13 septembre 2011 2 13 /09 /septembre /2011 10:47

AITAHMAD.jpgLe leader du FFS (Front des Forces Socialiste) est incontestablement l’un des symboles du mouvement national. Né en 1926, ce militant infatigable déploie, jusqu’à nos jours, des efforts colossaux pour que le pays connaisse la stabilité politique. Fin connaisseur de la vie politique, il est indubitablement une référence en la matière. Toutefois, son combat ne date pas d’hier. Son combat remonte en effet au années 1940. Malgré son jeune âge, il adhéra au PPA (Parti du Peuple Algérien) en 1943. D’emblée, il condamna sévèrement le système colonial, un système reposant sur l’exploitation de l’homme par l’homme. Cependant, suite aux événements de mai 1945, Ait Ahmed rentra en rébellion contre l’autorité coloniale. En revanche, bien que son engagement ait été sans réserve en faveur de l’Algérie, il n’hésita pas à remettre en cause certains choix de la direction du PPA. Très vite, son activisme le propulsa aux hautes responsabilités. En effet, dès 1947, il a été désigné membre du comité central du PPA-MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques) et également adjoint de Mohamed Belouazdad à la tête de l’organisation spéciale (OS). Après la mort de Belouazdad, il devint le chef national de l’OS. Cela dit, en dépit des espoirs reposant sur le parti en vue de libérer le pays du joug colonial, les partisans du légalisme furent majoritaires. Ils éliminèrent du coup, en usant de subterfuge, les activistes. Ainsi, dès le congrès de février 1947, le parti avait opté pour la participation aux élections, et ce bien que la base attende le passage à l’action directe. En tout cas, il fallait attendre la mascarade électorale d’avril 1948 pour que le courant activiste revienne en force. Il exigea par conséquent qu’une priorité à l’action armée soit donnée. Selon Pierre MONBEIG, dans une thèse de doctorat intitulé « Une opposition politique dans l’impasse » : « La réunion du comité central élargi de Zeddine (Décembre 1948) consacre la victoire des radicaux avec l’adoption du rapport proposé par Ait Ahmed et de ses thèses. On retiendra surtout : la dénonciation de l’impasse de la voie légaliste, l’option pour une guerre de partisans (ni insurrection généralisée, ni terrorisme), le développement de l’organisation spéciale (OS) destinée à la préparation de la lutte armée ». Hélas, la crise de 1949 donna un coup de frein à la préparation de l’action armée. Le chef de l’OS, le fervent partisan de l’action, Hocine Ait Ahmed, fut écarté de la direction. Dans la foulée, Ahmed Ben Bella le remplaça à la tête de l’OS. Ce dernier ne resta pas longtemps à la tête de l’OS. En effet, en mars 1950, cette organisation paramilitaire fut démantelée.  Ce coup dur fut facilité par les informations fournies par Ben Bella alors chef national de l’OS à la police française. Avec cet échec cuisant, le mouvement national se retrouva du coup dans l’impasse. Bien que les militants aient toujours attendu le moment d’en découdre avec le système colonial, le démantèlement de l’OS a sans doute retardé le processus de déclenchement de la lutte de quatre longues années. En effet, ce fut au moment de la scission du PPA-MTLD que l’action armée a été tranchée. Et en novembre 1954, Ait Ahmed avec huit autres chefs historiques déclenchèrent l’action révolutionnaire. Il assuma, dans ce combat, ses responsabilités en tant que représentant de la délégation extérieure du FLN. Pour Pierre MONBEIG : « En avril 1955, il dirige la délégation algérienne à la conférence des non-alignés de Bandoeng. Il ouvre à New York le bureau du FLN qui sera très actif auprès de l’ONU, milite pour un combat maghrébin, et pas seulement algérien, contre la France ». Cependant, son action à NewYork l’éloigna du théâtre des rivalités entre le groupe d’Alger et celui du Caire. Le premier eut pour