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6 juin 2010 7 06 /06 /juin /2010 21:38
Le monde du travail est au cœur de l’organisation sociale. Selon que les modalités de sa gestion soient basées sur la concertation ou, au contraire, qu’elles s’appuient sur le mépris et la répression dépend l’équilibre global de la société.

Les libertés syndicales sont au carrefour de toutes les libertés démocratiques, libertés d’information d’organisation, de participation. Elles sont à l’intersection de l’ensemble des pactes internationaux qui portent sur la sauvegarde et la promotion des droits de la personne humaine. Elles constituent donc la garantie de la démocratie, de l’état de droit et du développement durable.

En Algérie, la société largement traumatisée par plus d’une décennie de violence extrême tente de construire des cadres d’auto organisation et de revendication légale, mais se trouve confrontée à une vision officielle acquise au plan interne aux seuls rapports de force brutale, et au plan externe à des positions de pur prestige.

Quand le chef du pouvoir algérien rend visite à une organisation internationale qui a le souci de la bonne régulation du monde du travail, les membres de cette dernière doivent savoir qu’ils accueillent le premier responsable d’un pays où :

* La grève de la faim est souvent le dernier recours des travailleurs.

* Les syndicats autonomes sont réprimés et non reconnus malgré leur présence sur le terrain.

* La centrale syndicale officielle – même si elle s’accapare le sigle de l’UGTA qui sut, en son temps, porter le combat syndical et anti-colonialiste des Algériens - n’est aujourd’hui que l’appendice bureaucratique d’un régime brutalement anti-populaire. C’est dire que l ’UGTA, est non seulement instrumentalisée pour exploiter et dominer la société algérienne, mais aussi pour légitimer et renforcer l’«OMERTA internationale» autour de la tragédie algérienne. Elle est donc l’anti-révolution, la négation même de UGTA-mère qui avait su – dans les conditions terribles de la reconquête coloniale - créer des mouvements de solidarité internationale décisifs en faveur du droit du peuple algérien à l’autodétermination. C’est souligner également que l’unilatéralisme absolu du système totalitaire algérien n’hésite pas à transgresser, le principe tripartite exceptionnel sur la base duquel les architectes des Nations Unies, voulaient prévenir le retour au pan-étatisme de la barbarie.

* Tous les combats qui ont été menés ces dernières années par des syndicalistes courageux pour protester contre la dégradation continue d’un monde du travail précarisé et soumis à une remise en cause généralisée de tous ses acquis, ont été portés par des syndicats autonomes que le pouvoir refuse de légaliser.

Face aux licenciements massifs, aux fermetures d’entreprises, au bradage du secteur public, à la précarisation de l’emploi – y compris dans la fonction publique – et au démantèlement brutal des services de protection sociale, les travailleurs et les syndicats autonomes qui portent véritablement leur combat se retrouvent sans recours.

La rhétorique du pouvoir, en l’absence totale d’espace public libéré du chantage et de la répression, ne se prive ni de manipuler les faits, ni de trafiquer les chiffres réels sur le chômage et la pauvreté.

Au moment où les syndicalistes subissent un harcèlement judiciaire des plus scandaleux, où les travailleurs sont menacés de licenciement à chacune de leur mobilisation, où le droit de grève est gravement menacée, recevoir le premier responsable d’un régime aux pratiques aussi méprisantes à l’égard des travailleurs est un affront fait au combat des ces derniers et un reniement de toutes les avancées internationales réalisées par le monde du travail.

Aujourd’hui même, les enseignants manifestent à l’appel des syndicats autonomes pour demander l’ouverture d’un dialogue sérieux sur leurs conditions de travail et pour dénoncer les mesures d’intimidations prises par l’administration à l’encontre de leurs représentants.

Alors que le gouvernement se targue de procéder à une réforme de l’enseignement, les premiers concernés, à savoir les enseignants, sont exclus du débat et traités par le mépris et la répression.

Même scénario dans tous les domaines d’activité : administration, justice, santé industrie… Partout, le mécontentement des travailleurs est accueilli avec les mêmes procédés dictatoriaux et une même démarche unilatérale arrogante.

C’est cette politique fondée sur le mépris et l’abus de la force publique qui a conduit le pays sur les berges de la guerre civile durant la décennie sanglante. Au lieu d’en tirer les conclusions adéquates et de changer de méthodes, le pouvoir grisé par l’appui de l’administration américaine se paie de mots et étend sa vision « sécuritaire » à l’ensemble de la contestation sociale faisant ainsi le lit de tous les extrémismes.

Notre pays, pillé par une corruption structurelle que les campagnes conjoncturelles obéissant à la seule logique des « règlements de comptes » ne menacent nullement, livré à une administration entre les mains d’un pouvoir brutal et n’ayant qu’une vision instrumentale de la Loi, n’en finit pas de payer un prix exorbitant aux dérives criminelles de ses dirigeants.

Quand la mauvaise gouvernance est à ce point conjuguée à l’injustice, au mépris et à la brutalité, c’est le pouvoir qui met la violence au cœur des rapports sociaux.

Les feux mal éteints de la guerre civile sont encore susceptibles de relancer la violence sous toutes ses formes. Seul l’encadrement de la société par des structures autonomes et représentatives peut donner un caractère organisé et pacifique à la contestation sociale.

* La reconnaissance officielle des syndicats autonomes.

* L’arrêt des intimidations contre les travailleurs.

* La cessation immédiate de la persécution judiciaire et administrative des syndicalistes.

* L’ouverture du dialogue avec les syndicats autonomes sur les questions sectorielles et d’un débat national sur le monde du travail.

Il s’agit des préalables indispensables à l’établissement d’un climat de confiance entre travailleurs et administration. Sans un tel climat, le pays profondément miné par la gabegie du pouvoir et le désespoir de la population va continuer de s’enfoncer dans l’ingouvernabilité et le chaos.

Hocine Aït-Ahmed, le 6 juin 2005

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