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8 août 2016 1 08 /08 /août /2016 10:18
MESSAGE DE HOCINE AIT-AHMED À LA CELEBRATION DU CONGRES DE LA SOUMMAM 20 août 2003

Aux femmes et aux hommes libres rassemblés pour l'Algérie,
Essalams âlaykoum wa rahmat Allah wa barakatou !
Ayen iw nuznegh : di durar isirmen ara-d yezden garawen tagmats n'tmeddit du laqrar ad soukesen tafat di Tlam Utelhis .
De toute évidence le Congrès de la Soummam, comme tout ce qui est grandiose transcende la conjoncture historique qui l'a vu naître pour devenir un événement d'une portée nationale et internationale INCOMPARABLE.
Autant dire que la solennité qui nous réunit aujourd'hui n'est pas une simple commémoration ; cela d'ailleurs n'a jamais été le cas depuis près d'un demi-siècle (20 août 1956 ­20 août 2003).
En effet, chaque année, des Algériens et Algériennes en provenance de diverses régions du pays viennent à Ighzer Amoqrane communier dans l'hommage aux décisions historiques de leurs aînés. Ils doivent sans doute obéir à certaines exigences morales et politiques :
Préserver en premier lieu ce qu'il y a de plus vrai de plus positif et de plus fondamental dans une culture politique qui a quand même - cahin caha - réussi à conduire vers la victoire la lutte de notre peuple pour recouvrer son droit à l'auto-determination et à l'indépendance .
Témoigner en deuxième lieu des idéaux démocratiques et du principe de " la primauté du politique sur le militaire " proclamés par le Congrès de la Soummam . Et ce , quelque soient l'avenir de leur témoignage ainsi que sa portée sur la société ; certes celle-ci n'avait pas oublié les promesses "d'une république démocratique et sociale " , proclamée le PREMIER NOVEMBRE 1954 ; sauf , ne l'oublions pas , qu'elle venait de passer ,-quasiment sans transition -, d'une domination coloniale à un système d'oppression d'autant plus redoutable qu'il n'est pas d'origine étrangère et qu'au surplus ,il se prévaut d'une légitimité et d'un patriotisme pris en otage par la " famille révolutionnaire " .
Recueillir dans cette vallée historique les enseignements emmagasinés dans les archives de la mémoire collective , en vue de les faire passer aux vagues montantes de notre jeunesse. Car cet énorme capital de reflexes politiques et d'expériences fussent elles précieuses ou atroces à l'exemple des exécutions dans les maquis , sans procès mais sous torture de centaines de jeunes lycéens patriotes " donnés " comme des traitres par les services de l'armée coloniale ; un patrimoine qui continue à se transmettre oralement mais qui ne s'écrit pas risquait de disparaître à la longue et d'occasionner ainsi une brisure irréparable entre les générations .
Chers compatriotes ,
Si cette fracture entre les jeunes générations de l'Algérie profonde n'a pas eu lieu , ce n'est pas faute pour le cabinet noir de n'avoir pas fait de la prédation politique une véritable stratégie destinée à pérenniser sa main mise sur le pays sur ses richesses et sur le destin d'une nation au passé glorieux . La confiscation , l'instrumentalisation la falsification et la manipulation de la mémoire historique illustrent clairement le caractère délibéré , planifié et totalitaire d'une volonté éradicatrice de toute forme de lutte politique non violente et de toute avancée démocratique .
Pour notre jeunesse , c'est une arrogance insupportable de se voir dépossédée de son passé et des significations qu'elle lui accordait .La traque organisée de la vérité , l'effacement des traces qui rappellent l'extra-ordinaire mobilisation des femmes et des hommes libres de tous âges .Cet invraisemblable détournement de sens du combat libérateur , refuge ultime de la mémoire et de l'identité nationales s'est aussi effectué en plein jour et à ciel ouvert . Y compris dans la frénésie des commémorations patriotiques présidées par des démagogues rentiers de leur passé .
Oui ! la dictature a mené pendant près de quarante ans une politique de déculturation , de dépolitisation voire de destabilisation mentale des Algériennes et des Algériens afin de rendre impossible toute pensée et toute action logiques . Par contre elle a donné toutes ses chances à l'inculture politique , à la culture du mensonge de la manipulation et de la violence .Certains cercles du pouvoir s'évertuent encore à rendre irréversible la politique de la kalashnikov et des dobermans .
Chers amis ,
Qu'a-t-on fait de notre pays , de notre société ,de notre jeunessse ?
