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10 septembre 2016 6 10 /09 /septembre /2016 19:55
Point de vue de Hocine Mellah sur la parenthèse démocratique en Algérie.

Par Hocine Mellah. Le 10 septembre 2016

L'ouverture, si ouverture il y’a, s'est faite sous une conjoncture belliqueuse voulue par les adversaires de Chadli durant l'été 1988. En guise de réponse, le président, dans un discours incendiaire, déclarait le 19 Septembre 88: «(…) Nous ne sommes pas aujourd’hui pessimistes quant à la situation, mais je rappelle qu’il existe certains éléments dans l’appareil qui entretiennent le doute. Que celui qui est incapable d’accomplir son devoir ait le courage de reconnaître son incapacité, car nul n’est indispensable. Que certains rejoignent l’autre bord et lancent leurs critiques cela me parait acceptable, mais nous n’accepterons jamais que l’individu demeure au sein de l’appareil tout en semant le doute».

Chadli semblait, ainsi, avoir sous la main, les gardiens du temple qui attendaient avec véhémence les assises du VIè Congrès du Parti FLN pour proposer la candidature de Ahmed Taleb El-Ibrahimi à la magistrature suprême et contrer, ainsi, définitivement les manœuvres des partisans de changements structurels dans les modes de gestion et de gouvernance établis depuis des lustres.

Mais tout ce spectacle est ainsi monté pour sauvegarder les intérêts des uns et des autres. De toute évidence, il y’a lieu de retenir que le Président n'avait fait que réagir à une véritable campagne de déstabilisation venant de l'intérieur même du régime et qui l'avait ciblé y compris dans sa famille. Le chef de l'Etat ne franchit, cependant, pas le pas pour désigner nommément ses opposants.

Des observateurs de l'époque estiment que le lien était direct entre les propos du chef de l'Etat et les événements du 5 Octobre 1988. Mouloud Hamrouche et Ghazi Hidouci, très proches du président, à l'époque respectivement secrétaire général de la présidence de la République et ministre de l'Economie, suggèrent une révision de la constitution, le 23 février 1989, avec un semblant d'ouverture démocratique qui autorisait l'existence des associations à caractères politiques (ACP) définies à l'époque par des tendances au sein du parti du FLN. Sachant qu'il n'existe pas de dictature qui ose s'afficher comme telle.

Au contraire, en s'enrichissant d'un nouveau vocabulaire, la plupart des régimes autoritaires affirment qu'ils sont démocratiques et détiennent leur pouvoir de la souveraineté populaire. Ainsi est née l'entreprise qui consiste à capter les concepts démocratiques, à les pervertir, puis à les revendiquer en jetant ainsi le trouble dans l'esprit des opinions publiques.

En réalité il s'agissait de modifier le rapport de forces en affaiblissant le FLN tout en renforçant les pouvoirs du Président qui estimait qu'il n'avait pas les coudées assez franches pour appliquer sa politique. Les Algériens avaient cru à une véritable ouverture démocratique puisqu'ils avaient le droit de s'organiser librement en créant des "partis" politiques, un climat favorable à un mouvement associatif florissant, des journalistes libérés du service de l'Etat avec des primes conséquentes et l'autorisation de créer de nouveaux journaux et l'armée avait quitté le FLN pour rejoindre les casernes.

La dérive de ces réformes furent la légalisation du FIS, parti islamiste intégré dans un paysage politique. Mais cette légalisation répondait, en d'autres termes, à la légalisation, par des laboratoires du pouvoir, d'un parti culturel que fut le RCD. Pourtant la loi sur les associations à caractères politiques interdisait la tendance religieuse, culturelle et régionale d'un "parti". Mais au-delà des conditions formelles, les partis sont aussi l’expression d’une culture politique et surtout de clivages qui divisent la société. Si le FIS s’est imposé en Algérie, c’est parce qu’il est apparu comme la formation qui critique vigoureusement le personnel dirigeant rejeté par la majorité de la population. L’impopularité du régime a nourri la popularité du FIS dont le discours était plus moral que politique, ce qui correspondait à la culture politique ambiante.

