
Depuis la propagation vertigineuse du coronavirus, tous les pays observent une sorte de pause politique. Bien que les majorités aient le mandat de conduire les affaires de leurs pays, la crise sanitaire a créé une nouvelle donne. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette situation a permis d’apaiser les tensions. En France, par exemple, à l’exception de quelques voix marginales, une union nationale s’est formée autour du gouvernement.
En Algérie, en actionnant « la justice », le régime illégitime gâche l’ultime chance d’apaiser le climat de tension. Le 24 mars 2020 restera gravé comme une journée de la honte à mettre à l’actif du régime algérien. En effet, de la programmation surprise du procès de Karim Tabbou à sa condamnation en son absence et en l’absence de ses avocats, le régime ne cherche qu’à punir l’un des militants du hirak le plus apprécié des manifestants.
Quels sont les griefs opposés aux détenus ? Il y a « l’entreprise de démoralisation de l’armée », « l’incitation à attroupements », etc. Concernant le premier point, la réponse se trouve indirectement dans la formulation du grief. Si l’armée ne s’occupe pas de politique, comment elle pourra être atteinte par les critiques ? Quant au second point, les 4/5eme du peuple algérien sont concernés. En effet, après la tentative de faire passer en force la réélection d’Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat, les Algériens sont sortis spontanément manifester leur colère et leur dégout face à un régime irresponsable.
Pour que les choses soient claires : les Algériens ne sont pas sortis pour mettre en danger l’unité nationale. Au contraire, c’est le régime, dont les fondements sont la violence et la corruption, qui met le pays en danger. Et si des millions d’Algériens continuaient à manifester jusqu’au 55eme vendredi, c’est parce qu’ils ne croyaient pas et ne croient pas que le pays dirigé par le même régime, depuis en 1962, puisse évoluer vers un État de droit. Le problème n’est pas dans le changement des têtes, mais c’est la nature même du régime qui génère tous les vices menaçant les fondements de la République.
Du coup, depuis le début de la révolution du sourire, le seul enjeu est de savoir si l’Algérie reste l’otage du régime ou si elle se libère. Forcément, dans ce schéma, il ne peut y avoir que deux positions antagonistes : soutenir le hirak et à travers lui tous les détenus d’opinion ou soutenir le régime. Toute position mitoyenne n’est qu’hypocrisie. Il y a vraiment une ligne de démarcation très claire.
Toutefois, dans le cas où l’on soutient le hirak, on n’est pas obligé de soutenir les idées politiques des animateurs du hirak. Le mouvement est protéiforme. En d’autres termes, plusieurs courants y cohabitent. Dans le cas de Karim Tabbou, certains charlatans refusent de dénoncer l’injustice qu’il subit sous prétexte qu’il n’est pas un éradicateur. Quelle misère intellectuelle ? Cela dit, dans l’histoire récente de notre pays, la fausse « élite » a toujours été à côté de la plaque.
Heureusement, le mouvement enclenché le 22 février 2019 ne se positionne pas sur les questions secondaires. Car, si l’Algérie se libère des mains du régime inamovible, les Algériens auront le choix entre les différents projets. Est-ce que Karim Tabbou bénéficiera de toutes les voix du hirak ? Ce n’est pas sûr. Le vote n’est pas une question de sentiment. En revanche, dans l’épreuve qu’il traverse, il est du devoir de chaque Algérien épris de justice de soutenir sa cause. Ce soutien doit s’exprimer avec la même force envers tous les détenus politiques. Car, la pire trahison dans une révolution, c’est d’abandonner les prisonniers politiques.