« L’indépendance n’est pas la fin en soi, mais seulement un moyen qui permettra la transformation de la situation de notre pays, qui passe de l’état de stagnation à celui d’un pays libéré, pleinement engagé dans la bataille de la reconstruction économique et de libération sociale », message au peuple algérien du président légitime du GPRA, Ben Youcef Ben Khedda, le 18 mars 1962.
Cet optimisme est celui d’un dirigeant politique pieux. Malheureusement, à peine le brasier colonial est éteint, les seigneurs de la guerre invitent les politiques visionnaires à céder leur place. C’est probablement de là que découle la crise actuelle.
De toute évidence, si le peuple algérien réussit tant bien que mal le contre-projet, à savoir la mise à mort du système colonial, le projet de reconstruction –qui est de loin le plus important –est quelque part négligé. Or, c’est ce projet qui est prioritaire et primordial. Et c’est ce qui se dégage à la lecture du message du président légitime du gouvernement provisoire.
Bien évidemment, les intentions ne suffisent pas. Il faudrait aussi que les futurs dirigeants se soumettent à la volonté populaire. Pour le président Ben Khedda, la seule légitimité est celle qui sort des urnes. « Cet État sera démocratique. Il souscrira sans réserve à la Déclaration universelle des droits de l’homme et fondera ses institutions sur le principe démocratique et sur l’égalité des droits politiques entre tous les citoyens sans discrimination de race ou de religion », écrit-il.
Hélas, ce que le président Ben Khedda ignore probablement, c’est qu’un groupe d’officiers a déjà tranché la question. Pour eux, la gestion de la société ne peut pas être un contrat de confiance. En effet, après une longue absence sur le territoire national et n’étant pas pour la plupart d’entre eux des militants politiques, ils n’avaient aucune gêne à se départir des principes énoncés le 1er novembre 1954.
Ainsi, du lendemain euphorique de la signature des accords d’Evian, entre le GPRA et le gouvernement français, jusqu’à l’entrée des troupes des frontières à Alger, en début septembre 1962, en passant par l’élimination du GPRA et son remplacement par un bureau politique enfreignant tous les statuts de la révolution, le duo Ben Bella-Boumediene engrange victoire sur victoire.
Toutefois, si le peuple avait la moindre force morale, accepterait-il que les sacrifices des meilleurs enfants de ce pays soient détournés ? En tout cas, bien que les Algériens soient fatigués des affres de sept ans de guerre, il n’en reste pas moins que son manque d’implication s’apparenterait à une pusillanimité qu’à une philosophie de Gandhi.
Qu’en est-il, 55 ans plus tard, du message de Ben Youcef Ben Khedda ? Il va de soi que sa teneur reste encore d’actualité. En effet, les défis de l’époque sont encore à relever. D’après le président Ben Khedda, « nous avons à édifier une société nouvelle qui reflétera le visage nouveau et jeune de l’Algérie libre, où chaque citoyen doit apporter sa contribution. »
Pour y parvenir, le président légitime de la révolution algérienne appelle les Algériens à assumer leurs responsabilités. « L’Algérie sera ce que nous, Algériens, nous voulons qu’elle soit », estime-t-il.
Aït Benali Boubekeur