Critiquer le pouvoir réel de la hiérarchie militaire ou évoquer son instrument, la Sécurité militaire, c’est s’exposer à l’exclusion de la scène politique. De là d’ailleurs découle le statut paradoxal de l’opposition. Un parti comme le MSP (Mouvement pour la société et la paix), et dans une mesure moindre le RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), se disait d’opposition alors qu’il participait au gouvernement.

À la veille des élections municipales de juin 1990, quelque soixante partis étaient déclarés. Pour fragmenter l’opposition, l’administration les encourageait et la presse leur ouvrait ses colonnes généreusement. Mais à l’issue des scrutins libres de juin 1990 et décembre 1991, seuls le FIS, le FLN, le FFS ont obtenu des sièges.

Le FFS s’est toujours opposé au régime illégitime à ses yeux depuis le coup de force de 1962. Il préconise la refondation des institutions sur la base d’une Assemblée constituante qui écrirait une nouvelle Constitution. Devenu légal en 1989, conformément à la loi, il a organisé des marches à Alger qui avaient attiré des dizaines de milliers de personnes, ce qui fait de lui le principal parti d’opposition non islamiste.

En janvier 1992, il a appelé à une grande marche à Alger qui a réuni plus d’un million de personnes sous le mot d’ordre « Ni État policier, ni État intégriste ». Avec la victoire électorale du FIS - qu’il avait acceptée- il comptait fédérer tous les courants ne se reconnaissant pas dans le projet islamiste pour proposer une alternative démocratique.

L’annulation des élections, qu’il a condamnée, l’a empêché de jouer ce rôle de contrepoids politique à l’islamisme et au pouvoir militaire. Hocine Aït Ahmed, en rentrant à Alger le 15 décembre 1989, il est reçu à l’aéroport en héros national par des milliers de personnes. Il déclare à l’ENTV : «Je souhaite que le processus démocratique se redresse et s’amplifie jusqu’à ce qu’il atteigne un point de non-retour.» Mais ...

