Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 juin 2020 1 08 /06 /juin /2020 20:30

Il y a indubitablement un problème de procédure. Entre le discours et les actes, il y a un écart incommensurable. En effet, le changement de système doit respecter quelques règles. Dans le cas du nouveau régime, c’est mal parti dès le départ. Le choix de designer des experts se substituant aux authentiques élus du peuple suffit à démontrer que le nouveau pouvoir n’est pas différent de ses prédécesseurs, lesquels ont fait de ce pays une propriété privée.

Or, dans l’histoire des pays, la constitution n’est pas juste un ensemble de lois visant à contrôler la société. Dans ces pays qui se respectent, la loi fondamentale est directement élaborée par les élus du peuple. Durant toute la période de son application, le dirigeant doit se soumettre aux lois en vigueur. Et dans le cas où le régime doit changer pour une telle ou telle raison, c’est toujours au peuple qu’échoit le rôle de réécrire une autre constitution.

Le problème en Algérie, c’est qu’on nous parle d’un changement de régime, mais ce processus échappe entièrement au peuple. De rafistolage en rafistolage, les différents chefs de l’État entretiennent la dictature en lui apportant quelques ajustements. Le docteur en droit constitutionnel, Massensen Cherbi, les dissèque avec brio dans un entretien à Afrik.com.

Mais, là où le bât blesse, c’est pourquoi ce que les autres pays sont capables d’accomplir ne peut pas se faire chez nous ? En d’autres termes, pourquoi le transfert de pouvoir au peuple devient plus alambiqué en Algérie qu’ailleurs ? Et pourtant, pas loin de chez nous, la Tunisie voisine a pu réaliser ce transfert. Il se trouve qu’avec la Tunisie, il y a une différence fondamentale : l’Algérie est un pays rentier. Les intérêts personnels à exercer le pouvoir sont énormes. Il n’y a pas besoin de faire ni un sondage ni une enquête pour comprendre que la corruption fait des heureux. Et c’est un secret de polichinelle que les milliardaires de ce pays gravitent ou ont gravité autour de ce pouvoir corrompu jusqu’à la moelle.

C’est sans doute ce qui explique la feuille de route après le retrait forcé de Bouteflika. Bien que des millions d’Algériens attendent un changement radical de gouvernance se traduisant par la restitution du pouvoir au peuple, le haut commandement militaire a décidé le maintien du même régime pourri. Le scrutin du 12 décembre 2019 a donc consacré la victoire de cette ligne dure. Désormais, le régime installé par la force en 1962 perpétue sa façade civile. Aidée par la pandémie mondiale depuis mars 2020, elle montre chaque jour son visage monstrueux à travers les arrestations, les intimidations, et toutes les formes d’abus de pouvoir.

En tout cas, dès la prise de ses fonctions, Abdelmadjid Tebboune lance en toute urgence son projet constitutionnel. Est-ce qu’il y a une rupture avec les précédentes constitutions ? À en croire le spécialiste en droit constitutionnel, Massensen Cherbi, le projet constitutionnel actuel est une synthèse des constitutions de 1963, 1976, 1989, 1996. Son principal souci est de prévenir les crises du régime. Pour y remédier à la faille de 2019, le régime crée donc le poste de vice-président. Ainsi, si le chef de l’État en exercice n’est pas en mesure de poursuivre sa mission, le vice-président prendra sa suite. À rappeler que ce dernier est désigné par le fait du prince.

Enfin, malgré les promesses, cette nouvelle constitution n’offrira aucune clarté sur l’exercice du pouvoir. En effet, le régime algérien est inclassable. Il n’est ni parlementaire, ni présidentiel, ni semi-présidentiel. Car, celui qui détient théoriquement le pouvoir n’est pas responsable ni devant le parlement ni devant le peuple. Pendant cinq ans, son pouvoir n’est contrôlé par aucune autorité. Et pourtant, il est le responsable du pouvoir judiciaire, responsable du pouvoir législatif –il peut dissoudre le parlement –, et responsable du pouvoir exécutif –il nomme et révoque le chef du gouvernement –. Mais, cela ne gêne pas les rédacteurs du texte fondamental. Ils justifient ce statut en estimant que « le président » est au dessus de ces trois pouvoirs. Avec tout ça, ils osent parler de la nouvelle Algérie. Mais, si le hirak doit s’arrêter pour une raison ou une autre, la plus grande offense au peuple algérien sera de maintenir l’hommage au hirak dans la constitution de Tebboune. Car, les intentions sont diamétralement opposées.

 

     

Partager cet article
Repost0
Publié par Ait Benali Boubekeur - dans Actualité

Contactez-Moi

  • : Blog AIT BENALI Boubekeur
  • : L’école algérienne ne s’est pas attelée, en ce qui concerne l’enseignement de l’histoire, à la transmission du savoir. L’idéologisation de l’école l’a emporté sur les impératifs de la formation. Or, les concepteurs de ces programmes préfèrent envoyer leurs enfants dans des écoles occidentales. Du coup, la connaissance de l'histoire ne passe pas par l'école.
  • Contact

  • Ait Benali Boubekeur
  • Il est du devoir de chaque citoyen de s’intéresser à ce qui se passe dans son pays. C'est ce que je fais modestement.
  • Il est du devoir de chaque citoyen de s’intéresser à ce qui se passe dans son pays. C'est ce que je fais modestement.

Recherche

Catégories