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À la suite des événements d’octobre 1988, l’ouverture démocratique, survenue certes au forceps, voit enfin le jour. Bien que le FFS ait une longue expérience derrière lui, il n’en reste pas moins que cette nouvelle ère lui permet d’œuvrer pour l’instauration de la démocratie en Algérie, sans être accusé d’atteinte à la souveraineté de l’État. Car, pendant la période du parti unique, toute revendication visant à émanciper le peuple algérien de la dictature était assimilée à un complot. Résultat des courses : le FFS a payé un lourd tribut. L’assassinat d’Ali Mecili, compagnon de lutte de Hocine Ait Ahmed, le 7 avril 1987, par les services secrets algériens, s’inscrivait dans cette logique de châtiment des opposants.
Quoi qu’il en soit, en dépit de la multiplication des coups d’estocades, le FFS a maintenu sa ligne politique. Cela dit, après 26 ans d’existence clandestine, le FFS peut enfin mener son action politique. Mettant son expérience au service de la cause démocratique, le FFS multiplie alors les initiatives. En outre, bénéficiant d’une aura particulière, les idées du FFS sont largement partagées. D’ailleurs, le retour au pays du leader du FFS, Hocine Ait Ahmed, le 15 décembre 1989, est accueilli avec enthousiasme par le peuple algérien. Partant, son discours transparent suscite un engouement et déclenche une véritable dynamique. À ceux qui lui prêtent une volonté de se venger, Ait Ahmed explique lors d’une conférence de presse à Paris, une semaine avant son retour en Algérie, que le FFS est un parti bâtisseur. « Je ne rentre pas à Alger le coteau entre les dents », répond-il. En un mot, cela veut dire que le FFS jouera amplement son rôle politique, mais il ne cédera pas sur les principes sue lesquels il s’est battu depuis sa création.
Cependant, étant donné la fin du monopole du parti unique sur la vie politique, les partis sont désormais appelés à solliciter le suffrage des électeurs. Doté d’une base solide, le FFS est prêt à se lancer dans la bataille électorale. Le 31 mai 1990, dans une manifestation populaire, le FFS rassemble près d’un million de personnes à Alger. Même le FIS et le FLN n’ont pas fait mieux. Malheureusement, le gouvernement opte pour un calendrier électoral où les priorités sont uniment inversées. Alors que le FFS préconise l’élection de l’Assemblée constituante, le pouvoir convoque, pour le 12 juin 1990, le corps électoral pour la tenue des élections locales. Justifiant le refus du FFS de participer à cette échéance électorale, Ait Ahmed argue le choix du parti au journal suisse « Le Matin » en affirmant: « Du dehors, on le perçoit peut-être ainsi, de façon négative, à l’intérieur, le boycottage est perçu comme radicalisation nouvelle. C’est le refus d’élections fausses, accompagné de la revendication d’un socle constitutionnel nouveau par l’élection d’une Assemblée constituante. » Bien évidemment, le temps a donné raison au FFS puisque ces élections ont été conçues dans le but de confier les collectivités locales, dépourvues bien entendu de moyens, afin de les discréditer.
Profitant du répit momentané qu’offre le calendrier après les élections locales, le FFS prépare sereinement ses assises. En fait, pour se doter des organismes dirigeants, le FFS déploie ses efforts, dès le début de l’année 1991, en vue de tenir son premier congrès national. Celui-ci a lieu du 13 au 16 mars 1991. Réclamant ouvertement la restitution du pouvoir au peuple, le FFS axe son travail pédagogique sur la nécessité de construire un État de droit. Dès 1991, les rédacteurs du rapport de synthèse des travaux du congrès mentionnent le risque de l’avortement du processus démocratique. « Les tentations totalitaires, les doctrines sécuritaires et les prétextes d’ordre public sont autant de tentatives vaines d’arrêter une évolution inéluctable », concluent-ils.
Cependant, au slogan du parti « pour une Algérie libre et prospère », le pouvoir occulte manigance déjà en vue de revenir sur les acquis d’octobre 1988. La destitution de l’équipe réformatrice et le report des élections législatives prévues en juin 1991 corroborent cette thèse. Et si l’alliance du FFS avec les réformateurs (Mehri-Hamrouche) n’avait pas été sabotée, le résultat des élections législatives aurait donné naissance, selon les propres mots d’Ait Ahmed en 1998 (voir le film « Algérie 1988 :2000. Autopsie d’une tragédie »), à un gouvernement républicain et réformateur.
