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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 14:57

Si l’esprit du hirak porte les germes de la nouvelle République, peut-on dire la même chose de la constitution de Tebboune ? Il est évident que depuis le recouvrement de la souveraineté nationale, le peuple algérien et le régime, qui s’est emparé des institutions, n’ont pas la même approche. Ainsi, quand le peuple algérien appelle à la refondation d’une nouvelle République où les règles démocratiques seraient scrupuleusement respectées, le régime adopte le même style de langage en théorie, mais dans la pratique il refuse de rompre avec la gestion chaotique du passé qui a détruit le pays.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette hypocrisie a couté cher au pays. Elle a handicapé et handicape encore, par la même occasion, le fonctionnement normal des institutions. Alors que dans tous les pays les institutions sont érigées par les élus authentiques du peuple, en Algérie, le régime se substitue à sa volonté. Pire encore, en le privant de sa liberté de choisir, il le trompe en faisant croire qu’il fait ça dans l’intérêt de la nation. Ainsi, dans toutes les constitutions du pays, le tuteur du peuple détient tous les pouvoirs. Cela dit, bien que la présidence soit elle-même sous contrôle, dans les textes, « le président » détient des pouvoirs colossaux. Ses pouvoirs sont définis dans les articles 95, 96, 98, 126, 146, 187, 194, 208, 230. Dans tous ces articles, il est le maître à bord sans que le nouveau projet constitutionnel n’offre aucun contrôle sur son action ni de contre-pouvoirs.

Pour noyer tous ces larges pouvoirs, les rédacteurs du texte fondamental évoquent des libertés renforcées. Ce qu’ils ne disent pas, c’est que ces libertés sont justes consacrés dans les textes. Dans la réalité, il s’agit d’une autre affaire. D’ailleurs, la constitution actuelle –celle de 2016 en l’occurrence –n’offre-t-elle pas toutes les garanties, en théorie, de manifester pacifiquement, de s’exprimer librement sur tous les sujets ? Et pourtant, cela n’empêche pas la police de Tebboune d’arrêter des jeunes pour leurs publications sur facebook.

Dans le fond, depuis la première constitution de 1963 –élaborée par des experts à la place de l’Assemblée nationale constituante –, les dirigeants ne respectent pas les textes qu’ils ont eux-mêmes imposés à la nation. L’application de l’article 102 de la constitution, le 2 avril 2019, corrobore cette thèse. Et pourtant, Bouteflika était incapable de gouverner au moins depuis 2013. Donc, le problème n’est pas dans les textes, mais dans leur application. Ainsi, il a fallu attendre 2019 pour que le général Gaid Salah intime l’ordre au conseil constitutionnel de mettre en œuvre l’article 102.

Sur ce point crucial, que dit la constitution de Tebboune ? Les experts se contentent de changer le nom du conseil constitutionnel par la cour constitutionnelle. Dans le fond, ses membres n’ont aucune autonomie, car cette institution est contrôlée par le chef de l’État. Sans avoir le moindre doute, on peut dire que cette cour sera à l’image de l’ancien conseil. En un mot, elle fonctionnera aux ordres. Et pour qu’elle agisse, il faudra que l’autorité au dessus de la présidence lui intime l’ordre de se mettre en mouvement.

Hélas, la nouvelle constitution ne dit aucun mot sur le rôle politique de cette autorité qui fabrique les « présidents ». Et pourtant, les revendications du hirak sont claires. Un État civil et non militaire, scandent des millions d’Algériens depuis plus d’un an. Cela ne veut pas dire qu’ils aient le moindre problème avec l’armée du peuple. Cette armée où l’on ne risque pas de trouver les fils des généraux. Les leurs son milliardaires sans avoir exercé le moindre travail. Le vrai problème, ce sont ces généraux qui continuent de perpétuer les pratiques politiques des années 1960. Est-ce qu’ils rendent service à l’armée en général ? Dans tous les pays qui se respectent, cette institution est soustraite du champ politique. Du coup, il y a un consensus général sur le respect de cette institution.

Mais, dès lors qu’elle participe au jeu politique, cette institution cesse de bénéficier de ce consensus. Pour que notre armée redevienne l’institution du pays et non du régime, le hirak souhaite que ces quelques généraux affairistes se retirent du champ politique. Ce n’est décidément pas la volonté de Tebboune. Car, en mobilisant les moyens militaires, le régime n’a pas besoin de s’appuyer sur la volonté populaire. Donc, ce n’est ni plus ni moins que le seul mandat ouvert en 1962 qui se poursuit en 2020.         

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Publié par Ait Benali Boubekeur - dans Actualité

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  • Il est du devoir de chaque citoyen de s’intéresser à ce qui se passe dans son pays. C'est ce que je fais modestement.
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