoi qu’il en soit, malgré la menace, Hocine Ait Ahmed ne cesse pas pour autant son activité. « Je prends contact avec la plupart des membres du bureau politique pour les prier, les supplier de cesser leurs attaques contre les responsables de la Kabylie… Je leur demande de garder la tête froide : l’avalanche d’arrestations qui n’ont frappé que les dirigeants de la Kabylie, cela sent la provocation, la manipulation. Il ne faut pas se tromper d’adversaire. Bennai et tous les emprisonnés sont des hommes sérieux et conséquents. Ali Yahia (Rachid) n’est qu’une péripétie. Il n’était pas au comité central élargi de Zeddine. Il ignore tout de nos options fondamentales, de nos buts », tente-t-il de les convaincre de vue de stopper les attaques contre les activistes. Et si Ali Yahia Rachid avait été présent à Zeddine, il n’aurait sans doute pas soulevé le problème à cette période. Faut-il pour cela qu’il ait le charisme et la stature pour être présent à Zeddine. Ainsi, quand Ali Yahia Abdenour estime que c’est Hocine Ait Ahmed qui doit suivre son frère, il inverse tout bonnement l’ordre des choses.

Pour conclure, il va de soi que la question identitaire est la boussole de chaque militant. Pendant la colonisation, il se trouve que les militants kabyles ont mis en sourdine cette revendication depuis la création de l’ENA (étoile nord-africaine) en juin 1926. Pour eux, ou du moins pour la plupart, tous les problèmes se résument à la présence coloniale. Hélas, certains dirigeants arabophones préfèrent le maintien de la colonisation que d’admettre la pluralité culturelle de l’Algérie. C’est ce qu’affirme Hocine Ait Ahmed en décembre 1949 –une année après le début de la crise – devant les membres du bureau politique : « Puisque mes camarades et moi n’avons jamais avancé de revendications culturelles et linguistiques berbères, afin de ne pas compromettre le processus révolutionnaire, c’est que nous acceptons plutôt l’Algérie Arabe à l’Algérie française. Par contre, j’ai le sentiment que certains préféreraient encore l’Algérie française à l’Algérie berbère. » Enfin, si on compare les parcours de Hocine Ait Ahmed et d’Ali Yahia Abdenour, l’histoire retient la chose suivante : Ali Yahia Abdenour a été ministre de Boumediene, un homme se distinguant par sa haine de la culture berbère. Pendant son règne, les berbéristes ont subi les tortures les plus affreuses. Ait Benali Boubekeur

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19 janvier 2015 1 19 /01 /janvier /2015 18:23
Aux origines du mouvement national algérien.

Après une pacification violente, qui a duré près d’un demi-siècle, la contestation des autochtones est réduite à son expression spartiate. Exclus de toute participation à la gestion des affaires de leur pays, les Algériens attendent le moment propice pour rebondir. Et paradoxal que cela puisse paraître, la naissance du mouvement national algérien survient sur les terres de l’occupant. Bien que l’histoire officielle algérienne réduise, dans un but purement idéologique, l’apport de l’émigration algérienne à une simple participation anodine, le combat indépendantiste ne peut pas être dissocié de l’engagement de la diaspora.

Cela dit, bien avant l’apparition de l’organisation ouvrière algérienne, il existait des mouvements sporadiques –pour la plupart modérés –en Algérie. Et s’il y avait une différence de taille entre le mouvement en terre algérienne et en métropole, ce serait au niveau de la radicalité. En effet, bien que toute sorte d’activisme contre le système colonial relève de l’opération suicide, des groupes d’élite commencent à s’organiser. Ainsi, en pleine première guerre mondiale, le mouvement des« jeunes algériens » –un mouvement prônant l’assimilation –voit le jour. Ce dernier est animé par le petit fils de l’émir Abdelkader, le capitaine Khaled Bel Hachimi. Petit à petit, ce groupe se renforce par l’arrivée des intellectuels, dont Ferhat Abbas et Mohamed Salah Bendjelloul.

Toutefois, si cette catégorie s’accommode de la présence coloniale, il n’en est pas de même du mouvement ouvrier qui se développe en France. Connaissant la réalité du terrain social, ces ouvriers développent un esprit de contestation. Et pour cause ! La plupart d’entre eux ont combattu pour la France lors de la Grande Guerre ou ont été recrutés « pour les travaux militaires », pour reprendre l’expression de Benjamin Stora, dans « histoire de l’Algérie coloniale ». Après l’armistice, les besoins de main-d'œuvre s’accroissant sensiblement, les autorités coloniales se tournent derechef vers les colonies. Entre 1920 et 1924, le flux migratoire atteint son niveau le plus élevé, et ce, malgré les rodomontades du lobby colonial contre la politique migratoire de Paris.

