Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 septembre 2016 5 09 /09 /septembre /2016 16:33
Retour sur l’avènement du multipartisme en Algérie

Le refus du haut commandement militaire de se soumettre à la volonté populaire soumet le pays à un règne autoritaire. Se cachant derrière le parti historique –le FLN a été, à vrai dire, dévié de sa trajectoire avant l’indépendance du pays, car un parti libérateur ne peut pas être un instrument de l’oppression –, sa domination dure alors près de trois décennies.

Cependant, bien que le régime paraisse solide sur ses appuis, tant les citoyens sont uniment tenus en laisse, il n’en reste pas moins que les querelles internes, entre les réformateurs et les conservateurs, rendent fragile la cohabitation entre les clans.

À l’approche de l’échéance présidentielle de décembre 1988, des voix au sommet du sérail contestent la reconduction « du roi fainéant », Chadli Bendjedid, à la tête de l’État. Profitant d’un climat explosif, les instigateurs des troubles exploitent la détresse de la jeunesse pour déstabiliser le groupe rival soutenant le troisième mandat présidentiel.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en dépit de la puissance des conservateurs, les réformateurs gagnent la bataille politique. Bénéficiant de l’appui du chef de l’État, ces derniers préparent, à l’insu du clan rival, des grandes réformes.

Cela dit, bien qu’ils prennent de vitesse leurs adversaires en organisant, dans la foulée des événements d’octobre 1988, un référendum sur la révision constitutionnelle, les caciques du FLN ne comptent pas lâcher la pression.

Selon Myriam Aït Aoudia, dans « l’expérience démocratique en Algérie (1988-1992) », un livre paru en avril 2016, « les responsables du FLN adressent deux types de critiques à la réforme. Tout d’abord, ils s’inquiètent du contenu des modifications constitutionnelles : ils interprètent ces transformations (la disparition des références au socialisme, à la charte nationale et parti-État, la reconnaissance des ACP (associations à caractère politique) comme une menace de dissolution des ressources qu’ils détiennent en tant que membres du parti unique. »

Bien évidemment, la préoccupation des caciques du FLN ne concerne nullement l’avenir du pays, mais la perte de leurs privilèges. Leur chantage ne cesse que lorsque leurs intérêts immédiats sont tout simplement menacés. « Il leur apparaît trop coûteux de s’opposer frontalement au projet d’un président qui vient d’être largement réélu et qui contrôle encore les mécanismes d’allocations des postes et des ressources dans l’État comme au sein du parti », écrit Myriam Aït Aoudia.

Ainsi, tout en étant contre l’ouverture démocratique, les conservateurs refusent l’affrontement avec le chef de l’État. Pour Myriam Aït Aoudia, « il ne reste au FLN qu’à mener une campagne timorée, en espérant le rejet de la réforme lors du référendum. » C’est dans ce climat que s’ouvre enfin la période démocratique en Algérie.

Pour conclure, il va de soi que l’ouverture démocratique en Algérie est bâtie sur les sables mouvants. Bien que la société veuille se délivrer de l’emprise d’un pouvoir illégitime, force est de reconnaître que le peuple algérien n’a ni les moyens ni les ressources de porter un projet de changement. Du coup, la démocratisation est imposée par le haut. Hélas, un processus mal engagé ne peut aboutir qu’à une fausse démocratisation.

