
Malgré les coups bas et les diverses machinations, le FFS est toujours là, 55 ans après sa fondation. Le secret de sa longévité peut se résumer en une phrase : la mission du FFS est avant tout historique. En d’autres termes, c’est en se battant pour le respect de l’esprit de novembre 1954 et des résolutions de la Soummam que le FFS tient ses forces. Est-ce que ces engagements révolutionnaires ont été respectés par ceux qui ont accédé aux responsabilités ?
Pour mieux comprendre cette histoire douloureuse, un rappel historique est requis. Alors que l’effort de guerre s’est reposé sur les épaules du peuple algérien, à la veille du recouvrement de l’indépendance, un groupe d’officiers à la tête de l’armée des frontières commençait à manœuvrer en vue d’imposer sa vision. Pour y parvenir, les futurs maîtres de l’Algérie indépendante ont cherché à légitimer leur coup de force en y recrutant un chef historique. « Boumediene a envoyé Bouteflika recruter un historique. Ils voulaient d’abord convaincre Boudiaf de les rejoindre…Il a été dur à l’égard de l’État-major. Donc out…Le nom de Boudiaf est éliminé. En ce qui me concerne, il n’était pas question de m’en parler, ils connaissaient déjà mon point de vue idéologique. Ils se sont rabattus sur Ben Bella », a relaté le chef historique, Hocine Aït Ahmed, le plan machiavélique du groupe d’Oujda.
Ainsi, en dépit de la mobilisation du peuple algérien pour le référendum du 1er juillet 1962 en vue de restaurer la République, les dés étaient déjà jetés. Le 22 juillet 1962, le duo Ben Bella-Boumediene a proclamé unilatéralement la formation d’un bureau politique (BP) censé assumer les responsabilités nationales.
Cela dit, bien que les vainqueurs de la crise de l’été 1962 se soient emparés du pouvoir, une grande partie des révolutionnaires a accepté d’intégrer l’Assemblée nationale constituante, et ce, dans le but d’éviter une rupture fâcheuse. La plupart ont joué un rôle législatif en vue de doter le pays de sont premier texte fondamental.
Hélas, tous les députés ne voulaient pas s’affirmer, contrairement au groupe de députés, emmené par Hocine Aït Ahmed, qui a décidé de « mener une opposition constructive à l’intérieur du système ». Bien qu’elles soient applaudies, les interventions de Hocine Aït Ahmed n’ont pas créé un déclic. La séparation des pouvoirs tant souhaitée a été parfois combattue par les députés, censés protéger leur pouvoir, en l’occurrence le pouvoir législatif.
Pire encore, bien que l’Assemblée nationale constituante ait accepté de s’effacer devant le pouvoir exécutif, les deux hommes forts du moment n’ont pas jugé utile de respecter la voie légale. Alors que l’Assemblée élaborait le projet de constitution, le pouvoir exécutif a chargé quelques cadres du FLN –non élus de surcroit –de rédiger le texte fondamental. Et c’est ce dernier qui a été plébiscité le 8 septembre 1963.
Comme le 22 juillet 1962 où les révolutionnaires avaient été mis devant le fait accompli, ce coup de force constitutionnel a créé la même onde de choc. Que les partisans du régime le veuillent ou non, c’est le pouvoir exécutif qui a poussé les opposants à quitter le système.
Toutefois, si certains avaient voulu recourir à la force, comme ce fut le cas du plan de l’UDRS (union pour la défense de la révolution socialiste), il n’en était pas de même de l’emblématique chef historique, Hocine Aït Ahmed. « Dans le but d’éviter des affrontements monstrueux, j’ai décidé de mener une lutte ouverte contre le pouvoir socialo-mystificateur soutenu par des contre-révolutionnaires de tout poil. Cette opposition publique est aujourd’hui le seul moyen de désamorcer une situation rendue explosive par…l’incapacité de l’Assemblée nationale constituante à bloquer (le totalitarisme) du régime », a-t-il fixé le cap après sa démission en tant que député.
En peu de temps, une dynamique s’est créée autour de Hocine Aït Ahmed. Le 29 septembre 1963, un groupe de patriotes, à leur tête Hocine Aït Ahmed, a fondé le front des forces socialistes. Hélas, dans les régimes dictatoriaux, les dirigeants sont allergiques à toute remise en cause de leur pouvoir. Et c’est au nom de la constitution illégale que Ben Bella s’est arrogé les pleins pouvoirs le 3 octobre 1963. Dans la foulée, il a fait appel à la force armée pour mater l’opposition incarnée par le FFS. Près de 500 militants de valeurs ont laissé leur vie pour avoir défendu le droit d’émettre un avis différent à ceux des dirigeants tout puissants.
Qu’en est-il de la situation politique, 55 ans après la fondation du FFS ? « Je n’imaginais pas que cinquante ans plus tard, nous serions encore à nous battre pour défendre notre simple droit à exister » a résumé Hocine Aït Ahmed en mai 2013 la pérennisation du statu quo politique. Bien qu’il puisse y avoir des évolutions dans la pratique du pouvoir, le processus politique reste contrôlé de fond en comble. D’ailleurs, depuis 1963, les constitutions ressemblent aux faits de prince. Aucune n’a été élaborée en concertation avec le peuple. Pour toutes ces raisons, le FFS ne doit pas fléchir. Car, son affaiblissement ne fera que retarder l’échéance du retour à la légalité constitutionnelle et institutionnelle.
Aït Benali Boubekeur