
La création du GPRA (gouvernement provisoire de la République algérienne) répondait à une nécessité révolutionnaire. En effet, si la guerre était certes une étape décisive, la révolution avait des objectifs plus grands. Il s’agissait uniment de préparer les futures institutions de la jeune République. Mais, pour y parvenir, il fallait que les architectes de la révolution respectent les étapes.
Ainsi, avant la proclamation du GPRA, le 19 septembre 1958, la révolution algérienne a été gérée, pendant deux ans, sur la base d’un document historique, en l’occurrence la proclamation du 1er novembre 1954. Bien que le congrès de la Soummam soit une pomme de discorde –quatre chefs historiques (Ben Bella, Boudiaf, Khider et Bitat) contestaient les révolutions de la Soummam et trois autres (Ait Ahmed, Krim et Ben Mhidi) les soutenaient –, force est de reconnaître qu’il a doté le pays des institutions provisoires annonçant la Refondation de la nation algérienne.
En tout cas, que l’on soit contre ou pour les résolutions de la Soummam, ce sont bien les décisions prises à Ifri qui ont créé les organismes pouvant à la fois gérer la suite de la guerre et déterminer les conditions de la négociation avec la France. En effet, si le CCE (comité de coordination et d’exécution) et plus tard le GPRA pouvaient négocier les accords de paix, c’est le CNRA (conseil national de la révolution algérienne), sorte de parlement révolutionnaire, qui devait statuer sur le contenu.
Toutefois, pour dépasser la crise opposant des dirigeants intérieurs aux dirigeants extérieurs, c’est le plus politique des chefs historiques, Hocine Aït Ahmed, qui a préconisé, dès avril 1957, la formation d’un gouvernement provisoire. Dans un rapport fort documenté, il a mis en exergue les avantages de passer d’un comité à un gouvernement. En effet, si celui-là pouvait cristalliser des tensions, celui-ci était de nature à rassembler le plus largement possible.
D’ailleurs, comme l’a précisé le professeur André Mandouze, « si un organisme révolutionnaire comme l’était le CCE pouvait, à bon droit, exiger une reconnaissance de l’indépendance avant d’entamer les négociations, il n’en est pas de même pour un gouvernement qui, par son existence même, consacre juridiquement celle de l’État qu’il représente. »
Cependant, pour des raisons qui sont propres à cette époque, la révolution algérienne ne pouvait pas accélérer le cours des événements. Après deux CCE (août 1956 à août 1957 et puis d’août 1957 à septembre 1958), les dirigeants algériens ont mis en place une commission chargée de reccueillir les avis sur la formation du gouvernement provisoire. Cette dernière a reçu quatre rapports. Le plus consistant a été rédigé par Mabrouk Belhocine au nom du colonel Ouamrane. Ce rapport a été enrichi par ceux de Ferhat Abbas, Krim Belkacen et Lakhdar Bentobbal. Chaque rapport préconisait la meilleure voie à suivre : former le gouvernement provisoire.
En tout état de cause, cette formation du gouvernement révolutionnaire s’imposait, car, depuis mai 1958, la France avait à sa tête le plus populaire des dirigeants français, le général Charles de Gaulle. Bien qu’il soit porté aux affaires par l’appui des militaires et des ultras, tout le monde s’accordait à dire que le chef de l’État français était le seul à pouvoir décider de l’issue du conflit algérien.
Bien évidemment, dans les deux premières années de son retour –1958 à1960 –, ses mains étaient liées. D’où sa politique répressive en vue de calmer ses soutiens ultras. Ce qui n’a pas échappé aux dirigeants algériens. D’ailleurs, dans la proclamation du GPRA, il a été précisé qu’à l’approche du référendum sur la constitution de la Vème République, il fallait mettre en échec toute politique d’intégration, prônée par le général de Gaulle.
Enfin, lorsque le 19 septembre 1958, la formation du gouvernement a été annoncée, il ne restait au GPRA qu’à mesurer les soutiens effectifs à l’Algérie. En tout cas, si les premiers pays à reconnaître le gouvernement algérien ont été la Tunisie, le Maroc, la Syrie et le Liban, le dernier pays à le reconnaître ne pouvait être que la France. « Mais le jour où le gouvernement français accepte la discussion avec le GPRA, il reconnaîtra, par la même, l’existence de l’État algérien », écrit André Mandouze.
Mais, est-ce que le recouvrement de l’indépendance suffit à bâtir un État de droit ? Le coup de force contre le GPRA en 1962 et l’enchainement des coups de force contre la volonté du peuple algérien de doter le pays des institutions légitimes ne sont pas en adéquation, hélas, avec l’esprit des allumeurs de la mèche, un certain 1er novembre 1954.
Aït Benali Boubekeur