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commentaires

M
Mosieur AIT BENALI, Bonjour,Saha aidek,<br /> <br /> “L’important pour un homme politique est de vivre assez vieux pour inspirer confiance, avoir eu le temps de se faire appeler, remercier, déboulonner puis panthéoniser... Après quoi on donne votre nom à une rue, ce qui n’est qu’une manière de vous y jeter.”<br /> <br /> Un dénominateur commun au semblant d'ouverture démocratique: d'abord la chute du prix du pétrole, véritable rente et pourvoyeur du maintien du régime, puis ce discours de Chadli qui visait cette "mafia politico-financière" qui ruinait et continue de ruiner notre pays. Une ouverture démocratique virtuelle en vue de restructurer le régime qui s'était donné l'occasion de muer pour mieux brider la société Algérienne. Malheureusement,la révolte d’octobre 88 a porté ces questions à travers l’irruption de la jeunesse dans la rue. Le pouvoir a riposté avec sa violence habituelle en semant la mort et en recourant à la torture, puis les réformes politiques et économiques initiées de l’intérieur du régime, combattues avec violence à l’intérieur et à l’extérieur du régime n’ont pas permis d’éviter la guerre.<br /> Hocine AIT AHMED disait: Il serait léger de croire qu’il suffirait de dissoudre des institutions ou des partis pour que sortent de leurs décombres d’autres institutions et d’autres partis tous prêts pour un usage démocratique. La manipulation fut cette arme fatale utilisée par le régime pour dissuader le citoyen de l'esprit "démocratie". En effet après la légalisation du FIS et les péripéties d'une guerre civile qui ne dit pas son nom, le peuple Algérien avait horreur de la démocratie telle que présentée par ce régime. Pousser dans un retranchement à posture méfiante, le citoyen,par média interposée , n’y voyait , dans cette optique, pour chaque problème politique qu’une seule idée : « Il n’y a pas d’alternative » , aucun parti n'est crédible. Des années après, le même régime est là, l'Algérie se retrouve dans une position à équilibre instable car sa base de sustentation fut réduite par une dislocation sociale , un appauvrissement culturelle et une régression démocratique, qui se manifeste par des foyers de tensions au niveau régional. Cette tension permanente est due à l'absence de véritables partis politiques qui puissent canaliser et porter haut les revendications populaires. C'est, au final, l'échec de l' ouverture démocratique telle que voulue et dirigée par ce pouvoir.<br /> Comme de coutume, une autre déclaration de Hocine AIT AHMED: <br /> Face à nous, un pouvoir liberticide foncièrement opposé au pluralisme et aux Droits humains, qui ne tolère de partis que soumis ou sans ancrage social véritable.<br /> <br /> Autour de nous, la société se déstructure et se disloque de jour en jour. Les femmes et les hommes de ce pays ne savent plus, peut-être ne veulent plus et en tous cas ne peuvent plus, faire de la politique.<br /> <br /> Nous sommes porteurs d’alternatives politiques et sociales.
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A
Saha aidek, mr Mellah. Je suis toujours ravi de vous lire.
B
Il y a 25 ans, Chadli prononce un discours incendiaire<br /> <br /> Boubekeur Ait Benali, 18 septembre 2013<br /> <br /> À la fin du second mandat de Chadli Bendjedid en 1988, l'unanimité de façade, qui a prévalu jusque-là, s'est effritée. Un fait rare, pourrait-on dire, dans un système dictatorial. À vrai dire, c’est l'ampleur de la crise économique qui révèle les tares du système. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Chadli Bendjedid paraît dépassé par les événements. Ainsi, bien que les luttes intestines soient cantonnées, pendant longtemps, dans une sphère plus réservée, à l'approche du VIème congrès du FLN, prévu en décembre 1988, où Chadli, faut-il le dire, ne fait plus le consensus, les appétits s’aiguisent. Cela se traduit au sommet de l’État par une lutte ouverte. À en croire Akram Belkaid, l'été 1988 a été l'un des plus agités que le pouvoir algérien ait connu. En fait, profitant d'une chute du chef de l'État dans un exercice de ski nautique [ce qui n'est pas un sport accessible à tous les Algériens], les adversaires de Chadli –à vrai dire l'aile conservatrice du FLN –montent au créneau. Cela dit, en disant cela, il ne faudrait pas comprendre que l'autre clan veuille uniquement du bien pour l'Algérie. Car, la riposte du clan de Chadli va consister avant tout à sauver ses propres intérêts. « Que certains rejoignent l'autre bord et lancent leurs critiques, cela me paraît acceptable, mais nous n'accepterons jamais que l'individu demeure au sein de l'appareil tout en semant le doute, s'adresse Chadli à ses adversaires lors de son discours du 19 septembre 1988.