10 février 2013 7 10 /02 /février /2013 11:28

mendes-france-mitterrand_0.jpgLe choix du régime parlementaire, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, va s’avérer incompatible avec l’existence du lobby colonial. En fait, bien avant le déclenchement de la guerre d’Algérie, les institutions de la IVème République fléchissent à la moindre entrave des groupes de pression. Bien que ces derniers fassent semblant d’accepter les règles du jeu, les présidents de Conseil successifs sont soumis à un chantage permanent. Ainsi, en dépit de la contribution des colonisés à la libération de la France du joug nazi, après 1945, la question de la décolonisation est reportée simplement sine die.

Quoi qu’il en soit, bien que la gauche soit plus sensible aux principes d’égalité, la fierté de posséder un empire colonial biaise indubitablement le débat. « La gauche y analysait les rapports d’inégalité en termes de lutte des classes, pour le PCF(parti communiste français), ou en termes de déséquilibre économique, sociaux et politiques, qu’il suffirait de corriger pour couper l’herbe sous les pieds des nationalistes »,  note Sylvie Thénault, dans « Histoire de la guerre d’indépendance algérienne ».

Par conséquent, bien que le problème soulevé par les colonisés soit inhérent aux droits fondamentaux, les hommes politiques français, notamment ceux de la gauche, réduisent la revendication à une simple inégalité sociale, voire économique. En tout cas, dès 1947, croyant trouver la clé de voute au problème algérien, le gouvernement Paul Ramadier propose l’élection d’une assemblée algérienne. Pour les concepteurs de ce projet, celle-ci sera constituée de deux collèges. Le premier réunira les Français d’Algérie et quelques assimilés. Quant au second, il regroupera l’ensemble du peuple algérien. Enfin, composée de 120 membres, cette assemblée sera représentée par 60 élus de chaque entité. Avec l’aide de l’administration, et grâce notamment aux fraudes massives, les Français d’Algérie contrôlent la majorité de cette assemblée. En tout cas, cette situation va durer sept ans sans qu’une quelconque évolution soit constatée.

Et c’est dans ce climat délétère que la guerre d’Algérie éclate. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au chantage permanent du lobby colonialiste, la marge de manœuvre des présidents de Conseil se réduit telle une peau de chagrin. Ainsi, de Mendès France à Félix Gaillard, la politique mise en œuvre s’inscrit dans le sens voulu par les grands colons. En tout état de cause, leur maintien à la tête du gouvernement dépend de leur engagement à satisfaire les intérêts du lobby colonial. A l’assemblée, le député René Mayer de Constantine veille sur ça.

Par ailleurs, bien que les chefs de la IVème République puissent développer un discours quelque peu  conciliant, tous, sans exception aucune, privilégient d’abord la solution répressive. « Prioritaire, cependant, la répression prend le pas sur le reste, mobilisant l’énergie et les moyens dévolus aux trois départements français d’Afrique du Nord. L’élaboration de réformes, en outre, bute sur la division de la classe politique et sur l’obstruction des représentants des Français d’Algérie », note l’historienne,  Sylvie Thénault.

De toute évidence, la cécité politique ayant obstrué toute issue politique au problème algérien, il ne reste que le recours à l’action armée. En effet, bien que celle-ci soit la résultante des luttes intestines au sein du principal parti nationaliste, le PPA-MTLD en l’occurrence, cela ne diminue en rien de la justesse de l’action révolutionnaire. En dépit de l’offre de la négociation, les autorités coloniales la rejettent tout bonnement. Pour le ministre de l’Intérieur de l’époque, François Mitterrand, « la seule négociation, c’est la guerre ». En outre, sans chercher à comprendre les aspirations du peuple algérien à vivre sans carcan, le successeur de Mendès France, Edgar Faure, recourt aux lois d’exception. En l’espace d’une année, l’arsenal guerrier est doublé, passant de 60000 à 120000 hommes.

Peu à peu, les politiques abandonnent le pouvoir aux militaires. En fait, bien que l’option militaire soit l’apanage de tous les gouvernements, jusqu’à 1956, le civil –un peu plus clément –est associé aux décisions. « Ainsi, le commandement unifié pour les zones sous état d’urgence, créé le 1er mai 1955, est placé sous l’autorité et la responsabilité du préfet de la région de Constantine », écrit Sylvie Thénault. Et malgré les promesses du candidat Guy Mollet pour mettre fin à « la guerre imbécile », après son investiture, il cède à la pression des ultras et accorde plus de pouvoir aux militaires. Ainsi, l’un des premiers décrets du gouvernement Mollet autorise les préfets et son représentant en Algérie à céder leurs prérogatives aux militaires. Saisissant cette aubaine, l’armée prend les rênes. Dès lors, il commence en Algérie une ère où l’armée dispose d’un pouvoir exorbitant. Enfin, avant même la chute du gouvernement Mollet, l’autorité civile se trouve dépossédée de tout pouvoir. D’où la démission de plusieurs d’entre eux, à l’instar de Paul Teitgen. 

D’une façon générale, après le vide créé autour de l’autorité civile, l’armée, en s’alliant avec les ultras, songe désormais à étendre son pouvoir à la France métropolitaine. A ce titre, la désignation de Pierre Pflimlin, après la chute du gouvernement Félix Gaillard, le 15 avril 1958, offre cette occasion. Bien que l’alsacien se montre inflexible envers les révolutionnaires algériens, les ultras et les militaires ne lui pardonnent pas ces déclarations antérieures. En tout cas, en Algérie, aussitôt la nouvelle connue, un mouvement de contestation, à sa tête le général Massu et soutenu par les ultras, s’oppose à son investiture et exige la formation d’un gouvernement qui sera dirigé par le général de Gaulle. Ce chantage va durer jusqu’au 1er juin 1958 où le parlement se ploie à l’exigence et accorde les pleins pouvoirs à l’homme du 18 juin. Cela dit, bien que le retour du général de Gaulle ne soit possible qu’au chantage des ultras, après avoir renforcé son pouvoir, le général parvient, non sans mal, à se libérer de leur influence. Confronté moult fois à des tentatives de renversement, de Gaulle tient bon, et ce, au grand dam des ultras. Finalement, bien que l’indépendance de l’Algérie soit acquise grâce aux sacrifices des Algériens, du côté français, celle-ci ne pouvait être possible ni avec la gauche ni sous le régime de la IVème république. Cela dit, il ne faut pas comprendre que la droite est plus généreuse. Mais, face au problème posé par les révolutionnaires algériens, la France avait besoin d’un homme fort. En 1958, seul de Gaulle avait ce profil.

Par Ait Benali Boubekeur       

       

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