
Il y a trente ans, la jeunesse algérienne a ébranlé les assises du régime. Bien que le mouvement ait manqué de coordination, la frustration et la déception ont été suffisantes pour mobiliser le peuple algérien contre un pouvoir, source de tous les maux.
En effet, depuis le recouvrement de la souveraineté nationale, le régime a entrepris un travail de sape tous azimuts. Obnubilé par sa seule survie et sa mainmise sur les ressources du pays, le régime ne tolérait aucune immixtion dans la conduite des affaires de la nation. Malgré les quelques changements à la tête de l’État, jusqu’à 1988, le régime imposait sa seule vision.
Mais, que se passe-t-il quand la principale ressource du pays se tarit ? Eh bien, la réponse a toujours été la même : c’est la faute du peuple. Or, le seul tort du peuple algérien, c’est d’avoir laissé le régime seul maître du pays, sans ériger de contre-pouvoirs.
Toutefois, si dans les périodes d’opulence le régime pouvait distribuer quelques miettes en vue d’acheter la paix sociale, il n’en était pas de même lors des périodes de crise. En 1986, le prix du pétrole a été divisé par trois par rapport à 1980.
Du coup, en ayant le monopole sur le commerce extérieur, le régime a réduit drastiquement les importations. Résultat des courses : le citoyen manquait de tout. Est-ce que les dignitaires du régime subissaient les mêmes privations ? L’opinion savait qu’il existait, en termes de moyen de subsistance, un écart abyssal entre la classe dirigeante et le reste du peuple algérien.
Ainsi, bien avant le 5 octobre 1988, les conditions d’une explosion sociale étaient réunies. Bien que le complot interne au régime –le conflit opposant les réformateurs aux conservateurs s’est soldé par la victoire éphémère des premiers– ait accéléré les événements, force est de reconnaître qu’il suffisait d’une étincelle pour que la rue s’enflamme.
D’ailleurs, quelle que soit la machination, il faut dire que le fil des événements a échappé aux manipulateurs. Car, en aucun cas, le régime ne voulait d’une ouverture réelle. Et en aucune manière les députés-caciques du FLN n’auraient jamais voté une ouverture effective s’il y avait eu un vote libre au parlement, sous l’ère du parti unique. Pour l’observateur méticuleux de la scène politique algérienne, Hocine Aït Ahmed, cette ouverture « est survenue par effraction ».
Que reste-t-il de l’esprit d’octobre 1988 ? Malgré les insuffisances, la mayonnaise avait pris, pourrait-on dire. Grâce au retour des figures emblématiques du mouvement national, l’espoir fut revenu. Dans le même ordre d’idées, la victoire de la tendance réformatrice sur les conservateurs a permis quelques avancées notoires.
Ayant senti que le gouvernement Hamrouche était sur la bonne voie des réformes, Hocine Aït Ahmed s’en est rapproché. En juin 1991, à l’occasion des premières élections législatives pluralistes, l’Algérie aurait pu avoir à sa tête un gouvernement républicain, formé par le FFS et le FLN réformateur.
Hélas, les décideurs ont en décidé autrement. Le coup d’État qui ne disait pas son nom en juin 1991 a cassé la dynamique républicaine. Pour revenir à la période sombre de l’Algérie indépendante, les décideurs de l’ombre ont imposé le match électoral entre les non-démocrates et le FIS.
La victoire de ce dernier aux élections législatives de décembre 1991 a été l’occasion de revenir sur toutes les réformes politiques, financières et sociales. À tel point qu’aujourd’hui tout est à refaire. D’où le sens, me semble-t-il, de la proposition du FFS de reconstruire le consensus national.
Aït Benali Boubekeur