16 avril 2010 5 16 /04 /avril /2010 22:05

DECLARATION COMMUNE

L'Algérie continue de vivre une succession d'impasses dont la responsabilité incombe entièrement au Pouvoir. La décennie de malheurs et d'insécurité vécue par le pays a provoqué plus de cent mille morts, des milliers de disparus, un million de personnes déplacées avec son lot d'atteintes massives aux droits de l'Homme.

Jamais les conditions socioéconomiques des Algériens ne se sont détériorées aussi gravement et de manière aussi accélérée que durant les trois années écoulées, période au cours de laquelle, paradoxalement, le pays a connu une amélioration exceptionnellement favorable de ses ressources financières. L'immense majorité de nos concitoyens vivent aujourd'hui dans la précarité et la misère, l'exclusion, l'insécurité et l'incertitude du lendemain. L'économie nationale a été bradée, les entreprises publiques sacrifiées, la classe moyenne laminée, et le chômage ne cesse d'enfler et ce, dans l'indifférence totale des autorités.

L'illégitimité des gouvernants,leur incompétence, leur mépris du citoyen, l'arbitraire institutionnalisé, l'impunité et la corruption généralisée sont à l'origine de cette catastrophe sans précédent. Des gouvernants qui, en l'absence d'institutions démocratiques véritables pouvant constituer un contre-pouvoir réel, se comportent en potentats. Totalement indifférents aux souffrances de leur peuple, leur seule préoccupation est de se maintenir au Pouvoir coûte que coûte même au prix de la destruction du pays, la dislocation de la cohésion sociale et de l'aliénation de la souveraineté nationale. C'est ce que la population, épuisée par plus de dix années de sacrifices, de tueries et de privations, a fini par ne plus tolérer. Partout dans le pays, de l'est à l'ouest et du nord au sud, les Algériens se soulèvent pour manifester leur colère et dénoncer l'ordre imposé. 

En Kabylie, et au-delà de la revendication identitaire, la révolte, qui, depuis un an, s'est traduite par près de cent morts et des milliers de blessés et de handicapés, est d'abord et avant tout la réaction la plus fermement exprimée du rejet d'un régime qui a érigé l'injustice et l'abus de pouvoir en mode de gouvernement. Elle est la conséquence directe de l'incurie d'un Pouvoir qui, au lieu de prendre les mesures qui s'imposaient en toute urgence, a nié l'évidence avant de répondre par la répression brutale, les manuvres sordides de division, le mutisme et l'immobilisme criminel. Il a délibérément joué la carte du pourrissement en croyant que la lassitude de la population finirait par la démobiliser et ramener le calme dans la région.

 

Incapables de tirer le moindre enseignement de leurs échecs, les tenants du Pouvoir tentent maintenant d'isoler la Kabylie en lui prêtant des intentions séparatistes. Au prétexte de rétablir l'ordre public dans la région, ils ont opté pour la provocation et les arrestations massives, ce qui, dans le climat d'extrême tension qui prévaut, n'aura pour résultat que d'exacerber la crise qui peut prendre une tournure autrement plus dramatique. Ainsi risquent-ils d'attenter au principe sacré de l'unité nationale que l'occupation et la guerre coloniale n'avaient pas réussi à ébranler malgré tous les moyens déployés.

 

Après avoir verrouillé les champs politique et médiatique et foulé aux pieds les lois qu'ils ont eux-mêmes édictées en empêchant des partis remplissant les conditions légales de participer à la vie politique, les tenants du Pouvoir persistent à vouloir se donner l'apparence d'un régime démocratique reposant sur un système électif. A cet effet, la date du 30 mai prochain a été fixée pour une nouvelle parodie électorale. Les « élus du peuple » seront désignés selon les pratiques du passé et avec la même insolence.

 

Comme lors des farces électorales précédentes, les électeurs seront convoqués pour faire dans la figuration puisque les résultats sont fixés d'avance et les quotas déjà attribués.

Tous ces calculs sont aujourd'hui faussés par la désaffection qui s'annonce très large dans tout le pays et par la détermination de la population de Kabylie à empêcher la tenue de ces élections dans la région.

 

Pour l'équipe au Pouvoir, la désignation d'une nouvelle chambre des députés constitue un enjeu vital. Elle est prête à tout pour y parvenir, depuis l'utilisation de la répression et du chantage, jusqu'aux reniements les plus éhontés. Tout en affichant son intention de s'en tenir aux délais fixés malgré la dissidence électorale dans de nombreuses régions du pays, il n'est pas exclu qu'elle finisse par prendre la mesure des dangers qui l'attendent et qu'elle décide, en dernier ressort, de reporter la date du scrutin envisagé. Si tel devait être le cas, ce report ne constituerait qu'une autre fuite en avant et ne ferait qu'éluder et aggraver les problèmes de fond qui se posent au pays. Aucune perspective de règlement de la crise qui étouffe notre peuple ne peut être envisagée tant que le pays ne sera pas doté d'institutions tirant leur légitimité et leur autorité de la volonté populaire librement et souverainement exprimée.

 

Seuls des interlocuteurs politiques crédibles et représentatifs pourraient négocier une sortie de crise à même de permettre au pays de retrouver la paix et la stabilité, deux préalables indispensables à toute relance économique durable.

 

Devant les graves dangers qui menacent le pays et face au nouveau coup de force électoral qui se prépare, les signataires de la présente déclaration appellent les Algériennes et les Algériens qui hésitent encore à sortir de leur expectative à réagir par des actions pacifiques afin de rejeter la prochaine mascarade électorale et d'exiger un changement radical de régime en vue de jeter les bases d'une démocratie garantissant l'Etat de droit, la citoyenneté, les libertés individuelles et collectives, les droits de la personne humaine, la justice sociale et la moralisation de la vie publique.

 

Alger, le 16 avril 2002

Signatures (par ordre alphabétique)
M. Aït Ahmed Hocine
M. Ali-Yahia Abdenour
M. Ben Yelles Rachid
M. Taleb El Ibrahimi Ahmed

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