chef de file Abane Ramdane. Quant au second, il eut pour représentant Ahmed Ben Bella. Cette lutte de leadership continua pendant plusieurs mois, et ce malgré l’arrestation des chefs de la délégation extérieure du FLN, survenue le 22 octobre 1956. Par ailleurs, bien qu’Ait Ahmed ait été membre de la délégation extérieure, à l’annonce des résolutions du congrès de la Soummam, il soutint naturellement les orientations de ce congrès. Il fut en effet le seul chef historique emprisonné à avoir ouvertement soutenu les résolutions de la Soummam. Toutefois, pour que la crise pesante entre les deux groupes soit contenue, il proposa, début 1957, la formation d’un gouvernement provisoire. Ce dernier, pensa-t-il, allait réconcilier les antagonistes. En effet, selon Ait Ahmed, le partage des tâches aurait permis d’atténuer la tension. Cette crise fut finie avec la liquidation d’Abane Ramdane. Ben Bella s’est félicité de cette disparition. Ce qui fait dire à Ait Ahmed que leur arrestation avait indubitablement sauvé la révolution d’une scission certaine. Cependant, bien que les cinq chefs emprisonnés aient été souvent consultés, leur situation de prisonniers ne leur permettait  pas d’avoir des hautes responsabilités. A l’approche de l’indépendance, les cinq furent divisés sur l’exercice du pouvoir après le recouvrement de l’indépendance. Cependant, à l’indépendance, Ait Ahmed soutint systématiquement le GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) dans le bras de fer l’opposant à l’EMG (Etat-major général). D’ailleurs, dans les statuts de la révolution, celui-ci devait obéir à celui-là. Il refusa du coup de siéger au bureau politique (BP) proposé par Ben Bella, et dont l’armée était le centre de gravité de cette coalition. Avec la formation du groupe de Tlemcen et de celui de Tizi Ouzou, Ait Ahmed décida de sortir de ce jeu politique qui vit l’affrontement entre les deux factions. Reproduite par le journal le Monde du 29 juillet 1962, Ait Ahmed annonça le 27 juillet 1962 « sa démission de tous les organismes directeurs de la révolution ». Cela dit, pour ce grand patriote, sa démission ne signifia pas le retrait définitif de la vie politique. Bien que le bureau politique, sous la houlette de Ben Bella, ait eu la main basse sur les listes de candidature à l’Assemblée constituante, Ait Ahmed, comme d’ailleurs beaucoup de militants sincères, accepta de siéger au parlement. Il mena ensuite un travail d’opposition constructif à l’assemblée. Très vite, il réussit sans encombre à regrouper un groupe de députés pour la défense de la démocratie. Hélas, dans un système hermétique, le dernier mot revient au plus fort. Repris par Pierre MONBEIG, Ramdane Redjala écrit à propos des limites de l’opposition à l’intérieur du parlement dominé par les partisans du duo Ben Bella-Boumediene : « Ne pouvant s’exprimer comme il le souhaite, H. Ait Ahmed songe à une opposition hors système ». Toutefois, bien que la situation ait été explosive, l’opposition à laquelle songeait Ait Ahmed était une opposition pacifique. Mais, dans une Algérie dominée par les partisans de la gestion des affaires publiques par la force, un tel combat pouvait-il être toléré ? En tout cas, mis au courant par les dirigeants de l’UDRS, créée en  1963, de leur volonté de lancer une offensive militaire sur Alger, Ait Ahmed les convainquit de l’inanité de l’usage de la force. Dans une conférence de presse, tenue à Ain El Hammam le 10/07/1963, il déclara : « Dans le but d’éviter des affrontements fratricides monstrueux, j’ai décidé de mener une lutte ouverte contre le régime socialo-mystificateur soutenu par des contre-révolutionnaires de tout poil. Cette opposition publique est aujourd’hui le seul moyen de désamorcer une situation rendue explosive par l’enlèvement du frère Boudiaf et de frères de combat par l’incapacité de l’Assemblée nationale constituante de bloquer la totalitarisation du régime ».  