Quoi qu’il en soit, malgré les grenouillages du régime, le FFS croit en la volonté populaire. D’ailleurs, les résultats des élections législatives du 26 décembre 1991 ne lui donnent pas tort. En effet, à l’issu de ce scrutin, le FFS arrive en deuxième position avec 25 sièges, devant le FLN avec 16 sièges, mais derrière le FIS(188). En l’absence de culture politique, les résultats donnent lieu des interprétations et des surenchères fallacieuses. Bien que le FFS invoque le respect de la démocratie, le pouvoir occulte et ses relais s’agitent sans vergogne. En tout cas, renvoyant dos à dos les partisans de l’État policier et ceux de la République intégristes, le FFS estime que la partie n’est pas définitivement perdue. Il appelle alors au rassemblement de toutes les forces démocratiques et de toutes les voix qui sont restées silencieuses jusque-là. Le 2 janvier 1992, les Algériens répondent favorablement à son appel. Prenant la parole, Hocine Ait Ahmed rassérène les manifestants en déclarant que « l’espoir est toujours permis ».
Malheureusement, les manœuvres en vue de mettre un terme à l’expérience démocratique ont précédé cette formidable mobilisation de l’espoir. Le 11 janvier, le haut commandement militaire referme la parenthèse démocratique. Dès lors, le combat politique est relégué au second plan. Mais cela n’empêche pas le président du FFS de multiplier les initiatives en vue de sortir de cet engrenage infernal. Pour le FFS, le régime ne peut diriger à lui tout seul cette période cruciale. La solution adéquate, selon lui, réside dans la recherche d’un contrat national. Mais, pour le moment, seules les armes s’expriment. Pendant trois ans, les partisans du tout sécuritaire rejettent tout dialogue. Et quand ils invitent les partis, ces derniers ne sont là que pour écouter. Du coup, aux fausses solutions du régime, l’opposition algérienne, qui se réunit à Rome, dont le rôle de Hocine Ait Ahmed est communément salué, suggère une solution à la crise. Ainsi, dans la plateforme de Sant Egidio, il est prôné la renonciation à l’emploi de violence pour accéder au pouvoir ou pour s’y maintenir. Réunissant les courants politiques majoritaires en Algérie en 1991, cette plateforme, comme tout le monde le sait, est rejetée par le régime dans le fond et dans la forme.
Tournant le dos à l’opinion publique, le régime tente d’introniser le ministre de la Défense, Liamine Zeroual, à la tête de l’État. Le 15 novembre 1995, le candidat du régime est élu, dès le premier tour, à une majorité écrasante. Refusant de cautionner la mascarade électorale, où le résultat est connu d’avance, le FFS boycotte naturellement la joute. Cela dit, bien que le pouvoir s’entête dans sa démarche du tout sécuritaire, le FFS, par la voix de son président, ne se résigne pas. Au projet de la révision constitutionnelle proposé par le chef de l’État, Hocine Ait Ahmed lance « un appel pour la paix » en Algérie. Par ailleurs, malgré une campagne limite haineuse envers le FFS, le parti décide de participer aux élections législatives du 5 juin 1997 et locales du 23 octobre 1997. Sachant d’emblée que les jeux sont pipés, le FFS développe tout au long de la campagne électorale un discours politique axé sur la paix civile en Algérie. Hélas, au lieu de rétablir la confiance avec le peuple, le régime emprunte au gouverneur Naegelen en 1948 ses méthodes de fraude. Résultat des courses : la restitution des rênes du pouvoir au peuple est renvoyée aux calendes grecques.
