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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 11:27

image1111s.jpgLa prise du pouvoir, en 1962, par l’EMG (État-major général), commandé par Boumediene, va s’avérer catastrophique à tous les niveaux. En effet, le coup de force a vacillé sérieusement les fondements de l’État. Cependant, après le départ des Français, l’Algérie ne doit compter que sur ses enfants pour sortir du bourbier colonial. Or, le rapport entre gouvernants et gouvernés est d’emblée faussé par la propension des chefs militaires, soutenus par Ben Bella, à museler Algériens. Par ailleurs, bien que des coopérants soient venus en nombre pour aider la jeune nation, l’encadrement au sommet –c’est le moins que l’on puisse dire –est poreux. D’une façon générale, une fois l’effet de l’allégresse passé, les Algériens se réveillent avec une gueule de bois. Ils sont désabusés par les promesses d’une révolution au service de tous les Algériens. Tout compte fait, la course pour le pouvoir va décevoir plus d’un. Et le citoyen lambda se retrouve tout bonnement dépassé. En plus, que peut-il faire face à des dirigeants dont le seul discours est l’emploi de la force ? Hélas, cette voie ouvre la voie à tous les charlatans. Selon Catherine Simon, dans « Algérie, les années pieds-rouges » : « Durant les premiers mois d’après l’indépendance, le système D fleurit et ses adeptes prolifèrent. C’est le temps des « marsiens », ces soldats de la dernière heure, qui ont enfilé l’uniforme de l’ALN au moment du cessez-le-feu, le 19 mars. Les gangs de « marsiens » pullulent, s’improvisent coupeurs de route afin de voler les automobilistes. Ils ne sont pas les seuls faussaires qui défrayent la chronique. »

Quoi qu’il en soit, quand les nouveaux maitres de l’Algérie s’affairent à écarter des responsabilités les meilleurs fils de l’Algérie [ceux qui ont soutenu le GPRA lors de la crise de l’été 1962 sont écartés systématiquement], la base, dans toutes ses composantes, ne déroge pas à cette règle. Le plus fort impose sa loi au plus faible. Ainsi, la prise du pouvoir par la force va s’extrapoler à tous les domaines, notamment celui inhérent aux biens vacants. D’ailleurs, la gestion de ces biens immobiliers restera la tache noire du bilan des nouveaux dirigeants. Préoccupés par la course pour le pouvoir, ils laissent les Algériens désorganisés. En effet, à peine les pieds-noirs ont quitté leurs appartements, les nouveaux occupants sont déjà installés. La manière laisse pantois à en croire Catherine Simon : « Un coup de pied dans la porte, et hop !, nous étions chez nous », se rappelle Jean-Paul Ribes, décrivant la façon dont un militant du FLN, « un des responsables du quartier Belcourt », les a installés, à leur arrivée à Alger. » Cela dit, le fait de trouver un appartement ne signifie pas pour autant une installation définitive. L’une des pieds-rouges, ces Français de gauche venus en Algérie pour aider la jeune nation, Séverine Parraud, raconte son cauchemar en ces termes : « Au bout de quelques mois, un officier de police est arrivé, avec sa femme et ses gosses. Il nous a fait partir sous la menace d’un pistolet. » Cette histoire va se répéter inlassablement. Le comble c’est qu’à  prés de quarante d’intervalle, dans l’Algérie indépendante, un même cas se reproduira dans la daira d’Iferhounene. Un policier sans scrupule s’empare de la maison familiale pour vivre avec sa femme et sa belle mère. Comme quoi la mentalité n’a pas trop évolué. Bien que les Algériens se soient débarrassés du régime colonial violent, le nouveau régime en profite pour imposer une violence presque pareille.

Toutefois, dans l’anarchie des premiers mois de l’indépendance, les magouilles battent leur plein. Bien que les coopérants, les pieds-rouges comme les appelle Catherine Simon, soient pour la plupart animés d’une bonne foi, certains étrangers profitent de la confusion pour se frayer un chemin vers les postes qu’ils ne méritent pas. Pour étayer sa thèse, la correspondante du journal « Le Monde », dans les années 1960 et 1970, s’appuie sur des témoignages de ces pieds-rouges : « Le docteur Annette Roger se souvient d’un prétendu médecin, un « Ivoirien très sympathique, adoré des patients », qui n’avait, en réalité, que le niveau d’aide soignant… En aout, au moment où il fallait redémarrer l’activité du pavillon de chirurgien de l’hôpital Mustapha, le docteur Michel Martini se voit contraint, quant à lui, de mettre fin à la carrière d’un faux chirurgien belge. »   

Cependant, en ce début de la nouvelle ère, et pour ne pas mettre tout le monde dans le même sac, certains dirigeants pensent servir leur pays. Le président de l’Assemblée nationale constituante, Ferhat Abbas, n’est pas un homme qui mange à tous les râteliers. Un Ait Ahmed siégeant à la première assemblée n’est là que pour servir son pays. D’après ce qui se dit, Boumediene aime le pouvoir, mais il ne l’utilise pas pour s’enrichir. Mais ce n’est pas le cas de tous ceux qui gravitent autour du pouvoir. Selon Catherine Simon : « Ce ne sont ni les « bourgeois », français ou Algériens, ni le « peuple » qui profitent des bouleversements de l’été 1962, mais un troisième larron : la jeune caste de nouveaux riches, ayant de préférence oncle ou cousin dans l’armée, la fameuse petite bourgeoisie bureaucratique, expression qui fera florès. »  Partant, cette situation engendre des catégories et ce, à peine les cendres de la guerre sont éteintes. Pour la pied-rouge, Monique Laks, l’Algérie est scindée en deux. Il y a les pauvres d’un côté et les fonctionnaires de l’autre côté. « Ces derniers, qui ont pris, dès l’été 1962, la place des Français au sein de l’administration, « ont hérité peu ou prou des mêmes salaires », écrit Catherine Simon. Il faut attendre le 19 juin 1965, correspondant au coup d’État de Boumediene, pour que certains cadres du parti unique, exclus de l’appareil, dénoncent ces disparités. Ils révèlent alors qu’environ 8000 familles, liées d’une façon ou d’autre au régime, absorbent près de 40% du revenu national. Et depuis, cette différence ne cesse de s’exacerber. Aujourd’hui, dans certaines mairies, les agents monnayent leur service. Un acte de naissance aurait couté plus de 1000 dinars à citoyen de Tizi Ouzou. Quant à la justice, elle fonctionne à plusieurs vitesses. En effet, elle n’est efficace que lorsque la personne est influente. Dans l’affaire du policier déjà citée, le père de famille a déjà saisi la justice. Depuis 2007, celle-ci est incapable de trancher le litige.

Pour conclure, il va de soi que l’emploi de la force pour prendre le pouvoir a biaisé le jeu politique. En prenant les armes contre le régime colonial abhorré, les Algériens espérèrent recouvrer leur liberté mise en sourdine. Malheureusement, la coalition Ben Bella-Boumediene en décide autrement. Du coup, les Algériens héritent de deux violences : la violence coloniale et la violence du nouveau régime.       

Par Ait Benali Boubekeur         

 

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  • Il est du devoir de chaque citoyen de s’intéresser à ce qui se passe dans son pays. C'est ce que je fais modestement.
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