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La mise en place des institutions, de 1962 à 1965, n’a pas pour autant résolu la crise politique. Sous Ben Bella –et c’est le moins que l’on puisse dire – le parachèvement des institutions a buté sur le refus du haut commandement militaire de s’effacer. Bien entendu, il ne s’agit pas, pour moi, de défendre le pouvoir personnel de Ben Bella. Pour rappel, le premier chef de l’État s’est appuyé sur l’armée des frontières pour écarter tous ses concurrents. Et sa démarche se résumait à l’accaparement des pouvoirs civil et militaire à son seul profit.
Cependant, bien que le commandement militaire n’ait montré aucune impatience, les victoires de Ben Bella profitaient à ses adversaires au sein du clan d’Oujda. « Au fur et à mesure que Ben Bella se débattait avec l’opposition, le clan d’Oujda, sur lequel il s’appuyait, s’installait discrètement au pouvoir. Après l’assassinat de M. Khemisti, ce fut A. Bouteflika qui le remplaça à la tète de la diplomatie algérienne », écrit Abdelkader Yefsah, dans « la question de pouvoir en Algérie ».
En tout cas, à chaque élimination d’un opposant à Ben Bella, son remplacement a profité directement au clan d’Oujda. Ainsi, après le départ de Bitat, Boumediene a été promu 1er vice-président. De la même manière, le départ de Khider et de Bitat du bureau politique a profité au clan d’Oujda où Boumediene, Bouteflika et Medeghri les ont supplantés.
Comme l’écrit si bien Abdelkader Yefsah, la quête de l’équilibre entre les clans a poussé Ben Bella à prendre des risques démesurés. « Inquiet des ambitions du clan d’Oujda et dans le jeu de bascule qui lui était habituel, Ben Bella s’efforça de mettre des hommes du clan d’Oujda à l’écart. Il rogna d’abord des prérogatives de Medeghri au ministère de l’Intérieur l’amenant à démissionner de son poste. Puis, il s’en prit à Bouteflika », écrit-il.
Enfin, dans un régime verrouillé, il est évident que la cohabitation entre deux têtes fortes est quasiment impossible. Mais, compte tenu des rapports de force, l’issu du conflit faisait peu de doute. En mettant toute son énergie dans la bataille, Ben Bella a voulu profiter de la conférence afro-asiatique, prévue fin juin 1965 à Alger, pour régler ses comptes.
De son coté, le clan d’Oujda n’est pas resté bras croisés. Les réunions des officiers, à partir du grade de commandant, sont la preuve de la mobilisation du haut commandement militaire. Et quand le bruit courait que Boumediene allait être limogé le 21 juin 1965, le coup d’État devenait inéluctable. De toute évidence, la facilité avec laquelle Ben Bella et ses amis ont été neutralisés a démontré que le pouvoir militaire dominait largement les nouvelles institutions du pays. Hélas, cette situation a peu changé depuis.