<br /> <br /> Cependant, étant donné l'équilibre des forces au sein du pouvoir, la victoire d'un clan sur l'autre ne signifie pas pour autant la volonté d'impliquer le peuple algérien dans ses propres affaires. En gros, et cette politique est hélas de vigueur jusqu'à nos jours, si l'Algérie est en bonne santé financière, ce sont les dirigeants qui se gavent et si les finances –comme c'est le cas au milieu des années 1980 –sont mauvaises, c'est au peuple algérien de payer les pots cassés. De toute façon, depuis la chute des recettes, tirées essentiellement de la vente des hydrocarbures, seul le peuple subit les conditions draconiennes de restriction. Est-ce que les apparatchiks du régime font leurs courses dans les mêmes Souk-El-Fellah que fréquentent les Algériens ? La réponse est évidemment non. Pire encore, certains d'entre eux s’adonnent au trafic, comme le rappelle Patrick Eveno, correspondant du journal Le Monde en 1988. « Les hydrocarbures représentant 97% de la valeur des exportations, le retournement des cours du pétrole a vu fondre de 40% les ventes de l'Algérie, à 9 milliards entre 1986 et 1989, obligeant le gouvernement à limiter les importations, ce qui entraîne des pénuries et favorise un marché noir très actif avec la France et les voisins du Maghreb », écrit-il. Quoi qu'il en soit, voulant se dédouaner, Chadli accuse le clan antagoniste, lors de son discours du 19 septembre, de soutenir en sous-main ce trafic. « Nous avons vu des chaines aux portes de Souk-El-Fellah pour l'acquisition de produits qui sont «écoulés aux frontières voisines, et cela se fait au détriment de l'économie nationale et payés en devises », dit-il.<br /> <br /> Cependant, la situation étant explosive, chaque clan rejette la responsabilité sur l'autre. Le scandale de la banque extérieure d'Algérie est du coup exploité par les adversaires de Chadli, car il implique son fils dans une affaire de détournement d'argent. De la même manière, en guise de toute réponse, les Algériens découvrent dans les colonnes de presses une liste de hauts responsables impliqués dans « le scandale de la distribution de terre agricoles ». Cela dit, malgré la réponse tout autant déstabilisatrice du clan Chadli, l'aile conservatrice du FLN s'emploie activement à vendre la candidature d'Ahmed Taleb Ibrahimi pour le prochain congrès du FLN. « Pour Mahamed Cherif Messaadia, premier responsable du FLN, c'était l'occasion pour faire part publiquement de son souhait d'un « homme fort dont a besoin l'Algérie » pour prendre la succession de Chadli au sommet de la magistrature suprême », écrit Mohamed Ghriss. En tout cas, au moment où ses adversaires croient à une issue en leur faveur, Chadli Bendjedid récupère, plutôt que prévu, de sa maladie et décide, grâce à l'appui des réformateurs, de passer à l'offensive.<br /> <br /> Pour que la riposte soit suffisamment capable de porter un coup de massue à l'aile conservatrice, le clan Chadli joue sur plusieurs fronts. « Dans le but de contrer l’aile adverse de leurs opposants apparatchiks, l’aile rivale parallèle misa sur le mécontentement populaire, discrètement suscité, à la réduction de poste de travail notamment dans le corps enseignant, en passant par certaines mesures contraignantes touchant les lycéens, …, pratiquement tout semble avoir été soigneusement mis en œuvre pour susciter la colère de la rue et discréditer, ainsi, les poids lourds inamovibles du système», souligne Mohamed Khodja, dans « les années de discorde ». Sur le plan de propagande, la mission échoit à deux têtes pensantes du régime, Ghazi Hidouci et Mouloud Hamrouche. Interrogé plusieurs années plus tard sur son rôle dans cette crise, Ghazi Hidouci donnera la réponse suivante : « Nous avons, comme c’était notre rôle, préparé un discours radical dans le fond et non dans la forme. Dans les conditions de crise économique et de décomposition des appareils politiques et administratifs de l’époque, nous proposions que le Président doive signifier aux protagonistes qui se démenaient pour partager le pouvoir après un nouveau congrès du FLN dans le gouvernement et l’armée qu’il refusait de négocier avec eux un nouvel équilibre au pouvoir parce que les démarches politiques, sociales et économiques sur lesquelles ils se positionnaient aboutissaient toutes à l’impasse. »<br /> <br /> La suite tout le monde la connait. Après le discours du 19 septembre 1988, le clan Chadli passe à la vitesse supérieure : la manipulation de la rue. Bien que le régime ne s’attende pas à ce que les événements aient une telle ampleur, il n’en reste pas moins que ce discours va permettre au clan Chadli de se débarrasser de leurs rivaux. Mais, à quel prix ? De toute façon, bien que la victoire des réformateurs soit incontestable, le fossé entre les Algériens et le régime ne cesse de s’agrandir. À deux reprises, en juin 1990 et en décembre 1991, les Algériens vont voter pour le parti extrémiste, le FIS en l’occurrence, en vue de se débarrasser du régime. Ramenant toutes les crises à leur expression sécuritaire, ce choix ne reste pas non plus impuni. Comme pour les 500 victimes d’octobre 1988, où aucun dirigeant n’est jugé responsable de l’effusion de sang, le régime s’autoamnistie. Car la mission du régime algérien consiste à faire de la vie des Algériens un cauchemar.
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  • Il est du devoir de chaque citoyen de s’intéresser à ce qui se passe dans son pays. C'est ce que je fais modestement.
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