Dans la vie politique d’un pays, le changement et l’alternance ne surviennent pas par la volonté divine. Il faut vraiment ne pas avoir la foi pour faire cet amalgame. Comme le montrent les exemples des pays stables, ce sont les citoyens qui imposent le cadre constitutionnel et institutionnel.
L’élimination des partis traditionnels, en France, lors de l’élection présidentielle, remportée par Emmanuel Macron, inconnu il y a trois ans sur la scène politique, révèle la capacité du peuple français à maîtriser son destin.
En Algérie, les élections sont prises en otage par le clan qui dirige le pays depuis 1962. Bien qu’il y ait une innovation dans les méthodes de tricherie, les mêmes partis se maintiennent au pouvoir. En effet, depuis la reprise du processus électoral, après son interruption brutale en janvier 1992 par le haut commandement militaire, l’alliance FLN-RND reste aux commandes.
Bien évidemment, cette majorité ne reflète pas la volonté populaire. Du bourrage des urnes en 1997 à la mobilisation de ses seuls fidèles –la clientèle du régime fait payer son soutien au prix fort –, le régime bloque toute évolution de l’Algérie vers la démocratie réelle. En renvoyant le changement aux calendes grecques, c’est l’avenir du pays qui est hypothéqué.
Toutefois, à l’examen des résultats législatifs, est-ce que la responsabilité incombe seulement au régime ? En tournant le dos aux institutions –assimilées à tort à la propriété du régime –, les Algériens ne sont pas exempts de tout reproche. Quand 15 sur 23 millions d’électeurs, soit un taux de 62%, refusent de se rendre aux urnes, quand 2 sur 8 millions glissent un bulletin blanc, cela ne contrarie nullement le régime, et ce, bien que ce dernier puisse admettre une forme de rejet de sa politique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les deux attitudes –le verrouillage des institutions et le boycott – ne permettraient pas le changement.
En somme, il va de soi que les perdants sont les boycotteurs et l’opposition qui aspire au changement. Il ne s’agit ni d’accabler aucune partie. Car, si on additionne les voix de l’opposition à celles des abstentionnistes, c’est plus de 75% des Algériens qui ne cautionnent pas la politique du régime. Et c’est tout ce beau monde qui doit se parler en vue de peser dans les choix futurs de notre pays.
Comment peuvent-ils s’entendre ? Il est évident que les ¾ ne sont pas tous d’accord sur le projet de société. Mais une fois que le choix du changement pacifique est retenu, le dénominateur commun pourrait être trouvé : garantir les compétitions électorales libres et crédibles. À moins que certains ne soient intéressés que par la politique spectacle ou attendent que le régime leur transmette les rênes du pouvoir sans mouiller le maillot, comme diraient les sportifs.
Aït Benali Boubekeur