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Le refus du haut commandement militaire de se soumettre à la volonté populaire soumet le pays à un règne autoritaire. Se cachant derrière le parti historique –le FLN a été, à vrai dire, dévié de sa trajectoire avant l’indépendance du pays, car un parti libérateur ne peut pas être un instrument de l’oppression –, sa domination dure alors près de trois décennies.
Cependant, bien que le régime paraisse solide sur ses appuis, tant les citoyens sont uniment tenus en laisse, il n’en reste pas moins que les querelles internes, entre les réformateurs et les conservateurs, rendent fragile la cohabitation entre les clans.
À l’approche de l’échéance présidentielle de décembre 1988, des voix au sommet du sérail contestent la reconduction « du roi fainéant », Chadli Bendjedid, à la tête de l’État. Profitant d’un climat explosif, les instigateurs des troubles exploitent la détresse de la jeunesse pour déstabiliser le groupe rival soutenant le troisième mandat présidentiel.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en dépit de la puissance des conservateurs, les réformateurs gagnent la bataille politique. Bénéficiant de l’appui du chef de l’État, ces derniers préparent, à l’insu du clan rival, des grandes réformes.
Cela dit, bien qu’ils prennent de vitesse leurs adversaires en organisant, dans la foulée des événements d’octobre 1988, un référendum sur la révision constitutionnelle, les caciques du FLN ne comptent pas lâcher la pression.
Selon Myriam Aït Aoudia, dans « l’expérience démocratique en Algérie (1988-1992) », un livre paru en avril 2016, « les responsables du FLN adressent deux types de critiques à la réforme. Tout d’abord, ils s’inquiètent du contenu des modifications constitutionnelles : ils interprètent ces transformations (la disparition des références au socialisme, à la charte nationale et parti-État, la reconnaissance des ACP (associations à caractère politique) comme une menace de dissolution des ressources qu’ils détiennent en tant que membres du parti unique. »
Bien évidemment, la préoccupation des caciques du FLN ne concerne nullement l’avenir du pays, mais la perte de leurs privilèges. Leur chantage ne cesse que lorsque leurs intérêts immédiats sont tout simplement menacés. « Il leur apparaît trop coûteux de s’opposer frontalement au projet d’un président qui vient d’être largement réélu et qui contrôle encore les mécanismes d’allocations des postes et des ressources dans l’État comme au sein du parti », écrit Myriam Aït Aoudia.
Ainsi, tout en étant contre l’ouverture démocratique, les conservateurs refusent l’affrontement avec le chef de l’État. Pour Myriam Aït Aoudia, « il ne reste au FLN qu’à mener une campagne timorée, en espérant le rejet de la réforme lors du référendum. » C’est dans ce climat que s’ouvre enfin la période démocratique en Algérie.
Pour conclure, il va de soi que l’ouverture démocratique en Algérie est bâtie sur les sables mouvants. Bien que la société veuille se délivrer de l’emprise d’un pouvoir illégitime, force est de reconnaître que le peuple algérien n’a ni les moyens ni les ressources de porter un projet de changement. Du coup, la démocratisation est imposée par le haut. Hélas, un processus mal engagé ne peut aboutir qu’à une fausse démocratisation.
Aït Benali Boubekeur