Je ne vous apprend rien . Vous qui vivez chaque jour les épisodes dramatiques et burlesques d'une hallucinante deliquescence dans tous les domaines . Je n'ai pas le moindre doute que votre reflexion et vos analyses ,à Ighzer Amoqran , n'attribueront pas à la fatalité ou à je ne sais quelle malédiction les malheurs , l'extrême detresse sociale , jusqu'à la réapparition de la peste dans notre pays , un fléau pourtant éradiqué . dans le monde depuis de siècles. Le règne d'un nihilisme destructeur voilà l'une des racines du mal qui vouent l'Algérie au chaos à la division et à l'auto-destruction.. Pourtant les " amis " et les partenaires de l'Algérie continuent à faire confiance à la peste brune pour éradiquer la peste noire .
Jamais notre pays n'a connu une impasse aussi désespérante . Les clans du pouvoir se donnent honteusement en spectacle , pour imposer un candidat aux présidentielles . Ainsi la seule issue pour une guerre qui dévore les Algériens et dévaste l'Algérie serait le choix d'une perruque à un semblant d'" Etat" .
Etrange attirance du vide d'Etat, où une société en plein désarroi retourne à ce qui l'a fondé et uni le 20 août 1956. Faire revivre le congrès de la Soummam c'est ouvrir la voie à l'espoir et redonner à la nation algérienne confiance en elle-même. Le miracle qui a pu s'accomplir en pleine guerre de reconquête coloniale est, aujourd'hui, à la portée des Algériens et Algériennes. Deux hommes, Ben M'hidi Larbi et Abbane Ramdane ont réussi les premières assises de la " révolution" , parce qu'ils ont su réussir la préparation de ces assises.
C'était une entreprise de titans pour qui se rappelle les querelles de personnes , les problèmes entre willayas et les rivalités qui opposaient les dirigeants des différentes formations politiques invitées à ce congrès. Cet anniversaire est là pour nous rappeler que notre nation a vécu de grandes choses dans son histoire. Elle est montée si haut dans l'affection et l'estime des peuples et des hommes libres du Monde en Tiers. Pourquoi est-il descendu si bas ? probablement aussi parce que la diplomatie totalitaire a réussi à tromper ces derniers et à les retourner contre les aspirations profondes de cette nation, au nom de la lutte contre le terrorisme intégriste.
Une chose est sûre : quoiqu'on fasse pour brouiller les cartes, jusqu'à oser comparer " une plate-forme cocotte-minute au Congrès de la Soummam, celui-ci est un des évènements qui se sont inscrits profondément dans l'identité de notre pays.
Il convient de préciser, que ce congrès n'est pas né de nulle part , ex-nihilo, son mérite majeur est d'avoir réhabilité la nature politique et contractuelle de notre combat national depuis des décennies.
Le congrès de la Soummam appartiendrait-il, pour autant à l'histoire ancienne.? Bien au contraire, son défi exemplaire à la fatalité s'impose plus que jamais au présent puisqu'il peut constituer l'une des clefs pour un avenir de justice de liberté et de réconciliation.
Je ne saurai assez répéter que la négation au peuple algérien de son droit à l'auto -détermination est l'élément fondateur non pas d'une république démocratique et sociale mais au contraire d'un simulacre de république où il n'y a quasiment rien de public.
La fondation de la deuxième république apparaît ainsi comme l'unique perspective de sortie de crise ; j'ajouterai que cette initiative révolutionnaire -au sens qualitatif de terme ­est loin d'être une utopie, pour peu que ceux qui détiennent la réalité du pouvoir accepte de renoncer aux fausses solutions notamment à la perversion du suffrage universel. La seule manière de se réconcilier avec ce principe électoral sans lequel il n'y aurait pas eu de civilisation est de restituer aux Algériens individuellement et collectivement les libertés et les droits qui leur permettent d'élire en toute souveraineté une Assemblée Nationale Constituante.
Seule une constitution peut permettre l'établissement de l'Etat de droit. Faute de quoi l'exercice de la puissance publique continuerait à être illégitime, la justice continuerait à ne pas être indépendante équitable et unanimement respectée, et la loi devant commencer à s'appliquer à tous les citoyens sans exception, ne sera pas le lieu géométrique d'une alternative démocratique.
La balle est aussi et surtout dans le camp des vrais démocrates et de la société civile.
Refusez le refus du pouvoir d'une solution globale politique et pacifique est un préalable qui interpelle la responsabilité de chaque Algérien et Algérienne.
Que revivent les Algériens en citoyens et citoyennes à part entière libres heureux et fraternels.