Cependant, cette histoire de l’URDS fut longtemps reprochée à Ait Ahmed. Qu’en fut-il au juste ? L’UDRS, selon Benjamin Stora, prévoyait de renverser le régime en place par la force en lançant une offensive rapide sur Alger et en s’interdisant d’avoir une quelconque activité militaire en Kabylie. Or une telle stratégie était d’emblée vouée à l’échec. Et pour cause. L’armée des frontières, devenue ANP, n’aurait pas croisé les bras. La manière avec laquelle elle a pris le pouvoir en 1962 renseigne, si besoin se fait sentir, sur sa promptitude à user de la force. Lors de la crise de l’été 1962, les wilayas historiques de l’intérieur, la Kabylie comprise, ne pouvaient pas faire face au rouleau compresseur des colonnes commandées par Boumediene. En 1963, cette armée fut encore plus structurée. Dans ce cas, une offensive kabyle sur Alger aurait été un désastre. D’ailleurs, l’armée, sous l’autorité de Boumediene, aurait-elle attendu que des actions se fassent à Alger sans qu’il réagisse. Deux mois plus tard, les craintes d’Ait Ahmed se confirmèrent. Bien que la création du FFS, le 29 septembre 1963, ait pour objectif d’organiser « une avant-garde visant à opérer le redressement et assurer la continuité de la Révolution algérienne », la réaction du duo Ben Bella-Boumediene fut prompte. Selon Pierre Monbeig : « Quatre jours après la proclamation du FFS, A. Ben Bella envoie l’armée en Kabylie ». Paradoxalement, les membres fondateurs de l’UDRS, ayant ensuite rejoint Ait Ahmed, ne tardèrent pas à s’allier avec Ben Bella. Profitant de « la guerre des sables » contre le Maroc, le duo Ben Bella-Boumediene appela à l’unité nationale contre l’ennemi extérieur. « Il n’en faut pas plus pour que la fraction militaire du FFS, déjà chancelante au départ, abandonne la partie et vole au secours de la patrie en danger », écrit Ramdane Redjala. En revanche, ceux qui restèrent fidèles à Ait Ahmed, et il y avait beaucoup de militants, payèrent un lourd tribut. Cependant, bien que la répression atteigne son apogée vers la fin de l’année 1964, leurs efforts aboutirent le 16 juin 1965 lorsque Ben Bella signa l’accord avec le FFS. Cet accord stipula ni plus ni moins l’existence d’un parti autre que le FLN sur la scène politique. Malheureusement, trois jours plus tard, Boumediene remit en cause cet accord. Pour ce faire, il opéra un coup d’Etat. Selon Pierre Monbeig : « L’un des premiers gestes de Boumediene sera la libération des prisonniers FFS. Aussi le mouvement restera-t-il pendant plusieurs mois dans l’expectative face au putsch, même si l’accord passé avec le FLN trois jours plus tôt semble devenu caduque ». Après le putsch, le FFS a connu une période de traversée de désert. En effet, sous le colonel Boumediene, l’opposition algérienne, dans son ensemble, fut considérablement neutralisée. Pour Pierre Monbeig : « La période 1966-78 se résume à un déclin du FFS. Après son évasion, H. Ait Ahmed prononce une violente condamnation du régime de Boumediene et appelle au regroupement des forces d’opposition autour du FFS, seul parti à avoir osé affronter le pouvoir les armes à la main. L’union de l’opposition algérienne ne se fera jamais malgré quelques tentatives avortées et le conflit israélo-arabe de juin 1967, savamment utilisé par le pouvoir, lui porte un nouveau coup dur ; certains leaders rentrent même dans le rang. Un rapport d’activité du FFS daté de ce même mois s’en fait écho ». En effet, le régime de Boumediene étouffa l’opposition. Cette période fut aussi caractérisée par les assassinats politiques. Deux chefs historiques du FLN, Khider et Krim, furent liquidés. Ait Ahmed fut plusieurs fois approché par les services. Dans son livre « Affaire Ali Mecili », Ait Ahmed donne des preuves sur la machination des services cherchant à le liquider.