Du coup, « dans les terres froides de la ghurba, les Algériens étaient portés à entrer d’abord en relation avec des gens de leur région d’origine. Et ils le firent. Mais, par-dessus tout, leur condition commune d’expatriés souffrants les conduisit à entrevoir des liens de solidarité plus larges qu’ils n’auraient pour sûr jamais conçus aussi vite s’ils étaient restés sur la terre des ancêtres », écrit Gilbert Meynier, dans « histoire intérieure du FLN ». Dans le même temps, le parti communiste français (PCF), en appliquant les directives de l’internationale communiste, a pour mission d’organiser les « indigènes ».

Ainsi, à l’initiative du PCF, le 7 décembre 1924 à Paris, il se tient « le premier congrès des travailleurs nord-africains ». Issues du PCF, deux grandes figures algériennes émergent. Il s’agit d’Abdelkader Hadj Ali et de Messali Hadj. Vingt-et-un mois plus tard, ils donnent naissance à la première organisation indépendantiste, l’ENA (étoile nord-africaine). En février 1927, l’ENA est conviée au congrès anti-impérialiste de Bruxelles. Dans un discours mémorable, Messali développe la thèse nationaliste. Ce qui n’est pas du gout du PCF.

Dans la foulée, la sanction tombe tel un couperet. Revoyant sa stratégie, le PCF suspend son aide à l’ENA. Concomitamment à cette sanction, le PCF enjoint aux militants communistes de déserter les réunions de l’ENA. Désormais, l’ENA ne peut compter que sur elle-même. « Début 1928, Hadj Ali disparut de l’ENA. Il fut remplacé par Messali, qui dès lors s’identifia avec elle et avec son combat indépendantiste », note à juste titre Gilbert Meynier. Toutefois, l’échec de la satellisation de l’ENA conduit à sa dissolution en novembre 1929.

Quoi qu’il en soit, bien qu’aucun lien ne soit prouvé entre cette dissolution et la célébration du centenaire de la colonisation en Algérie, il n’en reste pas moins que cette interdiction contribue à contrôler les activités du désormais parti clandestin, l’ENA. Selon Benjamin Stora, « au moment des fêtes grandioses organisées en Algérie en 1930 pour le centenaire de la colonisation, le mouvement nationaliste algérien est exsangue, tiraillé par les luttes entre nationalistes et communistes, qui veulent s’en assurer le contrôle. »

Cependant, après une absence de deux ans, l’ENA renaît de ses cendres. Elle porte désormais le nom de « glorieuse étole nord-africaine ». Trois figures de proue assurent son encadrement : Messali Hadj, Imache Amar et Radjef Belkacem. Parmi les principes phares de ce nouveau parti, on en trouve l’interdiction de la double appartenance avec le PCF. Cela dit, la montée de l’extrême droite en France, au milieu des années 1930, incite la glorieuse ENA à soutenir le Front populaire (l’union des partis de gauche).

Au même moment en Algérie, les organisations réformistes, dont les élus algériens –un mouvement créé en 1927 –, dont la tête d’affiche est Ferhat Abbas, les Oulémas de Abdelhamid Ben Badis et les PCA (parti communiste algérien), créé en 1936, revendiquent l’assimilation des Algériens. Ils se rassemblent dans un mouvement, appelé « le congrès musulman », créé le 7 juin 1936. D’après Gilbert Meynier, « le projet Violette [gouvernement du Front populaire] proposait la constitution, au sein du collège unique, d’un électorat algérien d’une vingtaine de milliers d’électeurs triés sur le volet –soit moins de 10% du nombre des électeurs européens. L’euphorie fut réelle en Algérie au sein de l’élite du congrès musulman.» En métropole, l’organisation indépendantiste ne partage pas cette euphorie. Pour les animateurs de la glorieuse ENA, leur soutien au Front populaire ne signifie pas le renoncement à leur politique indépendantiste. Pour mieux se faire entendre, le président du parti, Messali Hadj, compte mener le combat sur sa terre natale. Le 2 août 1936, au meeting du congrès musulman, organisé au stade de Belcourt à Alger, Messali Hadj ravit la vedette aux organisateurs, Ferhat Abbas et Abdelhamid Ben Badis.

