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20 mai 2016 5 20 /05 /mai /2016 19:10
Il y a 58 ans, Alger a imposé le retour du général de Gaulle au pouvoir.

S’il y a un jugement péremptoire à faire sur la IVe République française, c’est qu’elle n’a pas eu les moyens de survivre à la guerre d’Algérie. En effet, c’est à partir d’Alger, un certain 13 mai, que les ultras et les militaires de carrière décident d’imposer leurs propres règles de jeu, et ce, bien que le président du Conseil, à Paris, soit légalement investi.

Pour mieux comprendre cette période agitée, qui s’étale du 13 mai au 1er juin 1958, il faudrait remonter au début de la guerre d’Algérie. En fait, tout repose sur un quiproquo. Bien que tous les partis politiques français claironnent que l’Algérie est une partie intégrante de leur territoire, il n’en demeure pas moins que cette terre est historiquement distincte de la France.

Ainsi, malgré la volonté de certains dirigeants français d’aller vers l’assouplissement du système, à l’instar de Pierre-Mendès France, la crise algérienne se résume, selon Michel Winock, dans « la fièvre hexagonale : les grandes crises de 1871 à 1968 », à trois mots : l’impossible décolonisation de l’Algérie.

Mais, pour que cette terre puisse être assimilée à la France, il faudrait –et c’est le moins que l’on puisse dire –que ses habitants soient égaux. Dans le contexte de l’époque, une telle hypothèse est inenvisageable, dans la mesure où tout le système colonial repose sur la domination de sa minorité sur la majorité autochtone.

De la même manière, pour que cette minorité se soumette aux décisions du gouvernement, il faudrait que les institutions soient stables. Or, « face à cette conjoncture algérienne inextricable, le système paraît désarmé. Un mot résume la faiblesse et tout le discrédit qui pèse sur lui : l’instabilité concrétisée par la courte durée des ministères (moins de huit mois en moyenne). La démission de Félix Gaillard, le 15 avril 1958, ouvre la vingt-deuxième crise ministérielle », écrit Michel Winock.

Cependant, contrairement aux précédentes crises, celle du 13 mai 1958 revêt un cachet particulier : l’armée n’est plus le rempart contre le danger provenant des mouvements extrémistes. Ainsi, avant même l’investiture du président du Conseil, Pierre Pflimlin, dans la nuit du 13 au 14 mai 1958, un comité de salut public (CSP) est créé à Alger. Celui-ci est présidé par le général Massu. Dominé par les ultras, ce comité contient aussi deux gaullistes, Delbecque et Neuwirth. Son but est le suivant : seul un gouvernement présidé par le général de Gaulle sera accepté.

Cela dit, de la création du CSP à l’investiture du général de Gaulle, le 1er juin 1958, comme dernier président du Conseil sous la IVe République agonisante, ces trois semaines sont probablement les plus décisives dans l’histoire contemporaine de la France. En effet, entre une menace « d’une conquête de la métropole par l’armée d’Algérie » et le refus des organisations de gauche –le PCF (parti communiste français) et une partie de la SFIO (section française de l’internationale socialiste) –d’accorder leur confiance au général de Gaulle, le risque d’une guerre civile est suspendu, telle une épée de Damoclès, sur la tête des Français.

Mais, grâce au bon sens du général de Gaulle, le scénario catastrophique sera évité. Par un exercice qu’il maîtrise à merveille, estime Michel Winock, dès le 15 mai, le général de Gaulle parvient à se faire une place de choix. « Dès que l’AFP le diffuse, vers 18 heures, le général portait un coup mortel à toute solution de type défense républicaine, sapait l’autorité du gouvernement Pflimlin et canalisait vers lui le dynamisme du mouvement rebelle. Entre le gouvernement légal de Paris et le comité insurrectionnel d’Alger, un troisième pouvoir surgissait, et déjà l’esquisse du dénouement. » Morale de l’histoire : quand un pays est en crise, ses meilleurs fils parviennent à lui éviter la débâcle.

Pour conclure, il va de soi que le retour du général de Gaulle a sauvé le régime républicain de la France. Pour autant, dans les prochains mois, la crise algérienne ne connaîtra pas le dénouement. Au contraire, les deux premières années qui suivent le retour de l’Homme du 18 juin aux affaires constituent les années de guerre à outrance. Pour Michel Winock, « le vrai dénouement de la crise du 13 mai n’a donc lieu que par la fin de la guerre d’Algérie, les accords d’Évian, les derniers combats de l’OAS, la ratification de l’indépendance algérienne par le suffrage universel… »

Quant aux Algériens, la fin du conflit ne signifie pas la libération totale du peuple algérien. En effet, bien que le territoire soit libéré, il n’en est pas de même de l’ensemble des citoyens. Ainsi, dès juillet 1962, le régime qui s’impose dans l’illégalité suspend toutes les libertés. Résultat des courses : 54 ans après l’indépendance, le pays se cherche encore. Et ce ne sont pas, in fine, les querelles du moment qui vont démentir cet état de fait.

Aït Benali Boubekeur

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14 mai 2016 6 14 /05 /mai /2016 12:15
Mai 1945 : aucun plan insurrectionnel ne peut justifier autant de pertes humaines.

Les événements du 8 mai 1945, par l’ampleur des pertes en vies humaines, consacrent la rupture définitive entre le peuple algérien et le système colonial. L’éminent historien, Mohamed Harbi, situe le début de la guerre d’Algérie à cette date.

