/image%2F0550898%2F20160910%2Fob_727e80_images.jpg)
Par Hocine Mellah. Le 10 septembre 2016
L'ouverture, si ouverture il y’a, s'est faite sous une conjoncture belliqueuse voulue par les adversaires de Chadli durant l'été 1988. En guise de réponse, le président, dans un discours incendiaire, déclarait le 19 Septembre 88: «(…) Nous ne sommes pas aujourd’hui pessimistes quant à la situation, mais je rappelle qu’il existe certains éléments dans l’appareil qui entretiennent le doute. Que celui qui est incapable d’accomplir son devoir ait le courage de reconnaître son incapacité, car nul n’est indispensable. Que certains rejoignent l’autre bord et lancent leurs critiques cela me parait acceptable, mais nous n’accepterons jamais que l’individu demeure au sein de l’appareil tout en semant le doute».
Chadli semblait, ainsi, avoir sous la main, les gardiens du temple qui attendaient avec véhémence les assises du VIè Congrès du Parti FLN pour proposer la candidature de Ahmed Taleb El-Ibrahimi à la magistrature suprême et contrer, ainsi, définitivement les manœuvres des partisans de changements structurels dans les modes de gestion et de gouvernance établis depuis des lustres.
Mais tout ce spectacle est ainsi monté pour sauvegarder les intérêts des uns et des autres. De toute évidence, il y’a lieu de retenir que le Président n'avait fait que réagir à une véritable campagne de déstabilisation venant de l'intérieur même du régime et qui l'avait ciblé y compris dans sa famille. Le chef de l'Etat ne franchit, cependant, pas le pas pour désigner nommément ses opposants.
Des observateurs de l'époque estiment que le lien était direct entre les propos du chef de l'Etat et les événements du 5 Octobre 1988. Mouloud Hamrouche et Ghazi Hidouci, très proches du président, à l'époque respectivement secrétaire général de la présidence de la République et ministre de l'Economie, suggèrent une révision de la constitution, le 23 février 1989, avec un semblant d'ouverture démocratique qui autorisait l'existence des associations à caractères politiques (ACP) définies à l'époque par des tendances au sein du parti du FLN. Sachant qu'il n'existe pas de dictature qui ose s'afficher comme telle.
Au contraire, en s'enrichissant d'un nouveau vocabulaire, la plupart des régimes autoritaires affirment qu'ils sont démocratiques et détiennent leur pouvoir de la souveraineté populaire. Ainsi est née l'entreprise qui consiste à capter les concepts démocratiques, à les pervertir, puis à les revendiquer en jetant ainsi le trouble dans l'esprit des opinions publiques.
En réalité il s'agissait de modifier le rapport de forces en affaiblissant le FLN tout en renforçant les pouvoirs du Président qui estimait qu'il n'avait pas les coudées assez franches pour appliquer sa politique. Les Algériens avaient cru à une véritable ouverture démocratique puisqu'ils avaient le droit de s'organiser librement en créant des "partis" politiques, un climat favorable à un mouvement associatif florissant, des journalistes libérés du service de l'Etat avec des primes conséquentes et l'autorisation de créer de nouveaux journaux et l'armée avait quitté le FLN pour rejoindre les casernes.
La dérive de ces réformes furent la légalisation du FIS, parti islamiste intégré dans un paysage politique. Mais cette légalisation répondait, en d'autres termes, à la légalisation, par des laboratoires du pouvoir, d'un parti culturel que fut le RCD. Pourtant la loi sur les associations à caractères politiques interdisait la tendance religieuse, culturelle et régionale d'un "parti". Mais au-delà des conditions formelles, les partis sont aussi l’expression d’une culture politique et surtout de clivages qui divisent la société. Si le FIS s’est imposé en Algérie, c’est parce qu’il est apparu comme la formation qui critique vigoureusement le personnel dirigeant rejeté par la majorité de la population. L’impopularité du régime a nourri la popularité du FIS dont le discours était plus moral que politique, ce qui correspondait à la culture politique ambiante.
Critiquer le pouvoir réel de la hiérarchie militaire ou évoquer son instrument, la Sécurité militaire, c’est s’exposer à l’exclusion de la scène politique. De là d’ailleurs découle le statut paradoxal de l’opposition. Un parti comme le MSP (Mouvement pour la société et la paix), et dans une mesure moindre le RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), se disait d’opposition alors qu’il participait au gouvernement.
À la veille des élections municipales de juin 1990, quelque soixante partis étaient déclarés. Pour fragmenter l’opposition, l’administration les encourageait et la presse leur ouvrait ses colonnes généreusement. Mais à l’issue des scrutins libres de juin 1990 et décembre 1991, seuls le FIS, le FLN, le FFS ont obtenu des sièges.
Le FFS s’est toujours opposé au régime illégitime à ses yeux depuis le coup de force de 1962. Il préconise la refondation des institutions sur la base d’une Assemblée constituante qui écrirait une nouvelle Constitution. Devenu légal en 1989, conformément à la loi, il a organisé des marches à Alger qui avaient attiré des dizaines de milliers de personnes, ce qui fait de lui le principal parti d’opposition non islamiste.
En janvier 1992, il a appelé à une grande marche à Alger qui a réuni plus d’un million de personnes sous le mot d’ordre « Ni État policier, ni État intégriste ». Avec la victoire électorale du FIS - qu’il avait acceptée- il comptait fédérer tous les courants ne se reconnaissant pas dans le projet islamiste pour proposer une alternative démocratique.
L’annulation des élections, qu’il a condamnée, l’a empêché de jouer ce rôle de contrepoids politique à l’islamisme et au pouvoir militaire. Hocine Aït Ahmed, en rentrant à Alger le 15 décembre 1989, il est reçu à l’aéroport en héros national par des milliers de personnes. Il déclare à l’ENTV : «Je souhaite que le processus démocratique se redresse et s’amplifie jusqu’à ce qu’il atteigne un point de non-retour.» Mais ...