À chaque commémoration d’une date historique, le chef de l’État s’adresse aux citoyens via des responsables de son entourage. La journée du 19 mai 1956 ne déroge pas à la règle. Cette présidence par procuration crée évidemment un vide constitutionnel.
Bien que ses partisans soutiennent la capacité du chef de l’État à gérer les affaires de la nation, l’opinion a du mal à gober cette version. En tout cas, les indices ne peuvent pas étayer cette thèse. À commencer par la capacité du chef de l’État à rédiger tous ces messages.
Cela dit, dans le message présidentiel, on peut partager, sans aucune réserve, le rappel historique. En effet, ceux qui ont quitté les bancs de l’école pour rejoindre les maquis méritent tous les hommages. Malgré le climat de suspicion, « les étudiants avaient apporté une plus-value à la révolution sur tous les plans. »
Et le moins que l’on puisse dire, c’est cette génération avait une conscience et un esprit de résilience plus important par rapport à la nôtre, c’est-à-dire celle qui est née après l’indépendance.
Quand le chef de l’État appelle la nouvelle génération à assumer les mêmes responsabilités, il oublie que l’exploitation de l’école a créé un vide ne permettant pas à notre jeunesse de jouer les premiers rôles. Depuis plusieurs années, on sent que l’école régresse.
Dans ce cas, comment voulez-vous, monsieur le chef de l’État, que les deux générations jouent des rôles similaires? Pour revenir au même niveau de conscience que nos ainés, il faudrait réformer l’école pour que le savoir soit au cœur de la formation.
Sur le plan historique par exemple, est-il logique d’exclure du récit national les figures qui ont permis la résurrection nationale au profit des mouvements assimilationnistes du temps colonial ? Comment voulez-vous que l’école transmette le vrai savoir quand la version officielle refuse de rétablir la vérité sur la mort d’Abane Ramdane ?
Ce sont donc ces éléments –il y en a d’autres plus graves –qui empêchent l’avènement d’une véritable élite. Et quand une petite catégorie parvient à exister, le régime soit l’enrôle soit l’étouffe.
Du coup, lorsque le chef de l’État attend de l’élite d’aujourd’hui d’expliquer la crise et de proposer une voie salvatrice, il se trouve hélas que cette élite n’existe que dans l’imaginaire.
Enfin, malgré les meilleures volontés du monde, la sortie de crise n’est pas l’affaire d’une catégorie, mais réside dans les choix osés en partant du bon diagnostic. C’est ce devoir de vérité qu’il faudrait faire.
Aït Benali Boubekeur