En fait, après la chute du régime nazi –un danger pour tous les peuples épris de liberté –, les peuples dominés ont cru que la colonisation allait disparaître dans le sillage de la fin du régime hitlérien. Bien que les Anglais aient tiré les conclusions idoines, il n’en est pas de même des Français.

En fait, dès 1943, une année marquée par le déclin des pétainistes, le gouvernement provisoire français songe à rétablir l’image écornée par la débâcle de 1940. Pour ce faire, il compte raffermir le système colonial, gage de la grandeur de l’empire.

Dans ces conditions, toute revendication inhérente à la fin du joug colonial est assimilée à une atteinte aux intérêts immédiats de la France. Ce qui justifie, d’après eux, le recours à la force. Après la démonstration du 1er mai 1945, où douze Algériens ont laissé leur vie, la répression des manifestations du 8 mai 1945, coïncidant avec la défaite du nazisme, atteint son paroxysme.

Malgré les consignes de la direction du PPA (parti du peuple algérien) pour que la célébration de l’armistice ait lieu dans le calme, à Sétif comme à Guelma, les forces de police guettent la moindre faille. Mais, quand un parti indépendantiste manifeste, il est très facile de trouver le prétexte, car il suffit de brandir le drapeau pour que la police intervienne.

Pour Jean-Pierre Peyroulou, dans une contribution au livre « 1830-1962 : histoire de l’Algérie à la période coloniale », le 8 mai 1945, à Sétif, « la manifestation organisée par le PPA se transforma en émeutes quand la police chercha à enlever les drapeaux algériens et les pancartes nationalistes qui demandaient la libération de Mesali et l’indépendance de l’Algérie. »

A Guelma, la célébration se déroule dans l’après-midi. Elle rassemble environ 1500 personnes. Comme à Sétif, « la police, sous les ordres du sous-préfet André Achiary [futur dirigeant de la sinistre organisation armée secrète (OAS)], réprima la manifestation. Un Algérien fut tué, mais aucun Français ne fut même pas blessé », écrit encore l’historien.

Quoi qu’il en soit, si le système colonial avait eu les valeurs d’humanisme, les choses auraient pu en rester là. Hélas, dans les jours suivant cette manifestation, la violence devient le recours systématique. Il va, par la même occasion, crescendo. « Ces miliciens, policiers et gendarmes massacrèrent des Algériens du 9 mai au 26 juin 1945, alors que les meurtres d’Européens avaient cessé le 11 mai », écrit-il.

Cependant, bien que les pertes françaises ne fassent pas polémique, et ce, dans la mesure où le chiffre de 102 morts est communément admis, il n’en est pas de même des pertes algériennes. Si le chiffre avancé par les autorités coloniales de 1165 morts vise à minimiser les pertes, le nombre de 45000, avancé par le PPA, paraît exagéré.

En effet, le parti indépendantiste tente vaille que vaille de discréditer par tous les moyens le régime colonial. À ce titre, il joue convenablement son rôle. Car, ce qui porte préjudice audit système permet, par ricochet, d’avancer sa cause. Du coup, on peut dire que les chiffres de 45000 et 80000 sont à mettre sur le compte de la propagande.

Pour l’historien, Jean-Pierre Peyroulou, il est difficile de situer exactement les pertes. Celles-ci varient selon les sources. « Le 4 juin 1945, l’état-major britannique en Afrique du Nord estima le nombre de morts à 6000 et de blessés à 14000, des ordres de grandeur à rapprocher de celui fourni en 1952 par un officier de renseignement, le capitaine Terce, qui parle alors de 10000 morts. L’armée américaine avança celui de 17000 morts, un chiffre comparable à celui évoqué par le journal de Ferhat Abbas, Égalité : 15000 à 20000 morts. C’est dans cette fourchette qu’il faut estimer le nombre de victimes », conclut-il.

Pour conclure, il va de soi qu’au-delà des chiffres, « on se retrouve donc bien en présence d’un politicide », pour reprendre l’expression de Jean-Pierre Peyroulou. Bien que les autorités coloniales avancent l’argument du plan insurrectionnel en vue de justifier la répression, il n’en demeure pas moins que l’ampleur de la tragédie serait disproportionnée même s’il y avait eu réellement l’existence d’un tel plan.

En tout cas, les études sérieuses indiquent qu’il n’y avait aucun plan insurrectionnel. Mis à part une chimérique proclamation d’un gouvernement provisoire, présidé par Messali Hadj –un projet mort-né –, il n’en reste pas moins que les manifestations sont le fait des citoyens croyant à l’idéal de liberté. Le fait que ces événements aient lieu dans le Constantinois –la région est la plus politisée dans les années quarante –donne davantage du crédit au caractère pacifique des manifestations.

Aït Benali Boubekeur

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7 mai 2016 6 07 /05 /mai /2016 08:50
 8 mai 1945 : la bataille du drapeau

«Il est difficile de faire entendre au colon européen qu'il existe d'autres droits que les siens en pays arabe et que l'indigène n'est pas taillable et corvéable à merci», lit-on dans un rapport de Jules Ferry de 1884.

Il se dégage nettement, à la lecture de ce rapport, que le système colonial n’ait pas pour vocation d’apporter le bonheur ou la sérénité aux peuples colonisés. Plusieurs événements de l'histoire coloniale peuvent étayer cette thèse. Pour le cas de l'Algérie, les événements de mai 1945 sont là pour nous rappeler la domination effrénée des colonialistes. Toutefois, la participation des colonisés à la chute du nazisme, lors de la Seconde Guerre mondiale, laisse, quand même, entrevoir une brèche de liberté.

