16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 21:33
Le vingtième anniversaire de la rencontre de Sant Egidio.

Il y a vingt ans, à l’initiative du FFS, les principaux acteurs politiques de l’opposition se sont réunis, du 8 au 13 janvier 1995, à Rome. À la fin de la rencontre, ils ont élaboré un document consensuel, connu sous le nom « la plateforme de Sant Egidio », pouvant mettre fin à la crise politique consécutive, rappelons-nous, au coup d’État du 11 janvier 1992. Racontant plus tard cet épisode, Hocine Ait Ahmed dira : « J’ai rencontré d’abord Mehri. J’étais stupéfié du fait qu’il accepte un dialogue à l’étranger. » Dans la foulée, il contacte Anwar Haddam, réfugié aux USA. Bien que ce dernier veuille poser le problème en termes militaires, en invoquant notamment l’existence d’une armée liée au FIS, Hocine Ait Ahmed le refroidit en disant que la démarche en question vise à trouver la solution à la crise politique plombant le pays depuis trois ans.

Cependant, pour mieux cerner la genèse de la tragédie, il faudrait rappeler, ne serait-ce que de façon laconique, le contexte politique qui a généré la crise. En fait, après le départ du gouvernement réformateur, dirigé par Mouloud Hamorouche, le régime a repoussé les premières élections législatives libres de l’Algérie indépendante de six mois. Il semblerait que le rapprochement entre Hocine Ait Ahmed et les réformateurs du FLN, à leur tête le duo Mehri-Hamrouche, ait été à l’origine de ce coup de force. Cela dit, bien que le nouveau découpage électoral, ficelé par Sid Ahmed Ghezali, qui se définira plus tard comme « le harki du système », soit conçu pour favoriser les candidats du système –la multiplication des candidatures libres étaie cette thèse –, le 26 décembre 1991, les Algériens infligent une sévère défaite au régime.

Prévu pour le 16 janvier 1992 le second tour n’aura jamais lieu. Dans la foulée, l’armée dépose le chef de l’État, Chadli Benjedid. Elle crée ensuite un haut comité d’État (HCE) –son essence elle-même constitue un coup de force dans la mesure où l’organe qui le crée, en l’occurrence le haut conseil de sécurité (HCS) n’est qu’un organe consultatif –en vue de le supplanter. Sollicité pour en prendre la tête, Hocine Ait Ahmed décline poliment l’offre. Toutefois, concomitamment à ce refus, le président du FFS ne reste pas bras croisés. En fait, tout en condamnant le coup d’État, il s’adresse aux militants du FIS pour qu’ils ne recourent pas à la violence. Hélas, la frange la plus radicale du FIS –surtout celle qui n’a jamais œuvré pour la sauvegarde du processus démocratique –se lance dans l’aventure. Par ailleurs, d’essence violente, le régime algérien saisit la balle au bond en fermant la parenthèse démocratique. Il s’en suit alors en Algérie une période de violence où l’horreur devient le lot quotidien des Algériens.

Cependant, si pour le régime et ses acolytes la seule solution réside dans l’emploi sans vergogne de la violence, il n’en est pas de même des partisans de la solution politique. En tout cas, c’est dans ce contexte que la rencontre de Rome est organisée. Cette plateforme, pour les rédacteurs de la plateforme, n’est pas de nature à imposer quoi que ce soit. Au contraire, ils invitent les autorités algériennes à engager un débat sans exclusive sur les questions qui concernent l’avenir du pays. Leur seule préoccupation est de parvenir à réunir tous les acteurs politiques autour d’une même table. À ceux qui accusent le FFS de renier ses valeurs, la conférence actuelle sur le consensus national s’inscrit dans la même ligne politique du parti.

Pour revenir à la rencontre de Rome, les participants inscrivent les principes de non-violence comme une base sur laquelle doivent être bâties les institutions nationales. En effet, bien que la tentation de se pérenniser au pouvoir puisse attiser les convoitises, ils rejettent formellement l’emploi de la violence pour accéder au pouvoir ou pour s’y maintenir. En outre, dans le souci d’éloigner le spectre de la dictature, dont l’Algérie a payé depuis 1962 un lourd tribut, il est question de consacrer le principe de l’alternance au pouvoir. « Les instituions librement élues ne peuvent être remises en cause que par la volonté populaire », énoncent-ils dans le point 6 de la partie relative aux « valeurs et principes ».

De la même manière, les invités de la communauté de Sant Egidio n’omettent rien qui puisse déboucher sur la confiscation du pouvoir. S’inspirant des grandes démocraties occidentales, ils préconisent la séparation des pouvoirs. Pour eux, il faut qu’il y ait une indépendance entre le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Pour couronner le tout, les rédacteurs de la plateforme précisent également le rôle de l’armée. En effet, pour que l’Algérie soit apaisée, il faudrait que l’armée se limité « à se attributions constitutionnelles de sauvegarde de l’unité et de l’indivisibilité du territoire national ».

Hélas, pour discréditer cette démarche, le régime mobilise ses alliés éradicateurs et une presse obéissant facilement aux injonctions. D’emblée, le régime fixe la ligne pouvant se résumer comme suit : le rejet dans le fond et dans la forme de la plateforme de Sant Egidio. Or, en 1997, soit deux ans après la rencontre de Rome, le régime conclut un accord avec la branche militaire du parti islamiste. Comme quoi, le régime n’est pas contre la conclusion des accords avec les islamistes à condition qu’ils ne soient pas politiques. Dans une vidéo circulant sur internet, on distingue le numéro 2 du DRS de l’époque, Smain Lamari, en discussion avec Madani Mezrag, chef de l’AIS (armée islamique du salut).

Mais en traitant directement avec les hommes du maquis, est-ce que le retour au calme est revenu dans l’immédiat ? La réponse est non. Car, le conflit étant politique, sa résolution ne peut être que politique. Or, le régime rapporte le conflit à sa seule dimension militaire. Et si le régime algérien avait accepté ce cadre de travail, proposé par les rédacteurs de la plateforme de Sant Egidio, l’Algérie aurait gagné un temps précieux pour s’occuper des problèmes plus importants, à l’instar du chômage, la répartition équitable des richesses nationales, etc. Mais, est-ce vraiment l’objectif du régime inamovible ? Malgré une conjoncture financière favorable lors des quinze dernières années, force est de reconnaitre qu’à la moindre baisse des prix des hydrocarbures le problème de la stabilité de l’Algérie se pose automatiquement. C’est pour cette raison in fine qu’une rencontre regroupant tous les acteurs politiques nationaux est nécessaire pour débattre et suggérer la voie à suivre.

Ait Benali Boubekeur

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