Toutefois, bien que l’arrivée de Chadli au pouvoir ait été le choix d’un chef sans vigueur, la répression de l’opposition n’atténua pas pour autant. Ainsi, en dépit des efforts colossaux du FFS de diffuser ses idées, son activité, au début des années 1980, ne fut pas débordante. Concomitamment à la répression, la surveillance des militants fut accrue. Cependant, à la faveur de l’ouverture démocratique, survenue au forceps, le FFS rentra de plain-pied dans la nouvelle ère politique. Le retour de Hocine Ait Ahmed, le 15 décembre 1989, après 23 ans d’exil, fut accueilli, avec enthousiasme, par des Algériens. La première manifestation du FFS à Alger, le 31 mai 1990, regroupa près d’un millions depersonnes. Et le parti d’Ait Ahmed réussit à rassembler plus de monde que le FIS et le FLN à Alger lors de leurs précédentes manifestations, écrit Pierre Monbeig. Dans la foulée, le FFS refusa de participer aux élections locales du 12 juin 1990 afin de ne pas accorder une fausse légitimité au régime. Pour Ait Ahmed, pour qu’il y ait une véritable démocratie, il faudrait, au préalable, élire l’Assemblée constituante. Toutefois, une année après les élections locales, des élections législatives furent programmées. Jugé injuste, le découpage électoral provoqua la colère des dirigeants du FIS. Et pourtant, six mois plus tard, le FIS participa aux élections organisées par Sid Ahmed Ghozali. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le nouveau découpage ne fut pas plus sévère que le précédent. Seulement, en juin 1991, il y avait une alliance Ait Ahmed – Hamrouche qui gênait énormément. Cela dit, bien que la monopolisation de la vie politique ait été cristallisée par la lutte entre le régime et le FIS, Ait Ahmed a voulu proposer un autre choix aux Algériens. Après la grève du FIS de mai 1991, il déclara au Figaro le 7 juin 1991 : « Nous refusons le faux choix entre la République intégriste et l’Etat policier. Nous voulons casser ce dilemme en redonnant la parole à la population algérienne ». Dans le même ordre d’idée, Ait Ahmed reprocha à la direction du FIS  de profiter de la crise en vue de leurrer les jeunes Algériens. Il expliqua alors sa position en déclarant au journaliste du Figaro : «  Nous faisons la différence entre les dirigeants du FIS, qui cherchent à exploiter l’islam pour arriver au pouvoir, et ses troupes, qui sont des Algériens marginalisés ». Cependant, lors des élections du 26 décembre 1991, le FFS arriva en deuxième position derrière le FIS avec 25 sièges. Bien que le FIS ait été assuré d’être majoritaire à l’issu du second tour, Ait Ahmed entendit « rassembler les démocrates et les abstentionnistes du premier tour pour échapper à la fatalité Etat policier ou Etat intégriste, volonté scandée par la foule lors de sa grande manifestation du 2 janvier 1992 », écrit Pierre Monbeig. Bien sûr, cet appel ne fut  pas entendu. Le 11 janvier, l’armée reprit le pouvoir. Créé de toute pièce, le HCE (Haut comité d’Etat) assuma désormais le pouvoir. Afin de donner une crédibilité à cet organisme, les décideurs appelèrent à sa tête Mohamed Boudiaf, un des chefs historiques vivant en exil depuis 1963 au Maroc. Depuis cette date, l’activité politique fut suspendue. Les différentes élections, qui ont eu lieu après 1992, furent trafiquées. Elles convergeaient toutes vers un seul but : pérenniser le système. Près de deux décennies plus tard, les Algériens ne peuvent toujours pas choisir librement leurs représentants.   

Par Ait Benali Boubekeur

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