Néanmoins, malgré un effort de guerre énorme des Algériens, les autorités coloniales n’épargnent pas leurs familles restées au bled. En effet, sur 173.000 Algériens ayant pris part à la guerre aux côtés des Alliés, entre 1943 et 1945, 85.000 sont des engagés. Ainsi, à leur retour au pays, ceux qui ont participé à la campagne d'Italie, de France et d'Allemagne constatent amèrement que la situation de leurs coreligionnaires ne s'est guère améliorée.

Au contraire, la victoire des Alliés revigore le système colonial abhorré. Et la recommandation parisienne, émise quelques mois plus tôt, a été la suivante : écraser toute manifestation des «indigènes» voulant s'affranchir du giron colonial. Or, en ce jour symbole de la liberté, est-il possible, s'interroge pour sa part Jean-Louis Planche, «d'exalter la passion nationaliste des uns et refréner celle des autres ?»

Mais, dans les années quarante, le mouvement national tirant jusque-là à hue et à dia a pu s'entendre sur un programme commun. La création des AML (Amis du Manifeste et de la Liberté), le 14 mars 1944, leur a permis de dégager une plateforme commune sous l’égide de l'union des trois partis nationalistes, à savoir le PPA de Messali Hadj, les élus ou les partisans de Ferhat Abbas et les Ulémas de Bachir El Ibrahimi.

En outre, bien que certains courants soient modérés, la revendication des AML pour un État autonome fédéré à la France, au début de ses assises, va bientôt être mise au placard au profit de la création d'un État séparé de la France. Leur combat désormais a pour but de doter le pays d'une assemblée constituante élue au suffrage universel, et ce, par tous les habitants de l'Algérie.

Pour ce faire, les AML ont bataillé dur pour faire connaître le problème algérien aux principales puissances alliées, notamment les USA et les Britanniques. Ainsi, bien que la France ait décidé de garder les départements algériens attachés à elle, les nationalistes savaient que les résolutions des trois précédentes conférences internationales jouaient en leur faveur. De la conférence de l'Atlantique, du 14 août 1941, proclamant «le droit pour chaque peuple de choisir la forme du gouvernement sous lequel il doit vivre» à la conférence de San Francisco soutenant « le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes», ainsi que l'engagement de cette dernière à «tenir compte des aspirations des populations et à les aider dans le développement progressif de leurs libres institutions politiques», tout concourt pour que les pays colonisés recouvrent leur liberté à la fin du grand conflit mondial.
Le drapeau qui a coûté des dizaines de milliers de vies humaines

Une nation ne peut être considérée comme telle que si elle possède certains critères : son territoire, ses institutions, son emblème, etc. L'Algérie des années quarante ne possède pas tout ça d'une façon tangible, mais dans l'esprit des nationalistes, il ne s'agit que d'une question de temps. Le respect que vouent les Algériens à leur emblème est la preuve de leur désir de vivre dans une Algérie indépendante.

Ainsi, lorsque le commissaire Lucien Olivieri intime l'ordre, le 8 mai 1945 à Sétif, au porte-drapeau de jeter son emblème, ce dernier répond instinctivement : «Le drapeau étant sacré, il est impossible de le remiser une fois sorti.»
Bien que les organisateurs haranguent la foule avant le départ du cortège, pour ces derniers, il ne faudrait pas qu'ils subissent des humiliations, notamment le retrait ou la confiscation du drapeau. Hélas, arrivés à la hauteur du café de France, les manifestants sont arrêtés par le commissaire Olivieri et les inspecteurs Laffont et Haas.

Ces derniers les somment de jeter le drapeau et les pancartes où les principaux slogans sont «l'indépendance de l'Algérie et la libération de Messali». Pour Jean-Louis Planche, c'est à ce moment-là que le dérapage a lieu. Un des inspecteurs, fou de rage, dégaine son arme. Il abat le porte-drapeau. La panique saisit ensuite toute la ville.

À Guelma, les militants des AML décalent la célébration de l'armistice à 17 heures de l'après-midi. Bien que les drapeaux des alliés soient fortement présents, les manifestants ne cachent pas non plus le leur. En plus, il ne reste que 500 mètres aux marcheurs pour déposer la gerbe de fleurs.

Soudain, le sous-préfet André Achiary surgit. «Jetez vos drapeaux et pancartes», intime-t-il l'ordre aux manifestants. Au refus d'obéissance à cette injonction, note J.L. Planche, «comme sous un coup de fouet, Achiary saisit le revolver dont il s'est armé, entre dans la foule droit sur le porte-drapeau et tire. Son escorte ouvre le feu sur le cortège qui s'enfuit, découvrant dans son reflux le corps du jeune Boumaza».

Pour conclure, la bataille, menée à mains nues par les Algériens autour du drapeau, a permis de connaître le vrai visage de la colonisation. Avec un arsenal de guerre impressionnant, les colonialistes sont prêts à éteindre toutes les voies appelant à l'indépendance.

Bien que les Algériens ne soient pas organisés à l'échelle nationale –jusque-là, c'était des révoltes localisées, à l'exception de celle de l'Émir Abdelkader –, les animateurs du mouvement national ont pris conscience de la nécessité impérieuse d'une lutte unifiée.
Enfin, l'enseignement de cette semaine sanglante est le suivant : face au système violent incarné par le colonisateur, il faudrait développer une violence plus grande en intensité pour le vaincre. Le chemin pour la guerre d'Algérie prend ainsi forme à Sétif et à Guelma.

