
Dans une émission sur berbère télévision à la veille de la grande marche de la diaspora, Meziane Abane explique clairement ce qu’il pense du hirak. C’est une sincérité appréciable. Est-ce que tout le monde partage son raisonnement ? Ce n’est pas sûr. En tout cas, dans cette émission, il ne cache pas qu’il participe au hirak en tant que Kabyle. En insistant sur sa différence avec les autres compatriotes, il veut savoir d’emblée quelle sera la contrepartie de sa participation.
Cette approche, me semble-t-il, est contraire à l’esprit du hirak. En effet, pour contrer le passage en force des caciques du régime voulant reconduire un homme cliniquement mort à la tête de l’État pour un cinquième mandat, les Algériens n’ont pas agi au nom de leurs régions de naissance. Ainsi, nos compatriotes de Khenchela, qui sont les premiers à braver la machine répressive, n’ont pas agi en tant que Chaouis, mais en tant qu’Algériens.
De la même manière, lors des grands rassemblements où il y a eu parfois plus de 20 millions d’Algériens dans les rues, personne ne vérifie l’appartenance politique des manifestants ni leur lieu de naissance. Si on donne raison à Meziane Abane, cela légitime les quadrillages de la capitale chaque vendredi. Or, tout le monde soutient que l’Algérien a le droit de manifester dans les 48 wilayas. En tout cas, dans tous les rassemblements, les Algériens réclament d’une même voix le départ des symboles du système et l’avènement d’une nouvelle République fondée sur les critères démocratiques adoptés dans tous les pays développés.
Toutefois, dans cet imbroglio, il y a au moins deux questions qui se posent. Pourquoi Meziane Abane –il est arrivé récemment en France – n’a pas convaincu les manifestants en Kabylie afin qu’ils se battent pour leur région ? Pourquoi ces tensions n’apparaissent qu’après la crise sanitaire ? Concernant la première question, la réponse ne souffre aucune équivoque. Les citoyens de la région de Kabylie sont sortis pour les mêmes raisons que ceux de Khenchela, Oran, Constantine, Ouargla, Tamanrasset, etc.
Pour autant, les manœuvres de saborder le hirak n’ont pas manqué. Dès le début du hirak, Ferhat Mehenni a appelé les citoyens de la région à jeter le drapeau des chouhadas à la poubelle. Dans la foulée, les citoyens ont répondu en hissant le plus grand drapeau cousu depuis le début du hirak. Et ses partisans sont systématiquement renvoyés des rassemblements, car les intentions du hirak et du MAK sont diamétralement opposées.
Quant à la seconde question, il est évident que ces tentatives de division ne sont pas étrangères à la suspension des manifestations. De la même manière que le régime profite de la pandémie pour régler ses comptes avec les animateurs du hirak, cette tendance éradicatrice et les séparatistes font autant en remettant à la surface les sujets qui ont pourri la vie de l’opposition algérienne dans les années 1990.
Ainsi, sans perdre de temps, Ferhat Mehenni réagit à la polémique de la place de la République. Intitulée « le mouvement du vendredi solde ses comptes sur le dos des hirakistes kabyles », la note de Ferhat Mehenni sous-entend que tous les Kabyles sont du même bord que Meziane Abane. On comprend alors pourquoi il s’autoproclame « président de la Kabylie ».
Or, pour vérifier tout ça, il suffit d’aller sur le terrain. Dans toutes les wilayas du pays en passant par les grandes capitales occidentales, les dignes fils de l’Algérie se battent avec la même énergie en vue de reprendre le contrôle de leur destin. Avec une grande intelligence, comme cela a été prouvé lors de la grande marche de la diaspora à Paris, toutes les tentatives de division seront vouées à l’échec. Car, s’il y a un échec, c’est le gouvernement antinational qui récoltera les fruits et c’est une partie raciste qui jubilera de la destruction de l’Algérie. Le hirak est désormais doublement averti.