Après une pacification douloureuse, les autorités coloniales proclament que l’Algérie est une partie intégrante de la France. Dans ces conditions, est-ce que cette règle s’applique aux habitants ? En d’autres termes, est-ce que les autochtones deviennent, par la même occasion, citoyens français ? Officiellement, les représentants de cet ordre le claironnent sans ambages. Dans les faits, les deux peuples qui se côtoient sont séparés par des obstacles infranchissables.
Toutefois, après la mobilisation des Algériens lors de la Grande Guerre (1914-1918), des dirigeants métropolitains songent réellement à l’émancipation d’une partie des « indigènes ». Bien que les réformes ne soient pas globales, certaines de ces mesures permettent à quelques milliers d’indigènes d’accéder à la citoyenneté.
Cela dit, si des récompenses peuvent être envisagées, il n’en est pas de même des réformes politiques ou sociales. En voulant se confronter au lobby colonial, Maurice Violette est le premier à faire l’expérience amère. En 1925, il est en effet nommé gouverneur général. « Pourtant, même ses timides réformes sociales furent l’objet d’un véritable tir de barrage de la part du milieu colon. Qui obtiendra son rappel. Au point que Violette signera quatre ans plus tard un livre en forme de défi : l’Algérie [sous-entendu française] vivra-t-elle ?, chronique amère d’un divorce radical entre un homme venu avec de belles intentions réformatrices et un monde fermé à toute novation », écrit Alain Ruscio dans « nostalgérie, l’interminable histoire de l’OAS ».
Quoi qu’il en soi, bien que le gouverneur général admette la suprématie du lobby colonial, il ne renonce pas à s’opposer au statu quo. Pour lui, si la France veut avoir un avenir en Algérie, il faudra qu’il accomplisse des réformes osées. « Je redoute que la légitime fierté de résultats […] ait installé dans l’esprit [des colons] à la façon d’un dogme que l’Algérie dans l’avenir ne pourra continuer à être que par eux et pour eux ; s’il en était ainsi, et si la métropole n’intervenait pas pour imposer un point de vue plus juste et plus humain, l’Algérie serait condamnée » écrit Maurice Violette en 1929.
Cependant, si en 1925 les conditions n’étaient pas totalement réunies, en 1936, le projet des réformes est porté par le président du Conseil, Léon Blum, son ministre d’État, Maurice Violette, et une grande partie de la gauche française. Bien que le contenu ne soit pas très éloigné de celui de 1925, le lobby colonial refuse –malgré la légitimité des urnes – la moindre concession. Du coup, « trois mois seulement après la victoire électorale, Maurice Violette commençait déjà à s’inquiéter », note l’historien. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, comme en 1925, le lobby colonial réussit à infléchir les dirigeants métropolitains. En un mot, c’est cette minorité agissante qui impose son choix à toute la communauté pied-noir.
Enfin, il existe d’autres tentatives de réformer le système colonial après 1925 et 1936. Mais, après les événements de mai 1945, la grande majorité des « indigènes » ne croit plus à une possible cohabitation. D’ailleurs, le commandant en chef de la répression de mai 1945, le général Duval, prédit une paix de dix ans. Cette prédiction est ratée d’une année. En 1954, la révolte se généralise. Enfin, après sept longues années, la décolonisation se réalise à un prix exorbitant. Quant aux souffrances du peuple algérien après le recouvrement de l’indépendance, il s’agit d’une autre histoire.
Aït Benali Boubekeur