Aït Benali Boubekeur

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1 mai 2016 7 01 /05 /mai /2016 13:50
 Il y a 71 ans, la fête du Travail est célébrée dans le sang

La défaite du nazisme, en 1945, n’annonce pas hélas les meilleurs jours pour tous les peuples. En effet, malgré la participation des « indigènes » à l’effort de guerre, le système colonial ne compte pas rendre la liberté aux peuples qu’il subjugue.

Ainsi, au nom du principe de la généralisation des droits de l’Homme, les autorités coloniales les bafouent en foulant au sol les mêmes principes. Cela « confère à de telles actions un caractère particulier d’hypocrisie, de double langage », écrit Yves Benot, auteur du livre « les massacres coloniaux ».

Mais, compte tenu des promesses des alliés –lors de la conférence de San Francisco de mars 1945, les alliés réaffirment le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes –, les Algériens tiennent à faire valoir leur droit à la libération, et ce, bien que l’arsenal répressif colonial soit aux aguets. En tout cas, en dépit des risques encourus, le 1er mai 1945, la rue algérienne, notamment ces deux grandes villes, Alger et Oran, est prête à défendre crânement ses droits.

Pour le principal parti indépendantiste, le PPA (parti du peuple algérien), il y a un double défi. D’un côté, il veut rappeler les promesses des alliés et, de l’autre côté, il conteste la déportation de son chef charismatique, Messali Hadj, à Brazzaville, le 30 avril 1945.

Bien que les organisateurs aient peu de temps devant eux, ils parviennent tant bien que mal à préparer des pancartes et des banderoles. Sur celles-ci, deux slogans sont principalement martelés : « libérez Messali » et « Algérie libre et indépendante ».

Mais, est-ce que la liberté des uns vaut la liberté des autres ? La réponse est évidemment non. En fait, ce qui peut paraître comme un idéal à préserver chez les puissants de ce monde n’est qu’une forme de sédition quand il est revendiqué par les faibles. Cela leur confère, par la même occasion, le droit de les mater.

Pour dissuader les manifestants algériens, dès les premières heures du 1er mai 1945, la ville d’Alger est bouclée par les forces de police. En outre, après le refus de la CGT de laisser les Algériens intégrer leur cortège, la mission de la police coloniale devient du coup plus facile.

Dès l’apparition du drapeau algérien, le prétexte est aussitôt trouvé. Pour résumer l’ampleur de la répression, le témoin de l’époque, Henri Alleg, écrit : « il y avait eu quatre morts et sept autres blessés qui ne survivront que quelques jours à leur blessure. » Ce même scénario se répète évidemment à Oran, où le bilan est d’un mort et de plusieurs blessés graves.

Cependant, dès le lendemain, les dirigeants du parti clandestin se retrouvent dans une situation paradoxale. Ne pas appeler à la célébration de l’armistice, prévue dans une semaine, c’est renoncer au combat ; le faire, c’est exposer leurs compatriotes à une répression aveugle. Telle est donc la question à laquelle doivent répondre les dirigeants du PPA au plus vite.

Après une concertation de la direction clandestine, il est décidé que les célébrations devraient avoir lieu dans les villes où il n’y avait pas de violence. En effet, à l’instar de Sétif et de Guelma, où les manifestations du 1er mai n’ont pas provoqué de heurts, la célébration de l’armistice est maintenue.

En revanche, à Alger et à Oran, il est décidé d’annuler uniment tout rassemblement. Et qui plus est, anticipant tout risque, les militants les plus en vue dans ces deux grandes villes sont simplement arrêtés. Malheureusement, sans que la répression ne soit évitée le jour J.

Pour conclure, il va de soi que la répression du 1er mai 1945 n’est pas anodine, et ce, bien que celle de la semaine suivante la dépasse largement en horreur. Dans les deux cas, les Algériens ne sont armés que de leur courage en vue de conquérir leur liberté. Pour y parvenir, ces meilleurs fils de l’Algérie ont payé un lourd tribut. 71 ans plus tard, il appartient aux générations actuelle et future de préserver ce legs précieux.

Aït Benali Boubekeur

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17 avril 2016 7 17 /04 /avril /2016 08:52
 Le 20 avril est indissociable de l’histoire nationale.

Les événements du 20 avril 1980 constituent, pour l’Algérie, la reprise de la contestation politique postindépendance. En effet, après la fin de la crise de l’été 1962 et ses prolongements jusqu’au coup d’État du 19 juin 1965, le régime, dirigé d’une main de fer dans les années 1970 par Houari Boumediene, a repris le contrôle sur l’ensemble de la société.

Ainsi, bien que le mouvement ait lieu en Kabylie, il n’en reste pas moins que les revendications reprennent, pour l’essentiel, celles des différents courants de l’opposition algérienne au double coup d’État de 1962 et 1965. Hormis la revendication culturelle –est-il nécessaire de rappeler par ailleurs que le PRS de Mohammed Boudiaf a inscrit dans son programme de 1978 Tamazight comme langue nationale et officielle –, le MCB (mouvement culturel berbère) développe les mêmes thématiques, à savoir la fin de règne du parti unique, l’ouverture du champ politique, le respect des droits de l’Homme, etc.