De toute évidence, malgré les vicissitudes de la vie politique, le FFS suit de près l’évolution de la situation. En tout cas, à chaque fois qu’une conjoncture nécessite son intervention, il le fait sans fard ni acrimonie. Ainsi, lorsque le chef de l’État, Liamine Zeroual, décide d’écourter son mandat à l’automne 1998 en promettant au passage la consécration de l’alternance au pouvoir, Hocine Ait Ahmed décide de s’engager dans la bataille électorale. « Je n’hésiterais pas à me dresser contre toute tentative de détourner de son cours cette élection présidentielle », avertit-il, le 17 mars 1999, en cas de recours à la manipulation et aux pratiques anciennes. Trahissant à nouveau leur promesse, les dirigeants veulent plébisciter leur candidat, Abdelaziz Bouteflika. À la veille du scrutin, les six candidats se retirent de la course, laissant ainsi le candidat de l’armée seul en lice. Ne dégréant pas cet affront, le chef de l’État mal élu recourt au référendum le 16 septembre 1999 en vue d’acquérir la légitimité qui lui fait défaut.
Depuis cette date, le FFS ne participe qu’à des élections locales. En fait, un parti proche du peuple ne peut s’épanouir qu’au contact des citoyens. En 2002, le FFS boycotte les élections législatives, mais il participe aux élections locales du 10 octobre 2002. Toutefois, plaçant les intérêts de l’Algérie en général et de la Kabylie en particulier au dessus de tout calcul politique, le FFS refuse que la région tombe entre les mains des aventuriers. D’ailleurs, à l’instar des expériences passées, le temps va donner amplement raison au FFS dans la mesure où les délégués arrouch deviendront, notamment à l’occasion des élections locales anticipées de 2005, les alliés de l’administration. Quant aux élections présidentielles de 2004 et de 2009, le FFS n’y participe pas. Prônant un boycott actif, sa campagne de proximité est bien perçue par la population. En fait, hormis la clientèle du régime –elle grandit hélas d’année en année –, les Algériens, comme le prouvent les faibles taux de participation, boudent les urnes. Sautant tous les verrous, notamment la clause limitant le nombre de mandats présidentiels, le régime annihile par la même occasion toutes les chances d’alternance au pouvoir.
D’une façon plus globale, cela se traduit par le renforcement de l’État de non-droit. Bien que le FFS ne cesse de tirer la sonnette d’alarme, le régime, soutenu par les grandes chancelleries, obstrue toutes les voies de changement. En 2011, les lueurs d’espoir apparaissent enfin. Cela dit, bien que la crise politique algérienne ne soit pas si éloignée de celle des voisins maghrébins, dans une note magistrale du 18 mars 2011, Hocine Ait Ahmed recommande la vigilance. Adepte du changement pacifique, il fait une distinction entre les révoltes en cours. « Si les mobilisations populaires tunisiennes et égyptiennes nous rappellent dans leurs prémices « le printemps démocratique » (89-91), le scandaleux bain de sang déclenché par El Gueddafi rappelle quant à lui la furie éradicatrice des années 90 qui a déclenché –à l’intérieur et à l’extérieur des institutions –des Algériens contre d’autres Algériens durant toute une décennie », avertit-il. Pour le FFS, le changement doit émaner du peuple en recourant aux méthodes pacifiques. C’est ce que Hocine Ait Ahmed appelle « la voie algérienne vers la libération de la dictature ». De la même manière, bien qu’il ne croie pas à la tenue des élections propres, le FFS opte pour la participation tactique aux élections législatives du 10 mai 2012. À ceux qui jouent la mouche du coche, le FFS inscrit sa participation dans une « stratégie de construction pacifique de l’alternative démocratique à ce régime despotique, destructeur et corrompu ».
En somme, malgré une campagne virulente à son encontre, à l’intérieur comme à l’extérieur du parti, le FFS tient bon. En tout état de cause, quoi qu’en disent ses détracteurs, le FFS reste incontournable dans la vie politique algérienne. L’action des députés du FFS sur le terrain prouve, si besoin est, la bonne santé du parti et le respect des principes qui ont présidé à sa naissance. Enfin, malgré l’annonce du président, Hocine Ait Ahmed, de ne plus briguer la présidence du parti, son combat et sa sagesse seront toujours au cœur de l’action du FFS. Finalement, c’est dans ce contexte particulier, mais serein, que le FFS s’apprête à tenir les travaux de son cinquième congrès. Grâce à l’engouement des organisateurs, toutes les conditions semblent réunies pour faire de ce rendez-vous un événement historique à la hauteur de la stature de son président.
Vive l’Algérie,
Vive le FFS,
Langue vie à Hocine Ait Ahmed.