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Il y a 53 ans, un groupe de patriotes, à leur tête le chef charismatique, Hocine Aït Ahmed, crée le FFS (front des forces socialistes). Contrairement à une version médisante, colportée notamment par les adversaires du FFS, ce dernier est d’essence non violente. Pour ses fondateurs, la mission du parti consiste à créer une dynamique politique, seul rempart contre la dictature. Et s’il devait y avoir l’emploi de la force, celle-ci serait dans une logique défensive.
Mais, avant de revenir sur cette période cruciale, un rappel historique est requis. Bien que la révolution soit dirigée d’une main de fer par le fameux groupe « 3B », il n’y avait rien qui présageait une tournure dictatoriale de l’Algérie indépendante. Car, la principale raison qui a poussé les chefs de l’insurrection à prendre les armes le 1er novembre 1954, c’était justement la mise à mort du système de sujétion colonial.
Hélas, vers la fin de la guerre, les appétits –pour la prise du pouvoir –s’aiguisent. Oubliant les sacrifices et les souffrances du peuple algérien, un groupe d’officiers –stationnés aux frontières tunisienne et marocaine –décide de se substituer à la volonté populaire.
Cependant, n’ayant aucun ancrage dans la société, les planificateurs de la dictature cherchent au préalable une couverture. Pour ce faire, « Boumediene a envoyé Bouteflika recruter un historique. Ils voulaient d’abord convaincre Boudiaf de les rejoindre…Il a été très dur à l’égard de l’État-major. Donc out… Le nom de Boudiaf est éliminé. En ce qui me concerne, il n’était pas question de m’en parler, ils connaissaient déjà mon point de vue idéologique. Ils se sont rabattus sur Ben Bella », relate le chef historique, Hocine Aït Ahmed, le plan machiavélique du groupe d’Oujda.
Cela dit, malgré le plan diabolique se profilant à l’horizon, les hommes de bonne volonté ne cessent d’appeler à la raison. Ainsi, profitant d’un séjour au Caire, fin mars début avril 1962, Hocine Aït Ahmed sollicite l’entremise de Jamal Abdenasser. « Si jamais cette crise atteint l’Algérie –pour le moment, il atteint l’organisation extérieure –, vous ne seriez pas gagnant, Ben Bella aussi, personne ne sera gagnant. Ce sera l’atomisation. S’il vous plait, faites quelque chose… », demande-t-il au chef d’État égyptien.
Hélas, la course au pouvoir relègue toutes les autres questions au second plan. Foulant au sol les principes de la révolution algérienne, le duo Ben Bella-Boumediene impose au peuple algérien un bureau politique (BP) illégitime à tous points de vue. Du côté des opposants, la dénonciation du coup de force ne se fait pas attendre. Le groupe de Tizi Ouzou, regroupant les amis de Krim et de Boudiaf, condamne sévèrement la proclamation du BP, proclamé à Tlemcen le 22 juillet 1962.
Dans la foulée, deux figures de la révolution, Sâad Dahlab et Hocine Aït Ahmed, réagissent individuellement. Si pour le premier, il s’agit du retrait de la vie politique, le second prend l’opinion à témoin en annonçant sa démission de tous les organismes dirigeants de la révolution algérienne. Sa préoccupation est la remise des rênes du pouvoir au peuple algérien. « Elle (sa démission) répond au consensus populaire, au désir profond du peuple qui rend responsable tous les dirigeants, sans exception, de la situation actuelle et qui voudrait les voir tous s’en aller », déclare-t-il dans la conférence du 27 juillet 1962.
Cependant, après une longue nuit coloniale et une guerre qui a saigné la société, les figures de proue du nationalisme algérien acceptent de donner la chance à la paix en acceptant de jouer le rôle législatif. C’est à ce titre que les emblématiques opposants au duo Ben Bella-Boumediene intègrent l’Assemblée nationale constituante (ANC), le 20 septembre 1962, dont la durée est de 12 mois. Sa mission : doter le pays de la constitution.
Malheureusement, bien que la majorité de l’ANC soit dévouée au pouvoir en place, Ben Bella fait écrire une constitution par des cadres du parti. Rédigée dans une salle de cinéma (actuelle salle Atlas), le pseudo texte fondamentale est rejeté par les grandes figures de la révolution, à l’instar de Ferhat Abbas, Hocine Ait Ahmed, etc.
Ainsi, dans l’impossibilité de mener le combat politique à l’intérieur des institutions, les opposants au régime totalitaire songent désormais à le faire en dehors des structures. Deux voies s’affrontent alors. Celle de Krim, Ali Yahia, Mohand Oulhadj, qui consiste à renverser le régime par les armes et celle de Hocine Ait Ahmed qui prône une opposition pacifique et élargie à toutes les régions du pays.
Avec son esprit de persuasion, Hocine Ait Ahmed parvient à fédérer la majorité ou peu s’en faut des militants au sein du FFS. Créé le 29 septembre 1963, ce mouvement politique a pour seul objectif de redonner la parole au peuple. Hélas, dans le contexte des années 1960, les régimes dictatoriaux n’acceptent pas le débat. Et pour cause ! A peine la proclamation du FFS est rendue publique, la réaction du régime tombe tel un couperet. Le 3 octobre 1963, Ben Bella s’octroie les pleins pouvoirs et déclare par la même occasion la guerre au FFS.
Encore une fois, contrairement à ceux qui incombent la responsabilité du drame au FFS, dans le fond, c’est le régime qui a lancé les hostilités en réponse à la création du parti. Dans ces conditions, l’épreuve de force –bien qu’elle ne soit pas favorable au FFS, car à peine un mois et demi après sa fondation, les ténors (Mohand Oulhadj, Ali Yahia) rejoignent le régime avec armes et bagages –devient inéluctable. Justifiant la poursuite du combat, Hocine Aït Ahmed déclare : « aujourd’hui que nous avons atteint un seuil à partir duquel ou c’est la fascisation, c’est-à-dire la mort, la misère morale pour notre peuple, .., ou bien la résurrection de notre révolution. » Et c’est tout le sens du combat du FFS.
Aït Benali Boubekeur