Précurseur, ce mouvement contribuera, huit ans plus tard, à l’éclosion du pluralisme en Algérie. Hélas, le processus étant biaisé à l’origine, l’Algérie demeure toujours bloquée et n’entre pas encore dans la vie démocratique effective. En effet, malgré les acquis arrachés au prix de sacrifices suprêmes, le régime n’a jamais renoncé à son jeu favori : la déstabilisation de la classe politique ne faisant pas partie de sa clientèle.

Par ailleurs, en revenant sur les avancées concédées sous la contrainte de la rue, le régime suscite un sentiment de méfiance, voire une répugnance à son égard. Cela dit, tant que les réactions de rejet ne concernent pas l’Algérie, il est tout à fait normal que le citoyen s’oppose aux dirigeants incompétents mettant chaque jour le pays en danger.

Or, il y a quelques années, un mouvement séparatiste, qui ne se revendique de la démocratie que pour tromper l’opinion, rejette le régime, les institutions et toute l’Algérie. Et là où le bât blesse, c’est que ce mouvement prétend représenter toute la région. À deux reprises, son chef autoproclamé, menaçant et mettant en garde tout le monde, s’adresse à Manuel Valls et à Ban Ki Moon en sa qualité de « président de la Kabylie », forcé par « le système colonial » à l’exil.

Bien évidemment, tout le monde sait que cette allégation est mensongère. Certes, la Kabylie souffre, comme souffrent d’ailleurs toutes les régions du pays, du système politique imposé au pays, mais elle n’a donné de mandat à quiconque pour la représenter en dehors des institutions –encore une fois injustes– de notre pays.

Incontestablement, bien que le séparatiste Ferhat Mehenni ait des partisans, il n’en reste pas moins que les forces politiques de la région sont hostiles à la scission du pays. Mais, pour tromper l’opinion, Ferhat Mehenni n’hésite pas à recourir aux procédés machiavéliques. En faisant du 20 avril une date où l’on mesure la représentativité de son mouvement, il se comporte comme les dirigeants du FLN des années 1960 faisant de la révolution algérienne leur propre domaine.

En tout état de cause, en usurpant cet événement, il met les citoyens de la région dans un dilemme. S’ils sortent dans la rue, ils soutiennent donc le MAK et s’ils boudent le 20 avril, ils renoncent à la célébration de l’une des dates clés de l’histoire postindépendance de l’Algérie.

Pour conclure, il va de soi que le 20 avril et le mouvement qu’il l’a incarné, en l’occurrence le MCB, n’appartiennent à personne. Privatiser un tel événement est indubitablement un acte grave. Cela dit, venant de Ferhat Mehenni, cela n’étonne guère. Depuis ses débuts en politique, il ne cesse de confondre son destin personnel avec celui de sa région de naissance.

Dans ce cas, en quoi son projet diffère-t-il de celui du régime ? Aucune différence. En effet, si le régime s’accapare l’histoire de la révolution en la manipulant à sa guise, Ferhat Mehenni procède de même en usurpant l’histoire du mouvement culturel berbère, dont il a prononcé lui-même l’oraison funèbre un certain 11 février 1989. Hélas, les gens oublient vite.

Aït Benali Boubekeur

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7 avril 2016 4 07 /04 /avril /2016 18:52
Le 19 mars 1962 : une victoire détournée de son objectif.

« Si l’on considère les positions françaises qui subordonnaient toute négociation au cessez-le-feu, c’est là une grande victoire du peuple algérien. Cette victoire se traduit sur le plan politique par l’indépendance de notre pays », extrait du message du président du GPRA, Ben Youcef Ben Khedda, le 18 mars 1962.

Malgré une opposition farouche de l’EMG (état-major général), commandé par Houari Boumediene, les accords d’Évian représentent immanquablement un triomphe, et ce, dans la mesure où toutes les revendications contenues dans les documents fondamentaux, à savoir la proclamation du 1er novembre 1954 et les résolutions du congrès de la Soummam, sont satisfaites.

Bien que la délégation du GPRA ait fait des concessions, notamment sur la location de la base de Mers-el-Kébir et la poursuite des expériences nucléaires, il n’en reste pas moins que tout accord politique nécessite une souplesse de part et d’autre. Et si l’on mesure leur amplitude, on peut dire que la délégation algérienne est celle qui a lâché le moins de lest.

En effet, sur deux points notamment, en l’occurrence la séparation du Sahara de la partie nord de l’Algérie et la conception d’un statut particulier aux Français d’Algérie, la délégation française renonce tout bonnement à ses exigences. Il en est de même de la tentative d’ethniciser le peuple algérien, où la délégation française a songé, un moment donné, à consulter les Algériens séparément.

Hélas, en dépit de cette victoire, l’armée des frontières se montre sceptique, voire opposée aux accords. Bien que la fin de la colonisation ne puisse intervenir que par la négociation politique –vers la fin 1960, 5 soldats de l’ALN sur 6 se trouveraient bloqués aux frontières –, les principaux responsables de l’EMG votent contre les préaccords soumis à la session du CNRA (conseil national de la révolution algérienne) du 22 au 27 février 1962.

Toutefois, tant que la révolution est encore gérée par des règles définies communément, les intrigues de ceux qui se projettent dans l’après-guerre échouent. Et qui plus est, le chef de l’État-major général ne cherche pas pour le moment l’affrontement. Du coup, seules 4 voix sur 49 refusent d’accorder leur confiance aux négociateurs, mandatés par le CNRA.