Aït Benali Boubekeur

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
L'ouverture, si ouverture il y'a , s'est faite sous une conjoncture belliqueuse voulue par les adversaires de Chadli durant l'été 1988. En guise de réponse, le président , dans un discours incendiaire, déclarait le 19 Septembre 88: «(…) Nous ne sommes pas aujourd’hui pessimistes quant à la situation, mais je rappelle qu’il existe certains éléments dans l’appareil qui entretiennent le doute. Que celui qui est incapable d’accomplir son devoir ait le courage de reconnaître son incapacité, car nul n’est indispensable. Que certains rejoignent l’autre bord et lancent leurs critiques cela me parait acceptable, mais nous n’accepterons jamais que l’individu demeure au sein de l’appareil tout en semant le doute» . Chadli semblait, ainsi, avoir sous la main, les gardiens du temple qui attendaient avec véhémence les assises du VIè Congrès du Parti FLN, pour proposer la candidature de Ahmed Taleb El-Ibrahimi à la magistrature suprême, et contrer, ainsi, définitivement les manœuvres des partisans de changements structurels dans les modes de gestion et de gouvernance établis depuis des lustres. Mais tout ce spectacle est ainsi monté pour sauvegarder les intérêts des uns et des autres. De toute évidence, il y' a lieu de retenir que le Président n'avait fait que réagir à une véritable campagne de déstabilisation venant de l'intérieur même du régime et qui l'avait ciblé y compris dans sa famille.Le chef de l'Etat ne franchit, cependant, pas le pas pour désigner nommément ses opposants. Des observateurs de l'époque estiment que le lien était direct entre les propos du chef de l'Etat et les événements du 5 Octobre 1988. Mouloud Hamrouche et Ghazi Hidouci, très proches du président, à l'époque respectivement secrétaire général de la présidence de la République et ministre de l'Economie, suggèrent une révision de la constitution, le 23 février 1989, avec un semblant d'ouverture démocratique qui autorisait l'existence des associations à caractères politiques (ACP) définies à l'époque par des tendances au sein du parti du FLN. Sachant qu'il n'existe pas de dictature qui ose s'afficher comme telle,. Au contraire, en s'enrichissant d'un nouveau vocabulaire, la plupart des régimes autoritaires affirment qu'ils sont démocratiques et détenir leur pouvoir de la souveraineté populaire. Ainsi est née l'entreprise qui consiste capter les concepts démocratiques, à les pervertir, puis à les revendiquer en jetant ainsi le trouble dans l'esprit des opinions publiques. En réalité il s'agissait de modifier le rapport de forces en affaiblissant le FLN tout en renforçant les pouvoirs du Président qui estimait qu'il n'avait pas les coudées assez franches pour appliquer sa politique. Les Algériens avaient cru à une véritable ouverture démocratique puisqu'ils avaient le droit de s'organiser librement en créant des "partis" politiques, un climat favorable à un mouvement associatif florissant, des journalistes libérés du service de l'Etat avec des primes conséquentes et l'autorisation de créer de nouveaux journaux et l'armée avait quitté le FLN pour rejoindre les casernes. La dérive de ces réformes furent la légalisation du FIS, parti islamiste intégré dans un paysage politique. Mais cette légalisation répondait , en d'autres termes, à la légalisation, par des laboratoires du pouvoir, d'un parti culturel que fut le RCD. Pourtant la loi sur les associations à caractères politiques interdisait la tendance religieuse, culturelle et régionale d'un "parti". Mais au-delà des conditions formelles, les partis sont aussi l’expression d’une culture politique et surtout de clivages qui divisent la société. Si le FIS s’est imposé en Algérie, c’est parce qu’il est apparu comme la formation qui critique vigoureusement le personnel dirigeant rejeté par la majorité de la population. L’impopularité du régime a nourri la popularité du FIS dont le discours était plus moral que politique, ce qui correspondait à la culture politique ambiante. Critiquer le pouvoir réel de la hiérarchie militaire ou évoquer son instrument, la Sécurité militaire, c’est s’exposer à l’exclusion de la scène politique. De là d’ailleurs découle le statut paradoxal de l’opposition. Un parti comme le MSP (Mouvement pour la société et la paix), et dans une mesure moindre le RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), se disait d’opposition alors qu’il participait au gouvernement. À la veille des élections municipales de juin 1990, quelque soixante partis étaient déclarés. Pour fragmenter l’opposition, l’administration les encourageait et la presse leur ouvrait ses colonnes généreusement. Mais à l’issue des scrutins libres de juin 1990 et décembre 1991, seuls le FIS, le FLN, le FFS et le RCD ont obtenu des sièges. le FFS s’est toujours opposé au régime illégitime à ses yeux depuis le coup de force de 1962. Il préconise la refondation des institutions sur la base d’une Assemblée constituante qui écrirait une nouvelle Constitution. Devenu légal en 1989,conformément à la loi, il a organisé des marches à Alger qui avaient attiré des dizaines de milliers de personnes, ce qui fait de lui le principal parti d’opposition non islamiste. En janvier 1992, il a appelé à une grande marche à Alger qui a réuni plus d’un million de personnes sous le mot d’ordre « Ni État policier, ni État intégriste ». Avec la victoire électorale du FIS - qu’il avait acceptée - il comptait fédérer tous les courants ne se reconnaissant pas dans le projet islamiste pour proposer une alternative démocratique. L’annulation des élections, qu’il a condamnée, l’a empêché de jouer ce rôle de contrepoids politique à l’islamisme et au pouvoir militaire. Hocine Aït Ahmed, en rentrant à Alger le 15 décembre 1989. Il est reçu à l’aéroport en héros national par des milliers de personnes. Il déclare à l’ENTV : «Je souhaite que le processus démocratique se redresse et s’amplifie jusqu’à ce qu’il atteigne un point de non-retour.» Mais ...
Répondre

Contactez-Moi

  • : Blog AIT BENALI Boubekeur
  • : L’école algérienne ne s’est pas attelée, en ce qui concerne l’enseignement de l’histoire, à la transmission du savoir. L’idéologisation de l’école l’a emporté sur les impératifs de la formation. Or, les concepteurs de ces programmes préfèrent envoyer leurs enfants dans des écoles occidentales. Du coup, la connaissance de l'histoire ne passe pas par l'école.
  • Contact

  • Ait Benali Boubekeur
  • Il est du devoir de chaque citoyen de s’intéresser à ce qui se passe dans son pays. C'est ce que je fais modestement.
  • Il est du devoir de chaque citoyen de s’intéresser à ce qui se passe dans son pays. C'est ce que je fais modestement.

Recherche

Catégories