Contrairement aux idées reçues, la fin de la guerre d’Algérie a été très rude. Cette épreuve sera encore plus alambiquée après l’indépendance. Car, si la France a eu le temps de maîtriser ses propres partisans du chaos, la révolution algérienne ne pouvait pas se permettre un tel exercice. Tout désordre pourrait être exploité par les autorités coloniales.
Quelles sont alors les forces qui défient l’autorité légitime de la révolution algérienne ? Bien qu’elles soient minoritaires, ces forces stationnées dans les frontières ont pour seul objectif d’imposer leur vision archaïque à la société.
Ainsi, aux positions irréconciliables des parties en conflits, ils s’ajoutent des tensions internes dans chaque camp. Bien que chacun veuille minimiser les dissensions en son sein, de juin 1960 (conférence de Melun) à mars 1962 (conférence d’Evian), les positions officielles de part et d'autre sont perturbées par les agitateurs des deux camps.
Dans le cas français, depuis le fameux discours du général de Gaulle sur l’autodétermination en septembre 1959, le lobby colonial –bénéficiant par ailleurs d’un soutien indéfectible de certains militaires hauts gradés –tente de renverser la cinquième République naissante. Des journées des barricades en janvier 1960 à la politique de la terre brulée pratiquée par l’OAS en passant par la tentative de coup d’État du quarteron de généraux en avril 1961, chaque tentative a failli plonger la France dans le désordre et perpétuer, par la même occasion, un système de domination archaïque.
Du côté algérien, les tensions commencent à apparaître après le départ du CCE (comité de coordination et d’exécution) vers l’Extérieur. Certains analystes situent le premier coup d’État contre la révolution algérienne à l’élimination d’Abane Ramdane par le fameux groupe, les 3B, en décembre1957.
Du coup, jusqu’à janvier 1960, leur emprise sur la révolution est incontestable. Mais, après une crise de prés de 6 mois en 1959, les 3B confient le sort de la révolution à l’arbitrage de 10 colonels, parmi eux Houari Boumediene.
Dans la foulée, à la fin des travaux du CNRA (conseil national de la révolution algérienne), en janvier 1960, l’armée des frontières est unifiée sous la houlette de Houari Boumediene. En fin stratège, ce dernier avance ses pions sans faire trop de bruit. Il suffit, pour lui, d’attendre le moment propice pour hériter du pouvoir sur un plateau.
Entre temps, pour mettre fin au conflit colonial, ce ne sont ni les agitateurs français ni les loups de Ghardimaou qui s’y mettent. Cela dit, si le général de Gaulle a eu le temps de neutraliser ses adversaires en soumettant sa politique à la volonté populaire lors des référendums de janvier 1961 et d’avril 1962, le GPRA ne pouvait pas ouvrir un conflit avec son état-major au risque de discréditer toute la révolution.
Pour conclure, il va de soi que la durée du conflit a permis l’émergence de nouvelles têtes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que celles-ci se soucient peu de la souffrance du peuple comparées aux forces qui ont déclenché la guerre en 1954. Ainsi, si les initiateurs de la lutte armée avaient pour seul objectif de libérer le peuple de la domination coloniale, les victorieux de la crise de l’été 1962 lui dénient tout bonnement le droit de s’immiscer de ses affaires. Or, quel que soit le type de la domination, aucune d’elle n’est tolérable. Dans une certaine mesure, celle des nationaux est pire que celle des étrangers. Car, elle provient des personnes avec lesquelles le citoyen est sensé cohabiter. Toutefois, la seule satisfaction réside dans la libération du territoire. Quant au peuple, le jour où il se rendra compte des bienfaits de la liberté, il se libérera tout seul.
Boubekeur Aït Benali