Hocine Ait-Ahmed

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commentaires

M
Autre détail parmi tant d'autres, révélé par ce grand politicien et visionnaire qu'était Hocine AIT AHMED sur ce congrès de la soummam . Ne pouvant et n'ayant d'autres éléments d'analyses sur les déclarations de ce grand Monsieur, alors , nous ne pouvant que rapporter ses déclaration, c'est ainsi que dans un entretien réalisé en novembre 2002 par K.Selim dans un contexte de vives polémiques en Algérie avec des accusations, choquantes, de trahison, Hocine Aït Ahmed, élève le débat. Un entretien passionnant qui clarifie les enjeux politiques et de mémoires pour les jeunes algériens. Et pour les moins jeunes aussi.<br /> Question: Que fut réellement le congrès de la Soummam, un renforcement de la révolution ou une déviation ?<br /> Hocine Aït Ahmed: Le fait de poser cette question près de quarante ans après la tenue de ce congrès me paraît sidérant. Autant soulever la même question sur le rôle du 1er Novembre 1954, au moment même où l'Algérie vient d'en célébrer le 40ème anniversaire. Soyons clairs : je ne me suis jamais considéré comme un "historique". J'en ai assez souvent martelé les raisons pour ne pas avoir à les ressasser aujourd'hui. Pas plus que je ne suis spécialiste d'étiologie, terme barbare pour dire philosophie politique. Je vous livre donc un témoignage plus existentiel que théorique. C'est vrai que les formations politiques ou religieuse, le PPA-MTLD, l'UDMA, le PCA, les Oulémas, s'étaient coupées des masses, tellement leurs stratégies "légalistes" leur paraissaient dérisoires et sans issue.<br /> <br /> Question:Pouvons-nous conclure que les dirigeants politiques de l'étape précédente avaient trahi ?<br /> Hocine Aït Ahmed: Pas d'anathèmes ! Accuser à tout bout de champ de trahison, c'est ce genre de retours destructifs au passé qu'il faut éviter. Il y a des mots qui tuent, surtout dans un pays où la vie et l'opinion des gens continuent de perdre de leurs valeurs.<br /> Le sens de la responsabilité doit inciter à la sérénité et à la prudence quand il s'agit de porter des jugements d'ordre politique. Sauf à ravaler ses propres agressions verbales, lorsque les formations en question deviendront parties prenantes à ces premières assises constitutives du FLN.<br /> Certes, les insuffisances militaires du déclenchement de "La Révolution" s'expliquaient par les improvisations qui ont présidé à son organisation. En prenant, en 1951, la décision de dissoudre l'OS, de démanteler son dispositif et son encadrement, les dirigeants du PPA-MTLD avaient commis une grave faute politique. <br /> Quand le gouverneur général Soustelle - jusqu'au-boutiste de l'Algérie française - prendra la mesure de remettre en liberté quelques dirigeants politiques algériens qui avaient été arrêtés, au lendemain de la Toussaint, son intention stratégique était d'engager les nationalistes modérés à remplir le vide politique afin de retarder ou de prévenir la généralisation de la dissidence armée.<br /> <br /> Question:Apparemment, il a été pris de court par Abane Ramdane !<br /> Hocine Aït Ahmed: Tout à fait. Dès son retour au pays, Abane Ramdane, qui venait de purger des années de prison dans le nord de la France, prit contact avec Ouamrane en Kabylie (Ndlr: responsable de la willaya 4, il se réfugia dans la willaya 3 après avoir dirigé des attaques armées dans la région de Blida pour s'informer).<br /> Ayant longtemps assumé des responsabilités, d'abord au sein de l'organisation clandestine du PPA, et ensuite à la tête de l'OS pour la région de Sétif, Ramdane était un véritable animal politique et un organisateur expérimenté. Sans perdre de temps, il se rendit alors au domicile de Rebbah Lakhdar, à Belcourt (Sidi M'hammed). Qui ne connaissait ce personnage hors du commun ? Certes, il était militant chevronné du PPA, mais il était respecté et aimé, y compris par les adversaires politiques, et ce n'est pas peu dire. Abane ne pouvait donc pas trouver un intermédiaire plus crédible. De but en blanc, il s'adressa en ces termes à Rebbah: "Je veux rencontrer toutes les personnalités qui comptent dans notre société".