Quoi qu’il en soit, lorsque les négociations reprennent le 7 mars 1962, à Évian cette fois-ci, les négociateurs français s’attendent à une simple formalité, car le cadre a été arrêté aux Rousses du 13 au 19 février 1962. Ce n’est pas le cas dans la mesure où les mandataires du CNRA posent tous les problèmes et les réserves émises par leurs collègues à Tripoli.

De fil en aiguille, ces derniers parviennent à arracher les dernières concessions à leurs homologues français, et ce, malgré leur volonté de s’en tenir au texte des Rousses. Au bout de 11 jours de palabres interminables, l’accord est finalement signé le 18 mars 1962. Quant au cessez-le-feu, il est prévu le lendemain à midi, et ce, au grand bonheur du peuple algérien.

Pour conclure, il va de soi que la victoire du peuple algérien sur le colonialisme est avant tout une victoire politique. Après avoir posé le problème militairement, il est évident que la disparité des moyens ne plaide pour une victoire du même type. D’ailleurs, la seule épreuve de force des partisans de Boumediene se fera, quelques mois après le cessez-le-feu, contre leurs frères de combat en vue de s’emparer du pouvoir. Hélas, après une euphorie allant du printemps à l’été 1962, le peuple algérien replonge dans une autre période de domination, où cette fois-ci la violence émane des nationaux. Ce qui est en soi plus désagréable à supporter.

Aït Benali Boubekeur

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27 mars 2016 7 27 /03 /mars /2016 08:58
La droite française a-t-elle rompu avec le gaullisme ?

Pour la première fois, la date du 19 mars 1962 est célébrée officiellement en France. Alors que cet événement est le fruit d’une négociation où chaque partie a fait des concessions en vue de surpasser la crise franco-algérienne, la droite française –ce thème a été pendant longtemps le cheval de bataille de l’extrême droite –réagit violemment à l’initiative du président français, François Hollande.

Leur chef de file, Nicolas Sarkozy, voit en cette date une offense à la République, car, selon lui, une partie de la population française continue à l « considérer comme une défaite militaire de la France », écrit-il dans une tribune publiée par le journal « Le Figaro ».

Pour avoir beaucoup lu sur la guerre d’Algérie –y compris les livres des partisans de l’Algérie française –, je n’ai jamais entendu une telle thèse. En fait, aucun historien sérieux ne peut parler de la défaite militaire française, sinon tout l’ouvrage serait discrédité. D’ailleurs, au moment de la ratification des accords d’Évian, il y avait un demi-million de soldats français sur le terrain. Du côté algérien, plus de 80% des effectifs de l’ALN étaient bloqués aux frontières tunisienne et marocaine.

En revanche, la défaite –et il y en a eu une –était une défaite diplomatique, voire politique. En effet, pour sortir du « bourbier algérien », pour reprendre l’expression gaulliste de l’époque, le plus célèbre dirigeant français, le général de Gaulle, a compris que la seule solution possible en Algérie était la négociation avec le représentant légitime du peuple algérien, le GPRA.

De toute évidence, bien que le cessez-le-feu soit majoritairement approuvé par les deux peuples, français le 8 avril 1962 et algérien le 1er juillet 1962, il n’en reste pas moins que les tensions ne disparaissent pas pour autant.

Si du côté algérien, les adversaires aux accords d’Évian redoublent d’intrigues en vue de renverser l’autorité légitime de la révolution algérienne, du côté français, les ultras se lancent dans le terrorisme urbain, la politique de la terre brulée et la planification de l’assassinat du général de Gaulle.

Cinquante-quatre ans après les accords d’Évian, est-ce que la droite traditionnelle, qui se réclame de surcroit de l’héritage du général de Gaulle, n’assume plus le projet de paix réalisé par son meilleur représentant de l’époque en libérant le peuple algérien du carcan colonial ? À l’examen des positions des ses représentants actuels, Nicolas Sarkozy, Éric Ciotti, il semblerait que les calculs politiciens prennent le dessus sur les principes fondateurs de la philosophie gaulliste.

En tout cas, la simple comparaison de la déclaration de Marine Le Pen avec les Sarkozystes montre que les positions ne sont pas si éloignées. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’héritage gaulliste fait de moins en moins recette.

Ainsi, en considérant que la France du général de Gaulle était du mauvais côté de l’histoire, en ratifiant les accords de paix du 19 mars 1962, Nicolas Sarkozy remue le coteau dans la plaie. Pire encore, il remet en cause les 90,81% des suffrages exprimés en faveur des accords d’Évian lors du referendum métropolitain du 8 avril 1962.

Pour conclure, il va de soi qu’avec les acteurs actuels, il serait difficile d’imaginer une issue politique à la guerre d’Algérie. Heureusement, au début des années 1960, la France avait à sa tête le général de Gaulle et la révolution algérienne était encore sous l’autorité du GPRA. C’est grâce à eux que le conflit a été résolu. Hélas, 54 ans après les accords de paix, les maximalistes des deux côtés de la méditerranée font tout pour que cette page douloureuse ne se referme jamais.

Par Aït Benali Boubekeur

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10 mars 2016 4 10 /03 /mars /2016 09:03
La genèse du printemps berbère.

Il y a 36 ans, jour pour jour, le printemps berbère éclot, provoqué de façon sous-jacente par le régime. En effet, tout commence le 10 mars lorsque les autorités locales, en l’occurrence le wali de Tizi Ouzou, Hamid Sidi Saïd, décident d’empêcher la tenue d’une conférence sur les poèmes (Isfera) kabyles anciens, que devrait animer l’illustre écrivain Mouloud Mammeri.