Dans son discours mémorable, Messali Hadj déclare d’emblée : « Au nom de l’étoile nord-africaine, je vous apporte le salut fraternel, la solidarité des 200000 Nord-africains qui résident en France. » Poursuivant son discours, il ramasse une poignée de terre qu’il commente en disant : « cette terre bénie qui est la nôtre, cette terre de la baraka, n’est pas à vendre, ni à marchander, ni à rattacher à personne. Cette terre a ses enfants, ses héritiers, ils sont là vivants et ne veulent pas la donner à personne. C’est précisément pour cela que je suis venu assister à ce meeting au nom de l’étoile nord-africaine, notre parti, votre parti, qui est, lui, pour l’indépendance de l’Algérie. »

Toutefois, bien que le PPA (parti du peuple algérien) soit créé, en France, le 11 mars 1937, après la dissolution de la glorieuse ENA en janvier 1937 par le gouvernement Léon Blum, le mouvement indépendantiste décide de poursuivre son combat en Algérie. Hélas, à peine le parti commence à consolider ses bases, les autorités coloniales le freinent dans son élan. En juillet 1939, toute la direction est arrêtée. Messali Hadj est condamné à 16 ans de travaux forcés, dans un procès tenu deux ans plus tard. Contrairement aux desiderata des autorités coloniales, le PPA retrouve un nouveau souffle avec l’arrivée à sa tête de jeunes militants, dont le plus emblématique est Lamine Debaghine. Fait remarquable : aucun de ces militants n’a vécu en métropole.

Ainsi, bien que le parti soit diminué, la nouvelle direction assure bon an mal an la continuité. En l’absence de Messali, la direction clandestine du PPA, reconstituée fin 1940, gère tant bien que mal les affaires du parti. D’emblée, elle fait face au CARNA (comité d’action révolutionnaire nord-africain) voulant s’allier avec les nazis. De prison, Messali Hadj réagit promptement en refusant « de troquer un colonialisme contre un autre. » En mai 1943, le PPA participe au rassemblement des partis algérien au sein des AML (amis du manifeste et de la liberté). Dans le document additif des AML, envoyé notamment aux autorités coloniales, les rédacteurs évoquent, en termes peu voilés, l’indépendance de l’Algérie tout en maintenant des liens avec la France.

Malheureusement, ce rassemblement se termine dans le sang, le 8 mai 1945. Conçu pour rapprocher les partis algériens, ce rassemblement se disperse sous l’effet de la répression violente. Désormais, entre les partisans de l’action directe et ceux qui prônent la retenue, les lignes de clivages se dessinent nettement. Même Messali Hadj, après sa libération en mars 1946, ne songe plus à l’action armée. La création du MTLD (mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), contre l’avis des activistes, en vue de participer aux élections législatives françaises en novembre 1946, en est la preuve.

Toutefois, pour ne pas mécontenter les « durs » du parti, il maintient, au congrès de février 1947, le PPA clandestin et crée l’organisation paramilitaire, l’OS (organisation spéciale). Dirigée successivement par Mohammed Belouzdad, Hocine Ait Ahmed et Ahmed Ben Bella, l’OS n’a jamais bénéficié des moyens financiers et matériels qu’il réclamait. Après son démantèlement en mars 1950 et l’emprisonnement de Messali Hadj au printemps 1952, le PPA-MTLD rentre dans les rangs. Désormais, la ligne défendue par le comité central, dont les chefs de file sont Hocine Lahouel et Ben Youcef Ben Khedda, ne diffère pas foncièrement de celle défendue par l’UDMA de Ferhat Abbas.

Cette reprise en main se confirme lors du congrès d’avril 1953 –ficelé par les membres du comité central, où les activistes de l’OS sont empêchés de participer congrès – lorsque les modérés l’emportent sur les activistes. Ils participent également à la gestion de la ville d’Alger aux côtés du maire libéral Jacques Chevalier. D’ailleurs, c’est cette divergence politique qui conduit en décembre 1953 à la crise ouverte entre Messali Hadj et son comité central. Ce conflit va provoquer, quelques mois plus tard, la scission du parti. Quant aux activistes, ils se regroupent dès le 23 mars 1954 au sein du CRUA (comité révolutionnaire pour l’unité et l’action) à domination centraliste. Et quand les activistes s’en éloignent des centralistes, après la réunion du « groupe des 22 », le 25 juin 1954, ceux de la Kabylie –pros Messali –se joignent au mouvement pour donner naissance au FLN, le 23 octobre 1954. Finalement, la guerre d’Algérie va se faire sans Messali Hadj et sans les centralistes. Après le déclenchement de la guerre, la fédération de France du FLN va jouer un rôle capital. Vers la fin de la guerre, elle finance le budget du GPRA à hauteur de 80%.

Pour conclure, il va de soi que l’histoire du mouvement national est intimement liée à son émigration. Bien que les manuels scolaires, pour reprendre l’expression de Gilbert Meynier, fassent du 1er novembre 1954 le jour zéro de la libération nationale, il n’en demeure pas moins que son apport est un fait indéniable. De la même manière, malgré la barbarie du système coloniale, l’activité politique durant la décennie précédant le déclenchement de la révolution algérienne fut plus libre que la période du règne du parti unique. Aujourd’hui encore, les mêmes mensonges continuent à être colportés. Comme quoi, il n’y a pas que le rôle de l’émigration qui est occulté.

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