<br /> Pendant des semaines, il squatta l'appartement pour y recevoir ses nombreux interlocuteurs: dirigeants centralistes du PPA-MTLD, de l'UDMA, du PCA, des Oulémas, Aïssat Idir, le futur chef de l'UGTA, Moufdi Zakaria, l'éternel poète symbole d'un Mzab fidèle à lui-même et à l'Algérie, qui sera l'auteur de l'hymne national de notre pays. Au niveau politique et à la suite de multiples rencontres, Ramdane réussit à arracher aux délégués attitrés qu'ils procèdent à la dissolution de leurs formations politiques respectives et qu'à titre individuel, leurs militants s'intègrent dans le processus de création du FLN en vue de soutenir l'ALN dans tous les domaines.C'était une véritable gageure. OU, QUAND et COMMENT. Mission quasi-impossible ? Où se réunir en pleine guerre, mais dans des conditions de sécurité absolues ? ;Force est de constater que ce quasi-miracle s'est réalisé. Grâce à la réflexion et au savoir-faire du tandem Ben M'hidi Larbi-Abane Ramdane, aux officiers de l'ALN, à celles et ceux qui ont participé aux commissions préparatoires des assises de cet événement, et aussi à ce mur de vigilance patriotique des villageois qui étaient mobilisés par le sens de l'honneur, sans même savoir la nature de l'événement attendu. Les professions de foi ne sont pas définies seulement par des idéaux mais par la stratégie de mise en application. En effet, juger comme si les moyens ne sont pas partie intégrante d'un programme relève de l'ignorance délibérée ou de la dissimulation. Ce qui explique que le principe de la primauté du politique sur le militaire avait une portée et garde, jusqu'à nos jours, une validité incontestable.<br /> <br /> Question: Des historiques se sont opposés au congrès de la Soummam ?<br /> Hocine AIT AHMED:Quelques historiques se sont effectivement opposés au congrès de la Soummam. Un congrès antagoniste avait même été prévu, soutenu par Nasser et Bourguiba, qui avait notamment mis la "Garde nationale" à la disposition des tenants de la contestation.<br /> Une crise extrêmement plus grave que celle qui avait opposé Centralistes et Messalistes par congrès rivaux interposés. J'étais le seul à la prison de la Santé à reconnaître les décisions du congrès de la Soummam. Pour toutes les raisons indiquées, et surtout en raison du consensus national qui y fut esquissé et qui pouvait servir de support international à la constitution d'un gouvernement provisoire.<br /> Quant aux prolongements sur la situation actuelle, que dire sinon que l'Algérie n'en serait pas là, exsangue et dévastée, si Abane n'avait pas été assassiné par les siens et si Ben M'hidi n'avait pas été exécuté par les autres. En d'autres termes, si le principe du primat du politique sur le militaire avait été respecté.<br /> <br /> Question: Vous avez connu Abane Ramdane. Pouvez-vous nous parler de l'individu, de l'homme qu'il fut ?<br /> Hocine Ait Ahmed: J'ai connu Ramdane au cours de cet été 1945, le plus chaud et le plus surréaliste. Il venait de Châteaudun - Chelghoum Laïd - où il travaillait comme secrétaire dans l'administration. Il était profondément marqué, malgré sa froideur apparente, par les répressions et la chasse à "l'arabe" qu'il avait vécues de très près. Arrêté par la PRG, alors qu'il était le responsable de l'OS dans la région de Sétif, il n'avait pas fait le moindre aveu malgré toutes les formes de torture utilisées pour le faire parler.<br /> Combien de fois il fut transféré d'une prison à une autre, à force de faire des grèves de la faim ou d'inciter les droits communs à l'agitation ou à la violence. Pour se débarrasser de Abane, les services pénitenciers d'Algérie durent l'envoyer en relégation dans le nord de la France. Quel tempérament !<br /> <br /> Question: Quels commentaires vous inspire notre rapport à l'histoire ?<br /> Hocine Ait Ahmed: Pour les Algériens informés, le 20 Août 1956 est inséparable du 1er Novembre 54. Et par-dessus les déclarations officielles, par-dessus les rituels aussi insipides qu'hypocrites, ces deux dates de notre passé suscitent chaque année un engouement de plus en plus réconfortant au sein de notre jeunesse et de ses élites locales et régionales.<br /> Ce ne sont pas les retours en arrière, à la recherche nostalgique de faits glorieux, qui les intéressent. Ils attendent de l'histoire, en tant que discipline, qu'elle leur livre des leçons et des enseignements. Leur rêve est de participer pleinement et efficacement à l'histoire comme dynamique populaire qui se construit dans les luttes quotidiennes pour une vie de liberté, de dignité et de justice pour tous et toutes.
A
En effet, pour avoir lu cette interview, le visionnaire Hocine Ait Ahmed a apporté un témoignage clé sur le congrès de la Soummam. Apres les moult polémiques, il a remis à leur place les détracteurs du congrès.Merci, Mr Mellah, pour ce rappel

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