En tout cas, dès que la nouvelle est arrivée à l’université, la réponse des étudiants ne se fait pas attendre. Le soir même, une assemblée générale des étudiants se tient à la cité universitaire d’Oued Aissi. En réponse à la décision inique du wali d’interdire la conférence, le principe d’une manifestation, pour le lendemain, est adopté sans peine.

Avant de quitter l’enceinte universitaire, un rassemblement est improvisé à Hasnaoua, le 11 mars 1980, à 11 heures. Au cours de ce rassemblement, les étudiants décident, sans tergiversation, de porter le combat dans la rue. « Devant le portail du campus, 1500 personnes de la communauté universitaire, sur les 1700 que compte l’université, sont rassemblées, attendant le départ », écrit Aziz Tari, dans un ouvrage collectif, sur les événements d’avril 1980, dirigé par Arezki Aït Larbi.

Hélas, dans un système déniant tout droit au citoyen, les manifestations sont systématiquement réprimées. Bien que le barrage des CRS ne puisse pas contenir la foule, cette demi-victoire sera chèrement payée un mois plus tard. Pour le moment, la population salue l’exploit des jeunes étudiants bravant l’arsenal répressif. Une situation logique, selon Aziz Tari, dans la mesure où cette situation « est la résultante de l’expérience militante et le cumul des différentes actions et autres formes de résistances, notamment depuis 1963. »

Désormais, la noria étant lancée, la communauté universitaire et les organisations politiques clandestines comptent laver l’affront. Bien que les initiateurs du mouvement estudiantin n’aient aucune sympathie pour le FFS –ils viennent de l’extrême gauche, à l’instar d’Aziz Tari, Gérard Lamari, et Djamel Zenati –, la cohabitation se passe sans encombre.

De son côté, le régime ne se laisse pas impressionner. D’emblée, il mobilise ses plumes en vue de dénaturer le mouvement. Il confie cette tâche à deux plumitifs : Kamel Belkacem et Mohamed Benchicou. Si celui-ci voit la main de l’étranger, dans un article intitulé « qu’y a-t-il derrière le refus des Français et des Américains d’accepter un prix rémunérateur du gaz que leur vend notre pays », celui-là s’en prend violemment à la personnalité de Mouloud Mammeri.

Pour les jeunes animateurs, ces insultes, de par le caractère obscène, les galvanisent. « Les réactions fusent de partout, à Alger, en France dans l’immigration, et bien sûr en Kabylie. C’est le début d’un cycle contestation-répression-arrestation », écrit Aziz Tari. Ce pourrissement –et c’est le moins que l’on puisse dire –dure jusqu’au jour fatidique –dans la nuit du 19 au 20 avril –où les forces de l’ordre envahissent les campus et les cités universitaires en vue de casser le mouvement.

Pour conclure, il va de soi que, dans un régime qui respecte les libertés, un tel événement ne risque pas de se produire. Car, ce sont les dirigeants qui encouragent, financent et accompagnent les activités culturelles. Or, en 1980, l’Algérie est une République bananière où l’on régit la société par la violence. Mais, ce qu’ignorent les dirigeants, c’est que la génération d’après-guerre ne compte pas courber l’échine face au chantage à la violence.

Bien que l’histoire retienne les noms des animateurs les plus habiles sur le plan de la communication, il n’en reste pas moins que le mouvement est fait et porté par des étudiants guidés par leur fougue et ayant un sens de responsabilité précoce par rapport à leur âge.

Enfin, c’est cette génération, dont beaucoup d’entre eux resteront dans l’anonymat, qui donne le coup de pied dans la fourmilière du régime. Ce mouvement sera suivi par d’autres villes : Bejaia 1981, Oran-Saida 1982, Alger-Laghoaut 1984, Casbah (Alger) 1985, Sétif-Constantine 1986.

Aït Benali Boubekeur

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4 mars 2016 5 04 /03 /mars /2016 09:55
Hommage à Larbi Ben Mhidi, lâchement assassiné le 4 mars 1957.

L’assassinat de Larbi Ben Mhidi par les paras, commandés par le criminel de guerre, Paul Aussaresses, représente l’un des coups les plus terribles que la révolution algérienne ait subis. En effet, au moment où la révolution est reprise en main par les plus probes des hommes politiques, Larbi Ben Mhidi et Abane Ramdane, voilà que les parachutistes donnent un coup de massue à la révolution en arrêtant Larbi Ben Mhidi le 23 février 1957.

Bien que le chef historique soit précautionneux, il n’en reste pas moins que le quadrillage de la ville blanche, depuis le lancement de la grève des huit jours, la marge de manœuvre des dirigeants du CCE (comité de coordination et d’exécution), issu du congrès de la Soummam, se rétrécit telle une peau de chagrin. Néanmoins, selon le témoignage de Paul-Albert Lantin, dans la revue Historia, le scénario de l’arrestation de Larbi Ben Mhidi tient au fait du hasard.

D’après la même source, « ce sont ainsi des policiers amateurs du DPU qui signalent la présence, dans l’appartement de la rue Claude Debussy, d’un nouveau locataire arabe, dont il serait peut-être bon d’examiner les activités…Lorsque les policiers, accompagnés de parachutistes du 3eme RCP viennent interpeller, le 23 février, l’hôte du studio de la rue Debussy, ils ont très vite la certitude qu’il s’agit bien de Ben Mhidi qui, cette fois, n’a pas eu la baraka », écrit-il.

