« L’Anavad doit construire son autorité, nous devons avoir des hommes qui seront capables de décréter ville morte et la population devra s’y soumettre sans discuter, sinon, ceux qui ne marcheront pas avec nous, devront assumer leur responsabilité », extrait d’un passage diffusé sur le site séparatiste kabyle.
Ces phrases ne sont pas prononcées par les pires despotes du XIXe ou du XXe siècle, mais ce sont celles prononcées par le monarque sans trône, Ferhat Mehenni. Envers qui il dirigera sa violence ? Ce n’est sans doute pas à l’encontre des forces de l’ordre qu’il adresse ce message. Et pour cause ! Ses militants claironnent à chaque manifestation qu’ils sont pacifiques.
À vrai dire, ce message s’adresse à des paisibles citoyens qui ne demandent rien ni au régime ni au mouvement séparatiste. Le citoyen lambda sait que ses dirigeants, quel que soit le choix entre les deux concurrents, feront tout pour le priver de ses libertés.
Bien que les partisans de Ferhat Mehenni tentent de minimiser ces déclarations, il n’en reste pas moins que la violence des propos donne le gout de ce que serait le pouvoir sous Ferhat Mehenni.
En tout cas, pour leur roi à la recherche du trône, son mouvement est assez puissant pour imposer d’ores et déjà sa loi. « Nous avons atteint une étape où, quand l’Anavad kabyle décrète que chaque Kabyle doit appliquer ses décisions et ses paroles, celui-ci doit s’y soumettre, autrement il n’a qu’à en assumer les conséquences », menace-t-il.
Encore une fois, ces déclarations nous rappellent les pires périodes de l’Algérie indépendante. À deux reprises, en 1962 et en 1965, les deux despotes ont pris le pouvoir en s’appuyant sur les mêmes arguments en vue d’imposer leur pouvoir monstrueux.
Alors que cette période terne est derrière nous, et ce, au prix d’un grand sacrifice, Ferhat Mehenni souhaite au mieux qu’on revive la période des années cinquante et au pire la période médiévale. Est-ce que les citoyens de la région l’approuvent ? Il existe seulement une partie.
Or, dans une interview au journal Algérie Focus –la rédaction a bien raison de ne pas la publier –, le chef séparatiste déclare que le sort de la Kabylie est scellé. Ainsi, bien qu’il n’y ait aucun débat pour passer du statut de l’autonomie à celui de l’indépendance, le chef autoproclamé estime que ce qui est bon pour lui est forcément bon pour la Kabylie.
Pire encore, il ne devrait même pas y avoir d’opposition. Alors que la scène politique régionale est plurielle, Ferhat Mehenni somme les partis les mieux implantés de rentrer dans le rang. Quant à ceux qui ont le malheur d’adhérer aux partis du pouvoir –il faut rappeler que le parti de Ferhat Mehenni était en première ligne en 1992 en vue de sauver le régime contre la volonté du peuple algérien –, leur cas pourrait être compliqué.
Dans ces conditions, une question se pose légitimement. À partir du moment où un tel mouvement risquerait de supprimer les libertés s’il parvenait au pouvoir, est-ce que les démocrates doivent dénoncer la répression dont font l’objet ses militants. Honnêtement, le choix est cornélien. Mais, au nom des droits de l’homme, toute violence commise contre un humain doit être condamnée.
Enfin, si les citoyens de la région ne veulent pas que la région sombre dans l’anarchie, il faudra qu’il prenne leurs responsabilités. Quant aux partis, tout en gardant leur autonomie et en faisant du pluralisme une valeur définitivement acquise, ils devront réfléchir à une riposte politique. Sinon, des innocents payeront un lourd tribut.
Aït Benali Boubekeur