Bien évidemment, les récits que vont faire a posteriori les historiens-militaires français consistent à brouiller les cartes en présentant l’arrestation de Larbi Ben Mhidi comme étant le résultat de la coopération des dirigeants de la révolution, arrêtés avant lui. Pour mieux arranger le scénario, ils n’hésiteraient pas à dater cette arrestation du 25 février afin d’accabler Brahim Chergui, arrêté, lui, le 24 février. De la même manière, les mauvaises langues vont jusqu’à impliquer Ben Youcef Ben Khedda, son collègue au CCE, pour avoir occupé avant lui le même studio.

Quoi qu’il en soit, après la capture de Larbi Ben Mhidi, le souci des militaires est de punir l’homme qui a osé défier leur autorité. Bien que certains paras, à l’instar de Bigeard, tiennent des propos élogieux à l’égard de Larbi Ben Mhidi, la vérité en est tout autre. Car, ces hommes ont une seule mission : éliminer leurs adversaires. Ainsi, que ce soit Massu, Bigeard ou Aussaresses, il est difficile de concevoir une fin heureuse après avoir été pris dans leur filet.

Par ailleurs, bien que le témoignage de Paul Aussaresses soit d’une monstruosité incommensurable, force est de reconnaître que c’est le récit qui se rapproche le plus de la réalité. Selon le criminel de guerre, le sort de Larbi Ben Mhidi était le dernier de ses soucis. « Nous nous sommes arrêtés [le 4 mars 1957] dans une ferme isolée qu’occupait le commando de mon régiment… Une fois dans la pièce, avec l’aide de mes gradés, nous avons empoigné Ben Mhidi et nous l’avons pendu, d’une façon qui puisse penser à un suicide », écrit-il dans son livre témoignage à la page 169.

Pour conclure, il va de soi que le sort des révolutionnaires en cas d’arrestation est impitoyable. Mais, là où le sort s’est acharné sur la révolution algérienne, c’est que, dans la même année, elle perd deux de ses meilleurs organisateurs : Larbi Ben Mhidi et Abane Ramdane. Une perte lourde de conséquences dans la mesure où la révolution tombe entre de mauvaises mains. Ce qui explique, cinquante-neuf ans après les faits, la défaite de la ligne démocratique et républicaine de la révolution algérienne.

Aït Benali Boubekeur

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23 février 2016 2 23 /02 /février /2016 10:38
Contribution au livre d’Or sur Abane Ramdane.

S’il y a des noms qui marquent de façon indélébile l’histoire de notre pays, celui d’Abane Ramdane y figure forcément. En effet, la seule évocation de son nom représente déjà un idéal. Malgré les tentatives des hommes forts de l’Algérie indépendantes de vouloir l’effacer du récit historique, il suffit qu’un article ou un livre soit écrit sur la guerre d’Algérie pour que le rédacteur accorde une place prépondérante à Abane Ramdane.

Dans la catégorie des grands tacticiens et stratèges, l’histoire contemporaine retient peu de noms. Incontestablement, Abane Ramdane appartient à ce cercle très restreint des chefs qui sont capables de rassembler leur peuple en vue de réaliser un projet commun.

En effet, depuis sa libération des geôles française, le 18 janvier 1955, la révolution algérienne trouve la tête politique qui lui fait défaut à l’Intérieur. Bien que des comploteurs songent en plein brasier à leur sort personnel en se projetant dans l’après-guerre, la mission d’Abane Ramdane est diamétralement opposée. Son travail consiste alors à créer un climat de confiance entre le simple citoyen et le responsable hiérarchique.

Ainsi, ce qu’était chimérique jusque-là, Abane Ramdane et quelques militants dévoués, à l’instar de Larbi Ben Mhidi, le concrétisent en août 1956 en réussissant à réaliser l’union de tous les courants politiques nationaux au sein du FLN historique. L’éminent historien français, Gilbert Meynier, compare volontiers Abane Ramdane à Jean Moulin. Quand on sait le rôle qu’a joué Jean Moulin en vue d’unifier la résistance française dans son combat contre le nazisme, la comparaison –et c’est le moins que l’on puisse dire –est flatteuse.

Hélas, si Jean Moulin est honoré dans son pays à un très haut niveau de l’État, il n’en est pas de même de notre héros national. Pire encore, entre les attaques de Ben Bella, Ali Kafi et récemment Dahou Ould Kablia, les tentatives de souiller sa mémoire sont légion. Or, en dépit de la puissance de ces hommes, les défenseurs de la mémoire d’Abane Ramdane –avec des moyens dérisoires évidemment –se sont toujours mobilisés contre l’affront.

En tout cas, avec la création d’un site internet portant le nom « Abane Ramdane », les répliques vont être désormais organisées. Pour chaque mensonge colporté, il faudra dévoiler dix vérités sur la justesse du combat d’Abane Ramdane.

Enfin, il est du devoir de chaque citoyen épris de justice –il faut rappeler qu’Abane Ramdane n’a même pas eu le droit à un procès équitable pour qu’il puisse plaider sa cause –et de chaque militant croyant aux valeurs démocratiques universelles de contribuer à ce que la vérité sur le combat et sur le lâche assassinat d’Abane Ramdane soit connue de tous.

Aït Benali Boubekeur

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